Lundi 23 septembre 2024, SMART TECH reçoit Alexandre Stachtchenko (directeur de la stratégie, Paymium) , Hervé Le Jouan (fondateur, Advisory) , Philippe Rodriguez (dirigeant, Avolta) et Caroline Zorn (vice-présidente de Strasbourg Eurométropole & présidente, ADCET)
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00:00Bonjour à tous. Les attaques à l'encontre des crypto-monnaies n'ont jamais cessé.
00:12Et encore cet été, un journaliste américain plongé dans la littérature florissante sur le sujet, publié sur X.
00:19La forte impression que j'ai, c'est qu'il s'agit d'une grosse arnaque qui vole les gens d'en bas pour enrichir ceux d'en haut.
00:25Alors quoi ? Le bitcoin serait-il une escroquerie ? On en débat aujourd'hui dans Smartech.
00:31Et puis, je vous propose aussi un nouveau rendez-vous, un rendez-vous qui sera régulier dans l'émission cette saison,
00:36pour adresser spécifiquement le sujet de la protection de nos données personnelles.
00:41Mais d'abord, j'aurais posé trois questions sur les usages numériques citoyens. C'est tout de suite dans Smartech.
00:48Bonjour Caroline Zorn, vous êtes vice-présidente de Strasbourg Euro Métropole, vous êtes en charge de l'enseignement supérieur et du numérique,
00:59conseillère municipale de Strasbourg, en charge aussi de toutes ces questions autour du numérique, notamment de l'inclusion ou encore de l'ouverture des données.
01:07Et puis vous êtes la présidente d'une association à but non lucratif, ADCET, qui regroupe une soixantaine de membres publics, privés,
01:15pour le développement des usages numériques citoyens. Je voulais savoir ma première question Caroline, c'est qu'appelez-vous les usages numériques citoyens déjà ?
01:24Bonjour. Alors ils sont très très nombreux ces usages. Au quotidien, les citoyennes et les citoyens ne s'en rendent pas forcément compte.
01:31Mais un usage numérique, ça va de démobilité avec sa carte pour monter dans le bus jusqu'au paiement de la cantine, passer un portique,
01:43faire baisser une borne pour entrer dans un parking, se connecter sur son compte citoyen. Il y a énormément de choses au quotidien et donc les enjeux de l'ADCET sont au cœur du quotidien des personnes.
01:56Donc ce que vous appelez citoyen, c'est lié à la notion d'utilisation de services numériques dans le service public ?
02:03Dans le service public, mais pas uniquement. Quand on parle par exemple d'entrer dans un parking, ce n'est pas forcément un parking qui est géré par une municipalité.
02:12Mais néanmoins, c'est vraiment pour le quotidien des personnes. Les usages numériques citoyens, ça vient un petit peu en contraste avec les usages strictement professionnels.
02:23Donc là, c'est dans la vie de tous les jours, on va dire ça comme ça.
02:25D'accord. Alors vous tenez des assises de ces usages numériques citoyens. Cette année, c'était à Marseille avec pour thème principal l'intelligence artificielle.
02:34J'ai envie de dire bien sûr, of course, mais que va changer l'IA dans ces usages du quotidien ?
02:41Alors effectivement, cette année, c'était à Marseille. L'année prochaine, on est à Montpellier. Chaque année, c'est vraiment l'événement phare de l'Adcet où on peut se rencontrer
02:50entre justement ces territoires, ces municipalités, ces métropoles et les industriels, les sociétés innovantes en la matière.
03:00Et donc on a eu, je vais vous donner des exemples très concrets. Cette année, on a par exemple Plaine-Commune et Itac qui ont été récompensés puisqu'on organise aussi des trophées,
03:10des usages numériques citoyens pour leur projet qui est en fait un réseau social d'action écologique qui valorise les habitants, les associations et qui utilise l'IA pour la planification écologique.
03:23On a aussi Marc Ambareuil qui a développé une IA municipale qui va permettre aux citoyens via WhatsApp, via une messagerie du quotidien de poser des questions pour avoir des informations
03:36relatives aux services publics, qu'est-ce qu'on mange à la cantine aujourd'hui, quels sont les horaires d'une piscine, sans forcément aller sur un site Internet.
03:44Donc on a aussi Linksense qui a… enfin on a plein plein de propositions finalement pour améliorer les usages numériques à l'appui de l'IA.
03:55Et c'est aussi notre travail de mener des réflexions un peu prospectives pour voir où est-ce qu'on place l'IA pour que ce soit quelque chose d'utile, d'utilisé et d'utilisable.
