L’usine Peugeot-Citroën à Sochaux est la plus grande de France. Elle fonctionne 24h/24 et 7 jours sur 7. Dans ce monstre d'acier où cohabitent hommes et machines, se trouvent l'équivalent de 30 kilomètres de routes, 28 kilomètres de voies ferrées sur près de 259 hectares.
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00:00:00Gérard et Béatrice sont ensemble, dans la vie comme à l'usine, un couple Peugeot.
00:00:07Depuis 11 ans, l'un travaille le jour, l'autre la nuit.
00:00:13Leur foyer vit au rythme de l'atelier.
00:00:17Bruno est responsable d'unité, son objectif, que les lignes ne s'arrêtent jamais.
00:00:22Tenir le rythme en essayant de ménager les hommes et les femmes qui alimentent la machine.
00:00:31Après 35 années de service, Moulet entame sa dernière semaine de travail avant la retraite.
00:00:39Une vie à l'usine qui prend fin, une génération qui disparaît.
00:00:53Dans une période de crise sans précédent, une menace plane au-dessus de chaque usine française.
00:00:59La faillite, les licenciements.
00:01:02Depuis le début des années 80, le grand dégraissage a commencé.
00:01:06En France, dans les usines, 35% des effectifs ont été licenciés.
00:01:11Face à une concurrence devenue mondiale, il faut à tout prix rester compétitif.
00:01:16Une compétition qui a tout changé.
00:01:18Les modes de production, mais aussi la vie des ouvriers.
00:01:26Les machines ont envahi l'usine.
00:01:28La cadence a imposé son rythme.
00:01:31Sur le site de Peugeot à Sochaux, 17 000 personnes travaillent chaque jour.
00:01:36On fait tout bon aujourd'hui, tout bon aujourd'hui.
00:01:39La choupette, elle m'a dit tout bon aujourd'hui.
00:01:42C'est la plus grande usine de France.
00:01:44L'une des dernières d'où sortent 360 000 voitures par an.
00:01:49Comment produire en continu ?
00:01:52A quel prix ces ouvriers ont-ils encore un travail ?
00:01:55Quartier Général vous emmène au cœur de l'un des derniers fleurons de l'industrie française.
00:02:01A Sochaux, voilà 100 ans que le cœur de l'usine n'a cessé de battre.
00:02:09Un son assourdissant de machines et de tôles.
00:02:14Un univers de bruit et de néons.
00:02:17Ici, au tout début de la chaîne, les voitures ne sont encore que des bobines de tôles.
00:02:23Dans 2 jours et demi, ces bobines auront pris la place des machines.
00:02:28Dans 2 jours et demi, ces bobines auront pris la forme d'une voiture.
00:02:33A Sochaux, il en sort 360 000 par an.
00:02:37Pour alimenter la machine, il y a Pascal et sa télécommande.
00:02:52Première étape pour les bobines, la presse à découper.
00:02:56Pour produire 360 000 voitures chaque année, les machines ne doivent jamais s'arrêter.
00:03:02Elles tournent 6 jours sur 7, 24 heures sur 24, sans pause ni répit,
00:03:08mais toujours sous la surveillance de quelques hommes, même aux heures les plus creuses.
00:03:14Il y a un problème sur la machine, là, en fait.
00:03:16Il y a un bourrage. Il y a des chutes qui sont restées bloquées.
00:03:20Ça, c'est pas bon pour vous, là ?
00:03:22Non.
00:03:26Un bourrage comme sur une imprimante.
00:03:30Mais il s'agit là de plaques de tôle qui peuvent faire dérailler tout le système.
00:03:45Problème réglé, le tempo de la presse reprend.
00:03:50Une cadence intense à laquelle Pascal est soumis toutes les nuits.
00:04:20Là, on a dit... C'est une chaîne depuis 10 mois, entre parenthèses, une chaîne ?
00:04:24Une ligne de montage, c'est ça ?
00:04:26Avec là, non ?
00:04:28Les ouvriers des lignes de montage à la chaîne, ceux dont Pascal ne fait plus partie,
00:04:35ceux-là arriveront tout à l'heure.
00:04:40Il est 4 heures du matin.
00:04:44Dans sa voiture, Bruno, l'un des responsables de la chaîne de montage, arrive à l'usine.
00:04:55Après, on a le petit rituel.
00:04:57On fait toujours un petit tour par là.
00:04:59On doit être le plus près du portillon possible.
00:05:02C'est toujours le même chemin ?
00:05:04Quasiment, oui.
00:05:06Tu vois, comme là, il y a de la place juste en face. Hop !
00:05:11Depuis 15 ans, Bruno arrive au milieu de la nuit, avant tout le monde.
00:05:17C'est parti.
00:05:19On y va.
00:05:21Un peu en avance, pour s'assurer que la chaîne de montage sera prête à démarrer à l'heure.
00:05:28Tu vois, dans un couloir comme ça, d'habitude, tu croises 50 personnes
00:05:31quand tu viens dans les horaires, on va dire, à peu près normaux.
00:05:35Alors que là, à 4 heures du matin, pas âme qui vive.
00:05:41Bruno a une heure et demie devant lui pour préparer le terrain avant l'arrivée de ses troupes.
00:05:46Une équipe de 30 personnes chargées d'une partie de l'assemblage des pièces de la voiture.
00:05:52Il fait en sorte que tout soit en ordre pour ses ouvriers.
00:05:58J'essaye de rendre le lieu agréable, propre en arrivant, pour que les gens s'y sentent bien.
00:06:05Bruno est responsable d'unité.
00:06:08C'est un manager, l'un des garants de la productivité de l'usine.
00:06:12Dès son arrivée, il consulte les objectifs de production de la journée, chaque jour, à son chiffre.
00:06:19Bruno et ses équipes doivent les respecter et produire de la qualité.
00:06:24Bruno et ses équipes doivent les respecter et produire 360 voitures en 8 heures.
00:06:29Les premières infos que j'ai à l'écran ne sont pas très bonnes.
00:06:33Hier, on a perdu quelques véhicules.
00:06:37On a perdu 7 véhicules en tournée A, on a perdu 15 véhicules en tournée B.
00:06:41On a perdu 22 véhicules en tout.
00:06:43Il va falloir mettre un petit coup de collier aujourd'hui pour essayer de rattraper un peu le retard.
00:06:48Perdre des véhicules, c'est-à-dire laisser passer des voitures avec des défauts,
00:06:53des voitures qui devront être retouchées plus tard après être sorties de la chaîne.
00:06:58Du temps et de l'argent perdu, c'est le scénario noir pour Bruno.
00:07:03Pour rattraper son retard, il va devoir faire un sans faute sur toute la journée.
00:07:09A l'heure où Bruno vérifie les objectifs du jour, la plupart des employés sortent du lit.
00:07:16Gérard se réveille péniblement.
00:07:23Gérard, votre journée de travail, elle commence au milieu de la nuit.
00:07:27Oui, elle commence au réveil, 4 heures moins 20.
00:07:32Le petit-déjeuner pour prendre des forces parce que tout le monde ne tient pas le coup.
00:07:37Et oui, la journée commence, c'est parti, là.
00:07:40Après une petite nuit, une grosse journée.
00:07:47Dans la chambre, sa femme Béatrice dort encore.
00:07:51Elle aussi travaille à l'usine, mais l'après-midi.
00:07:54Béatrice et Gérard, c'est un couple Peugeot.
00:07:58Parmi des milliers d'employés.
00:08:00Comme tous les matins, Gérard part prendre le car à 2 rues de chez lui.
00:08:05Tous les matins, moi, le car, hop, le bus.
00:08:08Pourquoi ? C'est plus pratique ?
00:08:10C'est plus pratique, c'est plus économique.
00:08:12Bon, ben, quoi qu'il en soit, ça arrive qu'on fasse des heures supplémentaires,
00:08:15donc là, je suis obligé de prendre la voiture, mais autrement...
00:08:17C'est le bus, c'est l'économie.
00:08:19Question d'économie pour Gérard, garantie de démarrer la chaîne à l'heure.
00:08:25Pour Peugeot.
00:08:26Car cette navette est affrétée par le constructeur,
00:08:29comme des dizaines d'autres qui sillonnent la région.
00:08:34Chaque jour, 17 000 employés arrivent ainsi, à l'heure, au travail.
00:08:42Il est presque 5 h.
00:08:44L'usine s'éveille.
00:08:46La marée humaine s'apprête à faire tourner la machine.
00:08:49Les équipes de jour rejoignent leur poste.
00:08:52Réglée comme une horloge,
00:08:54la mécanique se met en route à 5 h 21, précise.
00:09:05Partout dans l'usine,
00:09:07les employés prennent leur poste tous ensemble, à la même heure.
00:09:11Ça sonne une 1re fois, 5 h 20.
00:09:13Après, ça sonne une 2e fois, 5 h 21,
00:09:16donc on prévient une petite minute avant que ça va démarrer.
00:09:19Donc les gens se préparent, se mettent en place.
00:09:21À 5 h 21, on démarre.
00:09:24La sonnerie retentit.
00:09:26Les ouvriers se positionnent le long de la ligne de montage.
