• il y a 3 mois
Marc Ferracci vient d'être nommé ministre délégué, en charge de l'Industrie.
Elu en 2022 députée la 6è circonscription des français de l'étranger (Suisse Lichtenstein), Marc Ferracci s'est d'abord fait connaître comme économiste, avant de devenir conseiller de plusieurs ministres. Il est aussi un ami très proche d'Emmanuel Macron, dont il a été le témoin de mariage.
Clément Méric vous propose de découvrir son parcours dans ce numéro inédit de la Politique et moi, enregistré trois jours avant l'annonce du nouveau gouvernement.

Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !

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Transcription
00:00Il s'est d'abord fait connaître comme économiste, puis conseiller de plusieurs ministres et enfin député.
00:05Marc Ferracci est un ami très proche d'Emmanuel Macron.
00:08Il vient d'être nommé ministre délégué chargé de l'industrie.
00:12Je vous propose de découvrir ce numéro inédit de La Politique est moi,
00:15puisqu'il a été enregistré trois jours à peine avant l'annonce du nouveau gouvernement.
00:19Bonjour Marc Ferracci. Bonjour.
00:31Alors vous êtes à l'origine de la toute première réforme qui a été adoptée sous le premier quinquennat d'Emmanuel Macron,
00:37la réforme du Code du Travail, les fameuses ordonnances Macron.
00:40Ces ordonnances, elles ont été critiquées à l'époque par un chef d'entreprise qui se revendique de gauche.
00:46Je vous propose d'écouter ce qu'il en disait, c'était au micro de nos collègues de France 3.
00:51Les ordonnances, je les regarde avec un œil forcément critique.
00:54Pourquoi ?
00:56Parce que je trouve que la première version est assez déséquilibrée.
01:00Quand vous avez trois organisations d'employeurs qui applaudissent
01:03et tous les syndicats peu ou prou qui critiquent,
01:06parfois sévèrement, parfois avec plus de nuances,
01:09vous vous dites que la flexibilité est sans doute au bout du chemin
01:12et que la sécurité pour les salariés l'est un peu moins.
01:15Alors ce chef d'entreprise, c'est votre père Pierre Ferracci
01:18qui a fondé un cabinet de conseil aux syndicats dans les comités d'entreprise.
01:23Quand il critique ces ordonnances, c'est un peu vous qui critique d'une certaine façon ?
01:28Il a son point de vue et vous savez que dans une famille,
01:31on peut se retrouver sur l'essentiel et avoir quelques points de divergence
01:34sur des sujets certes importants comme celui des ordonnances et du droit du travail.
01:39Ces ordonnances partaient d'un constat assez simple,
01:41c'est que le droit du travail est trop compliqué dans notre pays
01:44et qu'il faut que ce soit les acteurs de terrain,
01:46à la fois dans les entreprises et dans les branches,
01:48qui s'en saisissent et qui le produisent.
01:50Et on avait avec ces ordonnances l'idée de développer la négociation collective,
01:54de simplifier aussi pour les chefs d'entreprise,
01:57mais aussi pour les salariés, un certain nombre de procédures,
01:59et notamment les procédures de licenciement.
02:01Oui, mais là vous rentrez sur le débat de fond.
02:03Moi ce qui m'intéresse, c'est l'histoire de famille qu'il peut y avoir derrière
02:06parce qu'il se revendique de gauche, vous aussi,
02:09et là il vous reproche en quelque sorte d'avoir mis en place,
02:12d'avoir créé une réforme de droite, trop à droite.
02:14Vous savez, pour répondre à cette question, il faut justement aller sur le fond.
02:17Pourquoi ? Parce que les ordonnances, effectivement, ont été perçues
02:20comme une réforme qui pensait plutôt vers la droite,
02:22plutôt vers la flexibilisation.
02:24Mais à côté de cette réforme, en même temps, si je puis dire,
02:27on a fait d'autres choses.
02:29On a créé des outils nouveaux pour protéger les salariés,
02:31on a créé le compte personnel de formation,
02:34on a investi des sommes qui n'avaient jamais été investies
02:36dans la formation des chômeurs.
02:38On est allé dans la protection en même temps qu'on avait libéré
02:40un certain nombre d'initiatives.
02:42Moi, je suis très à l'aise avec ça.
02:44J'ai un point de divergence sur ce sujet,
02:47mais j'ai également participé à des réformes
02:50qui ont lutté contre la précarité,
02:52avec le fait qu'on pénalise les entreprises
02:55qui abusent des contrats courts, par exemple.
02:57Comment définiriez-vous la gauche dont vous vous revendiquez ?
