Retrouvez "Pascal Praud et vous" sur : http://www.europe1.fr/emissions/pascal-praud-et-vous
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00:00Isabelle est avec nous. Bonjour Isabelle, vous habitez le Maine-et-Loire.
00:04Oui, bonjour Pascal Traudis.
00:06Et vous nous écoutiez tout à l'heure dans notre échange avec Fatima Benomar et peut-être avez-vous
00:09une question ou une interprétation à proposer ?
00:13Oui, alors je dis bonjour à Fatima déjà avant tout voilà.
00:17Moi ce qui me...
00:18Voilà, je ne pense pas que tous les hommes sont des violeurs potentiels.
00:22Je ne sais pas pourquoi il y en a qui violent, pourquoi qui agressent, sincèrement je ne sais pas. Une chose qui est sûre
00:28c'est que ça se trouve dans toutes les classes socioprofessionnelles.
00:31Ça c'est clair, voilà. Et par contre je suis contre le mouvement de récupération par les mouvements féministes
00:39par rapport à ça.
00:41Parce que déjà quand on baigne que dedans,
00:43on a tendance à voir des violeurs partout et la société n'est pas ainsi faite pour ma part.
00:49J'en suis intimement convaincue
00:51et je voulais dire aussi à Fatima qu'il ne faut pas oublier qu'il y a des hommes aussi qui vivent de la maltraitance de la
00:57part des femmes.
00:58Et ça c'est... Il n'y a pas d'organisme qui protège les hommes par rapport à ça.
01:06Je pense que pour madame Pellicot
01:09qu'elle soit récupérée par un mouvement féministe
01:12anti-viol, cela me dérange énormément. Je vais vous expliquer pourquoi madame Fatima, moi-même j'ai subi une agression sexuelle, j'ai subi un viol.
01:19Voilà, des viols.
01:22Et de par mon expérience, je ne mets pas les hommes dans tous le même panier.
01:27Ce ne sont pas tous des violeurs potentiels.
01:29Ce que dit Fatima, et je peux l'entendre, c'est que la société
01:34depuis des siècles a mis en place
01:37des conditions où le viol ou la domination masculine
01:42était... Alors c'est le continuum, on va parler de la domination masculine d'abord et que le viol est un continuum,
01:47était en place. Et c'est difficile de dire le contraire, c'est-à-dire que la domination des hommes à travers les siècles,
01:54il y a 50 ans par exemple à Europe 1, il y avait que des hommes qui travaillaient, et qu'il faut mieux être une femme à Europe 1 en 2024 qu'en 1974.
02:03Parce qu'il y avait des comportements,
02:06des possibilités, des humiliations pourquoi pas,
02:11des choses qui se mettaient en place, des chantages aussi sans doute qui se mettaient en place, qui sont le fruit de
02:19siècles de culture
02:21masculine. Voilà ce qu'elle veut dire.
02:25Mais elle ne dit pas que tous les hommes sont des violeurs, c'est ce que je lui disais tout à l'heure, moi je lui ai dit que tous les hommes ne sont pas comme ça.
02:30Mais la culture dominante, elle penche du côté des hommes.
02:35Bon alors moi je vais vous dire une chose Pascal Praud, la culture a quand même changé puisque jusque dans les années 70, une femme qui était
02:41mariée ne pouvait pas avoir un compte bancaire sans l'autorisation de son mari.
02:45Mais c'est ce que nous disons !
02:47Mais c'est il y a 50 ans !
02:49Mais c'est hier !
02:51C'est hier !
02:53Oui, c'est hier, mais Pascal Praud depuis maintenant à 50 ans, ça a énormément changé, croyez-moi.
03:00Et moi je vois beaucoup de jeunes gens, de jeunes hommes et d'hommes, qui me disent que je ne sais plus comment aborder mes femmes.
03:05Alors ça c'est vrai aussi, et vous avez raison.
03:07Ils me disent j'ai peur, j'ai peur.
03:09Et même, je vais vous dire Pascal Praud, j'ai même des jeunes en couple, où le jeune homme me dit je fais attention parce que j'ai peur que si je fais un geste
03:18ou que je dise quelque chose, ça se retourne contre moi.
03:21Mais vous avez raison, je l'entends.
03:23Il faut être modéré.
03:26J'entends ce que vous dites, et bon Fatima je vais être porte-parole de votre mouvement si ça continue.