00:09:30La ligne, c'est ce grand tapis
00:09:32qui transporte les voitures à travers toute l'usine.
00:09:35Elle ne s'arrête jamais.
00:09:37Chaque minute, une nouvelle voiture se présente devant les ouvriers.
00:09:42Pour alimenter la ligne et lui permettre d'avancer sans interruption,
00:09:463 000 camions apportent chaque jour les pièces nécessaires à l'assemblage,
00:09:51ici, dans le stock général.
00:09:55Puis les pièces sont convoyées jusqu'au bord des lignes de montage
00:09:59où les ouvriers viennent se servir.
00:10:05Un mode d'approvisionnement
00:10:07qui permet de rester en flux continu,
00:10:10indispensable aux voitures à travers.
00:10:13Un flux continu indispensable au bon fonctionnement de l'usine.
00:10:19Sur la ligne de Bruno, le top départ retentit.
00:10:23Et dans toute l'usine, le tapis se met à avancer.
00:10:27Pour faire une voiture, il faut assembler 5 000 pièces
00:10:30et réaliser 6 000 opérations,
00:10:33un processus dans lequel chaque ouvrier se consacre à une seule et même tâche.
00:10:38Chaque opération doit être parfaitement exécutée
00:10:41et pour y parvenir, chaque geste a été rationalisé,
00:10:45chaque déplacement optimisé.
00:10:55Nathalie, je voulais faire le point avec toi sur la répartition.
00:10:59Alors là, le poste, est-ce qu'il est bien équilibré ?
00:11:02Est-ce qu'il va bien pour toi ?
00:11:04Là, il va bien ?
00:11:05Le seul truc, on m'a dit que c'était la plateforme
00:11:08parce que t'es obligée de faire un petit peu trop de pas.
00:11:11J'ai confirmation du TEP.
00:11:13Nathalie, on va la modifier. C'est bon pour toi ?
00:11:16Nathalie doit se déplacer entre les 2 lignes jaunes tracées au sol.
00:11:211 m de plus à faire, un changement imprévu dans l'organisation
00:11:26et c'est toute la chaîne qui ralentit.
00:11:29Pourquoi ?
00:11:31Ici, c'est un chariot qui transporte des protections de carrosserie
00:11:35dont l'intérieur a été modifié.
00:11:37Alors là, normalement, c'était... Lui, là, lui, là.
00:11:39Là-bas, là, il n'existait pas.
00:11:41Il faut qu'on t'a réparé le chariot, mais après, on ne peut pas.
00:11:44En fait, ils ont bien effectué les modifications sur le chariot.
00:11:47Ce qu'ils ont oublié de faire, c'est de nous refaire une fiche
00:11:50pour savoir comment on les rangeait.
00:11:52L'opérateur ne peut plus remplir son chariot en entier.
00:11:55Et des chariots qui partent à moitié vide,
00:11:58c'est autant de voitures qui n'auront pas cette pièce
00:12:01de protection en plastique noir.
00:12:03Des voitures qui auront un défaut.
00:12:05Bruno doit absolument éviter ça.
00:12:08J'aimerais qu'Alexandre Ditsch puisse descendre sur VSR
00:12:11pour me dire comment il faut que je range les protecteurs
00:12:14avec les nouveaux chariots.
00:12:16Une personne qui travaille en ligne de montage,
00:12:19effectivement, elle a l'habitude de faire ses opérations
00:12:22toujours de la même façon.
00:12:24Son travail est standardisé.
00:12:26Et à partir du moment où il y a un petit caillou dans le grenage,
00:12:29elle est perturbée.
00:12:31Donc la perturbation d'un opérateur sur une ligne,
00:12:34ça peut faire perdre des voitures.
00:12:36Bruno demande à voir un responsable de la logistique.
00:12:39Il faut faire vite, car en attendant,
00:12:42les voitures continuent d'avancer sur la ligne.
00:12:55Bruno a réglé son problème de chariot.
00:12:58Les voitures seront toutes équipées correctement.
00:13:01L'objectif, ici, sur cette ligne,
00:13:03il est le même que pour mes collègues.
00:13:05Il est de produire des véhicules de qualité.
00:13:07Donc produire des véhicules de qualité,
00:13:09ça veut dire les produire en les faisant bonnes du 1er coup.
00:13:14Mais en cas de défaut, tout est prévu.
00:13:17Pour éviter que la voiture ne sorte de l'usine incomplète,
00:13:20des équipes sont là un peu plus loin sur la ligne
00:13:23pour une séance de rattrapage.
00:13:27Pour qu'aucune voiture ne sorte de l'usine incomplète,
00:13:30les imperfections sont traquées, puis corrigées.
00:13:33Bonjour, Amandine. Bonjour, Christiane.
00:13:35Gérard est le chef d'unité
00:13:37de ces chasseurs d'anomalies à l'atelier peinture.
00:13:40Ca va, Amandine ? Pas de soucis particuliers, aujourd'hui ?
00:13:42Non, non, tout va bien.
00:13:43Tout va très bien ? Pas de gros défauts ?
00:13:45Non.
00:13:46On déraille pas grand-chose ?
00:13:47Non, non.
00:13:48Très bien. Impeccable.
00:13:50On palpe tout le film de la peinture.
00:13:54On palpe tout le film de la peinture, palpée et visu.
00:13:58Et on entoure chaque défaut pour pouvoir les traiter après.
00:14:05Donc là, vous allez voir, elle est en train de traiter un défaut actuellement.
00:14:08On va poncer le film de vernis.
00:14:13Et derrière, on va le lustrer.
00:14:16C'est pas bon.
00:14:17Donc là, on s'aperçoit qu'après retouche, le défaut est toujours pas bon.
00:14:21Donc là, elle va partir en retouche.
00:14:23Donc sûrement, de nouveau une peinture dessus.
00:14:26Les équipes de Gérard traitent les défauts au rythme ininterrompu du tapis.
00:14:31Il faut être précis et rapide.
00:14:33Au bout d'une minute, la voiture s'en va.
00:14:36Impossible d'arrêter la chaîne, il faut faire le chiffre.
00:14:39Avec la suivi de la peinture,
00:14:41impossible d'arrêter la chaîne, il faut faire le chiffre.
00:15:04Si la production est atteinte, aucune prime particulière.
00:15:08En revanche, si le chiffre n'est pas fait,
00:15:11il faut parfois revenir le samedi pour achever le travail.
00:15:18L'enjeu, au final, est colossal.
00:15:20Car en bout de chaîne, les concessionnaires Peugeot
00:15:23attendent la livraison des voitures qu'ils ont commandées.
00:15:26Gérard est à une étape stratégique, mais difficile.
00:15:30Ici, comment on subit, on va dire.
00:15:32On subit la qualité qui est en amont.
00:15:35Si les voitures sont criblées de défauts,
00:15:38on fera pas la prod, c'est une chose certaine.
00:15:41Et puis, on n'est pas des magiciens, ici.
00:15:43On peut retirer certains défauts, mais pas tous les défauts.
00:15:46Et si on casse toutes les voitures, on retouche et on fera pas la prod.
00:15:49C'est une chose certaine.
00:15:51Si la prod n'est pas faite, le client n'est pas servi.
00:15:54Donc il va choisir une autre marque
00:15:56pour avoir sa voiture un peu plus vite, quoi.
00:15:59Et si les clients vont ailleurs, ce sont des emplois qui disparaissent.
00:16:03Entre constructeurs, la guerre est acharnée.
00:16:06La baisse d'activité plane comme une menace
00:16:09au-dessus des têtes des 17 000 employés,
00:16:12particulièrement pour Gérard, dont la femme travaille aussi à l'usine.
00:16:16Maintenant, on est quand même 2 à travailler dans la même entreprise.
00:16:20Avoir bâti un projet, comment je dirais,
00:16:23comme la maison qui est derrière,
00:16:26c'est quand même important, quoi.
00:16:28Et on compte sur l'entreprise pour ça.
00:16:312 à l'usine. Pas facile.
00:16:34Gérard et Béatrice sont obligés de se soumettre
00:16:37aux sacrifices que l'usine leur demande.
00:16:39Une vie en décalé, des rythmes effrénés.
00:16:42Bonjour, mon petit bonhomme. Allez, hop. Il est l'heure.
00:16:46Pendant que Gérard et son équipe se battent pour maintenir la cadence,
00:16:50Béatrice, sa femme, entame sa 1re journée à la maison
00:16:54avant de partir à l'usine en début d'après-midi.
00:16:58Alors, comme d'habitude, tu bois, mon petit doudou.
00:17:01Hein ?
00:17:02Gérard et Béatrice riolent, travaillent en contre-tournée.
00:17:06Lui, le matin, elle, l'après-midi.
00:17:09Il y a toujours un riole à l'usine et un autre à la maison
00:17:13pour s'occuper des enfants avant de passer le relais.
00:17:20Votre journée, elle commence à quelle heure ? Elle termine à quelle heure ?
00:17:23Elle commence à 6h30 le matin et je finis midi 10 jusqu'à ce que je parte au travail.
00:17:32Voilà.
00:17:33Et le soir ?
