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Les députés européens peuvent-ils faire aboutir des réformes progressistes sur le plan social et environnemental dans une Union européenne vouée au libre échange et à la rigueur budgétaire ? Pourquoi est-il important de voter le 9 juin ?

Avec le député européen Emmanuel Maurel ( La Gauche ), candidat sur la liste de rassemblement menée par Léon Deffontaines, nous faisons le point sur les plus (+) de cette dernière session du Parlement européen avant les élections ( reconnaissance du statut des travailleurs des plateformes, retrait du traité sur la charte de l'énergie, interdiction des produits issus du travail forcé, lutte contre la violence à l'égard des femmes ), mais aussi des moins (-) , comme le retour à la rigueur budgétaire qui va pénaliser les familles, les services publics et l'environnement.

Avec Jean-Jacques Régibier, journaliste

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Transcription
00:00 — Bonjour, bienvenue au Parlement européen de Strasbourg. Bonjour à vous, Emmanuel Morel. Merci d'être sur le plateau de l'Humanité.
00:07 Je rappelle que vous êtes député européen de la gauche au Parlement. On est actuellement dans la dernière session avant les élections européennes du 9 juin.
00:18 Alors on le rappelle, les élections européennes, c'est le 9 juin. Et si je ne dis pas de bêtises, on a encore jusqu'au 1er mai pour s'inscrire,
00:26 pour ceux qui ne l'auraient pas encore fait. On va le dire plusieurs fois, quand même. Alors c'est un moment un peu particulier,
00:31 puisqu'à la fois, c'est un moment de bilan. On entend bien autour de nous les députés qui se disent en fait... Là, on arrive à la fin.
00:38 Qu'est-ce que j'ai fait d'intéressant pendant ces 5 années ? Sur quoi je peux compter, sur quoi je peux m'appuyer pour dire...
00:43 « Bah, le Parlement européen, ça sert quand même à quelque chose. Il faut voter », c'est ce qu'on est en train de dire, parce qu'il y a des enjeux importants, etc.
00:50 Il y a ça. Il y a les débats et les votes qui ont lieu en ce moment dans cette session, qui sont extrêmement importants aussi,
00:57 puisqu'il y a une espèce d'effet un peu en tonnoir lors de la dernière session. On fait un petit peu ce qu'on a laissé, ce qu'il faut faire avant la fin de la législature.
01:07 Et puis il y a bien sûr les objectifs que vous mettez en avant pour appeler les électeurs à voter pour vous. Je rappelle que vous êtes, Emmanuel Morel,
01:14 candidat en troisième position sur la liste de rassemblement menée par Léon De Fontaine pour le PCF, qui compte aussi des représentants d'autres groupes politiques
01:22 comme vous, membres de la gauche républicaine et socialiste, et puis aussi des militants, des gens de la société civile qui s'investissent dans les questions européennes.
01:30 Alors on va peut-être commencer pour s'en débarrasser, mais enfin bon, on est obligés d'y passer. En revenant sur ce qui vient d'être discuté là
01:39 et ce qui vient d'être voté là sur un point qui fâche, en réalité, c'est le vote du nouveau pacte budgétaire. Alors c'est un nom un petit peu comme ça
01:48 qui a l'air gentil. Ça fait partie de... Qu'a l'air un peu inoffensif. En réalité, ça recouvre des réalités qui sont assez obscures, assez sournoises.
01:56 Vous avez voté contre. C'est un point extrêmement important. On va avoir l'occasion d'expliquer un peu pourquoi. Pourquoi est-ce que vous avez voté contre
02:04 et qu'est-ce qui attend finalement les Européens, nous tous, avec ce vote, ce nouveau pacte budgétaire ?
