"ACCUSÉS À TORT" / Christophe Bridou, ancien officier de la police municipale, et Patrick Leveneur, chauffeur de bus, ont été l’un et l’autre, victimes d’accusations infondées. L’un a été accusé de détention d’images pédophiles, l’autre a été forcé d’avouer un viol qu’il n’a pas commis. Comment survivre à la calomnie ? Comment se défendre lorsqu’on est seul face à la machine judiciaire ?
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00:00Comme ça se passe très bien avec son fils et qu'il s'en occupe très bien,
00:03je ne vois pas pourquoi je serais contre lui.
00:07Il faut aussi jouer la carte de l'intelligence.
00:10Et moi, pour mon fils, c'est important qu'il ait un équilibre.
00:15Et le fait qu'avec son père ça se passe très bien,
00:18ça se passe très bien avec moi aussi.
00:22Accusé à tort.
00:24Plus qu'une simple qualification.
00:27Une chaîne.
00:29Un boulet qu'on traîne lorsque la machine judiciaire s'abat sur nous.
00:33Comment prouver son innocence face à l'innommable ?
00:36Comment supporter le regard des autres ?
00:39Comment ne pas se laisser broyer par la justice ?
00:42Christophe et Patrick ont dû s'opposer souvent à ces questions.
00:46Tous deux ont été accusés à tort.
00:49Leur histoire me touche.
00:51J'ai envie d'en savoir plus.
00:54Comment ont-ils vécu ce jour où, sans raison,
00:57ils se sont retrouvés sur le banc des accusés ?
01:01Je suis Christophe Brédoux, 46 ans.
01:04J'étais en 2001 accusé à tort.
01:07Je m'appelle Patrick Le Bonheur, j'ai 39 ans,
01:10et j'ai été accusé à tort.
01:15Christophe, Patrick.
01:17Deux hommes dont la vie a basculé un jour à cause d'accusations infondées.
01:22Depuis, ils ne cessent de se battre pour faire reconnaître leur innocence.
01:27Un combat qui dure depuis des années.
01:39Aujourd'hui, Christophe se rend à Sarcelles, à 20 kilomètres au nord de Paris.
01:45On va voir mon petit garçon de 11 ans, victorien.
01:49C'est vrai que je suis toujours super content de le voir.
01:53Victorien vit chez sa mère.
01:55Cela fait 10 ans que ses parents sont séparés.
01:58Pour Christophe Brédoux, ces moments-là sont très importants.
02:10J'ai mis le parfum que tu m'as donné, le parfum rouge.
02:15Il y a encore quelques années, Christophe était privé de son droit de visite.
02:24Si Christophe n'a pas pu voir Victorien avant l'âge de 7 ans,
02:28c'est qu'il a été accusé de faits très graves.
02:38Nous sommes en 2001.
02:40Christophe Brédoux commande la police municipale de Garges-les-Gonesse.
02:46Divorcé et père de 3 enfants, il s'est remarié avec Véronique
02:50et vient d'avoir son quatrième enfant, Victorien.
02:54Mais cette vie bien rangée s'effondre un jour symbolique, le 11 septembre 2001.
03:00Tout commence ici, à la mairie.
03:04J'arrive dans mon service.
03:07Je revets ma tenue de police, comme tous les jours.
03:11Je suis dans mon bureau, je suis seul, isolé.
03:13Le téléphone sonne, je décroche.
03:15Et là, au bout du fil, j'ai ma supérieure hiérarchique.
03:18Elle me demande de me présenter dans les plus brefs délais dans son bureau.
03:22À l'époque, Christophe travaille sous l'autorité de la maire de Garges-les-Gonesse.
03:26Il se rend aussitôt à cette convocation.
03:29Et selon ses dires, avant de le faire entrer dans son bureau,
03:32Mme le maire lui aurait posé une question surprenante au sujet de sa vie privée.
03:37Elle me demande si je suis homosexuel.
03:40Je tombais un petit peu des nues, considérant que je ne m'attendais pas à cette question.
03:45Très loin de là.
03:46Je ne réponds pas directement à sa question.
03:48Elle réitère, une seconde fois, cette question.
03:51Et je réponds en affirmative.
03:52Et là, je vois un grand sourire, émerveillé, et elle me fait rentrer dans le bureau.
03:55Une fois entré, Christophe dit être surpris par le comité d'accueil.
03:59Face à lui, des élus et des responsables administratifs qui l'accusent brutalement.
04:04On m'accuse d'avoir volé des heures supplémentaires,
04:08escroqué des communications téléphoniques,
04:12et on me dit que j'ai volé un téléviseur.
04:17Le chef de la police municipale conteste ces accusations.
04:20Mais personne ne le croit.
04:24On me suspend, avec un arrêté municipal, quasiment sur le champ.
04:28Christophe est perdu. Il ne comprend pas.
04:31Sans la moindre preuve, ses supérieurs lui infligent une lourde sanction.