03:02C'est une gauche qui a les pieds dans le réel,
03:06une gauche raisonnable,
03:08une gauche qui ne balaye pas sous le tapis
03:10des problématiques essentielles,
03:12comme la responsabilité budgétaire,
03:14la maîtrise des comptes publics,
03:16une gauche qui veut changer la vie des gens,
03:18mais sans se payer de mots
03:20et sans aller dans la démagogie.
03:22Si on revient à votre famille,
03:24votre père a milité au Parti communiste
03:26jusqu'au début des années 80,
03:28votre grand-père était une figure
03:30de la résistance communiste en Corse.
03:32Vous-même, le communisme, ça vous a jamais tenté ?
03:34Moi, j'ai eu, dans ma jeunesse,
03:36des amitiés et beaucoup de discussions politiques
03:41avec des gens qui appartenaient à la gauche
03:43et parfois au Parti communiste.
03:45Là, on voit votre grand-père à l'image.
03:47Tout à fait.
03:48Mais je n'ai jamais franchi le pas
03:50d'un engagement pour ce parti.
03:52D'ailleurs, je n'ai jamais franchi le pas
03:54d'un engagement au sens où je n'ai jamais été
03:56encarté dans un parti avant le Parti En Marche,
03:59qui est devenu le Parti Renaissance.
04:01Donc, non, j'ai trouvé ma voie assez vite.
04:03Cette voie, je l'ai trouvée
04:05en faisant des études, en discutant
04:07avec différentes personnes.
04:09Ces discussions m'ont plutôt ramené
04:11vers le champ de la social-démocratie,
04:13de cette gauche raisonnable que j'évoquais.
04:15Mais ça n'empêche pas
04:17que nous avions, avec mon grand-père,
04:19des discussions politiques,
04:21des discussions passionnées,
04:23et en réalité, on se retrouvait
04:25généralement sur l'essentiel,
04:27les valeurs de la République.
04:29Je suis très fier d'une chose,
04:31c'est que mon grand-père a eu l'honneur
04:33de voir son nom
04:35accolé à celui du lycée de Bonifacio,
04:37dont il est originaire en Corse,
04:39parce qu'il, vous l'avez dit,
04:41était un résistant.
04:43Et à l'occasion
04:45de cette cérémonie,
04:47eh bien, il y avait des gens
04:49d'horizons politiques très différents.
04:51Il y avait Fabien Roussel,
04:53le chef du Parti communiste français.
04:55Il y avait des gens de droite, des gens de gauche.
04:57Et au fond,
04:59ce que ça dit, c'est qu'on peut se retrouver
05:01collectivement, et j'ai toujours cherché à le faire
05:03dans mon environnement familial, sur l'essentiel,
05:05même quand je peux avoir des désaccords sur le fond.
05:07Vous êtes d'abord fait connaître
05:09en tant qu'économiste spécialiste
05:11du marché du travail, et puis
05:13est venu le temps de l'engagement en politique.
05:15Il est directement lié
05:17à un homme, Emmanuel Macron.
05:19On vous présente souvent
05:21comme son meilleur ami, au point
05:23que vous avez été témoin de vos mariages respectifs.
05:25Là,
05:27on vous voit en arrière-plan à l'occasion
05:29du mariage d'Emmanuel Macron avec Brigitte Macron,
05:31et lui-même
05:33était présent en tant que témoin à votre mariage.
05:35On voit l'image
05:37ici. Est-ce que cette amitié,
05:39elle a précédé la connexion politique ?
05:41Elles ont été simultanées.
05:43Simultanées parce qu'on s'est rencontrés
05:45quand on préparait tous les deux
05:47à Sciences Po des concours administratifs,
05:49et notamment le concours de l'ENA.
05:51Et à ce moment-là,
05:53les discussions amicales étaient indissociables
05:55des discussions politiques parce qu'on baignait
05:57dans cette ébullition
05:59d'idées, dans cette ébullition
06:01de savoir qui nous portait vers la science politique,
06:03qui nous portait vers la politique au sens large.
06:05Et donc, en réalité,
06:07on parlait de politique quasiment tout le temps.
06:09Et l'affinité amicale,
06:11elle s'est aussi construite avec une affinité politique,
06:13et c'est quelque chose
06:15dans lequel je me retrouvais. Je me retrouve
06:17d'ailleurs toujours en grande partie.
06:19On dit souvent qu'il est difficile d'entretenir
06:21des liens d'amitié en politique.
06:23En ce qui vous concerne, vous vous êtes mis au service
06:25d'Emmanuel Macron en 2017.
06:27Est-ce que ça a modifié la nature
06:29de votre relation ?
06:31Ça n'a pas modifié le fondement amical
06:33de la relation, mais forcément,
06:35parce que nos vies changent, la relation change.
