La Commission européenne dirigée par Ursula von der Leyen vient de supprimer purement et simplement le poste de commissaire européen aux affaires sociales, à l'emploi, à l'insertion et au logement. Un choc au moment où les droits sociaux sont remis en cause partout en Europe et où les problèmes d'emploi s'aggravent. Quelles vont être les conséquences concrètes de cet abandon des problèmes sociaux par la Commission européenne, et qu'est-ce que cela nous dit de la politique ultra libérale qu'Ursula von der Leyen vont imposer pour sa nouvelle mandature ? Réponses avec Leïla Chaibi, députée européenne du groupe La Gauche, membre de la commission des affaires sociales.
Avec Jean-Jacques Régibier, journaliste.
Avec Jean-Jacques Régibier, journaliste.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Léa Chéby, bonjour. Vous êtes, je le rappelle, députée européenne du groupe La Gauche.
00:04Vous êtes membre de la France Insoumise. Vous êtes membre aussi de la Commission des Affaires Sociales au Parlement européen.
00:09Et là, très mauvaise nouvelle, en ce début, ce tout début de mandat du mois de septembre,
00:14la Commission européenne, qui est dirigée par Ursula von der Leyen donc, vient de supprimer purement et simplement
00:21le poste de commissaire européen à l'emploi, aux Affaires Sociales et à l'insertion.
00:25On va être recompli parce que tout à l'heure, on va décliner tous ces points-là.
00:29C'est un choc pour ceux qui comptaient sur l'Union européenne pour tenter de renforcer un petit peu les droits des travailleurs à travers l'Europe.
00:37Comment est-ce que vous réagissez à cette annonce qui vient d'avoir lieu, qui a été...
00:41Oui, moi, j'étais extrêmement choquée. Donc, la Commission européenne publie les portefeuilles proposés,
00:47l'organigramme, en quelque sorte, de la Commission européenne. Donc, qu'est-ce que je fais, moi, d'abord ?
00:50Je cherche... Alors, il est où, le commissaire à l'emploi et aux Affaires Sociales ?
00:54Il est où, le commissaire ?
00:54Il est où, mon commissaire ? Voilà, avec qui je vais travailler pendant les cinq prochaines années.
00:59Disparu. Il y avait un commissaire à l'emploi et aux Affaires Sociales, Nicolas Schmitt,
01:03et maintenant, donc, on a une commissaire qui est... Alors, l'intitulé, c'est People, Skills and Preparedness.
01:13Donc, là, je veux... People, bon, les gens. Skills, les compétences. Preparedness, tu vas aller chercher la traduction,
01:19parce que je ne comprenais pas. Etat de préparation. Donc, c'est un problème, parce que, déjà, il n'y a plus l'emploi et les Affaires Sociales,
01:27alors même que, dans la mandature qui vient de s'écouler, on aurait pu penser que les dogmes avaient bougé,
01:34et qu'à l'Union Européenne, on s'était rendu compte que le social, c'est important.
01:39Et que les actions politiques, les décisions de l'Union Européenne, elles ne devaient pas se prendre seulement
01:43à l'aune du marché, de la concurrence, mais du social, parce que, je rappelle quand même que,
01:47le dernier mandat, on a eu la crise du Covid, la crise sanitaire, on a eu la guerre en Ukraine,
01:52et ses conséquences sociales dévastatrices sur les Européens et les Européennes.
01:56Et donc, on avait l'impression que, bon, on s'était rendu compte que le social était important.
02:02Moi, j'ai vu, j'avais d'ailleurs un rendez-vous avec le nouveau directeur de la Direction Générale de l'Emploi, là, il y a deux semaines,
02:09et on se disait, ah ben tiens, j'espère que là, maintenant, parce que c'est vrai que, de manière générale,
02:13quand on regarde le portefeuille de la Commission Européenne, l'emploi, ça n'a jamais été le plus important,
02:17aussi important que la concurrence. Mais là, on se dit, ah ben tiens, c'est bien, là, il devrait y avoir plus de poids pour les questions sociales.
02:22Eh bien non, pas du tout, et la deuxième chose qui est extrêmement grave et préoccupante,
02:27c'est que, quand on regarde les intitulés qui ont remplacé emploi et affaires sociales,
02:32c'est les compétences et l'état de préparation. Qu'est-ce que ça signifie ?