03:34Non mais que les choses aient changé, bien évidemment, et je ne serais pas militante si je n'avais pas une vision optimiste d'histoire,
03:40parce que je me dirais que militer ça sert à rien.
03:42Tout ce qui a été construit par l'esprit peut être déconstruit par l'esprit, il n'y a aucun problème.
03:47Et je milite pour qu'il y ait de nouvelles générations qui construisent d'autres rapports de genre à baser sur l'égalité.
03:56Vous avez dit d'autres rapports de domination, parce que j'ai cru qu'on voulait dire que vous vouliez que les femmes prennent le pouvoir.
04:02Pour abolir les rapports de domination, pour abolir les rapports de pouvoir, ce qui ne sera pas facile.
04:06Ce que vous dites sur les hommes qui sont victimes des femmes, bien entendu qu'il y a des hommes qui sont victimes de violences de la part d'autres femmes.
04:12Ce que je veux dire c'est que, comment on fait la différence entre des violences qui sont systémiques ou qui ne le sont pas,
04:17c'est que franchement, demandez autour de vous combien d'hommes, en marchant dans la rue, voient au loin un groupe de femmes et disent
04:23« Ah là là, comment je vais faire ? Est-ce qu'il faut que je mette des écouteurs ? Est-ce qu'il faut que je fasse semblant de parler au téléphone ? Est-ce qu'il faut que je tourne dans la rue ? »
04:30Est-ce qu'il y a assez de violences féminines pour que les hommes aient peur la nuit de tomber sur des femmes ?
04:34Est-ce que quand on a un date, je ne sais pas moi, un date Tinder, quelqu'un qu'on a rencontré en ligne ou quoi,
04:39est-ce que les hommes se posent les mêmes questions en allant chez la femme que l'inverse ?
04:44Donc c'est à ça qu'on doit avoir un peu de lucidité pour comprendre quels sont les rapports de force dans la société.
04:51Par rapport à ce que vous dites sur...
04:53Effectivement, quand je dis que tous les hommes ne sont pas concernés ou quoi, moi-même je me pose des questions.
04:58En vérité, je ne peux pas avoir la réponse absolue à ça, c'est pour ça que j'encourage à une mise en contribution mixte de la question.
05:06Je vous raconte quelque chose qui m'est arrivé il y a deux ans et qui montre parfois aussi les subtilités entre un débat théorique et une situation pratique.
05:18Si je débat théoriquement, je débat théoriquement depuis longtemps avec ma mère,
05:22et que je lui dis, si je te dis qu'il y a quand même une très grande part d'hommes qui peuvent agresser, peut-être plus du tiers ou quoi,
05:29elle va lever les yeux au ciel, elle va me faire exactement la même réponse que Pascal genre
05:34« Oh là là ma fille, tu vas trop loin, n'importe quoi ».
05:36Il s'est passé il y a deux ans une question pratique, je vais les rejoindre en Espagne,
05:40je ne suis pas quelqu'un qui a beaucoup d'argent, donc je vais dans une auberge, le truc là, des chambres avec plusieurs lits,
05:48et ma mère, dans cette chambre il y avait trois hommes et trois femmes, dont moi.
05:53Ma mère tout de suite, instinctivement me dit « Attends, tu vas être dans une chambre avec trois hommes, t'as pas peur ? ».
06:00C'est-à-dire qu'à ce moment-là, elle analyse instinctivement, même pas sur la base d'un positionnement idéologique ou théorique,
06:08qu'un homme sur trois est capable de s'en prendre à moi. Je vous le donne en mille, bizarrement, je lui réponds
06:16« Écoute maman, n'importe quoi, en plus c'est un endroit où il y a plusieurs personnes, il n'y a pas de risque ».
06:21Eh bien je vais dormir ce soir-là dans cette chambre, les autres partent en taf et il y a un mec qui reste,
06:27et j'ai subi, en fait le mec s'approche de moi alors que je suis réveillée, il se met à se masturber en me regardant.
06:36Donc c'est là en fait qu'il y a toute cette ambivalence dans notre façon d'appréhender l'ampleur du phénomène.
06:44Moi-même, c'est des choses, je vous le dis honnêtement, où j'ai changé d'avis plusieurs fois, où je me dis « Attends,
06:49je pense effectivement qu'en tant que militante, je pose une loupe sur des récits qui me sont beaucoup racontés ».
06:55Il y a d'autres fois où je me dis « Mais non, tous les agresseurs sont en train de tomber sur les filles de Pascal Praud ».