04:05Donc il ne s'agit pas de faire de l'IA pour de l'IA, c'est un petit peu l'enjeu cette année.
04:09Et partager j'imagine des cas pratiques qui fonctionnent déjà, des retours d'expérience au sein des collectivités.
04:17La dernière question que je voulais vous poser c'est quel bilan vous tirez vous déjà de ces usages numériques, la manière dont ils ont évolué, dont les citoyens s'en sont emparés depuis vos assises de 2023 et comment vous voyez les choses évoluer ?
04:31Ce que je veux dire c'est que l'Adcet est un animateur de réseau, une association qui fait vraiment un travail important mais qui est aussi une autorité d'enregistrement pour ce qu'on appelle la norme AMC.
04:41C'est une norme qui va permettre justement d'avoir toutes ces fonctionnalités, tous ces usages sur un même support, carte physique ou dématérialisé en protégeant la vie privée des personnes.
04:50Et c'est aujourd'hui un élément qui inquiète pour répondre à votre question, c'est comment est-ce que l'IA va permettre d'accéder au maximum de services tout en protégeant les données,
05:02en protégeant ce qu'on va appeler l'intégrité de nos données, de notre vie privée, l'intégrité numérique, c'est un concept que les Suisses ont intégré d'ailleurs dans leur constitution.
05:13Donc il faut trouver cet équilibre et il faut trouver l'amélioration des services rendus aux usagers et aujourd'hui on voit une explosion des solutions à base d'IA
05:24et toutes n'ont pas le même degré de maturité et de conformité à la réglementation et c'est vrai qu'on est très content d'avoir des adhérents à l'Adcet qui sont particulièrement soucieux de ces enjeux.
05:36Donc vigilance j'ai envie de dire pour cette année 2024. Merci beaucoup de nous avoir éclairé sur ces sujets Caroline Zorn, je rappelle que vous êtes la présidente de l'association Adcet,
05:45également vice-présidente de Strasbourg Euro Métropole. Allez tout de suite c'est l'heure de notre débat, on va parler du Bitcoin.
05:52Arnaque, aberration, qui pour défendre le Bitcoin face aux attaques récurrentes ? Et bien peut-être mes deux invités. En tout cas j'ai eu envie de les confronter à certaines réalités et critiques.
06:06Bonjour Alexandre Tchatchek. Bonjour. Merci beaucoup d'être avec nous. Vous êtes entrepreneur, auteur conférencier, vous avez cofondé Blockchain Partner qui a rejoint KPMG France
06:15où vous avez d'ailleurs été directeur Blockchain & Crypto. Vous êtes le co-auteur de deux ouvrages de référence. On va citer le dernier en date Bitcoin & Crypto Monnaie Facile,
06:25deuxième édition parue en 2024 aux éditions First. Et puis je dois préciser que vous êtes également le cofondateur de l'ADAN qui rassemble les acteurs des cryptos actifs en France.
06:37Donc vous portez véritablement ce secteur et puis suivez l'évolution de la législation, de la régulation en France.
06:44Et puis quand même directeur de la stratégie chez Paymium qui est mon rôle actuel.
06:48J'y venais. Aujourd'hui vous êtes le directeur de la stratégie de Paymium qui est un pionnier du Bitcoin dans le monde qui a été donc fondé en 2011. Tout est bon là Alexandre.
06:59Tout est bon. Exactement.
07:00On peut passer à Philippe Rodrigues qui est à côté de vous. Bonjour Philippe.
07:03Bonjour.
07:04Vous vous dirigez la banque d'affaires Avolta spécialisée dans la tech. Vous êtes également vice-président de l'EBG, l'Electronic Business Group.
07:12C'est un think-tank qui rassemble des professionnels du numérique en France et aux Etats-Unis.
07:16Vous avez été président de l'association Bitcoin France entre 2014 et 2017 et l'auteur, vous aussi, d'un ouvrage.
07:23Notamment on peut citer La Révolution Blockchain Algorithm ou Institution qui est parue aux éditions DUNO. C'était en 2017.
07:30Voilà donc à vous de répondre aux critiques. Je vais commencer par vous faire réagir aux tweets de Jill Duran, journaliste américain,
07:38qui cet été nous dit qu'en pleine plongée bibliographique sur l'essor de la cryptographie, il en ressort en disant
07:46« Mais j'ai la forte impression qu'il s'agit d'une grosse arnaque qui vole les gens d'en bas pour enrichir ceux d'en haut.