02:11 – C'est un point important, j'allais presque dire existentiel pour l'Europe. Parce qu'après le Covid, vous vous en souvenez, il y avait eu un espoir
02:21 que le plan de relance marquait le début d'une nouvelle ère où l'Union européenne n'allait pas hésiter à investir dans la transition écologique,
02:32 dans l'avenir. Et on était un certain nombre de députés à avoir cet espoir-là. Et cet espoir, il a été douché avant-hier,
02:41 puisqu'il y a trois textes qui ont été votés. Et c'est le retour à la normale, même pire d'ailleurs que la normale, c'est-à-dire le choix délibéré
02:51 de l'austérité budgétaire à un moment où l'Europe connaît une crise économique et sociale. Et le risque, c'est d'aggraver la crise
03:01 avec des mesures de contrôle de la dépense à un moment où il y aurait besoin justement non seulement de mener des politiques de solidarité,
03:09 solidarité sociale, mais aussi d'investir dans l'avenir. Et ça, ce choix dramatique, il a été fait par une large coalition qui va de la droite
03:19 et une partie de l'extrême droite jusqu'aux sociodémocrates et une partie des verts. C'est un choix qui va vraiment à l'encontre de l'histoire.
03:30 Mais c'est d'autant plus absurde qu'au même moment, les États-Unis mènent une politique d'investissement, la Chine mène une politique d'investissement,
03:39 et l'Europe reste finalement le dernier continent obsédé par les politiques d'austérité. En plus, moi, ce qui me fascine le plus dans cette affaire,
03:51 c'est que vous avez la religion des 3% de déficit public, des 60% de déficit public. Cette religion, comme souvent d'ailleurs, elle ne repose sur rien.
04:00 Parce que ces chiffres-là, ces chiffres qui sont devenus sacro-saints pour la Commission, c'est en réalité un haut fonctionnaire sur un bout de table,
04:07 un soir de Sommet européen au XXe siècle, qui a dit "ben tiens, alors on va mettre ça comme critère".
04:11 – Les économistes contestent entièrement en disant "il n'y a pas de sens économique derrière ces 3%".
04:17 – Mais il n'y a aucun économiste sérieux qui dise "il faut absolument ne pas dépasser 3% de déficit public". En fait, ça dépend.
04:23 Si vous êtes dans une période de crise et que vous avez besoin de prendre des mesures pour contrer la crise,
04:27 allez jusqu'à 4, 5, 6% de déficit public, ce n'est pas grave. En réalité, ça dépend de ce qu'on en fait.
04:33 Si cet argent est investi dans les politiques de solidarité sociale, dans l'emploi, dans la formation, dans l'investissement, dans les infrastructures,
04:41 alors c'est bienvenu. Et la folie des dirigeants européens, c'est qu'ils prennent le risque d'appauvrir le continent
04:49 à un moment où on vient subir une crise pandémique, une crise énergétique, avec la guerre notamment en Ukraine, et l'inflation qui grève les budgets.
04:59 Quand vous voyez qu'en plus, vous avez le refus de réformer le marché de l'électricité, comme vous le savez, l'électricité,
05:05 son prix est indexé sur le gaz, avec l'explosion du gaz, ça fait des factures qui sont multipliées par 3, 4, 5,
05:11 on a des dirigeants européens qui font le choix de l'austérité à perpétuité, là où il faudrait avoir de l'ambition pour le continent.
05:19 Donc ça, c'était un vote quand même grave, à bien des égards historiques, et j'espère que le débat de l'élection européenne permettra de solder un certain nombre de comptes.
05:30 – Alors, c'est d'autant plus important, ce point sur lequel vous insistez, vous êtes un certain nombre de députés à le soulever,
05:39 on n'est même pas dans le business à Joujouane, on pourrait dire on continue comme avant, c'est même encore pire, si on peut dire.
05:44 – Oui, bien sûr.
05:45 – Et pire, évidemment, en raison de la conjoncture dont vous parlez actuellement.
05:49 Il y a un point qui me semble aussi important, vous l'avez évoqué, c'est peut-être le fait que l'un des points les plus importants de cette législature,
05:56 puisqu'on va parler de l'ensemble, là, c'était le fameux Green Deal, le pacte vert qui faisait, on l'empruntait le mot, aux Américains,
06:07 à la politique qui avait été menée sur le New Deal, politique qui était justement ce que vous disiez, une politique d'investissement, etc.