02:35Ça signifie que s'il y a des inégalités sociales, si les gens n'ont pas d'emploi, s'il y a du chômage,
02:40eh ben, c'est parce qu'ils sont mal formés. Il faut les former, leur donner les compétences,
02:44et il faut les préparer, donc ça va être la galère pour tout le monde, mais préparez-vous,
02:49préparadnesse, donc état de préparation. Donc on passe d'une logique où il y a des actions politiques
02:55qui doivent permettre de résoudre collectivement des problèmes et qui rendent les individus dans une meilleure situation
03:01à une logique où on culpabilise, on responsabilise, on part du principe que tout se réglera via la responsabilité individuelle
03:09et que… – Le marché.
03:10– Voilà, le marché, et qu'il faut juste que les gens soient mieux formés,
03:13et que c'est pour ça qu'ils ne trouvent pas d'emploi, c'est parce qu'ils ne sont pas assez bien formés.
03:16Donc c'est un signal politique extrêmement grave, ça dit quelque chose de l'état d'esprit de la Commission européenne.
03:22– Alors c'est exactement la question que j'allais vous poser, puisque à la suite, effectivement, de cette suppression,
03:27il y a eu une suppression du poste de commissaire aux affaires sociales telles qu'il existait jusqu'à maintenant,
03:32on va en reparler parce qu'on va en reparler, de la manière dont vous, vous travaillez avec le précédent commissaire.
03:37Ça pose plusieurs questions, la première c'est pourquoi d'abord Von der Leyen a supprimé ce poste de commissaire
03:43des affaires sociales, et effectivement, c'est exactement ce que vous dites,
03:47c'est-à-dire qu'est-ce que ça nous dit de la politique, à quoi elle veut soumettre l'Union européenne,
03:52pour les 5 ans à venir, ce qui n'est pas rien.
03:54– Oui c'est ça, c'est-à-dire qu'on a en fait un ensemble de signaux qui sont très préoccupants.
04:01Quand on regarde dans le portefeuille, dans les différents portefeuilles par contre,
04:05vous avez la compétitivité, compétitivité, compétitivité, un retour au dogme du marché.
04:11Hier, on a eu là, pendant cette plénière dans l'hémicycle, la présentation du rapport Draghi,
04:16de tout le monde a entendu parler, la présentation du rapport Draghi, il porte sur quoi ?
04:20Sur la compétitivité.
04:22Et moi, je pensais naïvement, au contraire, je m'attendais à ce qu'il y ait un super portefeuille,
04:26parce que c'est y compris des rumeurs qui circulaient ici, que l'on se dise maintenant,
04:30là les choses ont changé, il y a un socle des droits sociaux, le socle des droits sociaux,
04:35donc des principes qui décrètent des objectifs sociaux, une égalité, formation professionnelle,
04:43lutte contre la pauvreté, etc., droits au logement.
04:46J'avais entendu le discours de Van der Leyen, de Ursula Van der Leyen, au mois de juillet,
04:51et j'étais contente, j'étais contente et agréablement surprise,
04:55parce que la question du logement occupait une part très importante.
04:59Et donc on se disait, ah bah tiens, maintenant on est conscient que le logement en tant que bouclier social,
05:03c'est important, que la crise du logement touche de plus en plus d'Européens,
05:06que l'argent qui est mis dans le loyer, c'est de plus en plus une part importante du revenu,
05:12et donc je me dis, ça c'est un bon signal, et en fait, non, c'est compétitivité,
05:17retour en fait au business as usual, on n'a rien compris,
05:21on pense toujours que tout va se résoudre par le marché,
05:24alors même qu'on a un socle européen des droits sociaux,
05:28que si on veut qu'il soit mis en oeuvre, si on veut qu'il soit mis en oeuvre,
05:32on est obligé de prendre des décisions, non plus à l'aune du marché, mais de l'urgence sociale,
05:37mais ça on ne l'a pas compris.
05:38C'est ce que vous venez de dire, au bénéfice de qui, au profit de qui est supprimé ce poste de commissaire,
05:44c'est ce que vous êtes en train de dire.
05:46Parce que les commissaires, il y a toujours le même nombre, on le rappelle,
05:49un commissaire par état membre, 27 donc,
05:51donc le nombre des commissaires n'a pas changé, il n'y a pas une restriction sur le nombre des commissaires,
05:56donc ça se fait forcément au bénéfice d'autres commissaires,
06:01qui indiquent, comme vous le dites, les orientations que va prendre la Commission européenne,
06:05encore une fois, pour les cinq années à venir.