07:53Il n'est pas étonnant que Trump se lance désespérément dans cette aventure. »
07:58Il dénonce un système pyramidal qui enrichit les premiers investisseurs. Il en veut pour preuve que 2% des comptes détiennent 95% de la valeur totale des bitcoins.
08:10Ce sont des chiffres de Scott Galloway de la New York University.
08:16Donc déjà une première réaction là-dessus. Une grosse arnaque ? Les crypto-monnaies ?
08:23Non, il y a pas mal de choses qui soit sont fausses, soit relèvent d'une confusion dans ce que dit ce monsieur.
08:31La première confusion c'est que, comme beaucoup de gens malheureusement, il fait une forme d'amalgame où le mot crypto serait un pot pourri
08:40dans lequel on met 20 000 actifs différents. Ça va du NFT d'œuvre d'art jusqu'à l'obligation d'état en passant par l'immobilier.
08:47Et puis il y a Bitcoin au milieu. Et en fait il est amalgamé avec tout le reste. Et comme dans tout le reste des cryptos il y a un bon gros paquet d'arnaques,
08:54il fait une amalgame en disant que vu que 80% sont des arnaques, alors Bitcoin est une arnaque.
08:59Alors que ça a autant de sens que de comparer un Picasso avec de l'immobilier et des obligations. Ça n'a absolument rien à voir.
09:06Donc Bitcoin n'est pas une crypto-monnaie comme les autres, déjà j'entends.
09:09Déjà, ne serait-ce que par sa taille, sa capitalisation de marché, son ancienneté, le fait qu'on ne connaît pas le fondateur,
09:14que ça a une prétention monétaire. En fait, c'est un autre sujet. Pour moi il y a Bitcoin et puis il y a le reste.
09:19Donc ça c'est l'amalgame, on va dire. Et puis après même dans la critique qui est faite sur...
09:23La concentration finalement de la valeur.
09:25La concentration. Alors il dit concentration et transfert de valeur presque, même entre les pauvres et les riches.
09:31Aujourd'hui ce qu'on sait en termes de sociologie des détenteurs de Bitcoin, c'est plutôt l'inverse.
09:35C'est-à-dire que les pays et les gens qui en ont le plus, c'est plutôt des gens qui sont soit des exclus financiers.
09:41Aux Etats-Unis par exemple, les catégories qui sont sur-représentées, c'est les jeunes et les minorités raciales.
09:45Et dans le monde, les pays qui s'en servent le plus, c'est l'Inde, le Nigeria et la Thaïlande.
09:49Donc on n'est pas sur les Etats-Unis ou la France ou l'Allemagne.
09:52Donc déjà ça, ce n'est pas tout à fait vrai. Il y a même un transfert générationnel plutôt dans l'autre sens.
09:56Et la deuxième chose, c'est que cette concentration en fait, c'est un petit peu impensif parce qu'on ne peut pas le savoir.
10:01C'est comme si on disait 100% de l'argent du monde est détenu par les banques.
10:05Ce n'est pas vrai, les banques détiennent pour des comptes de tiers.
10:08Donc aujourd'hui, il y a des plateformes d'échange qui effectivement détiennent pour des tiers des particuliers.
10:11Et ça effectivement, ça doit être 90 ou 85, je ne sais plus exactement le chiffre.
10:16Mais c'est des gens qui détiennent pour le compte de tiers, ce n'est pas leur argent.
10:18C'est 95% qui le citent.
10:20Alors peut-être, je n'ai pas le chiffre en tête.
10:22Mais ce que je veux dire, c'est que ça ne correspond pas à la détention en propre des gens.
10:26Donc par exemple, je cite souvent un exemple dans le cadre.
10:28Alors là, c'est sur crypto, donc c'est un petit peu dérivé de Bitcoin.
10:31Mais Bitcoin a une représentation sur une autre blockchain qui s'appelle Ethereum, qui s'appelle le VRAP Bitcoin.
10:36Donc en gros, on met en séquestre un Bitcoin et ça nous crée un jeton qui représente du Bitcoin.
10:40Et en fait, si on regarde sur la chaîne de bloc, sur la page de transaction,
10:44on voit qu'il y a, je crois de mémoire, 200 000 détenteurs, à peine.
10:47Mais en fait, sur ces 200 000 détenteurs, il y a des fonds d'investissement,
10:49il y a des protocoles de finances décentralisées qui eux-mêmes ont 100 000 ou 200 000 investisseurs.
10:54Donc en fait, quand on dézoome, ce n'est pas 200 000, c'est 1 million, 2 millions, 5 millions, 10 millions.