06:14 Et là, on est en train de se rendre compte, si on veut faire effectivement ces choses extrêmement importantes,
06:20 prendre ces décisions extrêmement importantes qui concernent un nouveau pacte en matière d'environnement, en matière de climat,
06:25 il y a des choses qu'il faut changer, et on se rend compte que ce qui a été voté, là, au niveau du pacte budgétaire ne va pas permettre de le faire, en réalité.
06:32 Donc le pacte budgétaire va impacter aussi, si on peut dire, la volonté que manifestait l'Union européenne d'aller de l'avant en matière d'environnement,
06:44 en matière de lutte contre l'échauffement climatique.
06:46 – C'est une politique de boutiquier à courte vue, c'est-à-dire à la fois on n'investit pas dans l'avenir, et on est obsédé par les chiffres,
06:55 les dépenses publiques, sans jamais voir, même à 10 ans, ce qu'on devrait faire.
07:01 Et c'est vrai que le Green Deal, l'idée c'était quand même de métamorphoser le processus de production,
07:07 et d'investir de façon colossale dans des infrastructures de transport, dans un renouvellement de la politique énergétique,
07:15 et puis aussi tous les textes en faveur de la biodiversité.
07:18 Or tout ça, si vous voulez, est revu sur un étiage très bas parce qu'il y a cette obsession des restrictions budgétaires.
07:25 Ça a des conséquences pour les gens en France.
07:27 – C'est la question que j'allais vous poser.
07:29 – M. Le Maire, qui au nom de ça nous indique qu'on va faire 10 milliards d'économies en 2024,
07:34 12 milliards en 2025, et ça ne va pas s'arrêter puisqu'il annonce, entendez bien,
07:40 il annonce en cumulé 70 milliards d'euros d'économies.
07:44 70 milliards c'est-à-dire plus que le budget de l'éducation nationale.
07:47 – Il faut les trouver.
07:48 – Non seulement il faut les trouver, mais vous voyez bien les conséquences.
07:50 Les hôpitaux, les services publics, l'investissement des collectivités locales,
07:56 qui vont être lourdement impactés par ces décisions,
07:58 à terme c'est les Français les plus vulnérables qui une fois de plus vont payer.
08:02 Et d'ailleurs dans le même temps, c'est ça qui est assez extraordinaire dans le gouvernement français,
08:06 il y a ce refus réitéré, incompréhensible d'aller chercher de l'argent par exemple dans les super profits,
08:14 les gens qui ont profité de la crise, les gens qui ont profité de l'inflation.
08:18 – Au niveau européen non plus d'ailleurs, on ne parle pas de ça, on n'en parle pas du tout du tout.
08:23 – C'est bon au niveau européen, taxer le capital c'est le grand tabou.
08:27 Il y a quelques tabous comme ça dans le débat européen,
08:29 il y a taxer le capital, il y a remettre en cause les accords de libre-échange,
08:33 et là c'est sûr qu'on n'en prend pas le chemin,
08:35 mais c'est la raison pour laquelle le débat européen du mois de mai et du mois de juin,
08:39 pour les élections du 9, comme vous l'avez rappelé, il est essentiel de ce point de vue-là,
08:42 c'est qu'il y a un certain nombre de sujets sur lesquels les Français et les Européens devront arbitrer.
08:47 – Alors il y a quand même, notamment dans cette session, un certain nombre de points positifs,
08:52 – Un peu, très positifs. – On peut en enlever plusieurs.
08:56 Allons-y, parlons-en tout de suite peut-être.
08:58 – Je vais vous le dire, devoir de vigilance, c'est-à-dire obliger les entreprises
09:03 à être un petit peu plus vertueux par rapport à leur production de base, l'extraction,
09:10 bon ça c'est pas mal sur les chaînes de valeur, travail forcé,
09:14 c'est-à-dire qu'il y a une interdiction de faire appel à des produits,
09:18 – Des marchandises, oui c'est ça.
09:20 – Des marchandises issues du travail forcé, de l'esclavage moderne, ça c'est bien.
09:25 Il y a une réforme pour les travailleurs des plateformes,
09:29 – Alors ça, au bout d'un feuilleton dont on a eu l'occasion de parler,
09:32 mais finalement on y arrive, il faut le dire, parce qu'on perd.
