• l’année dernière
Juarez et El Paso sont deux villes jumelles que tout sépare. Juarez est mexicaine, jeune, misérable et violente. El Paso, la ville américaine somnole dans sa richesse. Entre les deux cités, le Rio Grande, bordé côté américain d’une palissade de fer surveillée en permanence par les gardes-frontières. Pour enrayer le flot de l’immigration clandestine, les industriels nord-américains ont installé à Juarez, à quelques mètres de la frontière internationale, des usines de sous-traitance : des maquilladoras. Mais ces usines n’offrent que des salaires de misère à leurs employés et n’embauchent que des femmes, plus dociles, plus rapides.
Elle ne gagnent que trois francs cinquante de l’heure. Depuis 1993, elles sont devenues la proie de mystérieux tueurs en série. Selon les organisations non gouvernementales mexicaines et nord américaines plus de huit cents femmes ont disparu dans le désert qui entoure Juarez.
Elles avaient toutes entre seize et trente-deux ans.
Les policiers locaux affirment que les femmes sont les principales responsables de ces meurtres. Enquête sur ces meurtres en série.

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Transcription
00:30de la police criminelle mexicaine.
00:32Il y a 24 heures, on a découvert sur ce terrain vague
00:34le cadavre de María Ereña,
00:36une ouvrière de 32 ans.
00:42C'est ici qu'on a retrouvé la dernière victime.
00:48Elle a été assassinée avec une grande violence.
00:56Ils lui ont écrasé la tête avec les roues d'une voiture.
01:00Elle était complètement défigurée.
01:04On vient juste de l'identifier.
01:14Ici précisément.
01:16La dernière morte,
01:18car depuis 1993,
01:20300 femmes ont été assassinées
01:22à Ciudad Juarez,
01:24tout au nord du Mexique.
01:26Là où finissent les bidonvilles,
01:28la frontière au-delà
01:30les immeubles opulents d'El Paso,
01:32le Texas.
01:34Cette frontière, une rivière,
01:3650 mètres de large, à gauche le Mexique,
01:38à droite les Etats-Unis.
01:403,2 millions de personnes de part et d'autre,
01:42d'un côté une extrême pauvreté,
01:44de l'autre une extrême richesse.
01:46Reliant les deux rives quelques ponts.
01:48Tout le monde ne peut pas les emprunter,
01:50surtout dans le sens sud-nord.
01:58Venus du sud,
02:00ceux que le rêve nord-américain
02:02a fait marcher pendant des jours,
02:04des semaines parfois,
02:06poursuivent cette chimère
02:08jusqu'à un grillage infranchissable.
02:28Deux mondes,
02:30la même incompréhension.
02:32Même le fleuve n'a pas le même nom.
02:34Pour ceux du sud,
02:36c'est le Rio Bravo.
02:38Rive nord,
02:40il devient le Rio Grande.
02:42Côté Etats-Unis,
02:44on dit que la piste
02:46qui longe le Rio Grande
02:48est la première ligne de défense
02:50du pays.
02:52Le Rio Grande,
02:54c'est la première ligne
02:57Il y a une vingtaine d'années,
02:59les industriels du nord ont construit
03:01des usines sur la rive mexicaine,
03:03les maquilladoras.
03:05En donnant du travail aux miséreux du sud,
03:07on pensait les dissuader
03:09de tenter le passage clandestin.
03:11Mais les salaires sont dix fois plus bas
03:13au sud du grillage qu'au nord.
03:15Ici, on n'emploie que des femmes,
03:17plus habiles, plus dociles.
03:19Elles sont 200 000,
03:21payées 3 francs 50 de l'heure.
03:23C'est la délocalisation.
03:25Ces usines étaient pratiquement
03:27toutes des ouvrières.
03:29Notre enquête sur les meurtres
03:31devait commencer par là,
03:33mais impossible de pénétrer
03:35dans ces usines avec une caméra,
03:37on se méfie ici.
03:39Il y a quelques années,
03:41cette photo avait suscité des remous.