00:17:34Et le soir, 13h12. Je commence à 13h12 et je finis à 21h10.
00:17:40Et le temps d'arriver à la maison, ça fait 21h30.
00:17:4515 heures d'activité en continu.
00:17:48Une double journée dictée par l'usine depuis plus de 11 ans.
00:17:53Béatrice est en pilotage automatique.
00:17:56Tout va vite.
00:17:57Le saut du lit, le petit-déjeuner...
00:18:00Avant de passer à l'étape suivante.
00:18:02Alors, on éteint la télé ?
00:18:05Je baisse ?
00:18:06Après, on verra si t'es...
00:18:08Allez, vas-y.
00:18:11Alors.
00:18:12Béatrice Bardut et Abris, Christian Etacon et Christian Etacon.
00:18:19Monsieur aime les croque-monsieur.
00:18:21Monsieur aime les croque-monsieur.
00:18:23Oui, mais tu vas pas trop vite, comme je t'ai déjà dit.
00:18:25Faut bien que tu dises correctement tes mots.
00:18:29Quel avenir vous voulez pour vos enfants ?
00:18:31Vous êtes très attentif à leur éducation.
00:18:33Autre chose que l'usine.
00:18:35Oui, absolument.
00:18:37Parce qu'on leur explique toujours ce que c'est la vie d'usine.
00:18:41Que c'est très très dur.
00:18:42Donc, qu'ils essaient de voir un autre métier que le nôtre.
00:18:46Je préfère les voir plus s'épanouir dans un bon métier qui leur plaise
00:18:51que de venir plutôt travailler en usine en se disant
00:18:55ben voilà, je suis obligée de me rattacher à l'usine
00:18:58parce que j'ai pas fait vraiment des grandes études
00:19:00ou j'ai pas fait vraiment ce que j'aurais voulu faire de ma vie.
00:19:05Allez, hop, c'est l'heure.
00:19:08Béatrice a arrêté ses études en cinquième
00:19:11et s'est débrouillée avec son CAP collectivité.
00:19:15Alors, malgré ses horaires,
00:19:17elle veille de très près à la scolarité de ses deux enfants.
00:19:22Bisous, maman.
00:19:23Travaille bien.
00:19:24Allez, hein, travaille bien.
00:19:26Allez, à demain.
00:19:30On va lui laisser voter.
00:19:33Allez, à demain.
00:19:36Vous laissez votre fils à l'école le matin, vous lui dites à demain.
00:19:39À demain, ben oui, parce que ce soir, je le verrai pas
00:19:41vu que je rentre à 9h30 du soir,
00:19:43donc je le verrai pas avant demain matin, le déjeuner, voilà.
00:19:48Mère au foyer, c'est fini pour aujourd'hui.
00:19:51Maman le matin seulement,
00:19:53ce soir, Béatrice sera partie sur sa ligne de montage à l'usine.
00:19:58Le balai des tâches quotidiennes se poursuit.
00:20:03On a l'impression que chez vous,
00:20:05c'est aussi organisé qu'à l'usine, finalement.
00:20:07Ah oui, beaucoup, ah oui.
00:20:09Comme ça se passe à la maison, c'est exactement pareil au travail, quoi.
00:20:12Les gestes sont toujours répétés tous les jours,
00:20:14alors c'est vrai qu'on a l'habitude, hein.
00:20:16Donc, hop, ça va vite.
00:20:20Des gestes qui se répètent dans la solitude.
00:20:23Car avec le temps, Béatrice se rend compte
00:20:27Car avec le temps, l'usine a fait de Béatrice et Gérard
00:20:30un couple de célibataires.
00:20:37Deux assiettes, nous sommes deux à midi.
00:20:40Deux assiettes, mais le repas sera pas prêt en même temps.
00:20:43Non, du tout, non.
00:20:45Moi, je vais manger toute seule,
00:20:46puis lui, il mangera tout seul quand il rentrera.
00:20:48Voilà.
00:20:49Je prépare son...
00:20:51Tout sera prêt pour lui quand il rentrera.
00:20:54Voilà.
00:20:57Le repas est en musique, généralement.
00:20:59Ah oui, tout le temps.
00:21:00Pour décompresser un peu.
00:21:04C'est pas fou.
00:21:05Voilà, hop.
00:21:14Est-ce que c'est important de décompresser avant d'aller travailler ?
00:21:19Ah oui, surtout, oui.
00:21:20Surtout devant mon Nicolas Dalloch.
00:21:22Ah oui, tout le temps, moi, c'est comme ça.
00:21:25Un peu du bien.
00:21:27Ça me fait une pause entre ce que j'ai fait ce matin
00:21:29et puis le travail qui m'attend cet après-midi.
00:21:33C'est dur de se remettre en route, là, pour...
00:21:36Là, ça va être dur, oui.
00:21:37Ah oui.
00:21:38Et vers 3h, ça va être le coup de barre, quoi.
00:21:43Dans trois quarts d'heure, Béatrice sera sur sa ligne.
00:21:47Il est 12h30.
00:21:49Elle prend le chemin de l'usine.
00:22:00Comme elle, des milliers de salariés passent les grilles de chez Peugeot.
00:22:05C'est la première fois que Béatrice est à l'usine.
00:22:08C'est la première fois que Béatrice est à l'usine.
00:22:11C'est la première fois que Béatrice est à l'usine.
00:22:13Des milliers de salariés passent les grilles de chez Peugeot.
00:22:17Un site réparti sur 259 hectares sillonnés par plus de 30 km de route.
00:22:23Des milliers de camions, de voitures et de piétons y circulent
00:22:27et ont tous des horaires à respecter.
00:22:30Dans cette course contre la montre,
00:22:32des hommes sont chargés de maintenir l'équilibre entre rapidité et sécurité.
00:22:37Jean-Noël fait partie de ce groupe d'intervention
00:22:40et aujourd'hui, il part à la chasse.
00:22:43Aux excès de vitesse.
00:22:45C'est la bonne heure Jean-Noël ?
00:22:48Là c'est la bonne heure parce qu'il y a ceux qui vont arriver pour travailler de l'après-midi.
00:22:53Et de peur d'arriver en retard, ils vont appuyer sur le champignon.
00:22:59Donc je pense qu'il y a des chances qu'on attrape du monde.
00:23:05C'est le retour de la pause déjeuner
00:23:07et tout le monde se dépêche de regagner son poste.
00:23:09A l'usine, chaque minute est comptée.
00:23:11Les retards sanctionnés.
00:23:13Pour autant, aucun excès de vitesse n'est toléré.
00:23:16Trépied, tu le mets derrière le poteau.
00:23:22Jean-Noël a choisi une longue ligne droite.
00:23:25On va essayer de faire en sorte de ne pas être trop vu.
00:23:31C'est pareil, c'est comme à l'extérieur.
00:23:33Des appels de phare, le téléphone.
00:23:35Il suffit qu'on en attrape un et tout le monde va être au courant.
00:23:40Mais ils ne connaissent pas vos points au bout d'un moment, les employés de Peugeot.
00:23:44On fait en sorte de changer régulièrement d'endroit.
00:23:47Et jamais aux mêmes heures.
00:23:49Exprès pour appeler trompés.
00:23:54Les gardiens de la route ont leur propre radar et leur propre dispositif.
00:23:59Car le site est privé et la police ne peut pas intervenir dans l'enceinte de l'usine.
00:24:06Un au radar, deux qui interceptent.
00:24:10Donc on est équipé comme la police ou la gendarmerie.
00:24:15Jean-Noël et ses collègues ne distribuent pas de PV, mais presque pire.
00:24:19Des comptes rendus faits directement aux chefs d'atelier.
00:24:23Ici, la vitesse maximale est de 50 km heure.
00:24:26Mais pour le personnel d'une usine automobile, les grandes avenues sont tentantes.
00:24:35Toutes les semaines, des conducteurs se font épingler.
00:24:38Tout le monde est au courant.
00:24:40Pourtant, les excès continuent.
00:24:42Car il faut arriver à l'heure coûte que coûte.
00:24:45Ici, les prises de postes se font à la minute près.
00:24:5561 km heure, 11 de plus que la limite autorisée.
00:25:09C'est une jeune femme.
00:25:11Elle sait qu'un tel écart peut lui coûter cher.
00:25:21Surprise pour Jean-Noël.
00:25:23Ce rappel à l'ordre bouleverse complètement la conductrice.
00:25:35Une femme enceinte.
00:25:38C'est pas bien, c'est désormais.
00:25:42Normalement, on fait respecter.
00:25:44Mais c'est normal.
00:25:45Oui.
00:25:46C'est tout à fait normal.
00:25:47Donc je vois que vous êtes vraiment dans tous vos états.
00:25:50On en reste pour du verbal.
00:25:53Oui, merci.
00:25:55Allez, calmez-vous.
00:25:59Vous le prenez comme un avertissement verbal.
00:26:01Mais vous inquiétez pas que je sois en atelier.
00:26:04Désolée.
00:26:05Non, mais ça ne sert à rien de se mettre dans des états pareils.
00:26:08Des stress.
00:26:09Désolée, mais calmez-vous.
00:26:11Ça veut aller ?
00:26:12Oui.