06:07Oui, après moi pour l'emploi et les affaires sociales,
06:09en fait si je regarde, j'ai tout épluché l'organigramme,
06:12on relève de 8 à 10 commissaires différents,
06:17donc il y a la commissaire de Roumanie, qui a été nommée par la Roumanie,
06:21qui va être en charge donc de, comme je le disais,
06:23people, skills and preparedness,
06:26cet espèce de mot qui ne veut rien dire,
06:30mais qui veut quand même dire des choses,
06:32c'est-à-dire qu'on ne va pas essayer de résoudre la situation
06:34avec des mesures de réponse à l'urgence sociale politique.
06:38On a également un problème, le logement,
06:40le logement qui était, comme je vous le disais,
06:43on était ravis de voir que le logement occupait une part importante de la feuille de route
06:49de la présidente de la Commission Européenne.
06:51Et là maintenant, il est où le logement ?
06:53Il n'est pas dans le portefeuille des questions sociales et d'emploi,
06:57non, il est avec l'énergie.
06:59Et de la même manière ici au Parlement Européen,
07:02donc là on parle de la Commission,
07:03mais il y a au Parlement Européen des commissions parlementaires.
07:06C'est la question que j'allais vous poser,
07:08est-ce que les commissions sociales vont toujours exister sous cette forme
07:13ou est-ce qu'il va falloir bouger ?
07:15Ce qui me fait peur, moi, ce qui me fait peur,
07:16c'est qu'avant même ces derniers jours,
07:19avant même l'annonce des commissaires,
07:21il y avait des bruits de couloir qui circulaient ici dans ce Parlement.
07:25La Commission Emploi et Affaires Sociales,
07:27donc, ce n'est pas la plus puissante du Parlement.
07:29Moi, je suis par ailleurs la Commission du marché intérieur,
07:31là, que je découvre pour ce nouveau mandat,
07:33mais la Commission Emploi et Affaires Sociales,
07:35je l'ai fréquentée pendant cinq ans,
07:37on a quand même eu des directives importantes sur le travailleur des plateformes,
07:41sur le salaire minimum, même si elle est très critiquable,
07:44mais en tout cas, on disait qu'elle devait prendre de plus en plus de poids.
07:47Et c'est l'inverse qui est en train de se passer.
07:49On est en train de dépouiller, d'affaiblir la Commission Emploi pour deux choses.
07:53D'abord, il est question, pour l'instant, on en est au stade de rumeurs,
07:55mais malheureusement, les signaux qui nous sont envoyés
07:58de la bouche d'Ursula von der Leyen depuis hier
08:00confirment cette ambiance générale.
08:02Et donc, on est en train d'enlever,
08:04il y a une volonté d'enlever les questions de santé, sécurité au travail
08:08de la Commission Emploi pour les mettre dans une Commission Santé.
08:14Et la question logement, de les sortir de la Commission Emploi
08:19pour la faire une commission spéciale dédiée au logement.
08:22Qu'est-ce que ça signifie ?
08:23Ça signifie que la réponse à la crise du logement
08:26n'est pas vue avec une démarche de répondre aux inégalités,
08:29de donner à toutes et tous un logement digne et accessible,
08:33mais qui est vue sous l'angle de comment c'est une affaire économique,
08:37comment c'est encore une affaire de business.
08:39Et ça, c'est vraiment encore un problème.
08:42Et tout ça forme un paysage en fait.
08:44Les annonces de la Commission...
08:45C'est noyé dans un ensemble où on a du mal à retrouver l'unité
08:49qui était quand même l'unité de cette question,
08:51les droits sociaux, tout le monde sait ce que c'est.
08:53Oui, surtout qu'en plus, moi franchement,
08:56je suis arrivée au Parlement européen un peu pessimiste,
09:00et là je me disais tiens, c'est comme si la porte avait été entreverte
09:03à la faveur des crises qu'on a vécues dans la dernière mandature.
09:06Que tout d'un coup, ça n'a pas été la révolution,
09:09mais que des lignes avaient bougé.
09:11On a obtenu la directive sur les travailleurs des plateformes
09:13qui est une avancée sociale,
09:15que jamais on n'aurait obtenue en France sous Emmanuel Macron,
09:21qui va faire avancer les droits, et c'est extrêmement rapide.
09:23Qui a freiné d'ailleurs.
09:24Qui a freiné des cas de fer,
09:26qui a été le principal obstacle dans cette histoire.
09:28Mais on n'est pas habitués à ce que l'Union européenne
09:31fasse avancer les droits sociaux.