09:34 – Où la France, à chaque étape, s'est opposée, c'est ça qui est extraordinaire,
09:38 mais quand même il y a l'idée que des boîtes comme Uber
09:42 ne peuvent pas faire n'importe quoi avec leurs salariés, ça c'est quand même une victoire.
09:46 Il y a une victoire qui est passée inaperçue, pour moi qui est décisive, c'est enfin,
09:51 et là je peux vous dire que c'est un combat que je mène depuis 10 ans,
09:54 la sortie de l'Union Européenne du traité sur la charte de l'énergie,
09:56 vous savez c'est un vieux traité.
09:58 – Je voulais qu'on en parle également, le PEVT, le retrait de ce traité
10:03 qui était, rappelons-le, complètement absurde.
10:06 – En fait c'est un traité qui a été voté dans les années 90,
10:08 qui avait pour mission de superviser la politique énergétique,
10:15 sauf que dans ce traité il y avait quelque chose d'incroyable, extraordinaire qui disait,
10:20 si une multinationale qui produit des hydrocarbures
10:26 s'estime lésée par une décision de politique publique,
10:28 par exemple vous décidez de nationaliser un gisement,
10:32 ou vous décidez de réduire les énergies fossiles,
10:37 elle pouvait attaquer l'État devant des tribunaux privés et obtenir réparation.
10:43 Et vous avez comme ça des États, par exemple l'Espagne, l'Allemagne,
10:46 qui ont été condamnés à payer des milliards et des milliards d'euros
10:50 à des entreprises qui n'étaient pas contentes des législations.
10:52 C'est un truc, on marche sur la tête.
10:54 Et la commission qu'on interpellait, moi que j'ai interpellée dès 2014,
10:58 disait "ah bah oui mais on ne peut pas sortir de ce traité,
11:00 il va falloir le moderniser", vous savez c'est leur mot à chaque fois,
11:03 évidemment la modernisation n'aboutissait pas à ce qu'on voulait,
11:07 c'est-à-dire que les entreprises privées ne puissent pas attaquer les États
11:10 au prétexte de leur politique publique.
11:12 Et là, ce dernier mandat, cette dernière session,
11:17 on obtient enfin la sortie de l'Union, la sortie du traité.
11:21 Ça peut paraître comme ça un peu technique, c'est hyper important,
11:24 parce qu'en réalité c'est nos marges de 29, notre souveraineté en matière énergétique.
11:28 Et bah ça, pour un député comme moi, c'est une satisfaction personnelle aussi
11:32 d'avoir mené ce combat depuis des années,
11:34 et de voir qu'on a enfin convaincu les collègues et les États membres,
11:38 et qu'on en sort.
11:39 – Et ça donne peut-être un peu, vous allez nous le dire,
11:42 les coups d'effranche pour avancer sur les questions climatiques aussi,
11:45 d'une certaine manière, parce qu'on n'a plus cette épée de Damoclès
11:49 au-dessus de la tête finalement.
11:50 – Oui, c'est très important, par contre là où on a échoué,
11:53 c'est la réforme du marché de l'électricité.
11:56 C'est-à-dire que là on a vraiment des dirigeants, des États membres,
12:00 et une majorité ici au Parlement, obsédés à l'idée que l'électricité
12:04 c'est un marché comme un autre, au point qu'on en était,
12:06 vous me souvenez, arrivés à une situation totalement absurde
12:08 où on avait imposé à EDF, qui avait une monopole publique en France,
12:13 de vendre son électricité pas cher à des concurrents qui eux ne produisent rien
12:17 et qui vont le revendre deux ou trois fois plus cher.
12:21 Cette situation absurde, héritage de l'obsession de la Commission
12:25 pour l'ouverture à la concurrence, on en paye encore le prix,
12:28 les Français en payent le prix, parce que je pourrais démontrer aisément
12:31 qu'il est possible de diminuer la facture d'électricité au moins par deux,
12:34 voire même plus dans les temps de crise que nous connaissons.
12:38 – Bon, il y a encore des combats à mener, ça c'est plutôt positif.