00:26:13Allez, bonne journée.
00:26:19Depuis que je suis dans le service, je crois que c'est la première fois
00:26:22qu'en arrêtant quelqu'un, une personne se met à pleurer.
00:26:26Mais bon, après, on va la comprendre.
00:26:28Elle était enceinte.
00:26:29On va mettre ça sur la faute des hormones.
00:26:34T'es trop tendre, mon pauvre.
00:26:35Comment ?
00:26:36T'es trop tendre.
00:26:38Je crois bien que c'est la première fois que ça m'arrive, ça.
00:26:40Jean-Noël n'a pas eu le coeur de verbaliser cette femme enceinte.
00:26:44En revanche, son chef n'a pas eu la même clémence.
00:26:47La sanction est tombée pour le conducteur flashé tout à l'heure
00:26:50à 55 km heure.
00:26:52Ça, ça va partir dans son usine.
00:26:57Après, c'est son chef qui juge.
00:27:00Alors ça peut être un avertissement.
00:27:04Un petit avertissement, c'est tout.
00:27:06On peut vous dire qu'on a arrêté à plus de 20 heures.
00:27:08Alors là, qu'est-ce qu'il reste ?
00:27:10Il y a eu des mises à pied.
00:27:11Vous voyez, on distribue pas d'amende.
00:27:14Mais au final, les sanctions, elles peuvent être aussi sévères.
00:27:17Une mise à pied, ils sont imputés de leur paye.
00:27:21Ça peut même coûter plus.
00:27:22Ça peut coûter plus.
00:27:24Et pour les employés qui sont flashés à 50 km heure au-dessus de la limite,
00:27:29ce sont des jours de paye en moins.
00:27:32Il n'y a plus rien, là.
00:27:34Tu prends la dernière et puis après, on ramballe.
00:27:38Sur les lignes, dans l'usine, sur le site, les salariés sont surveillés.
00:27:43La vie est réjantée, millimétrée.
00:27:46Pourtant, dans cette grande machine où tout est organisé avec précision,
00:27:50des grains de sable se glissent parfois dans les rouages.
00:27:53Bruno est en bout de chaîne, là où tous les problèmes se concentrent.
00:27:57On fait tout bon aujourd'hui.
00:27:59Tout bon aujourd'hui.
00:28:01La choupette, elle m'a dit tout bon aujourd'hui.
00:28:03Bruno se bat chaque jour avec les ratés de la machine.
00:28:07Des problèmes qu'il doit régler sur le champ, car la ligne ne s'arrête jamais.
00:28:11S'il n'agit pas immédiatement, la voiture sortira avec un défaut.
00:28:17Là, Bruno, vous allez faire quoi ?
00:28:19Alors en fait, je vois ma collègue qui trace un petit peu sur mon brin,
00:28:23donc je vais voir si elle a besoin d'aide, simplement.
00:28:25Ce matin, l'ennemi a été identifié par sa collègue Isabelle,
00:28:29une responsable d'unité qui travaille un peu plus haut sur la chaîne
00:28:33et qui a laissé passer un défaut.
00:28:35Elle vient prévenir Bruno.
00:28:36C'est quoi le problème ?
00:28:38Lui, c'est d'elle. Ils sont mal positionnés.
00:28:42Le grain de sable qui menace la chaîne est une petite pièce de plastique.
00:28:46Une pièce de seulement 10 cm sur 6, positionnée près des vitres avant.
00:28:53Une petite pièce contre laquelle il va falloir se battre.
00:28:57Je suis en train de mettre la pièce, et là, elle n'est pas bonne.
00:28:59Parce qu'elle vient trop vers moi. Je sens qu'il y a un jeu.
00:29:01Attends un petit peu.
00:29:04Isa, je rechange la pièce.
00:29:06Complètement.
00:29:08Je resserre la pointe.
00:29:09Ouais, d'accord, OK. T'as qu'une agrafe sur deux qui est mise en place.
00:29:12Bon, par contre, ça, on sait peut-être les faire faire par quelqu'un, non, Isa ?
00:29:15La pièce ne tient pas.
00:29:17Elle menace de mettre en péril les objectifs de la journée.
00:29:20Il faut régler le problème directement sur la ligne,
00:29:23car une voiture que l'on sort de la chaîne, c'est une voiture perdue pour la production de Bruno.
00:29:29Systématiquement, il faut qu'on détermine le début du défaut.
00:29:35À partir de quand on a généré ce problème.
00:29:38Mettre l'implantation immédiat.
00:29:40Donc forcément, ça, ça demande toujours un petit peu de...
00:29:42Ça, ça stresse toujours un petit peu aussi.
00:29:44Et les personnes qui sont en ligne, et l'ERU.
00:29:47Rattraper en cours.
00:29:48Donc ça, ça demande du temps.
00:29:49Parce que cinquantaine de véhicules, c'est quand même 50 minutes de fabrication.
00:29:52Donc forcément, c'est toujours un peu embêtant.
00:29:56Sans pour autant être catastrophique.
00:29:58Un bon coup de stress pour tout le monde.
00:30:00Un ouvrier est dépêché en urgence pour vérifier une à une les voitures.
00:30:11Ce matin, la petite pièce en plastique n'aura pas eu raison de la sacro-sainte cadence.
00:30:15La ligne peut continuer à avancer.
00:30:22Avancer quelques minutes encore.
00:30:28Jusqu'à 11h41.
00:30:31L'heure à laquelle les lumières s'éteignent.
00:30:34Très provisoirement.
00:30:39Bon appétit, messieurs, dames.
00:30:40Merci, Bruno.
00:30:41Merci.
00:30:44Le sandwich.
00:30:48Avec...
00:30:50Avec le raisin.
00:30:5230 minutes de pause pour déjeuner.
00:30:55Un court répli.
00:30:56Durant lequel le vacarme des machines laisse place au silence.
00:31:00Un peu de calme.
00:31:02Et quelques minutes assis.
00:31:05C'est un choix de ne pas manger avec les opérateurs ?
00:31:08On essaye de leur laisser leur intimité.
00:31:10C'est vrai que des fois, les opérateurs, ils ont des choses à dire.
00:31:13Qui sont peut-être propres à leur domaine, on va dire.
00:31:18Donc on les laisse un petit peu tranquilles, discuter entre eux.
00:31:22Il y a des fois où ils parlent du chef, ils parlent de la société.
00:31:26Donc on essaye de pas trop interférer dans ces discussions.
00:31:39Un peu de répit.
00:31:41Mais point trop d'infos.
00:31:45Tenez, les filles.
00:31:46Et les garçons.
00:31:48Un petit peu de lecture.
00:31:55Tiens, je vois que tu t'ennuies, Françoise.
00:31:57Un petit peu de lecture.
00:32:00Alors en fait, c'est l'essentiel du montage.
00:32:02C'est un petit tract qui retrace un petit peu tout ce qui s'est passé dans le montage.
00:32:07Depuis la semaine dernière.
00:32:11Donc ça concerne directement ce qui se passe dans l'atelier.
00:32:16Dans la grande machine, les lectures du chef ne sont pas toujours très digestes.
00:32:24De l'autre côté de l'usine, une nouvelle chaîne se met en marche en vue de la pause déjeuner.
00:32:30Je vais trouver ma toque. Voilà.
00:32:32C'est celle de Patrick Chassard, le chef cuisinier du restaurant de l'usine.
00:32:37Et ses 11 marmitons.
00:32:41Hop là, ça commence.
00:32:43Salut.
00:32:44Ça va ?
00:32:45Salut.
00:32:46Bon alors, aujourd'hui.
00:32:50Croque-monsieur 350, on a dit.
00:32:53Mix grill 380.
00:32:57Nos pâtes, les pizzas, nos trois grillades.
00:33:01Et notre dépannage, on avait dit qu'on faisait du steak de thon, c'est ça ?
00:33:04Oui.
00:33:06Ce matin, Patrick va devoir préparer plus de 1000 repas pour les salariés de Peugeot.
00:33:11Principalement des cadres, car les ouvriers mangent le long des lignes.
00:33:15D'accord ?
00:33:16D'accord.
00:33:17Bon ben, c'est parti. Allons-y.
00:33:21Comme partout dans l'usine, il faut être le plus rentable possible.
00:33:25La machine à nourrir se met en marche.
00:33:28Et ici, pas le temps de m'y tenir.
00:33:30C'est la logique de l'assemblage qui prévaut.
00:33:32Il faut maîtriser les coûts, produire vite et en masse.
00:33:36On cuit des produits surgelés, on recompose les sauces en sachets.
00:33:40On réchauffe 350 croque-monsieur précuits.
00:33:47On peut estimer à peu près, en denrées alimentaires tout confondues,
00:33:52pratiquement une tonne par jour de denrées alimentaires.
00:33:55Patrick Chassard fabrique des repas à la tonne.
00:33:59Mais la moindre tranche de poitrine fumée est calculée au gramme près.
00:34:03Rentabilité oblige.
00:34:06Combien de tranches ? Il est pas large ?
00:34:08Il est pas large, si on coupe en deux, ça va faire ridicule une fois chauffée.
00:34:11On le fait en 60 litres.