04:35Une suspension d'office.
04:38Je me dis très clairement qu'ils sont en train de commettre une erreur.
04:40Ils vont s'apercevoir d'avoir eu l'erreur d'ici quelques temps.
04:43Avant de rentrer chez lui, Christophe est raccompagné à son bureau par un élu.
04:48Il lui demande de rendre sa carte de police et son uniforme.
04:51Un moment humiliant.
04:53J'avais l'impression de revoir un peu l'affaire Dreyfus,
04:57lorsque son supérieur lui casse le sabre ou lui retire ses épaulettes.
05:02J'étais exactement dans les mêmes conditions.
05:05Comme si je recevais une cascade d'eau froide sur la tête et tout le corps.
05:09Pour moi, je ne comprends pas.
05:16Jean-Marc Florent, vous êtes avocat.
05:17Vous avez fait acquitter de nombreux accusateurs, dont le plus célèbre Patrick Dils.
05:22Dans cette histoire, Christophe Bridoux n'est pas encore confronté à la justice.
05:27Et pourtant, sa situation soulève déjà une question.
05:30Pour ce type d'accusation, peut-on suspendre un employé, même sans preuve ?
05:35Effectivement, il est possible, notamment pour les salariés qui relèvent le droit du travail,
05:40si l'on estime que la personne a commis une faute qui peut avoir des conséquences pénales,
05:44mais une faute tout court, même si elle n'a pas encore eu des conséquences pénales,
05:47de le suspendre par une mise à pied conservatoire dans l'attente de son licenciement.
05:51Mais là, ce qui paraît assez frappant dans ce cas, c'est qu'il y a eu une précipitation coupable
05:58pour se défaire de ce monsieur dans le cadre de son emploi,
06:03alors que visiblement, il n'y avait aucun élément de preuve tangible à son encontre.
06:07Donc, je crois que ce qu'il faut rappeler, c'est qu'il y a un principe de précaution,
06:11et un principe de proportionnalité également des sanctions,
06:14et qu'on ne peut pas prendre une sanction, y compris en droit du travail,
06:17ou administrative, selon les régimes, sans avoir quand même des éléments de preuve,
06:21mais des éléments de preuve précis et circonstanciés.
06:24Or, là, visiblement, ce n'était pas le cas du tout.
06:26Et en tant qu'employé, est-ce qu'on a des recours ?
06:28D'autant que là, en plus, il y a sa réputation qui est en jeu.
06:31Alors, en tant qu'employé, si l'on dépend du Code du Travail,
06:33on dépend du Conseil des Prud'hommes, on peut naturellement seiser le Conseil des Prud'hommes
06:36pour contester le licenciement, pressé pour faute grave, lourde, à qualifier,
06:42et précéder une mise à pied conservatoire, si on le peut.
06:45C'est très long comme démarche.
06:46Bah, naturellement, c'est très long, et les dégâts sont déjà réalisés,
06:48puisque vous êtes déjà mis à pied, vous ne pouvez plus aller sur votre lieu de travail,
06:51ni rencontrer vos collègues, ni accéder à votre bureau, généralement,
06:54et à vos documents, à vos papiers, votre ordinateur.
06:56Après, vous êtes licencié, et après, vous allez au Conseil des Prud'hommes,
07:00et tout le monde sait qu'il y en a pour des mois, voire des années.
07:03Naturellement, les dégâts sont déjà acquis pour le salarié, s'il est accusé à tort.
07:09Dans les semaines qui suivent cette mise à pied,
07:11Christophe Bridoux passe ses journées chez lui, rostré.
07:15Sa femme Véronique, qui n'est pas au courant de la situation, ne comprend pas.
07:19Elle décide d'appeler la mairie.
07:21Elle aura au téléphone une femme qui lui annoncera non seulement que je suis suspendu,
07:27mais qu'en plus, je suis attiré par les hommes, donc je suis homosexuel.
07:31La femme de Christophe vient de découvrir la double vie de son mari.
07:35Dans les semaines qui suivent, elle demande le divorce.
07:38Un coup dur pour Christophe.
07:41Sans famille, sans travail, accusé de faits qu'il conteste, il sombre dans la dépression.
07:47C'était pour moi quelque chose d'insupportable, d'invivable.
07:51J'en peux plus, je craque, je craque complètement.
07:55J'achète une bouteille d'alcool fort, assez fort,
08:00et j'avais sur moi deux tubes de tranquillisant extrêmement forts, et je les absorbe, d'un coup.
08:08Christophe Bridoux perd connaissance.
08:10Un proche le retrouve inanimé et prévient les secours.
08:13Il sera sauvé.
08:15Mais il n'est pas tiré d'affaires pour autant.
08:18Il va bientôt être accusé de quelque chose de beaucoup plus grave.
08:31Comme chaque jour, Patrick Leveneur prend son service de chauffeur de bus.
08:36Bonjour.