03:43On avait dit que les ouvrières
03:45étaient attachés à leur poste.
03:47Simple question de sécurité,
03:49répond sa direction.
03:51En fait, ce n'est pas à l'intérieur
03:53des grilles que le danger de mort plane.
03:55Avec la nuit, la ville se transforme,
03:57une autre sorte de labeur.
03:59Chaque soir, des voitures
04:01venues du nord par centaines
04:03franchissent la frontière.
04:05Pour survivre,
04:07beaucoup des ouvrières
04:09changent de tenue.
04:11Juarez devient le bordel du Texas.
04:21Presque chaque semaine,
04:23depuis cinq ans, au petit matin,
04:25dans le désert alentour de Juarez,
04:27un cadavre de femmes a été découvert.
04:39D'après les organisations
04:41non gouvernementales américaines
04:43et mexicaines, plus de 800 femmes
04:45auraient disparu.
04:47Les autorités affirment que tout cela
04:49a fait que 209 seulement
04:51ont été assassinées.
04:53Elles avaient entre 16 et 35 ans.
04:55Toutes ont été violées
04:57et torturées avant d'être tuées.
05:05Toutes les enquêtes se ressemblent.
05:07La routine, ça commence par le voisinage.
05:09Seigneur !
05:13Seigneur !
05:15Qu'est-ce que vous avez entendu dire par ici ?
05:19Rien.
05:21Les seules choses que je sais,
05:23je les ai apprises par les journaux.
05:29Vous n'avez rien entendu ?
05:31Rien du tout.
05:33Vous savez comment on l'appelait ?
05:35Non, je ne parlais pas avec elle.
05:39Je gardais seulement ses enfants.
05:41Mais je ne connaissais pas son mari.
05:49Pas de quoi faire de grand progrès.
05:51Une seule chose est sûre,
05:53jamais un seul cadavre n'a été découvert
05:55à gauche du grillage,
05:57côté Etats-Unis.
05:59Toutes les victimes viennent des bidonvilles du sud.
06:01C'est ici qu'il y a moins d'un an,
06:03la famille Flores est venue s'échouer
06:05à quelques pas du rêve.
06:11Avec de l'argent,
06:13et sans l'argent,
06:15je fais toujours
06:17ce que je veux.
06:19Et mon mot
06:21est la loi.
06:25Je n'ai pas de trône,
06:27ni de reine.
06:29Les trois filles de la famille
06:31avaient trouvé du travail dans les maquiladoras.
06:33Il y a sept mois, la plus jeune,
06:35Sagradio, a été tuée
06:37en sortant de son usine.
06:39Ma soeur avait 17 ans.
06:41C'était une de ces filles
06:43comme on en trouve partout ici,
06:45à Ciudad Juarez.
06:47Elle ne demandait qu'une chose,
06:49elle voulait vivre.
06:51Le 17 avril dernier,
06:53elle est partie au travail
06:55et elle n'est jamais rentrée à la maison.
06:57En même temps qu'elle,
06:59cinq autres filles ont disparu,
07:01deux d'entre elles étaient ses amies.
07:03Depuis,
07:05trois autres encore ont été tuées.
07:07Elles ont été assassinées
07:09de la même façon.
07:13Elles, ce sont les deux soeurs Crisella.
07:15Elles ont été tuées en même temps
07:17que ma soeur.
07:19Ma fille, nous l'avons enterrée
07:21à l'endroit où elle a été assassinée.
07:23Cela a changé ma vie.
07:25Je me suis dit, qu'est-ce que je fais ?
07:27Je ne dis rien et tout ça va continuer ?
07:29Je serai peut-être la prochaine victime
07:31et personne ne fera rien.
07:33Personne ne saura ce qui se passe.
07:35Alors, j'ai pris une décision.
07:37Moi, je ne vais plus être victime.
07:39Je ne veux plus être victime.
07:41Je ne veux plus être victime.
07:43Je ne veux plus être victime.
07:45Je ne veux plus être victime.
07:47Je ne veux plus être victime.
07:49Je ne veux plus être victime.
