Gabrielle Cluzel : «Il est important que Philippine ne soit pas un prénom désincarné presque une vue de l’esprit, ce serait trop facile»

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La journaliste Gabrielle Cluzel était l’invitée de Face à l’info, ce mercredi 25 septembre, sur CNEWS. Elle a rendu hommage à Philippine, tuée la semaine dernière : «Il ne faut pas que le bourreau n’éclipse pas la victime et qu’il est important que Philippine ne soit pas un prénom désincarné presque une vue de l’esprit, ce serait trop facile».

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Transcription
00:00Pardon, je ne vous avais pas prévenu et je vois que vous êtes au bord des larmes.
00:05On va essayer de se concentrer parce qu'on est toutes mères et proches, on a tous des
00:11enfants et des jeunes filles autour de nous, même si on n'est pas mère, et vous avez
00:15choisi ces mots.
00:16Vous n'attendiez pas que je passe la musique, mais vous avez choisi ces mots parce que les
00:20mots de la chanson vous parlent.
00:22Dites-moi pourquoi.
00:23Exactement.
00:24Je voulais commencer cette chronique en paraphrasant cette chanson célèbre.
00:27Elle s'appelait Philippine, elle n'avait pas 20 ans, c'était une petite fille sans
00:31histoire et très sage.
00:32La photo n'est pas bonne, mais l'on peut y voir le bonheur en personne et la douceur
00:36d'un soir.
00:37Je pense que ça la résume assez bien.
00:39Je sais que les parents, comme toutes les familles dans ce cas-là, ont une forte pression
00:44médiatique et je ne veux pas en rajouter, mais néanmoins il me semble important de
00:48parler de Philippine.
00:49D'abord pour que le bourreau n'éclipse pas la victime, comme c'est trop souvent le cas
00:53dans notre système judiciaire.
00:55Ensuite, parce qu'il ne faut pas qu'il en reste que les détails sordides d'un fait
00:59divers devenu fait de société.
01:01Et enfin, parce qu'il est important que Philippine ne reste pas un prénom désincarné, presque
01:05une vue de l'esprit, ce serait trop facile pour tous ceux qui ont été les maillons
01:10défaillants d'une chaîne d'impéricies judiciaires émigratoires, alors qu'ils
01:17regardent donc sa douce et lumineuse photo et qu'ils se regardent ensuite eux-mêmes
01:22dans le miroir s'ils en ont le courage.
01:24Alors Philippine a grandi à Montigny-le-Bretonneux, c'est une petite ville très familiale non
01:32loin de Versailles.
01:33C'est d'ailleurs à la cathédrale Saint-Louis de Versailles que ses obsèques seront célébrés
01:38vendredi.
01:39Elle appartient à une fratrie de six enfants, trois garçons et trois filles.
01:43Elle est l'avant-dernière, sa mère est enseignante en mathématiques, son père est
01:48physicien-chercheur et tous ceux qui les ont côtoyés, j'ai eu plusieurs échos,
01:55parlent d'une famille très discrète.
01:57Donc vraiment, Philippine est une jeune fille sage de la France bien élevée.
02:01Donc catholique pratiquante, Philippine fréquentait depuis qu'elle était enfant la paroisse Saint-Pierre-du-Lac
02:09à Montigny-le-Bretonneux et dès dimanche soir, il y a eu une veillée de prière dans
02:13cette paroisse.
02:14J'ai eu là aussi des témoignages très forts de gens qui y étaient.
02:18Il y avait la famille très courageuse et il y avait un monde absolument incroyable.
02:23Il y avait autant de gens à l'intérieur qu'à l'extérieur, on ne pouvait pas rentrer.
02:25Et il y avait beaucoup, beaucoup, beaucoup de jeunes très choqués, très émus.
02:30Et ce qui montre aussi ce que m'a dit un témoin, le rayonnement de cette jeune fille et puis
02:38tout le réseau d'amitié, de solidarité autour de cette famille.
02:42Et du reste, les circonstances malheureuses dans lesquelles son corps a été retrouvé,
02:47il y a eu une battue qui a été organisée par ses proches, le montrent.
02:50Et les gens avaient vraiment besoin de se rassembler dans cette paroisse, m'a dit un
02:54témoin, pour pleurer et pour prier.
02:57Alors elle était guide de France, elle était très, très investie dans le scoutisme.
03:02Alors là pour le scoutisme, dans le Figaro que je l'ai lu, un de ses chefs l'a décrit
03:07comme un élément moteur sur lequel on pouvait compter.
03:11Et elle participait, alors ça on peut le dire dans le magazine Famille Chrétienne, à l'organisation
03:15de messes et de soirées diverses et variées dans sa paroisse.
03:18Elle était très investie.
03:20Philippine était aussi une jeune pousse brillante.
03:23En quoi symbolisait-elle une jolie France, structurée, bien formée, cette élite dont
03:30on a tant besoin pour demain ?
03:31Alors elle a été élève, comme ses frères et sœurs, dans l'enseignement catholique,
03:36dans une école qui s'appelle Saint-François d'Assise, à Montigny-le-Bretonneux, et tous
03:40ceux qui ont été en classe avec elle, et là aussi j'ai plusieurs témoignages, m'ont
03:43dit qu'elle était très brillante.
03:44Et ils ont assisté sur le fait que ses frères et sœurs l'étaient également.
03:47Alors de fait, elle a un frère qui est thésard en sciences, une sœur juriste.
03:53C'est un environnement familial de gens intellectuellement vraiment doués.
04:00Alors après la terminale, elle a intégré l'université prestigieuse de Dauphine, et
04:06là, il y a quelques jours, elle a entamé sa rentrée en licence d'économie et ingénierie
04:11financière.
04:12Et comme beaucoup d'étudiants qui habitent en banlieue, elle avait une petite chambre
04:16près de l'université, et elle rentrait le week-end chez ses parents.
04:19C'est ce qu'elle s'apprêtait à faire lorsqu'elle a été assassinée.
04:24Alors, toujours dans le Figaro, une enseignante qu'il a connue en première année l'a décrite
04:28comme une étudiante sérieuse, avec de bonnes capacités.
04:31Une de ses camarades dit qu'elle était brillante et très travailleuse.
04:36La jeune fille dit, je me disais souvent qu'elle intégrerait un master que moi je n'aurais
04:39jamais.
04:40Vous savez que les masters aujourd'hui sont très sélectifs, en particulier à Dauphine.
04:45Et une autre étudiante l'a décrite comme profondément gentille, très douce et très
04:51discrète.
04:52Et une autre dit en larmes, elle était très bosseuse, très gentille, et je ne vois pas
04:57qui vraiment aurait pu lui faire du mal.
05:00Alors, vous savez, moi ça m'a rappelé cette phrase de Victor Hugo pour sa fille, Léopoldine,
05:06qui était décédée tragiquement au même âge.
05:08Elle aimait Dieu, les fleurs, les astres, les prévères, son regard reflété, la clarté
05:11de son âme.
05:12Et je trouve que de tout ce que j'ai entendu, ça lui va très bien.

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