12:40 – C'est ça.
12:41 – Et j'ai une autre victoire personnelle que je ne veux pas passer sous le silence,
12:45 qui a eu lieu hier, c'était un texte un peu technique qui s'appelle
12:48 "Les délais de paiement", en gros c'était pour raccourcir les délais de paiement
12:53 entre les fournisseurs et les entreprises.
12:56 Il y avait un secteur qui était impacté par ça, c'était le secteur du livre,
12:59 notamment les librairies, parce que les librairies, leur délai de paiement
13:02 c'est beaucoup plus que 30 jours évidemment,
13:04 parce qu'il faut attendre qu'on vende le livre.
13:06 On avait tout un secteur économique, notamment en France,
13:08 qui était menacé, la chaîne du livre.
13:11 Et grâce à un certain nombre de collègues,
13:14 l'amendement que j'ai déposé a obtenu une majorité,
13:17 et donc on a obtenu l'exemption du secteur du livre.
13:19 Bah vous voyez, ce genre de petite victoire dans le secteur culturel,
13:22 parce que moi j'y attache beaucoup d'importance,
13:25 ça donne l'envie de continuer à se battre.
13:27 – Alors parmi les thèmes que vous avez commencé déjà à développer
13:32 dans le cadre de la campagne, que vous allez développer,
13:34 là on a deux mois de campagne, vous avez deux mois de campagne devant vous,
13:37 et il y a un des mots-clés de la liste,
13:41 c'est retour à la souveraineté dans plein de domaines,
13:44 évidemment ça se décline dans plein de domaines.
13:46 On peut peut-être juste dire un mot sur la souveraineté économique,
13:49 on a malheureusement là un mauvais exemple avec le fabricant
13:52 de panneaux solaires français, Sistovi, qui met la clé sous la porte,
13:56 en raison de la concurrence chinoise, déloyale évidemment.
14:01 C'est une chose que les gens ont du mal également à comprendre.
14:04 – C'est normal.
14:05 – Comment est-ce qu'on laisse la concurrence déloyale
14:08 s'instaurer sur nos territoires,
14:10 à tel point qu'on ruine nos propres entreprises
14:13 et nos propres économies où les gens travaillent ?
14:15 – Mais en fait, moi je vais vous dire que je comprends
14:17 que les gens ne comprennent pas,
14:18 parce que si on explique les choses simplement,
14:21 ça paraît tellement absurde qu'on ne peut pas y croire.
14:24 En gros, les Chinois, ils fabriquent énormément de panneaux solaires.
14:30 Le marché américain leur est fermé,
14:32 parce que qu'est-ce qu'ils ont fait les Américains ?
14:33 Ils ont augmenté leurs droits de douane.
14:35 Les autres pays aussi.
14:37 Le seul continent qui ne veut pas augmenter ses droits de douane,
14:39 c'est l'Union Européenne.
14:40 Et donc sur notre sol, on a des entreprises
14:43 qui produisent des panneaux photovoltaïques,
14:46 mais évidemment plus chers que les Chinois.
14:47 Pourquoi ? Parce que la main-d'œuvre est mieux payée,
14:50 les matériaux sont de meilleure qualité.
14:51 Donc qu'est-ce qu'on proposait nous ?
14:53 Assez naïvement, c'était de dire
14:55 "vous voulez réussir la transition énergétique,
14:57 vous voulez réussir le mix énergétique,
14:59 c'est-à-dire il faut plus de panneaux solaires,
15:01 et bien protéger les industries européennes".
15:04 La Commission s'y refuse obstinément.
15:06 Et donc on a des faillites en cascade
15:09 d'entreprises avec une vraie main-d'œuvre qualifiée,
15:13 avec une vraie technologie,
15:15 mais qui ne peuvent pas faire face
15:17 à cette concurrence qui est absolument déloyale,
15:19 puisque les Chinois vendent à perte.
15:21 C'est-à-dire qu'ils vendent moins cher
15:23 que ce que ça leur coûte.
15:24 Évidemment qu'on ne peut pas se concurrencer avec ça.