07:51Alors, j'ai pris une décision.
07:53Moi, je ne vais pas me taire.
07:57Guillermina Flores a été la première
07:59à ne pas accepter la mort camouflée
08:01des femmes de Juarez.
08:03Chaque lundi, elle entraîne sa famille
08:05et quelques autres parents de victimes
08:07au palais du gouverneur.
08:13Je veux dire à tout le monde
08:15ce qui est arrivé, que l'on cesse
08:17de nous ignorer, que justice soit faite
08:19à tous ces crimes.
08:21Jusqu'à présent, aucune famille de victimes
08:23n'avait eu le cran de réclamer
08:25timidement justice.
08:27Les autorités les traitaient avec mépris.
08:35Vous voyez, les gens commencent
08:37à faire attention à nous.
08:39Avant, personne ne disait rien.
08:41C'était le silence total.
08:43Pendant ce temps-là, on tuait, on tuait,
08:45on tuait des femmes.
08:47Pendant ce temps-là, les femmes
08:49tuées étaient responsables de leur mort.
08:51On disait officiellement qu'elles avaient
08:53des comportements à risque.
08:55Je veux que l'on arrête les assassins.
08:57Je veux la justice.
08:59Je sais bien que ceux qui font ça
09:01m'ont repéré.
09:03Je me rends compte que ma démarche
09:05peut les menacer, mais je n'ai pas
09:07d'autre choix.
09:09Je veux que le gouvernement
09:11et les fonctionnaires fassent leur travail.
09:13En tout cas, moi, je ne laisserai pas tomber.
09:18Guillermina et sa persévérance
09:20ont fini par déranger la tranquille indifférence
09:22des autorités.
09:24Les policiers qui étaient chargés de l'enquête
09:26ont été écartés.
09:28Une brigade spéciale vient d'être constituée.
09:30À sa tête, un avocat de 27 ans,
09:32Manuel Esparza.
09:34Il a été formé aux Etats-Unis
09:36à la chasse aux tueurs en série.
09:40À partir de maintenant,
09:42je veux que les enquêtes soient centralisées
09:44dans ce service.
09:46Je veux être au courant de tout,
09:48mais pas de fuite.
09:50Aucun étranger à notre service
09:52ne doit être informé.
09:54Nous allons commencer par interroger
09:56les familles.
09:58Nous pourrons leur donner
10:00quelques informations,
10:02mais pas tout.
10:04Je vous demande un peu de subtilité
10:06afin d'en apprendre plus.
10:08Ne dévoilez aucune information
10:10importante à qui que ce soit.
10:12Il y a beaucoup de femmes
10:14à la recherche des femmes.
10:16Les filles les attendent.
10:18Elles sont impressionnées
10:20par leurs belles voitures,
10:22leurs beaux vêtements.
10:24Ces gars-là les invitent
10:26boire un verre.
10:28Ils les mettent en confiance.
10:30Elles imaginent qu'ils les sortiront
10:32de leur pauvreté.
10:34C'est ainsi qu'elles deviennent des victimes.
10:3624 enquêteurs ont été mis
10:38à la disposition de Manuel Esparza,
10:40mais l'intendance ne suit pas.
10:42Ils n'ont pas de voiture, pas de radio.
10:44Pendant les 3 jours que nous avons passé
10:46avec eux, aucun n'a quitté le bureau.
10:48L'enquête n'avance pas.
10:52Les précédents enquêteurs
10:54n'étaient pourtant pas restés
10:56totalement inactifs.
10:58Ils avaient mis 3 hommes en prison,
11:003 suspects, inculpés chacun
11:02de plusieurs dizaines de meurtres.
11:12Abelardo Gonzales
11:14est le directeur
11:16de la prison de Juarez.
11:18Il va nous permettre
11:20de rencontrer Sharif Sharif,
11:22celui des 3 inculpés
11:24à qui les policiers reprochent
11:26le plus de crimes,
11:28pas moins de 149.
11:30Un directeur de prison
11:32qui doute.