09:33Et ça a été possible.
09:35Donc on se disait tiens, il y a des choses qui bougent,
09:38c'est comme si la porte était entreverte, on a 1000 pieds dedans.
09:40Maintenant il faut la pousser pour l'ouvrir complètement.
09:43Et en fait non, elle s'est refermée.
09:45C'est mon sentiment là.
09:47Elle s'est refermée, surtout qu'il faut voir aussi le contexte.
09:49On est dans un Parlement européen qui est beaucoup plus à droite.
09:52Malheureusement.
09:53Mais donc tout ça fait que je pense,
09:55il va falloir batailler deux fois plus que dans la précédente mandature.
09:58Déjà on a bataillé beaucoup,
10:00mais pour obtenir des avancées sociales en faveur des gens.
10:04C'est ça.
10:05On ajoute que c'est très important,
10:07on ajoute que cette question des droits sociaux,
10:09c'est pas un truc en plus comme ça,
10:11dont on parle comme si...
10:13C'est dans la loi européenne,
10:16c'est dans les lois internationales.
10:18Toutes ces questions sociales sont un chapitre complet
10:21des règlements internationaux et de ceux de l'Union européenne.
10:24C'est pas simplement un truc en plus en disant
10:26il faut s'occuper des gens qui travaillent, etc.
10:28C'est vraiment un droit fondamental.
10:30Oui, alors c'est-à-dire qu'en fait à la base,
10:32au départ quand on a créé l'Union européenne,
10:34on se disait on va faire le marché,
10:36un marché, c'est un marché juste,
10:38le bien-être social va tomber du ciel,
10:40par la réalisation, par la levée des obstacles au marché,
10:44à faire circuler les marchandises, les services.
10:46Le ruissellement.
10:47Voilà, c'est ça, le ruissellement.
10:48Sauf qu'on s'est rendu compte petit à petit
10:50que c'était pas le cas,
10:52voire même qu'appliquer les règles du marché,
10:55tout basé sur le marché, ça pouvait être contre-productif.
10:58Donc il y a eu en 97, je crois,
11:00le sommet de Göteborg,
11:02avec le socle européen des droits sociaux.
11:05Pour la première fois, l'Union européenne dit
11:07il y a des objectifs sociaux sur l'égalité,
11:09lutte contre la pauvreté, formation, etc.
11:12Et là, donc il a fallu attendre un moment,
11:15donc il y avait toujours ces principes,
11:16mais qui étaient que des principes,
11:17sans plan d'action.
11:19Et on est en 2020,
11:21donc 2020, juste à la sortie du Covid.
11:25Et donc là, on a un sommet qui se passe à Porto,
11:28le sommet social de Porto,
11:30où pour la première, 2021 pardon,
11:33où pour la première fois,
11:35les chefs d'État d'Union européenne se réunissent.
11:39Et donc là, on dit maintenant,
11:40le socle européen des droits sociaux,
11:41il faut que ça se raduise en action.
11:43Il faut des actes.
11:45Parce qu'on se rend compte qu'après le Covid,
11:48que c'était bien utile d'avoir des hôpitaux,
11:51que c'est bien utile de répondre,
11:53qu'il faut répondre à la crise sociale,
11:55et que finalement, des choses dont on pensait
11:57qu'elles étaient néfastes pour le marché,
11:59en fait, elles sont nécessaires
12:01si on veut que l'Union européenne survive.
12:03Donc on traduit tout ça en plan d'action,
12:06bien léger, avec des objectifs,
12:07pas à la hauteur des enjeux,
12:08mais c'est déjà un pas supplémentaire.
12:10L'année dernière, je participe au sommet de la HULP,
12:12continuité de cette question
12:15qui est comment on met en œuvre du social.
12:17À chaque fois, on a l'impression que ça y va crescendo.
12:20Et donc le sommet de la HULP, pareil,
12:22on dit tiens, pour le prochain mandat,
12:23il va falloir une directive sur la sous-traitance,
12:27il faudrait une directive sur la sous-traitance,
12:28il faudrait une directive sur les marchés publics,
12:30il faudrait, voilà, comment on peut faire,
12:32il faudrait mettre en œuvre le droit au logement.
12:34On monte crescendo avec Ursula von der Leyen,
12:36enfin, sur la question du logement, du moins,
12:38qui annonce des objectifs ambitieux.
12:40Et tout ça pour, au final, revenir à ce qui se passait avant.