15:28 Et ce qui est incroyable et vraiment désolant,
15:33 c'est qu'on n'arrive pas à convaincre les commissaires,
15:35 notamment, du bien-fondé, de la protection
15:37 de notre propre industrie européenne.
15:40 J'allais dire d'autant qu'on est dans une technologie avancée,
15:43 vous étiez en train de le dire,
15:44 qui va quand même dans le sens d'une amélioration
15:46 des questions climatiques et des questions environnementales.
15:50 C'est-à-dire ce secteur dans lequel,
15:51 précisément, vous le disiez tout à l'heure,
15:53 il faudrait qu'on investisse de plus en plus,
15:55 c'est exactement l'effet opposé
15:57 qui est en train de se produire.
15:58 Mais oui, mais alors d'autant plus que là,
16:01 au-delà de l'investissement,
16:03 il suffit déjà de protéger nos entreprises,
16:06 c'est-à-dire tout simplement en mettant des droits de douane
16:09 pour les panneaux chinois qui arrivent
16:11 et qui sont vendus à prix cassé.
16:15 On ne le fait pas pour des raisons purement idéologiques.
16:17 Et on avait déjà eu le cas, il y a 15 ans,
16:21 le débat avec les Allemands, où Mme Merkel,
16:23 alors même que ses propres entreprises étaient concernées,
16:26 avait refusé qu'on mette des barrières commerciales
16:28 parce qu'elle avait intérêt à vendre des voitures en Chine.
16:30 Résultat, le marché européen avait été ruiné une première fois,
16:33 du photovoltaïque.
16:34 Là, il s'était patiemment reconstitué,
16:37 aidé en partie par des Etats.
16:39 Eh bien, on recommence le même processus.
16:43 Là, vraiment, c'est le moment de dire stop.
16:47 Mais il y a les pouvoirs publics français aussi
16:49 qui ne remplissent pas leur rôle,
16:50 parce que là, M. le maire, sur le cas précis de Sistovi,
16:54 il pourrait largement prendre des mesures.
16:57 Il ne le fait pas, mais d'ailleurs, il y a plein de domaines
16:58 où il pourrait prendre des mesures, où il ne le fait pas.
17:00 Donc voilà, ça, ça fait partie des débats d'aujourd'hui.
17:04 Encore une fois, il ne faut pas laisser tomber,
17:06 mais ce qui me paraît fou,
17:08 c'est que les citoyens européens sont bien plus en avance
17:10 que leurs propres dirigeants sur ces questions.
17:12 – C'est ça. Donc le mot « souveraineté »,
17:14 c'est un mot qui fait mouche aujourd'hui dans ce domaine-là.
17:16 L'économie à plusieurs niveaux et dans d'autres domaines également.
17:18 – Oui, les gens ont compris que c'était très important
17:21 d'être indépendants.
17:22 Au moment du Covid, on s'est rendu compte
17:23 qu'on a été dépendants d'à peu près tout le monde,
17:26 y compris pour fabriquer du Doliprane ou des masques,
17:29 qu'il fallait aller chercher au Bangladesh, au Vietnam ou en Chine.
17:33 Et à juste titre, et là pour le coup droite et gauche confondus,
17:36 des voix se sont élevées en disant
17:38 « ça serait bien de relocaliser une partie de notre production industrielle ».
17:41 La démonstration, c'est la même pour l'agriculture.
17:44 Évidemment, quand il y a des ruptures de chaînes d'approvisionnement
17:47 et des pénuries, on se retrouve sans produits
17:50 qu'on pourrait faire nous-mêmes.
17:51 Je vais vous donner un exemple tout bête,
17:53 vraiment très concret.
17:55 Les haricots, les haricots verts, 80% ça vient du Kenya.
17:59 On peut le faire en France.
18:01 Les cornichons, encore plus bête, 90% ça vient de l'Inde.
18:06 Franchement, on a, même en France, en Bourgogne,
18:09 dans la vallée de la Loire,
18:10 on a largement les moyens de faire nous-mêmes.
18:11 Vous voyez, quand on regarde, produit par produit,
18:14 un pays comme la France est capable d'être autosuffisant
18:17 dans à peu près tous les domaines sauf les fruits exotiques et le riz.