11:34Toutes les preuves
11:36contre monsieur Sharif
11:38sont en train de tomber
11:40tout ce qui prouvait
11:42qu'il avait assassiné des femmes
11:44s'effondre.
11:48Il semble
11:50que ce ne soit pas lui
11:52le vrai coupable.
11:54Celui que la police de Juarez
11:56présente comme le plus grand criminel
11:58de tout le continent américain,
12:00le voici.
12:02Sharif Sharif a 53 ans.
12:04Il est égyptien.
12:06Les 149 crimes dont on l'accuse,
12:08comme le kidnapping,
12:10acte de cannibalisme.
12:12Je suis venu dans ce pays
12:14pour la première fois en mai 1994.
12:16Cette série de crimes
12:18avait commencé en 1992.
12:20C'est en 1992 que l'on a trouvé
12:22les premiers corps.
12:24Il y a pour le moins 30 femmes
12:26assassinées qui se ressemblaient.
12:28La peau sombre,
12:30des cheveux bruns, jeunes.
12:32Elles ont été enlevées
12:34et tuées.
12:36J'avais 70 avant que j'arrive dans ce pays
12:38et 75 depuis que je suis enfermé.
12:40S'il vous plaît.
12:42Chaque nouvelle victime
12:44est une preuve de mon innocence.
12:46Depuis mon arrestation,
12:48il y a eu 75 femmes assassinées
12:50de la même façon.
12:52Si on les écoute,
12:54j'ai tué tout le monde.
12:56Ils ont commencé par m'accuser
12:58de 20 meurtres, puis 40,
13:00puis 30, puis 1, puis 2.
13:02J'ai eu beaucoup de petites amies.
13:04Elles sont toujours mes amies.
13:06Elles sont encore vivantes
13:08et en bonne santé.
13:10Et elles m'aiment encore.
13:12Rien dans toutes leurs études
13:14médico-légales ne se retourne
13:16contre moi.
13:18Tout est en ma faveur.
13:20Et pourtant, ils continuent à m'accuser
13:22et ils me retiennent toujours prisonnier.
13:24Pourquoi ? Demandez-leur.
13:26Le jour où je vais sortir,
13:28je vais avoir beaucoup de questions
13:30Le problème aujourd'hui,
13:32c'est qu'ils ne peuvent plus
13:34faire marche arrière.
13:36Ils ne peuvent plus que me tuer.
13:40Je crois que certains membres
13:42de la police judiciaire,
13:44deux en particulier,
13:46des Américains d'origine mexicaine,
13:48sont coupables.
13:50Deux au moins, si ce n'est plus.
13:52Mais la police mexicaine
13:54affirme avoir des preuves
13:56irréfutables contre vous.
13:58La police ment.
14:00Elle ment sur tout.
14:04Vous ne pouvez pas
14:06fabriquer un bouc émissaire
14:08dans une affaire de tueurs en Syrie.
14:10Le policier qui s'obstine
14:12est une femme, Irma Galarza,
14:14le médecin légiste de Juarez.
14:16Elle n'a pas de doute. Pour elle,
14:18Sharif a tué. Elle affirme qu'après
14:20son arrestation, il n'y a plus eu
14:22de crimes semblables.
14:24Nous avions constaté
14:26que les crimes étaient identiques.
14:28Les mêmes caractéristiques
14:30dans la façon de tuer.
14:32Les victimes de même type.
14:34Les cheveux longs,
14:36plutôt chatin clair.
14:38Toutes les filles se ressemblaient.
14:46Après l'arrestation de ceux
14:48que l'enquête avait mis en cause,
14:50la façon de tuer a changé.
14:52Un autre modus operandi,
14:54des meurtres avec mutilations,
14:56des morsures.
15:00Avant,
15:02elles étaient tuées par étranglement.
15:04Cela a cessé.
15:06Maintenant, elles sont tuées par armes blanches,
15:08par armes à feu.
15:10Et là, depuis quelque temps,
15:12c'est avec des coups de machette dans le crâne.