10:59Donc c'est pareil pour Bitcoin.
11:02Reste que, certes Alexandre, mais Philippe, on nous vend quand même cette idée d'une monnaie décentralisée.
11:08Cette concentration, ça sonne comme une dissonance.
11:13Je rejoins Alexandre sur un point, Bitcoin et le reste.
11:18Je pense qu'il a raison sur ce point, parce que Bitcoin a quand même une singularité par rapport aux autres crypto-monnaies.
11:25Je suis habitué de dire que Bitcoin, en fait, c'est une crypto-monnaie sans égo.
11:29Parce qu'en fait, probablement, parce qu'à l'origine déjà, le créateur reste anonyme.
11:36Et sans égo aussi, parce qu'il n'y a pas la possibilité pour un intervenant pour diriger la gouvernance de ce système.
11:46En fait, c'est dirigé par les algorithmes.
11:48Et c'est sans égo, mais c'est aussi sans conflit d'intérêt.
11:54Et justement, parce que ce rôle que joue en fait Bitcoin de désintermédiation totale,
12:00le fait qu'on puisse échanger de la valeur de paire à paire, fait qu'au milieu, on n'a pas d'intérêt et on n'a pas d'intérêt qui peuvent agir.
12:09Et en ça, Bitcoin ne ressemble pas aux autres crypto-monnaies qui ont souvent beaucoup d'égo ou beaucoup de conflits qui existent.
12:22Et la plupart des crypto-monnaies, finalement, sont une amélioration d'un sens d'un certain nombre de faiblesses que pourrait avoir Bitcoin.
12:31Non, ce qui sont des faiblesses qui sont liées aussi à ces qualités.
12:35Par exemple, la robustesse. Derrière, il peut y avoir une manipulation un petit peu plus compliquée, un peu plus rude.
12:40Une lourdeur, une lenteur.
12:41Exactement. La lenteur, par exemple. Donc, on va sortir en fait des crypto-monnaies plus rapides, ce genre de choses.
12:47Et effectivement, Bitcoin reste un idéal. Un idéal qui reste à construire, qui se développe plutôt pas mal.
13:00Et pour revenir en fait sur la distribution de la valeur, la distribution de la détention, d'une part, les chiffres que l'on a donnés là sont meilleurs que la distribution des autres actifs.
13:11Il faut le souligner.
13:13Et d'autre part, effectivement, on a aussi une détention, comme l'expliquait Alexandre, de nouveaux acteurs qui sont des acteurs plutôt institutionnels, qui détiennent pour des tiers et qui jouent beaucoup.
13:25On a parlé en 2024, justement, aux États-Unis. Il y a eu toute cette amélioration avec ce qu'a proposé la SEC avec le lancement des premiers ETF.
13:35On a aujourd'hui pratiquement 4% de la valorisation de Bitcoin qui est détenue en fait par de grands asset managers qui, eux-mêmes, distribuent ensuite cette valeur.
13:50L'attaque sur le système pyramidal, ces pyramides de Ponzi, ça existe aujourd'hui ? Il y a des plateformes qui jouent ce jeu-là ?
13:59Tout comme Enron a fait faillite, l'énergie n'est pas inutile pour autant. Ça participe du même amalgame. En fait, ce n'est pas parce qu'il y a des acteurs qui ne respectent aucune réglementation, qui sont off-shore et qui n'ont pas beaucoup de...
14:13Qui s'enrichissent sur le dos des autres.
14:14Qui s'enrichissent sur le dos des autres. Mais voilà, il y a des cordonniers qui s'enrichissent sur le dos des autres. Dans toutes les professions, il y a des gens qui sont des arnaqueurs.
14:21D'où la nécessité d'avoir une régulation ?
14:25Pas nécessairement. D'ailleurs, si on veut prendre l'exemple... En soi, la régulation, pourquoi pas ? Maintenant, c'est une question de timing et d'intensité parce que parfois, c'est très contre-productif.
14:34L'exemple que je veux donner est contre-productif, c'est qu'on a eu en Europe... On a en Europe une régulation qui est plus avancée que d'autres continents, comme souvent.
14:41Et typiquement, ça a jeté dans les bras de FTX il y a deux ans, beaucoup de gens. FTX qui, donc, a fait faillite parce que c'était une énorme arnaque.
14:48Parce qu'on a dit aux gens, par exemple, on leur a fait peur, en Europe, on l'a dit potentiellement, ça va être interdit de détenir ses propres bitcoins, d'avoir ses propres clés.