00:34:13On va diminuer un petit peu, on va voir ce que ça donne.
00:34:18On a des grammages relativement précis à respecter.
00:34:21Donc là, en l'occurrence, c'est 60 grammes de poitrine fumée.
00:34:25Donc il faut qu'on essaie de se maintenir le plus proche possible.
00:34:34Voilà, ça nous fait ça.
00:34:36Et t'en fais, on a dit, 350.
00:34:39350, t'as tout, là, normalement. Tu devrais avoir assez avec ça.
00:34:44Patrick coupe au plus juste.
00:34:46Tout le monde doit être servi.
00:34:49Mais rien ne doit être gaspillé.
00:34:54Tout confondu, on chète entre 5 et 10 kg de marchandises.
00:34:58Entre les desserts, les entrées et les plats principaux.
00:35:03Ce qui fait peu, en fin de compte, par rapport à la quantité fabriquée.
00:35:13Ca reste difficile de jeter ?
00:35:15Toujours. Quand on connaît le prix des denrées alimentaires,
00:35:19ça fait toujours quand même un peu mal au coeur de jeter tous les jours la marchandise.
00:35:25Le cuistot et son équipe ne sont que 12 pour tout faire.
00:35:29Alors pour s'en sortir, il faut bien réfléchir à la manière de se partager le travail.
00:35:34Chacun à sa place, comme sur la ligne.
00:35:37On fait un petit peu la répartition des postes.
00:35:42Didier, donc, tu restes derrière.
00:35:45Moi, je m'occupe du réapprovisionnement.
00:35:48Raphaël, toi, tu t'occupes du big pan, tu fais les steaks avec Anna.
00:35:53Et puis Laurent, toi, tu fais la grillade.
00:36:00Sur les lignes, les équipes ont besoin d'un break.
00:36:03En quelques minutes, la cantine se remplit.
00:36:06Les clients sont pressés en coulisses.
00:36:09On court pour que tous les employés puissent manger avant de retourner au travail.
00:36:14En fait, ça n'arrête pas, là, parce qu'il y a une recharge en permanence ?
00:36:17En permanence, oui.
00:36:18C'est la guerre de l'approvisionnement, en fait.
00:36:20Oui, oui. Là, il faut pouvoir suivre.
00:36:24Qu'on ne manque de rien pendant tout le service.
00:36:2780 % des repas sont servis en moins d'une heure.
00:36:31Un service à flux tendu.
00:36:33Pour les salariés, le temps est compté.
00:36:3545 minutes maximum pour les cadres.
00:36:38Pas une de plus.
00:36:39L'usine n'attend personne.
00:36:44Il est 13h30.
00:36:47Le service est terminé.
00:36:50Il faut maintenant s'assurer qu'il a été rentable.
00:36:54Les invendus passent à la balance,
00:36:57à commencer par les plats froids.
00:37:01Combien ?
00:37:023,950.
00:37:033,950 pour le froid.
00:37:05C'est bon.
00:37:06Et là, tout compris...
00:37:123,950, 12,3 kg.
00:37:15Ah, c'est bon.
00:37:17C'est bon.
00:37:18C'est bon.
00:37:19C'est bon.
00:37:20C'est bon.
00:37:21C'est bon.
00:37:22C'est bon.
00:37:23C'est bon.
00:37:24C'est bon.
00:37:25C'est bon.
00:37:26C'est bon.
00:37:27C'est bon.
00:37:28C'est bon.
00:37:30Sur une tonne de denrées,
00:37:32moins de 13 kg de nourriture partent à la poubelle.
00:37:35La perte est minime.
00:37:37L'objectif est atteint.
00:37:39Fin de la pause déjeuner.
00:37:42Sur les lignes, c'est l'heure du changement d'équipe.
00:37:47Les ouvriers de l'après-midi arrivent.
00:37:50Ils vont travailler de 13h12 à 21h10,
00:37:53l'horaire de Béatrice,
00:37:55qui vient prendre son poste à l'atelier peinture.
00:37:58Mais avant de démarrer, Béatrice passe voir son mari.
00:38:02Tiens, salut, miss.
00:38:04Salut, c'est moi.
00:38:05Salut, ça va ?
00:38:06Et toi ?
00:38:07Oui, ça va.
00:38:08Gérard a terminé sa journée.
00:38:11Ils sont partis tranquillement à l'école, comme d'habitude.
00:38:14Béatrice la commence.
00:38:16On va prendre un petit café, comme d'habitude.
00:38:21Est-ce que c'est agréable de pouvoir se retrouver comme ça un petit moment ?
00:38:25Vite fait, parce que...
00:38:27Je dirais, intime, non,
00:38:29parce que mon collègue de tournée arrive,
00:38:32donc il voudrait prendre déjà sa place
00:38:35et prendre les consignes aussi,
00:38:37mes consignes professionnelles.
00:38:39D'un côté, il y a les consignes professionnelles,
00:38:41les consignes personnelles.
00:38:43C'est un grand passage de consignes,
00:38:45mais on ne mélange pas tout.
00:38:48Quelques minutes ensemble,
00:38:50voler dans un coin,
00:38:52dans une vie en décalé.
00:38:55Je n'en sais rien encore pour cet après-midi, je ne sais pas.
00:38:57On verra bien.
00:39:00Je ne sais pas.
00:39:02Bonne soirée.
00:39:03Ciao.
00:39:04Bonne soirée.
00:39:07Comme d'habitude, l'un arrive.
00:39:12L'autre part.
00:39:15Gérard et Béatrice travaillent tous les deux dans l'unité de peinture.
00:39:19Mais Béatrice, elle, est simple opératrice sur la ligne.
00:39:23Simple ouvrière.
00:39:24Toute la journée, elle scrute la carrosserie des voitures
00:39:28à la recherche d'une imperfection.
00:39:30Concentrée, à l'affût du moindre défaut,
00:39:33dans la lumière crue des néons,
00:39:35son regard se plie aux exigences répétitives de la ligne.
00:39:40Comment vous définiriez le rythme de l'usine ?
00:39:43Très rythmé.
00:39:48Et cadence-cadence.
00:39:55Béatrice, c'est dur à vivre, la répétition ?
00:39:58C'est fatiguant.
00:39:59C'est fatiguant, surtout au niveau des yeux visuels.
00:40:02C'est beaucoup fatiguant, oui.
00:40:04Mais autrement, le statique aussi, c'est fatiguant.
00:40:07De piétiner toute la journée, oui.
00:40:14On tourne la tête un petit moment là-bas
00:40:17pour essayer de changer un peu le visuel.
00:40:20En plus, avec l'éclairage, ça fatigue beaucoup.
00:40:24Jusqu'à 21h10, Béatrice traque inlassablement les défauts.
00:40:29Debout pendant 7 heures,
00:40:31des conditions de travail éprouvantes.
00:40:34Pour un salaire modeste, 1500 euros net par mois.
00:40:37Comme je ne trouvais pas dans ma branche,
00:40:39j'ai eu l'opportunité d'entrer à l'usine.
00:40:42Ma foi, les années sont passées, je me suis fait embaucher.
00:40:46Autrement, ça n'a pas été vraiment mon choix.
00:40:50L'opportunité s'est faite ici,
00:40:52et la vie d'usine a pris le dessus.
00:41:00Si vous pouviez changer, qu'est-ce que vous auriez envie de faire ?
00:41:04Je saurais plutôt travailler à l'école maternelle.
00:41:12Ça serait plutôt avec les enfants.
00:41:15Sur les lignes, les ouvriers répètent le même geste
00:41:18plus de 400 fois par jour, comme robotiser.
00:41:22Un boulot pas toujours facile,
00:41:24avec en plus la pression du nombre de voitures à sortir,
00:41:28du chiffre au quotidien.
00:41:32Quoi qu'il arrive, il faut se débrouiller.
00:41:35Les objectifs doivent être atteints.
00:41:40Aujourd'hui, la production de Bruno est menacée
00:41:44par ce morceau de l'électricité.
00:41:47C'est ce morceau de l'électricité.
00:41:50C'est ce morceau de l'électricité.
00:41:53C'est ce morceau de l'électricité.
00:41:56C'est ce morceau de l'électricité.
00:41:59Par ce morceau de film plastique.
00:42:08On est tombés en panne de rouleau de protection
00:42:13pour les bas de marche.
00:42:15On essaie de rattraper un maximum de voitures.
00:42:22Une petite erreur commisse un peu plus haut sur la chaîne.
00:42:25Une protection en cellophane qui n'a pas été posée
00:42:28à cause d'une simple rupture de stock.
00:42:31Et c'est la catastrophe.
00:42:35Pour sauver son chiffre, Bruno, le chef d'unité,
00:42:38le fait lui-même.
00:42:40La bonne surprise, c'est que vous en avez combien à faire ?
00:42:43On ne sait pas.
00:42:45On espère que d'ici 13h12, elles seront toutes rattrapées.
00:42:48C'est faux.
00:42:50Trop fort.
00:42:59Ca y est, c'est fait.
00:43:01Tu vois, c'était l'histoire d'une petite case...
00:43:04Une petite case...
00:43:06Une petite case de voitures.