15:16L'arrestation de Sharif n'avait pas mis fin
15:18aux meurtres. La police avait trouvé
15:20une explication à l'époque.
15:22Lors de la prison, Sharif aurait payé
15:24des tueurs pour continuer à assassiner
15:26des femmes. Chaque nouvelle victime
15:28rendant plus improbable sa culpabilité,
15:30lui qui se trouvait derrière les barreaux.
15:34L'un de ces tueurs s'appelle El Grande,
15:36le géant. Il y a trois ans
15:38qu'il a été arrêté.
15:42C'est une injustice.
15:44Ils ont manipulé l'enquête.
15:46Moi, je ne connaissais pas Sharif.
15:48Je n'avais jamais mis les pieds ici.
15:50Les entrées dans la prison sont enregistrées
15:52sur computer.
15:54Si j'étais venu voir Sharif, il le saurait.
15:56Il y aurait des traces.
16:02Deuxième complice
16:04supposé de Sharif,
16:06Jorge Amandarez, surnommé El Diablo.
16:08Il n'avait pas très bonne réputation
16:10dans la ville. C'était le chef
16:12du gang des rebelles.
16:14Moi, on m'a comparé avec le boucher
16:16de Milwaukee.
16:18On m'a comparé
16:20au plus grand criminel.
16:22Il y a ce que l'on raconte
16:24et puis la vérité.
16:26Aux Etats-Unis,
16:28on m'accuse d'être le cerveau
16:30de tous ces crimes.
16:34Nous ne sommes pas coupables.
16:38Quand j'ai été arrêté,
16:40il y avait eu 17 crimes.
16:42Depuis,
16:44il y en a une centaine.
16:46Je dis à tout le monde,
16:48aux pères et aux mères,
16:50de bien garder leurs filles,
16:52car l'assassin court toujours.
16:58Ici, tout est corrompu.
17:00Si j'avais eu de l'argent
17:02ou si j'avais été quelqu'un d'important,
17:04je ne serais pas dans cette prison.
17:06Je ne suis pas coupable.
17:08Voilà deux ans que le Diable est en prison,
17:10deux ans qu'il clame son innocence.
17:12Aujourd'hui, à Juarez,
17:14beaucoup disent qu'il fait un bon bouc émissaire.
17:16Pas de quoi perturber Irma Galarza.
17:18Elle est sûre de son fait.
17:20Pour elle,
17:22les preuves sont irréfutables.
17:24Voilà l'empreinte d'une morsure
17:26que l'on a trouvée sur un corps.
17:28Ces prisonniers disent
17:30que l'on a fabriqué des preuves.
17:32Ce n'est pas moi qui ai fabriqué
17:34la dentition de M. Amandares.
17:36Ce sont les traces de ces molaires.
17:38Aucun juge ne pourra nier cette preuve.
17:40Les certitudes du médecin légiste
17:42ne parviennent pas à convaincre
17:44Guillermina Flores.
17:46Elle essaye de mener sa propre enquête
17:48avec des moyens dérisoires.
17:54Vous voyez,
17:56cette jeune fille a été assassinée
17:58il y a trois mois à peine.
18:02Je pense que Sharif est responsable
18:04de certains meurtres
18:06et qu'il a tenté
18:08d'en assassiner d'autres.
18:12Mais je ne peux pas affirmer
18:14qu'il est le tueur enserré
18:16comme on le dit.
18:24Je pense qu'il est possible
18:26que les assassins soient des hommes de pouvoir.
18:28Un pouvoir tel que les autorités
18:30n'osent même pas y toucher.
18:32Ou c'est peut-être un malade,
18:34un psychopathe qui se trouve parmi nous.
18:36Seulement la petite ouvrière
18:38et sa sœur n'ont guère de temps
18:40pour démasquer les tueurs.
18:42Elles ne sont plus que deux
18:44pour nourrir la famille.
18:46Deux fois par jour,
18:48elles refont le parcours
18:50sur lequel Sagradio,
18:52la troisième,
18:54a été enlevée
18:56avant d'être violée et tuée.