14:55Donc, vous êtes obligés de passer par un intermédiaire. Il y avait même un amendement européen qui avait été proposé qui s'intitulait « Interdiction des portefeuilles auto-hébergées »
15:02et dont le motif était de dire, je cite, « empêcher la sortie du système réglementé ». Et en fait, en poussant les gens en dehors de ce système-là, on les a envoyés chez qui ? Chez FTX.
15:11Donc, il y a plein aussi de plateformes européennes qui étaient un peu plus fiables auxquelles on a interdit certains produits financiers, qu'on fait les gens, ils sont allés chez FTX.
15:18Donc, en fait, on a juste jeté des gens dans la gueule du loup parce qu'on a voulu être plus monarchique que le roi. Et donc, ça, c'est un problème.
15:27La régulation peut être une solution, mais la sur-régulation n'en est certainement pas une parce que ça tue en plus l'écosystème local de startups.
15:34Philippe, vous avez parlé du mystère toujours autour de l'inventeur du bitcoin. Ça crée une sorte de culte, finalement, de mythe autour de cette crypto-monnaie
15:45qui n'est pas forcément très rationnelle, qui peut-être lui donne plus de valeur qu'elle ne devrait en avoir et par ailleurs qui laisse à penser – alors vous allez me dire si effectivement, c'est l'objectif –
15:57qu'on préfère aussi dans ces mouvements cypherpunks d'origine et qui existent encore très fort comme communauté autour du bitcoin, qu'on préfère finalement une société,
16:08un système financier dirigé par l'algorithme, vous l'avez dit, plutôt que par les États ?
16:12Oui. La réponse est dans la question.
16:17Parce que l'État, c'est l'intérêt général.
16:19Bien sûr. Pas nécessairement.
16:21Pas nécessairement, mais en tout cas, c'est l'objectif.
16:23En tous les cas...
16:26C'est pour ça qu'il faut des systèmes alternatifs.
16:28En tous les cas, pour connaître un petit peu la communauté des bitcoiners, je ne suis pas certain que les bitcoiners soient très intéressés pour connaître l'identité de Satoshi Nakamoto.
16:42En un sens, ils sont beaucoup plus intéressés par le code qui est produit, l'évolution de ce code, le mode de fonctionnement.
16:50Et même si on y voue une sorte de culte un peu rigolo, un peu... Comment dire ?
17:00Qui est plutôt sympathique, c'est-à-dire fêter le Pizzadé, fêter le Genesis Block, toutes ces dates-là qui sont des dates importantes dans l'histoire de bitcoin qui sont fêtées dans la communauté.
17:11C'est plutôt bon enfant.
17:13Il n'y a pas vraiment de culte.
17:15Pourquoi ? Parce que je pense en fait que dans la communauté bitcoin, on croit plus au code qu'à l'ego et aux personnes qui sont derrière ce code.
17:25Ce qui est important, en fait, c'est le code.
17:28Pour revenir au point sur les institutions versus les algorithmes...
17:31Mais une société dirigée par l'algorithme plutôt que par les États, ça peut donner une société très inégalitaire.
17:37Ou peut-être plus égalitaire, puisqu'en fait on s'aperçoit aussi que les institutions qui démarrent probablement il y a à peu près 10 000 ans,
17:46ces institutions en fait sont toujours dirigées par des hommes qui sont souvent imparfaits,
17:51qui peuvent introduire un certain nombre de biais dans la façon dont ils gèrent ces institutions.
17:57Et on est constamment abreuvé d'histoires concernant soit de la corruption, soit le mauvais fonctionnement de ces organisations.
18:06Dans l'esprit philosophique qu'il y a derrière le bitcoin, et vous mentionnez le cypherpunk à très juste titre,
18:12eh bien l'idée c'est de dire on va faire confiance finalement à personne.
18:18Parce qu'en faisant confiance à personne, on peut avoir confiance en quelque chose qui est du code.
18:22Le code qui est en open source, que tout le monde peut vérifier, savoir ce qu'il y a dedans,
18:26vérifier vraiment ce qu'il est prévu de faire, ça c'est une vérité, c'est une vérité mathématique qui est incontournable.
18:34Et c'est un peu cet idéal de cette société qui serait géré plutôt...
18:39Ça me rappelle aussi les idéaux, la naissance d'internet.
18:42C'est les mêmes.
18:43On en est un petit peu revenus.
18:45Ça ne s'est pas passé comme on l'imagine.
18:47Je voulais aussi vous faire réagir, je vois le temps qui tourne.
18:50C'est Xavier Delaporte dans son podcast Le Code a changé.
18:54On l'a écouté tout le temps, pas que.