12:45Et moi, j'ai très peur pour les questions sociales dans cette mandature.
12:47Alors cette décision, j'allais dire, tombe d'autant plus mal
12:50que la situation des droits sociaux aujourd'hui,
12:54notamment de l'emploi, du travail de l'emploi,
12:57vous le disiez tout à l'heure aussi pour le logement,
12:59est loin d'être brillante en Europe aujourd'hui.
13:01Aujourd'hui, l'emploi n'a pas bougé au cours des...
13:05Le chômage est toujours le même en Europe
13:07entre cette année et l'année précédente.
13:10Donc, on ne voit pas pourquoi, effectivement,
13:13il n'y aurait tout de même pas, au sein de l'Union européenne
13:16et au sein de la Commission, des gens qui s'occuperaient de cette question,
13:19puisque la situation n'a pas changé.
13:21Il y a même des pays dans lesquels le chômage a légèrement augmenté.
13:25La France n'est pas brillante dans ce domaine-là.
13:27Donc, la situation reste la même.
13:30Elle a même tendance, par endroit, à s'aggraver.
13:33Et donc, on ne voit pas pourquoi supprimer des moyens
13:36qu'aurait l'Union européenne par l'intermèdiaire d'un commissaire
13:39et l'intermédiaire des commissions qui travaillent avec lui,
13:42de travailler dans ce domaine-là,
13:45de travailler spécifiquement dans cette direction-là.
13:47C'est ça, le problème d'aujourd'hui.
13:48La question qui se pose, c'est...
13:49C'est que ce n'est pas réglé, quoi.
13:50Ce n'est pas réglé, mais est-ce qu'on veut le régler ?
13:52C'est ça, la vraie question.
13:53Est-ce qu'on a envie de le régler
13:55ou est-ce qu'on a envie de revenir à un espèce de marché ?
13:57On se dit que le plus important, c'est la compétitivité,
14:00parce que ça va ruisseler une fois que les entreprises seront compétitives.
14:05Et malheureusement, moi, j'ai l'impression
14:08que les dogmes, en fait, sont très, très ancrés
14:11et qu'on pense toujours que, miraculeusement,
14:15en faisant le marché, en faisant la compétitivité,
14:17les questions sociales vont être résolues
14:20ou alors on n'en a rien à faire,
14:21mais là, c'est vraiment très, très préoccupant.
14:24Et je pense qu'on n'est pas aidés
14:25parce que, malheureusement, le résultat des élections
14:28fait que la gauche, on n'est pas très fort.
14:31Voilà, c'est l'autre question que j'allais poser.
14:33Ça intervient en plus dans une conjoncture spécifique
14:36issue des élections européennes d'il y a deux mois
14:39dans lesquelles l'extrême droite progresse
14:43et la gauche ne progresse pas de manière très, très sensible.
14:47C'est-à-dire qu'il y a aussi ce rapport de force-là.
14:49Est-ce que vous en parlez ?
14:50Est-ce qu'il y a eu des discussions, par exemple, là,
14:52aujourd'hui et hier, sur cette question-là
14:54avec des collègues qui seraient d'autres groupes politiques ?
14:57Déjà, il faut savoir qu'au Parlement européen,
14:59avant, il y avait trois groupes de droite,
15:02deux groupes d'extrême droite.
15:03Le groupe Identité et Démocratie
15:05et le groupe Conservateur-Réformiste.
15:08Il ne faut pas demander la logique du nom
15:10Conservateur-Réformiste, c'est-à-dire
15:12Réformiste et Conservateur,
15:13mais bon, voilà, ils ont choisi leur nom.
15:15C'est juste les mots qui sont ailleurs.
15:16Oui, voilà, mais bon.
15:18Et donc là, maintenant, on en a trois.
15:21On a un groupe d'extrême droite en plus.
15:24En plus du groupe de droite PPE,
15:27droite traditionnelle, là,
15:29mais on a trois groupes d'extrême droite.
15:31Moi, je suis assise dans l'hémicycle tout à gauche.
15:33Mon groupe, c'est le plus petit groupe.
15:35Ce n'est plus le plus petit groupe, maintenant, justement,
15:37parce qu'il y a un des groupes d'extrême droite qui est plus petit.
15:39Mais je les vois, ils sont en face de moi, en fait,
15:41l'extrême droite.
15:43Et ils sont beaucoup plus nombreux, malheureusement.