19:00Guillermina n'a pas les moyens
19:02d'échapper au sort
19:04et elle a peur.
19:06C'est dangereux d'être femme à Juarez.
19:08Très dangereux.
19:10Le fait même d'être une femme,
19:12c'est un risque.
19:14Ici, on ne respecte pas les femmes,
19:16ni leur dignité, ni leur vie.
19:22Six jours sur sept, pour elle,
19:24c'est l'atelier pendant douze heures.
19:26Ce qu'elles ne savent pas,
19:28c'est que les assassinats des femmes de Juarez
19:30commencent à inquiéter leur patron.
19:32Sur Yobravo, dans l'autre monde,
19:34les conseils d'administration
19:36des grandes entreprises n'aiment pas
19:38entendre parler de ces affaires
19:40qui attirent maintenant les journalistes à Juarez.
19:42Les Américains aimeraient bien que
19:44le ou les auteurs des crimes soient arrêtés.
19:46Ils ont leur petite idée.
19:50Le FBI a aidé le gouvernement mexicain
19:52à s'attaquer au problème.
19:54Mais nous avons vite compris
19:56que Mexico ne le souhaitait pas.
19:58Ils ont renvoyé les équipes
20:00pour enquêter sur ces crimes.
20:02Le tueur en série dont nous parlons
20:04est mexicain.
20:06Il habite au Mexique.
20:08Il travaille au Mexique.
20:10Il est possible que d'autres l'imitent.
20:12Je pense que la raison principale
20:14de tous ces crimes,
20:16c'est l'incapacité de la police locale
20:18à contrôler son propre territoire.
20:26Cet assassin est quelqu'un
20:28qui a un pouvoir.
20:30Quelqu'un qui n'a pas besoin
20:32de convaincre les filles d'aller avec lui.
20:34Du côté mexicain,
20:36ils n'ont pas l'argent
20:38ni les ressources technologiques
20:40que nous avons aux Etats-Unis.
20:42En mots à peine cachés,
20:44ce garde-frontière du Texas
20:46accuse des policiers mexicains
20:48d'être les tueurs.
20:50Il faut dire que les Américains
20:52savent très bien ce qui se passe.
20:54Ils voient tout.
20:56La police communique entre eux.
20:58Nous avons une centralisation
21:00et les moyens de savoir
21:02si quelqu'un est un assassin ou pas.
21:04Chaque nuit,
21:06ils interceptent 450 clandestins.
21:08Aucun ne passe.
21:10Chaque maître est sous surveillance.
21:12Les caméras infrarouges
21:14leur permettent de tout voir,
21:16bien au-delà de la barrière d'acier.
21:18Par exemple, cette scène
21:20filmée il y a quelques jours.
21:22Les trois hommes
21:24qui s'est aventuré dans la zone des crimes
21:26seraient, d'après les Américains,
21:28des policiers de
21:30Suida de Juarez.
21:32Ils vont
21:34molester, dépouiller
21:36et abandonner leurs victimes.
21:38On ne sait dans quel état.
21:42Côté Juarez,
21:44on ne voit pas les choses de la même façon.
21:46Pour les policiers municipaux,
21:48les tueurs viennent du nord.
21:50Le problème de nos deux villes frontières,
21:52c'est qu'elles traversent
21:54surtout les fins de semaine.
21:56Ils viennent ici danser, s'amuser
21:58et ils repartent au petit matin aux Etats-Unis.
22:02Certains sont complètement ivres,
22:04d'autres totalement drogués.
22:06Il est vrai que chaque nuit,
22:08les jeunes Américains viennent profiter à Juarez
22:10de l'alcool et des femmes
22:12que leur interdisent les lois prudes
22:14et rigoristes du Texas.
22:18Les Américains qui viennent ici se divertir
22:22en profitent pour faire chez nous
22:24de mauvaises actions.
22:30Parce que dans leur état,
22:32les lois sont strictes.
22:34Parce que chez eux,
22:36on les punit sévèrement.
22:40Comme nos lois sont plus souples,
22:42ils viennent ici profiter de la vie.