18:57Il raconte qu'il a interrogé Ethan Zuckerman qui lui a dit
19:02que la principale disruption produite par la crypto-monnaie jusqu'à maintenant
19:06est que des gens en général de jeunes blancs possèdent beaucoup d'argent imaginaire
19:10par opposition à un monde où de vieux hommes blancs possèdent beaucoup de vrai argent.
19:15J'ai du mal à voir ça comme un progrès, dit-il.
19:18En fait, je renvoie à ma première réponse, c'est que c'est factuellement faux.
19:21Les gens qui en ont, c'est aux Etats-Unis, les minorités raciales, les jeunes,
19:26les pays Inde, Nigéria, Thaïlande, je ne connais pas beaucoup de jeunes blancs riches dans ces coins-là.
19:32Donc c'est juste factuellement faux.
19:34Après, il peut se déplorer quelque chose de faux, mais ce n'est pas grave.
19:38Juste pour dire deux mots sur la partie juste avant,
19:42dans le côté d'être gouverné par des algorithmes, il y a pas mal de diversité,
19:47même d'opinion chez les bitcoiners là-dessus.
19:50Moi, je fais partie de ceux qui n'ont pas envie d'être gouverné par des algorithmes.
19:52Je pense que les communautés humaines n'ont pas pour vocation de ne pas se faire confiance.
19:57Moi, c'est un monde de l'enfer.
19:59Je n'ai pas envie de vivre dans un monde où je dois avoir une méfiance envers mon voisin, le conducteur du taxi, etc.
20:06Par contre, ce que les bitcoiners disent,
20:08ce que Satoshi Nakamoto a mis en avant lorsqu'il a créé Bitcoin,
20:11c'est qu'il a dit qu'il y a une institution qui est cruciale dans la société qui s'appelle la monnaie,
20:15pour laquelle aujourd'hui, nous n'avons plus d'alternative.
20:17Nous sommes obligés de faire confiance à un tiers,
20:20et ce tiers étant incontournable,
20:23toute entité qui a du pouvoir est portée en abusé.
20:26Je crois que c'était Montesquieu qui disait ça.
20:28Et donc là, c'est ce qui se passe exactement.
20:29C'est que c'est une entité qui est incontournable.
20:30Il n'y a pas de fuite possible et donc, ils abusent de leur pouvoir.
20:34Et donc, ce que fait Satoshi Nakamoto, c'est qu'il dit,
20:36moi, j'ai proposé une alternative dans laquelle on n'a plus besoin de faire confiance à un tiers.
20:40Et en fait, même si les gens ne se...
20:42Supposons que Bitcoin ne devienne pas la monnaie de 7 milliards de personnes,
20:45ça reste un aiguillon qui va forcer des autorités de confiance
20:49à se mettre au niveau de la concurrence.
20:51Parce qu'une fois que la concurrence est là, ils ne peuvent plus faire n'importe quoi.
20:54Ils ne peuvent plus juste dire, allez, on va multiplier la masse monétaire par 18,
20:57parce que pourquoi pas.
20:58Donc, il y a vraiment ce côté où on a cette alternative.
21:01Un parallèle politique, ce serait de dire,
21:03voilà, on peut très bien avoir des pays qui sont engagés,
21:06puis on peut avoir la Suisse qui est neutre.
21:07C'est très bien d'avoir des pays neutres qui sont capables, par exemple, de faire diplomate,
21:11qui sont capables de faire que des gens se parlent entre eux,
21:13d'être le refuge de gens qui veulent fuir certains régimes.
21:16On disait tout à l'heure l'État et la représentation de l'intérêt général.
21:20Comme un système correctif, finalement, c'est ça ?
21:22Oui, il y a un peu moins de la moitié de l'humanité qui vit quand même sous des régimes autoritaires.
21:25Donc, l'État ne représente pas toujours l'intérêt général.
21:27Bon, allez, vous avez une minute pour répondre à la question de l'aberration écologique
21:31que représente Bitcoin.
21:34Pour ceux qui estiment que c'est une aberration
21:37et que Bitcoin a envoûté la planète,
21:39pour reprendre les mots du livre No Crypto de Nastassia Adjadji.
21:45Une minute chacun ou une minute ?
21:46Ah non, à vous.
21:48OK, 60% de la production Bitcoin est faite à partir d'énergie renouvelable
21:53et notamment beaucoup d'énergie qui est en excès de production.
21:57Il y a vraiment un effort qui est porté sur ces sujets-là.