07:00Tu vois, si toutes les filles de Pascal Praud témoignent, c'est que c'est le cas de beaucoup d'autres filles et d'autres hommes,
07:06et que c'est massif et que c'est endémique.
07:08Et donc tout à l'heure, je ne disais pas que tous les hommes sont des agresseurs, je disais « Est-ce que chaque homme peut se dire
07:14quelle est la part d'agresseur ? » parce que je ne pense pas qu'on soit des êtres homogènes.
07:19Je pense qu'il y a plusieurs identités en nous qui nous sont impulsées par un contexte social,
07:24et qu'il y a une part qui est flattée chez les hommes, de la glamorisation, de la banalisation, de l'érotisation de violences sexistes et sexuelles,
07:33et qui peut aussi provoquer des passages à l'acte.
07:35Moi, c'est ma thèse, de la place où je suis, Pascal me dit que lui, il pense que c'est très minoritaire, c'est sa voix,
07:42si ça se trouve, il va changer d'avis d'ici demain, mais au moins posons la question honnêtement,
07:46ayons le courage de se regarder entièrement dans le miroir.
07:49Par ailleurs, si je laisse de côté le côté patriarcal, moi, sur d'autres pans, je reconnais que j'ai eu des rapports de domination et de violence envers des personnes.
07:59Notamment, j'ai grandi au Maroc, le Maroc est un pays où il y a une grande part de racisme contre les Noirs,
08:06et il m'a fallu du temps pour déconstruire et réhumaniser l'image, déshumaniser que j'avais des Noirs.
08:12Et c'est un travail que j'ai fait avec l'humanité, et à un coup de moment, je me suis dit « Oh là là, c'est pas gentil de dire ça sur les Arabes,
08:17les Arabes marocains ont été éduqués dans une éducation où ils dénigraient les Amazigh notamment,
08:23population minoritaire au Maroc, et les Noirs. Il faut le faire ! »
08:27Et je vous assure qu'on m'en sort d'ailleurs, et on ne sort pas en disant « On m'attaque de mon identité ! »
08:34D'abord, ce qui est agréable avec vous Fatima, c'est que vous mettez de la nuance dans ces sujets,
08:41et ce qui est agréable aussi, c'est que vous n'avancez pas avec des certitudes.
08:46Vous dites vous-même « Je m'interroge », et ça je trouve que c'est agréable quand on est dans une discussion comme cela.
08:54Ce sont des discussions effectivement très très longues, parce qu'elles sont aussi paradoxales,
08:59parce que la place des femmes, par exemple dans les maisons, depuis toujours, dans les familles, veux-je dire,
09:05la place des femmes même dans les familles, je veux dire, de toute condition sociale,
09:12elle est très importante. C'est-à-dire que c'est les mères qui faisaient les enfants, en France,
09:17souvent c'est les mères qui éduquaient les enfants, c'est les mères qui s'occupaient des enfants.
09:22Alors ça veut dire quoi s'occuper ? Ça veut dire que c'est les mères qui les emmènent au sport,
09:25c'est les mères qui les emmènent chez le dentiste, c'est les mères qui les soignent, c'est les mères...
09:30Et la place de l'influence dans les sociétés, dans la sphère privée, dans la sphère privée,
09:38l'importance de la femme, et chacun peut le mesurer d'ailleurs, chacun peut le mesurer avec des relations,
09:45des amis, etc., les choses demandent à être plus nuancées, parce que la société patriarcale,
09:50comme vous dites, dans la sphère publique, dans la sphère professionnelle,
09:54elle était, il y avait une sorte de différence dans la sphère privée.
10:00Je l'ai souvent observé, et vous peut-être aussi, Fatima ?
10:04Très clairement, et encore aujourd'hui, tout ce qui est le soin, le travail invisible,
10:09c'est un peu le propre du patriarcat aussi, d'invisibiliser le travail des femmes.
10:14Vous voyez, moi j'ai toujours vu, ma mère faisait un travail qui était à refaire tous les jours le lendemain,
10:18c'est-à-dire le ménage, le soin, le soin apporté aux gens, le fait que tout soit propre pour que les enfants ne tombent pas malades,
10:25on ne le voit pas, le jour où mon père a bricolé une commode, des gens le voyaient,
10:30chaque fois que des gens zonnaient, c'était quelque chose qui restait,
10:34ce n'était pas un travail invisible et à refaire le lendemain.