15:45Et en fait, toute la partie gauche,
15:47c'est-à-dire quand je mets gauche,
15:49le groupe de la gauche, donc The Left, mon groupe,
15:52le groupe des Verts et le groupe des socialistes,
15:54et bien, en fait, on a notre taille.
15:57Même si on additionne tous ces trois-là,
15:59elle a beaucoup diminué.
16:01Enfin, elle a diminué par rapport à avant.
16:03Et donc avant, il était possible
16:05de faire des majorités.
16:07On a réussi à construire des majorités, des coalitions.
16:10Je prends l'exemple de la Directive sur les travailleurs des plateformes,
16:12à la mesure de laquelle je me suis beaucoup investie.
16:15Et donc, on a réussi à avoir une coalition
16:17qui allait y compris jusqu'au PPE.
16:21On n'avait pas besoin des groupes d'extrême droite.
16:23Là, le centre de gravité dans le Parlement,
16:25pour cette nouvelle législature,
16:27il a bougé.
16:28Ça va être beaucoup plus compliqué pour nous
16:30de construire, d'arriver à construire des coalitions.
16:32Parce que le centre de gravité,
16:34il est beaucoup plus à droite,
16:35et les majorités risquent de se faire
16:37avec une alliance entre la droite traditionnelle,
16:40donc le PPE et l'extrême droite,
16:42comme c'est déjà le cas dans pas mal de pays,
16:44en Italie, en Finlande,
16:46et puis en France aussi,
16:48où la droite traditionnelle
16:51regarde plutôt du côté de sa droite à elle,
16:56et donc de l'extrême droite.
16:57Et ça, ça fait que ça change la donne.
16:59Notre rôle, il va changer aussi ici, je crois.
17:01Je pense qu'on va beaucoup plus être des lanceurs d'alerte,
17:04finalement, que des gens qui construisent,
17:08obtiennent des choses.
17:09Je dis ça.
17:10Évidemment qu'on va se battre au quotidien
17:12pour arracher des victoires,
17:13comme celles qu'on a eues dans la mandature précédente.
17:16On va tout faire pour l'obtenir.
17:18Mais je pense qu'étant donné ce contexte,
17:21nous, on va plus être des lanceurs d'alerte.
17:23Ce que vous dites est extrêmement important
17:26et fondamental par rapport au pouvoir dans l'Union européenne.
17:31C'est-à-dire qu'effectivement,
17:32si vous n'êtes plus, entre guillemets,
17:34et vous allez le faire,
17:35mais que des lanceurs d'alerte
17:37qui n'ont pas barre sur le changement réel des choses,
17:41ça pose une question démocratique fondamentale.
17:44Oui, après, en même temps,
17:45c'est à remettre aussi dans le contexte des élections qui ont lieu.
17:49Bon, on y a échappé de peu.
17:51En France, un gouvernement d'extrême-droite,
17:54grâce au Nouveau Fonds populaire,
17:57mais ce n'était pas du tout gagné d'avance.
18:00Je crois que tout le monde a eu peur
18:05de voir les résultats aux élections européennes
18:07de l'extrême-droite chez nous en France,
18:09mais partout en Europe.
18:10Moi, quand je discute avec les collègues allemands,
18:12je vais vous dire que là, ils sont sacrément flippés.
18:15Avec la montée de la VD, oui.
18:17Oui, donc c'est un peu partout,
18:19et je crois qu'en plus, c'est un cercle vicieux,
18:22parce que plus l'extrême-droite est là,
18:25plus, en fait, ça va être des politiques
18:27qui ne sont pas en faveur des gens,
18:29et donc plus les gens vont se désespérer de l'Union européenne.
18:31Mais après, si on est là aussi,
18:33je n'ai pas envie de rester sur une note aussi pessimiste,
18:37et je crois qu'en tant que lanceurs d'alerte,
18:40quelle que soit notre place dans le Parlement,
18:43on peut essayer d'obtenir des choses,
18:45de gagner des victoires.
18:46Ce ne sera peut-être pas facile,
18:47ce ne sera peut-être pas sur tous les dossiers,
18:48ce ne sera peut-être pas chaque mois
18:49pendant les cinq années qui viennent,
18:51mais on doit pouvoir y arriver.
18:53Merci, Néla Chébi.
18:54On va continuer, bien sûr, à suivre cette question-là,
18:57sociale, de très près, avec vous au Parlement européen.
18:59Merci à vous qui nous avez suivis.
19:02A très bientôt, au revoir, merci.
19:03Merci.