22:01Aujourd'hui, la production énergétique qui est nécessaire au Bitcoin
22:07représente à peu près 0,5% de la demande mondiale.
22:10Est-ce que c'est utile pour l'humanité ?
22:14Est-ce qu'on peut y consommer 0,5% de la consommation énergétique ?
22:18Ma réponse est oui.
22:19Voilà, il faut déjà être convaincu que oui, c'est utile pour l'humanité en fait.
22:22Alors moi, je renverse la question.
22:25En fait, il y a un sujet qui est un éléphant dans la pièce que personne ne pose
22:29qui est la compatibilité du système monétaire actuel
22:31avec les accords de Paris et avec le changement climatique.
22:34Et en fait, en sortant Bitcoin de l'équation, la réponse est non.
22:37Le système monétaire actuel a dans son ADN la croissance
22:39et ne permet pas la sobriété.
22:41C'est le principe de l'inflation.
22:42L'inflation force les agents économiques à soit consommer, soit investir.
22:45Mais on ne peut pas épargner, sinon on perd 2%, 3%, 10% par an.
22:49Donc en fait, une fois qu'on a compris qu'au-delà des X terawatt-heures
22:52consommées par Bitcoin ou par les sèches-linges aux États-Unis, etc.,
22:55il y a une question centrale qui est qu'on a un système monétaire
22:58qui dans son ADN incite 7 milliards de personnes sur Terre
23:00et toutes les entreprises à gaspiller des ressources
23:03pour créer des emplois fictifs
23:04dont tout le monde est au courant qu'ils ne servent à rien
23:06mais on préfère créer de l'emploi.
23:07La garde disait d'ailleurs, les gens préfèrent avoir un emploi que de l'épargne.
23:11Bitcoin est une alternative qui remet la sobriété au centre du jeu.
23:14Merci beaucoup d'avoir joué le jeu, de répondre aux critiques sur le Bitcoin.
23:19Philippe Rodrigues d'Avolta, Alexandre Tchatchenko de Paymium,
23:22vous revenez quand vous voulez.
23:24Avec plaisir, merci.
23:32On termine cette édition avec Hervé Lejouan, advisor.
23:35Bonjour Hervé.
23:36Bonjour Delphine.
23:36Pour un regard sur la confidentialité de nos données personnelles.
23:40En matière de privacy, de protection de la vie privée à l'ère du numérique,
23:45vous allez forcément me dire Hervé que c'était mieux avant.
23:48Oui, je vais être obligé de commencer par ça,
23:51en disant qu'effectivement avant l'avènement de l'Internet,
23:53on va prendre ça comme point de départ,
23:55avant l'avènement de l'Internet, nos communications,
23:58qu'elles soient orales, on va dire,
24:00et puis après il y a eu le télégraphe,
24:01et puis après il y a eu le téléphone filaire,
24:03enfin toutes ces communications étaient très privées.
24:05Et mis à part quelques mises sur écoute par des services secrets ou des gouvernements,
24:09c'était réellement des communications privées.
24:12Et puis est arrivé aussi, et puis on utilisait depuis la nuit des temps aussi,
24:16ce qu'on appelait déjà le codage ou le chiffrement des messages,
24:19qui permettait lorsqu'on envoyait un message de l'autre côté de la France ou autre,
24:24s'il était intercepté, il ne pouvait pas être lu et transformé.
24:28Et puis on se souvient aussi, et ça c'est plus récent,
24:31mais en 1929, il y a une première machine nommée Enigma,
24:36qui a été utilisée par les Allemands dans la seconde guerre mondiale,
24:39pour commencer à chiffrer justement des messages lors d'envois par télégraphe,
24:43et qui a été déchiffré justement par ce qu'on peut considérer comme le premier ordinateur,
24:46celui-là de Turing.
24:48Donc on voit bien qu'il a commencé à avoir une évolution,
24:50mais après finalement, dès que l'internet est arrivé,
24:54donc dans les années 90 pas grand-chose,
24:57mais dès qu'il y a eu ADSL, et puis la 3G, la fibre, la 5G,
25:01tous ces réseaux rapides avec l'augmentation des données,
25:04effectivement, on a commencé à laisser des traces numérisées un peu partout,
25:09et finalement, ça a commencé à avoir un impact sur notre vie privée,
25:16avec l'explosion des cookies, avec l'explosion d'un certain nombre de choses,
25:19qui ont fait qu'il y a eu une période un peu là-dessus bizarre.
25:23Cookies, réseaux sociaux, donc aujourd'hui on va dire que c'est pire qu'avant.