00:43:11Un petit challenge de plus, de gagné.
00:43:14La chaîne ne s'est pas arrêtée.
00:43:16Une réussite importante pour Bruno,
00:43:19totalement investi dans son travail
00:43:22et qui prend ses fonctions de responsable très à coeur.
00:43:25C'est une fierté personnelle,
00:43:28surtout quand on démarre de la base.
00:43:31C'est une fierté parce qu'on se dit
00:43:34qu'il y a des gens qui nous ont fait confiance dans notre évolution.
00:43:37Ca, c'est déjà un 1er point.
00:43:40Et un 2e point, la 2e fierté,
00:43:43c'est de faire plaisir à sa famille en se disant
00:43:46qu'on n'a peut-être pas réussi ses études
00:43:49comme on l'aurait souhaité,
00:43:52on n'a peut-être pas fait ce qu'on aurait dû faire
00:43:55quand on était un petit peu plus jeune.
00:43:58Mais par contre, à force de travailler, à force de persévérance,
00:44:01on arrive à obtenir quelque chose de bien.
00:44:04En 15 ans, Bruno est passé du statut d'ouvrier
00:44:07à celui de responsable d'unité.
00:44:10Il a doublé son salaire
00:44:13et gagne aujourd'hui 2 000 euronettes par mois.
00:44:16Bruno vient de passer les consignes à son collègue.
00:44:20Une journée éprouvante
00:44:23durant laquelle la pression est constante.
00:44:29Bruno rentre chez lui.
00:44:32Il va pouvoir profiter du reste de son après-midi
00:44:35en famille avec ses 3 enfants,
00:44:38Marine, Maxime et Valentin.
00:44:41Tu as écrit quoi, là ?
00:44:44Je l'ai trouvé dans la salle de jeu.
00:44:47Je l'ai trouvé.
00:44:50Il est où, le verbe ?
00:44:53Valentin, c'est juste. Pas de faute à Valentin.
00:44:56Ouais, trop fort !
00:44:59Mais même s'il travaille durement,
00:45:02l'usine n'est pas un problème pour Bruno
00:45:05qui encaisse la pression, les horaires sans broncher.
00:45:08Viens voir qu'on range les cartons.
00:45:11J'en ai 2 de carton, comme ça.
00:45:14Petit, il allait collecter le lait
00:45:17dans les fermes du Jura avec son père.
00:45:20C'est là qu'il a découvert les journées à rallonge
00:45:23et le goût du labeur.
00:45:26Les moments qu'on passait avec mon père,
00:45:29c'était des vrais moments de bonheur.
00:45:32Pour nous, travailler, c'était symbole du bonheur.
00:45:35Pour nous, c'était des moments de complicité
00:45:38qu'on vivait avec notre père.
00:45:41Quand on est rentré dans la vie active,
00:45:44on ne s'est pas posé de questions
00:45:47sur le fait de savoir s'il fallait travailler
00:45:50tant d'heures ou pas.
00:45:53Il fallait travailler,
00:45:56mais parce qu'on y trouvait un réel plaisir
00:45:59et on retrouvait un peu ce bonheur
00:46:02en étant jeune avec mon papa.
00:46:05Le goût du travail, une valeur qu'il essaie
00:46:08de transmettre à ses fils.
00:46:14Avec aussi sa passion réelle pour l'automobile.
00:46:17J'ai une collection de véhicules Peugeot,
00:46:20des véhicules de James Bond,
00:46:23une collection de véhicules de rallye.
00:46:26Tout ça, pour l'instant, c'est dans des cartons.
00:46:30Une passion qui lui a permis de trouver sa voie,
00:46:33une vie entière consacrée aux voitures.
00:46:38J'ai à peu près plus de 1000 revues.
00:46:41Tout ça, c'est bien rangé dans un coin.
00:46:44Le but, plus tard, quand on sera en retraite,
00:46:47c'est de ressortir tous ces cartons,
00:46:50de les reprendre un par un
00:46:53et de regarder la presse automobile de l'époque
00:46:56parce que nos grands-parents nous disent
00:46:59que c'est des voitures que j'ai connues à mon époque.
00:47:02Là, on aura tout.
00:47:05Les caractéristiques techniques,
00:47:08les images, les essais, tout ce qui se fait aujourd'hui.
00:47:11Après la voiture labeur,
00:47:14viendra pour Bruno le temps de la voiture plaisir.
00:47:17Mais il a encore une vingtaine d'années à travailler
00:47:20si on ne lui en rajoute pas quelques-unes d'ici là.
00:47:2320 ans d'usine encore
00:47:26avec, si tout va bien, une progression en interne
00:47:29car la plupart des ouvriers n'ont pas d'autre perspective,
00:47:32pas d'autre choix que l'usine.
00:47:35L'usine, 2 jeunes hommes y entrent,
00:47:38des travailleurs fatigués en sorte,
00:47:41comme Moulet, arrivé chez Peugeot il y a 35 ans.
00:47:44A 61 ans, cet ouvrier démarre
00:47:47une nouvelle semaine de travail,
00:47:50une semaine de nuit.
00:47:53Moulet, vous avez choisi de travailler de nuit,
00:47:56pour quelles raisons ?
00:47:59D'abord, le point familial
00:48:02et surtout, le point d'argent,
00:48:05le point de paye.
00:48:08Vous avez fait ce choix-là, même si c'est plus dur ?
00:48:11Oui, c'est plus dur.
00:48:14J'ai acheté une maison,
00:48:17je travaillais tout seul
00:48:20pour gagner un peu plus.
00:48:23Un peu plus.
00:48:261800 euros au lieu de 1500
00:48:29grâce à la prime de nuit.
00:48:3225 ans de nuit, 35 ans d'usine,
00:48:35des décennies à suivre la cadence.
00:48:38Mais Moulet voit bientôt le bout de la chaîne.
00:48:41A la fin de la semaine, il est à la retraite.
00:48:45Ça y est, la nuit peut commencer.
00:48:48Là, on peut considérer que c'est déjà commencé.
00:48:54Une dernière cigarette
00:48:57avant d'entrer en piste
00:49:00à petits pas.
00:49:04Il n'y a pas grand monde, là, encore ?
00:49:07Je suis arrivé le premier.
00:49:10Depuis 35 ans, ça commence de la même manière
00:49:13par le passage au vestiaire.
00:49:16Bleu de travail,
00:49:19chaussures de sécurité,
00:49:22des gestes qu'il a répétés des milliers de fois,
00:49:25des automatismes.
00:49:28On est à l'habitude d'aller roder comme ça.
00:49:31Oui, c'est comme ça.
00:49:34C'est bien.
00:49:37Roder, mais toujours soucieux de faire bonne impression.
00:49:43Vous êtes coquet, quand même.
00:49:46Vous vous faites beau avant d'aller travailler.
00:49:49Oui, c'est comme ça.
00:49:52C'est une question d'habitude.
00:49:55Une question d'habitude,
00:49:58comme le rythme de l'usine
00:50:01qui va retrouver ce soir,
00:50:04presque pour la dernière fois.
00:50:07Il est 20h19, Moulet arrive à son poste.
00:50:14Je prépare ma chaise, ma place.
00:50:17Les décennies de travail à la chaîne l'ont usé.
00:50:20Depuis quelques années,
00:50:23il a droit à un poste aménagé.
00:50:26Un poste où il est assis,
00:50:29mais où il n'échappe pas à la répétition des mêmes gestes.
00:50:32Je le mets comme ça,
00:50:35il y a un guide,
00:50:38et un pélote.
00:50:41Si on le met à l'envers,
00:50:44il faut bien le mettre à l'endroit.
00:50:47Si on le met à l'envers,
00:50:50j'ai déjà testé si ça marche.
00:50:53Là, ça marche pas.
00:50:56Il faut le mettre à l'endroit.
00:50:59Là, ça soude, ça veut dire que c'est bon.
00:51:02Placer la pièce,
00:51:05puis l'écrou.
00:51:08Pendant 8 heures, Moulet va répéter
00:51:11cette même opération près de 1 000 fois.
00:51:17Souder un écrou sur une pièce de métal
00:51:20jusqu'au petit jour.
00:51:29Pour souffler, il y a les pauses,
00:51:323 fois dans la nuit.
00:51:3950 minutes au total,
00:51:42loin des machines.
00:51:59Ca a beaucoup changé, le travail,
00:52:02depuis que vous êtes arrivé chez Peugeot ?
00:52:05Avant, le travail, c'était beaucoup manuel.
00:52:08Maintenant, il y a beaucoup de robots,
00:52:11il y a beaucoup de machines automatiques.
00:52:14Il y a beaucoup de changements.
00:52:17Vous regrettez un peu l'époque
00:52:20où c'était une ambiance un peu différente ?
00:52:23Un peu, oui.
00:52:26C'était bien, il y avait une autre ambiance.
00:52:29C'était autre chose.
00:52:32Le travail, il était dur,
00:52:35mais il y avait de l'ambiance.
00:52:38C'était une relation entre les gens
00:52:41un peu différente.
00:52:44On travaillait presque comme des amis.
00:52:49Et progressivement,
00:52:52les amis de Moulet sont partis.