18:20 Quand même, c'est une décision élémentaire de politique publique.
18:24 – Et rappelons que la souveraineté,
18:25 ce n'est pas du tout contradictoire avec l'idée européenne,
18:27 au contraire.
18:28 – Absolument pas, absolument pas.
18:30 L'indépendance, parce que la souveraineté,
18:32 parfois il y a des débats, l'indépendance,
18:34 c'est l'autre nom de la démocratie.
18:36 C'est-à-dire, on décide certaines choses
18:39 et on le fait respecter chez nous.
18:40 Moi, je trouve ça formidable comme projet
18:42 et je suis sûr que ça enthousiasme les gens.
18:44 – Alors, juste un mot, l'abstention,
18:47 on ne parlait pas de l'abstention,
18:49 on parlait du vote dès le début de cette rencontre avec vous,
18:51 c'est un point extrêmement fort de préoccupation,
18:55 on va le dire, pour ces élections,
18:57 puisque les sondages actuels donnent encore une fois
19:01 une abstention forte, notamment chez les jeunes.
19:05 En particulier chez les jeunes, on a des chiffres,
19:07 si on croit à peu près ce qui se passe dans ce que disent les sondages,
19:09 on a des chiffres absolument exorbitants d'abstention du côté des jeunes.
19:13 C'est-à-dire, ça va être un point fort
19:15 parce que finalement, en grande partie,
19:17 les mobilisations qui vont avoir lieu à l'occasion de ces élections
19:20 pour demander aux gens d'aller voter,
19:22 ça va être une des clés du problème des élections.
19:24 Qu'est-ce que vous allez faire, vous,
19:26 pour dire à tout le monde, et spécialement peut-être aux jeunes,
19:29 venez voter parce que là, il y a quelque chose
19:31 de très important qui va se passer ?
19:33 – C'est aussi notre faute, c'est-à-dire qu'à un moment,
19:36 il faut être en capacité, c'est pas facile,
19:38 de montrer que tout ce qui se décide ici,
19:40 ça a des conséquences concrètes dans la vie des gens.
19:43 Mais dans ce que ça a de plus quotidien,
19:46 ce qu'on mange, là où on travaille, comment on se déplace,
19:50 là où on va en vacances,
19:52 tout ça, c'est des sujets qui sont débattus ici,
19:55 et même des objets du quotidien.
19:58 Bon, c'est à nous de trouver les mots pour mobiliser les gens,
20:01 à la fois sur ces sujets-là, qui sont des sujets du quotidien,
20:04 mais aussi sur les grandes causes,
20:06 parce que la cause de la paix, la cause de la démocratie,
20:10 la cause des droits de l'homme,
20:12 ça mobilise aussi la jeunesse,
20:14 on a été jeunes, vous et moi,
20:16 et quand on a envie de s'engager, généralement,
20:19 moi, ma génération, par exemple, c'était l'apartheid,
20:21 donc c'était pas seulement la vie quotidienne,
20:23 c'était aussi une grande cause,
20:25 où on avait l'impression qu'il y avait une injustice insupportable,
20:27 et qu'il fallait militer avec d'autres.
20:29 L'internationalisme aussi, c'est une grande cause.
20:31 Donc voilà, c'est à nous de le faire,
20:34 c'est aussi aux principaux candidats de ne pas escamoter les débats,
20:39 de le transformer soit en débat exclusivement national,
20:42 soit d'aller chercher des questions
20:45 qui ne sont pas directement dans le débat européen.
20:47 C'est une responsabilité collective,
20:49 mais moi, je ne désespère pas de convaincre,
20:51 parce que la dernière fois aux élections européennes,
20:53 il y avait eu quand même un surcroît de participation.
20:55 Là, au moment où l'Europe est confrontée
20:58 à toute une série de crises économiques, sociales,
21:01 la guerre, quand même pas rien,
21:04 je crois que ça vaut le coup de se déplacer 10 minutes
21:07 pour donner son avis sur quelque chose qui engage l'avenir,
21:10 parce que vous parlez des jeunes.