25:28Aujourd'hui oui, ça devient très complexe,
25:30mais quelque part on va dire qu'entre 2002 et 2014,
25:34il y a eu justement cette période où il n'y avait pas grand-chose de chiffré en fait sur internet.
25:39HTTP était utilisé, pas trop HTTPS,
25:42on utilisait pour communiquer le SMS, pas chiffré.
25:45Donc finalement, tout était ouvert et tout le monde pouvait se servir,
25:50effectivement, les entreprises ont été les premières à se servir
25:52avec les cookies et des tracking de comportement,
25:56mais aussi les gouvernements,
25:58qui pouvaient lire toutes les communications de tout le monde avec les opérateurs.
26:01Donc on était bien dans ce monde,
26:03mais après finalement, à partir de 2015,
26:07la vie privée quand même a commencé à devenir quelque chose d'important,
26:12et il y a eu l'explosion de ces fameuses applications de messages chiffrés,
26:16que ce soit WhatsApp qui avait déjà grossi,
26:19mais là l'explosion a intervenu à ce moment-là,
26:21et puis Signal et Télégramme qui sont arrivés,
26:24et là qui garantissaient aux utilisateurs
26:26que toute leur communication était chiffrée et ne pourrait pas être interceptée.
26:30Et là donc on est rentré dans une nouvelle ère,
26:32mais bien sûr avec des usages à côté qui n'étaient pas forcément des usages licites,
26:38terroristes, les trafics en drogue,
26:40enfin toutes les choses illicites,
26:41on trouvait aussi un terrain de jeu pour se développer et se déployer,
26:44ce qui a fait que les gouvernements finalement,
26:47ils ont compris aussi qu'ils pouvaient utiliser ces technologies,
26:50mais aussi commencer à revenir en arrière potentiellement
26:52sur la notion de chiffrement, en disant
26:54« ah mais oui, mais finalement, ces clés qu'on ne peut pas déchiffrer,
26:57il faudrait les diminuer pour qu'on puisse déchiffrer l'info,
26:59pour être sûr qu'on peut lutter contre les réseaux illicites et ainsi de suite. »
27:03Donc il a commencé à y avoir une bataille à ce niveau-là,
27:05et on voit bien avec l'arrestation aussi de Pavel Durov
27:09les enjeux que ça peut poser, et de Télégramme,
27:11les enjeux que ça peut se poser effectivement au niveau privé et liberté d'expression.
27:15Comment vous voyez les choses évoluer ?
27:17Pas très positivement à vrai dire,
27:19parce qu'on voit déjà, d'un point de vue si on regarde le chiffrement,
27:23il y a l'ordinateur quantique qui arrive,
27:25et l'ordinateur quantique demain il va pouvoir rendre caduque
27:2890% des clés et des chiffrements qui sont effectués aujourd'hui.
27:31Il va pouvoir en créer des plus robustes aussi ?
27:33Oui, on va pouvoir en créer des plus robustes,
27:35mais il va y avoir une période intermédiaire
27:37qui peut être très très très risquée et très dangereuse,
27:40et bien sûr les gouvernements vont utiliser,
27:42et utilisent déjà un peu ces technologies pour voir comment ça fonctionne.
27:45Donc ça c'est déjà un premier point.
27:46Et puis il y a l'IA.
27:47L'IA aujourd'hui avec les capacités, avec les GPU et compagnie,
27:51on va être capable avant, la NSA et tous ces organismes
27:55qui utilisaient beaucoup d'analystes pour analyser les données,
27:58aujourd'hui l'IA va le faire en temps réel.
28:00Donc on va pouvoir suivre des dizaines, des centaines de millions de personnes
28:03en temps réel sur leur activité.
28:05Dernière chose,
28:08vous allez me parler des caméras de vidéosurveillance,
28:10parce qu'on les a vues pendant les JO.
28:11Oui, on les a vues pendant les JO,
28:13les caméras de vidéosurveillance,
28:14aujourd'hui la domotique, nos voitures automatisées.
28:17Donc on rentre dans un cadre extrêmement numérisé en fait,
28:22qui fait que peut-être que d'ici une petite décennie ou deux décennies,
28:26la notion de vie privée sera une notion qu'on aura oubliée.
28:30Eh bien quelle rentrée dis-donc Hervé !
28:32Allez, on va espérer que ça se passe un peu mieux.
28:35Merci beaucoup Hervé Lejeune.
28:36Merci à vous de nous suivre.
28:37C'était Smartech, votre émission sur la tech.
28:40On se retrouve très bientôt sur la chaîne Be Smart for Change.