00:52:55L'usine employait plus de 40 000 personnes
00:52:58dans les années 70.
00:53:02Dans les ateliers,
00:53:05les hommes ont peu à peu été remplacés
00:53:08par les machines,
00:53:11des robots plus productifs, infatigables.
00:53:14Les ouvriers qui restent
00:53:17sont désormais isolés,
00:53:20séparés les uns des autres
00:53:23par le bruit et la distance
00:53:26entre les postes de travail.
00:53:29Il n'y a pas de place
00:53:32pour le vagalâme des vieux ouvriers.
00:53:35Jusqu'au bout, il faut se plier
00:53:38aux exigences de l'usine.
00:53:41Toujours sous surveillance,
00:53:44les ouvriers sont évalués
00:53:47toutes les 5 semaines.
00:53:50Et même au bout de 35 ans de service
00:53:53et à une semaine de la retraite,
00:53:56Moulet fait son opération
00:53:59sous le regard attentif
00:54:02du chef d'atelier et de son adjoint.
00:54:05Quand tu arrives au début de poste,
00:54:08qu'est-ce que tu fais en général ?
00:54:11J'enregarde la 1re.
00:54:14C'est ça, la consigne russe.
00:54:17Quand il y a une panne,
00:54:20qu'est-ce que tu dois faire ?
00:54:24L'intérêt de ces évaluations,
00:54:27ce n'est pas seulement de savoir
00:54:30comment l'ouvrier travaille,
00:54:33mais aussi de vérifier
00:54:36qu'il connaît les procédures d'urgence
00:54:39pour ne pas se mettre en danger.
00:54:46Quand tu les répètes
00:54:49toutes les 5 semaines,
00:54:52c'est quand même la meilleure chose.
00:54:55C'est vrai, il y en a qui les respectent,
00:54:58il y en a qui ne les respectent pas.
00:55:01Mais à fond, c'est toujours...
00:55:04Donc vous, vous allez passer l'examen sans problème ?
00:55:07Voilà, comme ça.
00:55:10Comme ça, c'est fait.
00:55:13Moulet est presque au bout de sa nuit de travail.
00:55:16Un quart d'heure avant de partir,
00:55:19le chef de société fait le décompte de la production.
00:55:22Avec son équipe, il finit toujours un peu en avance,
00:55:25car après 35 ans de labeur,
00:55:28Moulet tient toujours la cadence et même plus.
00:55:35Voilà.
00:55:38Tout le monde a fait sa production.
00:55:41Sur les chiffres, c'est Moulet.
00:55:44C'est toujours Moulet, 784.
00:55:481 000 pièces, quoi.
00:55:51Faut qu'on le garde encore.
00:55:54Pour nous, c'est une grosse perte.
00:55:57Quelqu'un qu'on a l'habitude...
00:56:00Quand on a besoin de quelque chose,
00:56:03on peut lui poser la question.
00:56:06Il a beaucoup d'expérience.
00:56:09Personnellement, c'est quelqu'un en qui je compte beaucoup.
00:56:12Moulet, lui, appréhende son départ à la retraite
00:56:15malgré les difficultés d'un métier pas toujours facile.
00:56:46Le travail, ça...
00:56:49C'est ça que ça...
00:56:52Ça va manquer.
00:56:55Ça va laisser un vide.
00:56:58Laisser derrière soi ses rituels et ses amis.
00:57:0135 ans d'usine, une vie de travail.
00:57:04Moulet n'a plus que quelques jours pour s'y préparer.
00:57:07Dans moins d'une semaine,
00:57:10il viendra fêter sa dernière nuit à l'usine.
00:57:13Sous-titrage MFP.
00:57:43Pour éviter que cela ne prenne trop d'ampleur,
00:57:46le groupe d'intervention de l'usine
00:57:49surveille la sortie du site.
00:57:56On va effectuer des...
00:57:59Des contrôles de coffres.
00:58:02D'accord ?
00:58:05S'assurer que les sous-traitants ou les salariés
00:58:08ne partent pas avec du matériel,
00:58:11mais qu'il reste uniquement visuel.
00:58:14Jean-Noël ne peut pas fouiller les voitures.
00:58:17L'intérieur des véhicules est considéré
00:58:20comme une propriété privée.
00:58:26OK, ça marche.
00:58:29Messieurs, bonne soirée.
00:58:32S'il y a un doute, Jean-Noël doit appeler la police.
00:58:35Bonjour. Pouvez-vous ouvrir le coffre, s'il vous plaît ?
00:58:38Il ne cherche pas un type de marchandise en particulier.
00:58:41Ces derniers temps,
00:58:44les voleurs ont de l'imagination.
00:58:47OK, d'accord.
00:58:50Ça va ?
00:58:53Merci et bonne soirée.
00:58:56C'est quel type de vol ?
00:58:59Un peu de tout.
00:59:02Il n'y a plus d'autos
00:59:05que sur leur chantier, les vols de cuivre.
00:59:08Mais aussi des ordinateurs, des imprimantes,
00:59:11des autoradios, des jantes de voiture
00:59:14et même des bombes anti-crevaison.
00:59:17On ferme.
00:59:20A demain.
00:59:23Difficile de tout intercepter.
00:59:26La présence des agents de sécurité est avant tout dissuasive
00:59:29et leurs capacités de contrôle sont dépassées
00:59:32par le flux de ceux qui viennent de finir leur journée
00:59:35et quittent l'usine.
00:59:38Comme Gérard, qui rentre enfin chez lui.
00:59:41Allez, c'est parti.
00:59:44Debout depuis 3h40 du matin,
00:59:47il doit s'attaquer aux tâches ménagères.
00:59:50La journée de travail est terminée.
00:59:53Maintenant, c'est la journée à la maison.
00:59:56La journée dure environ 18-20h.
00:59:59Donc pas le temps de fléchir.
01:00:09Il est 14h.
01:00:12Gérard n'a toujours pas mangé.
01:00:15Et lorsqu'il s'attable, c'est avec son ticket de loterie
01:00:18et l'espoir de découvrir une bonne surprise
01:00:21sur l'écran de son ordinateur.
01:00:2514h... Voilà.
01:00:28C'est pas bon, cette fois-ci.
01:00:31Tant pis.
01:00:34Il faut se lever à 3h du matin demain.
01:00:37En attendant d'être millionnaire,
01:00:40Gérard, le chef d'unité, devient Gérard, l'ouvrier domestique.
01:00:43Son après-midi est calibré.
01:00:46Le linge, puis les courses.
01:00:49Du jus d'orange du gosse.
01:00:53Du jus d'orange en quantité industrielle.
01:00:56Comme à l'usine, Gérard optimise et rentabilise
01:00:59chaque opération.
01:01:02Ce matin, Béatrice emmène les enfants à l'école
01:01:05et fait sa part du boulot.
01:01:08Il y a 2 facettes.
01:01:11D'un côté, ça peut faire rire,
01:01:14mais il faut y penser.
01:01:17On s'engueule très peu.
01:01:20Il n'y a que le week-end pour se retrouver.
01:01:23On ne va pas passer le week-end à s'engueuler.
01:01:26Il y a un plaisir à se retrouver le week-end.
01:01:29Ça se passe super bien.
01:01:32On se repose ensemble.
01:01:35C'est génial.
01:01:38Une fin d'après-midi éprouvante.
01:01:41Pas de pause, pas de sieste.
01:01:44C'est le tour des enfants.
01:01:47C'est aussi le seul moment
01:01:50où Gérard peut voir ses enfants.
01:01:53C'est difficile à gérer.
01:01:56Entre l'humeur, l'explosion de joie
01:01:59quand ils sortent de l'école.
01:02:02Nous, on n'explose pas vraiment de joie.
01:02:05On explose de fatigue.
01:02:08C'est parti.
01:02:11C'est parti.
01:02:15C'est parti.
01:02:18J'ai pas vu depuis hier soir,
01:02:21depuis que je l'ai couché.
01:02:24C'est la 1re fois que je le vois depuis 18h.
01:02:27C'est super.
01:02:30C'est plus important les copains que le papa.
01:02:33Son 2e fils rentre du collège.
01:02:36Comme Béatrice, Gérard est très attentif
01:02:39à l'éducation de ses fils à leur avenir.
01:02:43Ah, ça me fait plaisir, ça.
01:02:4618 sur 20.
01:02:49Très bon travail.
01:02:52Je vais continuer comme ça.
01:02:55Il y a un truc qui m'inquiète,
01:02:58c'est qu'ils aient un travail qui leur plaise.
01:03:01Je crois que c'est la meilleure des choses,
01:03:04qu'on fasse un boulot qui nous plaise.
01:03:07Peu importe qu'il soit ouvrier ou avocat,
01:03:10le moment que ça lui plaît, c'est le principal.
01:03:13Je lui demanderai pas plus ou moins.
01:03:16Si il est capable, je lui demanderai
01:03:19de travailler le plus loin possible.
01:03:2218h30, c'est l'heure du repas,
01:03:25servi de bonheur après une journée interminable.