21:12 C'est sûr que l'Europe qu'on est en train de construire,
21:14 ça concerne surtout leur vie à eux,
21:16 dans les 15, 20, 30 ans à venir.
21:18 Quand on a un plan qui dit
21:20 "à l'horizon 2050, on décarbone l'économie",
21:23 je ne sais pas dans quel état je serai en 2050,
21:27 mais par contre, les jeunes d'aujourd'hui, mes enfants,
21:29 en 2050, ils seront à l'âge adulte,
21:31 et ils méritent d'avoir une Europe totalement décarbonée.
21:34 Ça, c'est des réponses politiques,
21:36 le mix énergétique, renouvelable et nucléaire, par exemple.
21:39 C'est quand même un débat concret qui engage l'avenir.
21:42 La protection de la biodiversité,
21:44 les océans, les forêts,
21:46 c'est aujourd'hui que ça se décide
21:48 pour qu'en 2040 ou 2050,
21:50 elles soient définitivement préservées.
21:52 - Sachant que toutes nos questions,
21:54 comme vous dites, concrètes, pratiques, etc.,
21:56 sont de plus en plus internationales.
21:58 Peut-être que nous n'avons jamais été...
22:00 Tout ce qui se passe dans le monde,
22:02 vous le disiez à l'instant,
22:04 a de l'importance pour tout le monde
22:06 dans la vie réelle et quotidienne.
22:08 - Et même pour des choses qui nous intéressent,
22:10 par exemple les questions culturelles.
22:12 Je sais que vous y êtes attaché.
22:14 Confronter à l'uniformisation américaine,
22:16 les plateformes, les GAFAM,
22:18 tout ce qui cherche à niveler, en réalité, un peu...
22:20 - Le cinéma.
22:22 - Voire même à atténuer la diversité culturelle
22:26 qui fait vraiment la richesse de l'Europe,
22:28 ça, c'est des sujets de mobilisation
22:30 qui sont beaucoup européens, ça, c'est sûr.
22:32 Donc voilà, ça vaut le coup de se battre.
22:34 Et ça vaut le coup d'aller voter, le 9 juin.
22:36 10 minutes, pas plus.
22:38 - Alors, regardez, j'ai un petit truc, là.
22:40 C'est en anglais, parce que...
22:42 - Oui, alors, ça, c'est pas bien.
22:44 - Mais non, mais c'est toute la pub du...
22:46 - Je sais bien.
22:48 - On dit que "use your vote".
22:50 OK, c'est la Commission européenne
22:52 qui produit ce genre de...
22:54 - Parce qu'eux, le multilinguisme,
22:56 ils connaissent pas, c'est ça, le problème.
22:58 - Voilà. - Si on peut admettre
23:00 que les Irlandais parlent anglais...
23:02 - Mais vous savez, c'est même pas de l'anglais,
23:04 tous les collègues, notamment les macronistes.
23:06 - J'ai cherché, en l'appel français.
23:08 - C'est pas de l'anglais, c'est du globich.
23:10 C'est bien de parler dans sa propre langue,
23:12 avec ses nuances, avec sa richesse.
23:14 Ça fait du bien à tout le monde.
23:16 - Mais allez voter, en tous les cas.
23:18 Ne ratez pas le 9 juin.
23:20 Merci à vous, Emmanuel Morin.
23:22 J'espère vous retrouver bientôt
23:24 sur le plateau de l'humanité
23:26 et merci, j'en profite pour remercier
23:28 tous ceux qui nous suivent sur la chaîne
23:30 Voix d'Europe de l'Humanité
23:32 depuis 5 ans maintenant.
23:34 Nous allons continuer, bien sûr,
23:36 à partir de la nouvelle législature
23:38 qui va s'ouvrir dès le mois de juillet.
23:40 Nous serons de nouveau avec vous
23:42 pour vous expliquer ce qui s'est passé
23:44 dans ces élections et ce qui va se passer
23:46 dans les mois à venir.
23:48 Merci à vous. Au revoir et à très, très bientôt.
23:50 Au revoir, merci. Merci, Emmanuel Morin.

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