22:44Et il faut le dire,
22:46pourquoi n'y aurait-il pas parmi eux des malades
22:48qui attaqueraient toutes ces femmes chez nous ?
22:52La police municipale tient à montrer
22:54qu'elle ne croise pas les bras
22:56et qu'elle n'écarte pas quand même
22:58l'hypothèse que le tueur soit Mexicain.
23:08Régulièrement, elle organise,
23:10sous l'œil des caméras,
23:12des descentes dans les bidonvilles.
23:14Elle s'en prend aux pandillas,
23:16les petits gangs de dealers.
23:22Comme à la recherche
23:24d'un nouveau coupable crédible.
23:26Celui que l'on pourrait charger
23:28de tous les meurtres de Juarez.
23:40Que le tueur soit Mexicain
23:42semble quand même être inacceptable ici.
23:44Un film vient d'être réalisé.
23:46La première a eu lieu à Juarez.
23:5216 en liste.
24:00Un réclame de la société
24:02pour les crimes qui ont eu lieu
24:04sur la plus grande frontière de Mexique
24:06avec les États-Unis.
24:08L'acteur qui joue le tueur
24:10ressemble à Sharif l'Égyptien.
24:12D'ailleurs, tout le scénario
24:14est un réquisitoire contre lui.
24:22Toute la bonne société de la ville
24:24a assisté à cette première.
24:26Manuel Esparza,
24:28le nouveau patron de l'enquête.
24:30Des policiers.
24:34Le procureur.
24:36Les organisateurs de la fête
24:38avaient même invité
24:40Guillermina Flores,
24:42la petite ouvrière,
24:44mais elle n'a pas été convaincue.
24:48Dans ce film,
24:50ils disent que les gangs des rebelles
24:52et Sharif sont les responsables
24:54de ces crimes.
24:56Mais pour moi,
24:58l'assassin court toujours
25:00et les crimes continuent
25:02alors qu'ils sont en prison.
25:04Il faut que la chasse continue
25:06car, pour moi,
25:08ils n'ont rien trouvé.
25:10La bonne société pouvait aller se coucher
25:12à l'heure où des centaines de femmes
25:14entamaient la deuxième partie
25:16de leur journée de travail.
25:18Je m'appelle Patricia Castro.
25:20J'ai quatre enfants.
25:24Je travaille dans une usine textile.
25:26Je gagne 160 francs par semaine.
25:32Le week-end,
25:34je travaille dans un bar.
25:36Et là, je gagne à peu près la même chose
25:38avec les pourboires et le reste.
25:44Quand ils entrent ici,
25:46les hommes boivent
25:48et parfois, ils t'attendent à la sortie
25:50et se mettent à te suivre.
25:52C'est très dangereux,
25:54d'autant plus que certains sont armés.
26:02La police ne sait plus qui accuser.
26:04Alors, ils accusent des gens
26:06qui ne peuvent plus se défendre,
26:08c'est-à-dire des filles assassinées.
26:10Elles, elles ne peuvent plus rien dire.
26:16Je sais que je prends des risques
26:18à travailler dans un bar de nuit.
26:20J'en sors à 4, 5 heures du matin.
26:24Je ne suis pas heureuse de faire ça.
26:28J'aimerais que les week-ends n'arrivent jamais.
26:34Je n'ai pas d'autres possibilités.
26:36Je le fais parce que j'en ai besoin
26:38pour mes quatre enfants.
26:40Comme les 200 000 ouvrières
26:42des maquillages de race,
26:44cette femme n'a pas le choix.
26:46Elle gagne 75 centimes
26:48chaque fois qu'elle danse avec un client.
26:50Depuis la fin de notre reportage,
26:52il y a un mois,
26:547 femmes ont été assassinées à Suida de Juarez.
26:56Victimes d'un ou de plusieurs tueurs fous.
26:58Victimes, assurément,
27:00de la misère du Sud
27:02et de l'indifférence du Nord.
27:14Sous-titrage Société Radio-Canada

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