06:37Moins de disponibilité, quand vous êtes
06:39candidat, puis président de la République,
06:41évidemment, vous n'avez
06:43pas autant de temps que vous en aviez
06:45pour vos amis, pour vos proches,
06:47mais on a continué, évidemment,
06:49à avoir une relation très forte.
06:51Parfois, une relation de travail, parce que moi-même,
06:53je suis investi dans l'action
06:55gouvernementale, après 2017,
06:57et nous avons toujours été,
06:59évidemment, en contact, à la fois
07:01pour des questions de fond,
07:03des questions liées à nos réformes...
07:05Vous gardez quand même l'ami, Emmanuel Macron ?
07:07Vous le tutoyez encore ?
07:09Bien sûr, oui, on se tutoie,
07:11et je pense qu'on a toujours
07:13autant d'affection l'un pour l'autre,
07:15mais il peut nous arriver aussi
07:17de ne pas être d'accord sur certains sujets,
07:19notamment des sujets de fond.
07:21C'est-à-dire que le pouvoir peut mettre à l'épreuve
07:23le lien d'amitié ?
07:25Non, je ne pense pas que le pouvoir
07:27mette à l'épreuve le lien d'amitié,
07:29mais la connexion et le compagnonnage politique,
07:31il n'est pas forcément éternel,
07:33parce qu'on a le droit de changer d'idée,
07:35et il y a peut-être, un jour,
07:37des sujets qui feront que,
07:39je prendrai des distances,
07:41ou on prendra des distances l'un avec l'autre
07:43sur le plan politique, en revanche, la relation amicale,
07:45je pense qu'elle restera.
07:47Vous avez inspiré plusieurs réformes,
07:49on a cité la réforme du code du travail,
07:51on a cité celle des bonus-malus sur les contrats-cours,
07:53il y a aussi eu l'assurance-chômage,
07:55la formation professionnelle, l'apprentissage.
07:57Finalement, être l'ami du président,
07:59c'est l'idéal pour un économiste,
08:01ça permet de mettre en pratique tout son travail
08:03de recherche théorique ?
08:05C'est vrai, avant de participer à toutes ces réformes,
08:07j'étais professeur d'université,
08:09je le suis toujours, d'ailleurs,
08:11et j'ai beaucoup travaillé sur ces sujets,
08:13travail, emploi, formation professionnelle,
08:15d'apprentissage, et j'avoue que c'est un privilège.
08:17C'est une sorte de laboratoire en conditions réelles ?
08:19C'est plus qu'un laboratoire,
08:21puisqu'on fait des réformes à l'échelle du pays,
08:23on change l'avis des gens.
08:25Parfois, on a besoin d'amender les choses,
08:27parce qu'on ne fait pas tout bien
08:29dès le départ, mais c'est un véritable privilège
08:31parce qu'on a toujours cette frustration
08:33quand on est un universitaire,
08:35je l'ai été pendant des années,
08:37d'être simplement
08:39un conseiller du prince,
08:41d'être simplement dans la préconisation
08:43et pas dans l'action.
08:45J'ai eu la chance, et quelques-uns à l'avoir été,
08:47dans cette aventure politique,
08:49j'ai eu la chance d'être
08:51un universitaire qui a mis les mains dans le cambouis,
08:53qui a participé aux réformes,
08:55qui a pris aussi des coups,
08:57et moi, j'en suis très content,
08:59parce que c'est une expérience extraordinaire.
09:01Oui, mais justement, on reproche parfois
09:03aux universitaires d'être un peu hors-sol.
09:05Vous, vous vous êtes coltiné au réel,
09:07en préparant le programme économique
09:09d'Emmanuel Macron en 2017, en étant conseiller
09:11de Muriel Pénicaud ensuite,
09:13puis en devenant député.
09:15Vous êtes cogné au réel, parfois ?
09:17Ah, je m'y suis cogné, très clairement.
09:19Mais au point de réaliser
09:21que vous aviez peut-être fait...
09:23Pris la mauvaise direction ?
09:25C'est arrivé, c'est arrivé.
09:27Sur des sujets précis ?
09:29C'est arrivé qu'on se rend compte
09:31que des réformes n'ont pas atteint leur but.
09:33Par exemple ?
09:35Vous voyez, le compte personnel de formation,
09:37qui, je pense, est une fabuleuse réforme
09:39qui émancipe les gens,
09:41qui leur donne la possibilité
09:43de se former à leur propre initiative.
09:45C'est une réforme
09:47qui doit être
09:49amendée sur certains aspects,
09:51parce qu'elle coûte cher et parce que l'argent
09:53qu'on dépense pourrait peut-être être mieux utilisé ailleurs.