01:03:28Pendant que le père et ses fils dînent entre hommes,
01:03:31Béatrice, la maman, répète inlassablement
01:03:34les mêmes gestes sur sa ligne de montage
01:03:37au lieu d'être à la maison.
01:03:40...
01:03:43...
01:03:46...
01:03:49...
01:03:52...
01:03:55...
01:03:58...
01:04:01...
01:04:04...
01:04:07...
01:04:10...
01:04:13...
01:04:16...
01:04:19...
01:04:22...
01:04:25...
01:04:28...
01:04:32...
01:04:37...
01:04:46...
01:04:50...
01:04:53...
01:04:56...
01:04:59Le repas est terminé, et Gérard va même pouvoir s'offrir un petit luxe de fin de journée.
01:05:13Je crois qu'aujourd'hui, je vais avoir la chance de regarder, de voir les infos du début jusqu'à la fin.
01:05:20Au moins de m'informer un petit peu de ce qu'il se passe dans le monde.
01:05:24Après 16 heures d'activité non-stop, c'est bientôt le repos du travailleur.
01:05:40Raté, encore un dernier effort.
01:05:54Et pas de bordel.
01:05:55Cette fois-ci, c'est la bonne.
01:06:23Ma journée est finie. Voilà.
01:06:27Premiers instants de répit depuis la nuit dernière.
01:06:31Une heure plus tard, Béatrice est de retour de l'usine.
01:06:35Il est 21h30.
01:06:44Là, il est 21h30. Vous passez combien de temps ensemble ?
01:06:49Ça dépend. Quelquefois, ça peut être une demi-heure. Quelquefois, une heure. Quelquefois, deux heures. Ça dépend.
01:06:55Mais bon, il est certain que le temps que celui qui a fait sa journée du matin passe avec l'autre, il le payera, quoi qu'il en soit, le lendemain.
01:07:07Et quelquefois même, il s'endort tout seul. Il n'a même pas le courage d'attendre. Et puis, il va se coucher, généralement.
01:07:16Une demi-heure pour se retrouver, une courte échappée avant d'aller se coucher et de tout recommencer demain matin.
01:07:29Pour Moulet, en revanche, c'est terminé. Il n'y aura plus de lendemain à l'usine.
01:07:36Ce soir, c'est sa dernière nuit chez Peugeot après 35 ans de travail.
01:07:46Qu'est-ce que c'est, tout ça ?
01:07:48C'est des petits gâteaux pour les copains. Pour leur dire au revoir.
01:07:55Est-ce que c'est un grand jour, aujourd'hui ?
01:07:57Pour moi, oui.
01:07:59Qu'est-ce qui se passe ?
01:08:01Je pars à la retraite. Et puis, il y aura des amis que je ne verrai plus, peut-être.
01:08:10Le coeur un peu serré, Moulet reprend le chemin de l'usine.
01:08:22La nuit tombe sur sa vie d'ouvrier.
01:08:28Il est temps pour lui d'aller dire au revoir.
01:08:39C'est ici que j'ai débuté, qu'on a commencé ici à travailler.
01:08:48Il y a combien de temps ?
01:08:50Oui, il y a plus de 30 ans.
01:08:5230 ans ?
01:08:54Plus de 30 ans, oui.
01:09:00On va y aller.
01:09:03Dernier passage au vestiaire.
01:09:06Dernier enchaînement, des mêmes gestes, en mode automatique.
01:09:10Avant l'ultime entrée en piste.
01:09:16Mais ce soir, Moulet n'ira pas sur son poste de travail.
01:09:19Je vais le tuer, ce soir.
01:09:21T'as pris beaucoup de bois.
01:09:26Ce soir, il va aller dire adieu à ses amis.
01:09:29C'est le privilège de ceux qui vont faire le grand saut.
01:09:36Allô, ça va ?
01:09:38Pas les bois de vacances, hein ?
01:09:40Et surtout la santé, hein, bien sûr.
01:09:42Il mange beaucoup d'oignons, comme ça.
01:09:46Ces paysages de labeur, Moulet les abandonne ce soir.
01:09:52Pour lui, c'est l'heure des sentiments mêlés.
01:09:54Soulagement et boule au ventre.
01:10:00Ça va ?
01:10:02C'est un grand jour.
01:10:04C'est un grand visite.
01:10:06Comment ça se passe ?
01:10:08Un peu ému, ce soir, je pense, non ?
01:10:10J'arrive plus à parler.
01:10:12Vous avez fait le tour de tous vos amis, déjà, cette nuit ?
01:10:18Avant de dire au revoir aux amis ouvriers,
01:10:20il faut respecter le protocole
01:10:22et se plier une dernière fois à l'étiquette Peugeot.
01:10:25Un face-à-face d'adieu avec le directeur de l'atelier.
01:10:30Alors, comment ça va se passer ?
01:10:33J'imagine bien ce qu'est l'émotion, aujourd'hui,
01:10:36de M. Moulet et d'Elyrie,
01:10:39qui quittent 34 ans de boulot
01:10:42et des centaines de copains qu'il a côtoyés ici.
01:10:47Et je pense que c'est difficile.
01:10:50C'est en même temps un vrai bonheur
01:10:53de pouvoir se reposer et de penser à autre chose,
01:10:57de pouvoir avoir parfois des horaires un peu délicats.
01:11:00Mais aussi, je pense que c'est une vraie difficulté,
01:11:04une vraie émotion.
01:11:06Parce qu'ici, on est une usine où on fait des autos.
01:11:10Mais avant tout, c'est une affaire d'hommes et de femmes.
01:11:13Et ça, c'est quelque chose qui est toujours fort chez nous.
01:11:17Merci.
01:11:19Profitez de cette retraite.
01:11:23Merci beaucoup.
01:11:26Pour ces quelques années,
01:11:28quelques longues années,
01:11:30un livre qui vous rappellera un peu ce qui s'est passé ici.
01:11:33D'accord ?
01:11:34Ça me touche.
01:11:35Ça me touche beaucoup.
01:11:36Merci beaucoup, Peugeot.
01:11:38Ça me touche beaucoup.
01:11:39Merci beaucoup.
01:11:40Portez-vous bien, M. Elyrie.
01:11:42D'accord, merci.
01:11:43L'histoire de Peugeot.
01:11:46C'est un bon souvenir.
01:11:48Vous me manquez, Peugeot ?
01:11:50Bien sûr, ça me manquait.
01:11:55Mettre un point final à une vie de travail
01:11:58moulait en mesure maintenant la difficulté.
01:12:04Ce soir, il avait prévu de fêter sa retraite.
01:12:07Mais visiblement, le cœur n'y est pas.
01:12:11Ça vous fait quoi de le voir partir à la retraite ?
01:12:13On est tout émus, là.
01:12:15Ça fait bizarre.
01:12:19C'est après qu'on va se rendre compte, sur le coup.
01:12:26Dans la salle commune, les copains attendent pour lui dire au revoir.
01:12:32Mais rapidement, car le pot d'adieu se fait sur le temps d'une pause légale.
01:12:37Pas une minute de plus n'a été prévue.
01:12:40Bonne longue retraite.
01:12:42Merci.
01:12:43Profite de ta retraite.
01:12:44Tu vas nous manquer.
01:12:46Tu nous manques déjà.
01:12:48Ça sent pas déjà à un pied dehors.
01:12:51Profite bien de ta retraite, Moulai.
01:12:54J'ai été ravi de travailler avec toi.
01:12:57Merci.
01:12:59Moulai, qu'est-ce que tu ressens après toutes ces années de travail ?
01:13:02Faites-moi un discours.
01:13:08Il n'a pas beaucoup de voix.
01:13:12Je vous remercie tous.
01:13:14Je vous souhaite que vous arriverez à la retraite tous en bonne santé.
01:13:18Et de profiter.
01:13:21De bon cœur.
01:13:26Regarde, regarde.
01:13:28Un, deux, trois.
01:13:38J'espère qu'il y aura des bons souvenirs.
01:13:40Alors Moulai, qu'est-ce que vous allez faire à la retraite ?
01:13:44Moulai, qu'est-ce que vous allez faire à la retraite ?
01:13:48Je vais d'abord me reposer, puis on verra bien après.
01:13:53Moulai, qu'est-ce que tu veux boire ?
01:13:56Moi, je bois du Coca.
01:13:58Dernier moment parmi ses pairs.
01:14:00Dernière soirée en bleu de travail.
01:14:07Mais derrière la vitre, la machine n'attend pas.
01:14:14Pour ceux qui restent, il faut reprendre le travail.
01:14:21Moulai s'en va vers le premier jour de sa nouvelle vie.
01:14:27Le jour où Moulai va reprendre le travail.
01:14:41Bon là, ça y est, c'est fini, c'est la fin.
01:14:44Je ne pourrai plus venir, c'est fini.
01:14:47C'est la retraite.
01:14:50Ça fait un choc, quoi.
01:14:53Je ne verrai plus les amis comme avant.
01:14:55Je ne verrai plus ça aussi.
01:14:59Moulai part.
01:15:01Dernier spécimen d'une génération bientôt éteinte.
01:15:05Celle des ouvriers,
01:15:07qui pouvaient espérer faire toute leur carrière chez le même constructeur,
01:15:11dans la même usine.