09:55La réforme de l'apprentissage,
09:57c'est une réforme formidable, mais qui réclame
09:59aussi des ajustements. Ce qu'on apprend, au fond,
10:01quand on se frappe le réel,
10:03on se cogne au réel, comme vous le disiez,
10:05c'est qu'il n'y a pas de jardin à la française.
10:07Quand on essaie de changer la vie des gens,
10:09quand on essaie de faire des réformes,
10:11de faire voter des lois, c'est rare
10:13qu'on tombe tout de suite sur la bonne solution.
10:15Vous dites ça et en même temps,
10:17il y a une critique qui remonte de la part de vos adversaires,
10:19c'est qu'ils vous jugent parfois trop dogmatique.
10:21Comment vous l'expliquez-vous ?
10:23Peut-être que j'ai un fond
10:25lié
10:27à mon passé
10:29et ma profession d'universitaire.
10:31J'aime bien transmettre,
10:33et parfois, il peut m'arriver, je le confesse,
10:35il peut m'arriver de transmettre
10:37peut-être trop de certitudes.
10:39J'ai quand même remis en question, je pense,
10:41beaucoup de mes certitudes depuis que je suis en politique.
10:43Je sais que
10:45la vie politique,
10:47ça n'est pas la vie universitaire,
10:49que ce qu'on met dans des rapports, dans des articles scientifiques,
10:51on ne le traduit pas forcément facilement
10:53dans la vie des gens avec des projets de loi
10:55et surtout de manière très concrète
10:57dans leur existence
10:59et dans leur quotidien.
11:01Je pense que c'est aussi ce que moi,
11:03je dis à mes collègues universitaires,
11:05c'est qu'il y a un peu de mensuitude
11:07pour les hommes et les femmes politiques
11:09parce qu'ils font un travail que, parfois,
11:11vous pouvez trouver un petit peu trop superficiel,
11:13sur le fond,
11:15mais qui, en réalité,
11:17est extrêmement difficile
11:19parce qu'écouter les gens,
11:21être dans cette forme
11:23d'empathie constante
11:25que nous devons à nos concitoyens,
11:27c'est quelque chose
11:29qui n'est pas à la portée de tout le monde.
11:31Tout le monde n'est pas fait pour être homme ou femme politique.
11:33Et arriver à mêler
11:35une approche et une vision
11:37qui est celle
11:39d'un universitaire
11:41avec cela, c'est quelque chose de difficile.
11:43Je ne suis pas sûr d'y être parfaitement parvenu,
11:45mais en tout cas, c'est ce que j'essaie de faire
11:47dans ma vie aujourd'hui.
11:49On va passer à notre quiz pour conclure.
11:51Le principe, c'est que je vais commencer
11:53des phrases et que vous allez devoir les compléter.
11:55Être député,
11:57c'est renoncer à...
11:59...
12:01une partie de sa vie de famille.
12:03Et ça, c'est une souffrance ?
12:05C'est une frustration,
12:07mais c'est une frustration
12:09qui est faite de manière
12:11assumée, qui est consentie de manière assumée
12:13et dans le dialogue
12:15avec ma femme et mes enfants.
12:17Si le Paris FC monte en Ligue 1,
12:19je...
12:23Je fais une grosse fête
12:25parce que je suis effectivement
12:27un des...
12:29un des participants à cette aventure sportive.
12:31Avec votre père ?
12:33Consistant à essayer de créer un autre club
12:35de foot professionnel
12:37à Paris en Ligue 1.
12:39Et je pense surtout que
12:41j'essaie de transmettre
12:43les valeurs de ce club.
12:45Des valeurs d'ouverture,
12:47des valeurs d'inclusion.
12:49Donc, si le club monte en Ligue 1,
12:51j'essaierai
12:53de faire la promotion des valeurs
12:55d'un club qui n'est pas tout à fait comme les autres.
12:57Enfin, parfois, quand je vois Cyrano
12:59allongé sur le canapé, je me dis...
13:01Alors, Cyrano, c'est mon chat.
13:03J'en parle parce qu'on le voit souvent
13:05sur les réseaux sociaux.
13:07Vous postez des photos de lui.
13:09C'est un compagnon
13:11qui apaise énormément.
13:13D'ailleurs, on le voit avec des poils aussi longs
13:15que tout le monde a envie de le caresser.
13:17Et qui,
13:19dans les moments de violence
13:21par lesquels on passe,
13:23parfois, quand on est en politique,
13:25permet de se retrouver
13:27un peu
13:29avec lui et avec soi-même.
13:31Merci beaucoup, Marc Ferracci.
13:33Merci à vous.
13:53Sous-titrage Société Radio-Canada

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