08:38Bonjour.
08:40Pour les passagers du bus 64, Patrick est un chauffeur anonyme que l'on salue à la va-vite.
08:47Les voyageurs sont loin, très loin d'imaginer les épreuves qu'il a traversées.
08:51Car un jour, cet homme a été accusé à tort.
08:56Retour au printemps 1997.
08:59A l'époque, Patrick est marié avec Michel depuis cinq ans.
09:03Ils ont deux fils et attendent leur troisième enfant.
09:07Mais leur vie va basculer le jour où ils reçoivent un courrier d'un commissariat situé à 800 kilomètres de là, à Marseille.
09:16Ça, c'est la convocation que j'ai reçue pour me rendre au commissariat avec mon épouse le 11 mars 1997, à 14h30.
09:24Notre billet pour l'enfer.
09:26Sans savoir pourquoi ils sont convoqués, le couple prend le train pour Marseille.
09:30Ils y ont vécu quelques années auparavant.
09:33Pour eux, ce ne sera qu'une simple formalité administrative.
09:37Mais dès qu'ils se présentent au commissariat, Patrick et Michel sont placés en garde à vue.
09:42Et les faits dont on les accuse sont très graves.
09:46On me dit, vous vous êtes accusé de viol. De quoi ?
09:49Qui c'est qui m'accuse de l'avoir violé ?
09:52Votre belle sœur Laëtitia.
09:54Ah bon ? Quand ?
09:56Et là, on me dit, ouais, ça s'est passé en 89, 90, 91, à plusieurs reprises.
10:02Ah bon ?
10:03Et avec la complicité de votre épouse.
10:06Et donc voilà, vous tombez des nues.
10:08Déjà, vous prenez un moment de recul.
10:10Mais il se passe quoi ? Elle est en train de faire quoi, là ?
10:12Et là, après, la machine est semée en route.
10:15C'était la dernière chose à laquelle je m'attendais.
10:17Dans une pièce séparée, Michel, l'épouse de Patrick, est justement confronté à la femme à l'origine de la plainte.
10:24Sa sœur, Laëtitia.
10:26Ma sœur était en face de moi, toute en larmes.
10:31Oui, tu me payeras pour ce que t'as fait.
10:33J'ai fait, mais je t'ai fait quoi ?
10:36J'ai fait, il faut m'expliquer parce que là, je comprends rien du tout.
10:40Elle me fait, oui, tu me tenais quand Patrick, il me forçait.
10:45Toi, tu me tenais.
10:46J'ai fait, mais je te tenais de quoi ?
10:49Je comprenais plus rien.
10:50Vous êtes assis dans un bureau, vous êtes menotté.
10:53Vous êtes face à un officier de police qui vous pose des questions.
10:58Comment ça s'est passé ? Pourquoi vous avez fait ça ?
11:02Et vous, vous donnez des réponses, mais les réponses ne conviennent pas.
11:05À tout moment, tout ce qu'on disait, c'était pas vrai.
11:09Il n'avait Dieu que pour ce qu'avait dit ma belle sœur, Laëtitia.
11:13C'était elle, elle.
11:15Nous, on était vraiment comme des pestiférés.
11:18On avait violé.
11:19La garde à vue est tendue.
11:21Michèle, qui est enceinte de 8 mois, est très affaiblie et ressent des contractions.
11:26Elle est conduite à l'hôpital Nord de Marseille.
11:30Il y a un médecin qui me reçoit en présence des policiers.
11:35Le médecin était vraiment furieux parce qu'il a demandé aux policiers de me démenotter
11:40parce que ce n'était pas un lieu où on attache des femmes.
11:44Les policiers, ils ont dit, écoutez, nous, on est obligés.
11:47Allez, on garde à vue cette personne-là.
11:49Donc, on est obligés.
11:50Bon, ils m'ont menottée.
11:51Sur ce, ils n'ont pas voulu me défaire.
12:00Comment on peut salir les gens comme ça ?
12:08Patrick, lui, est toujours questionné.
12:11Il est épuisé, à bout de force.
12:14Après 48 heures de garde à vue,
12:16il est interrogé par un nouvel officier qui, selon lui,
12:19n'aurait pas hésité à l'intimider pour lui extorquer des aveux.
12:23Il me dit, bon, écoute, on va parler entre hommes,
12:25mais on va parler sérieusement.
12:27À l'époque des faits dont tu es accusé, tu étais mineur.
12:31Tu passeras en tribunal correctionnel.
12:34Tu ne risques pas grand-chose.
12:36Mais il faut que tu nous dises ce qui s'est passé, ce que tu as fait.
12:40Je lui dis, mais je n'ai rien fait.
12:41Cette première tentative étant un échec,
12:44le policier se serait alors montré encore plus dur.
12:48Il me dit, tu sais, regarde, là, ta femme,
12:51elle est enceinte de 8 mois passés.
12:55Tu as 2 enfants.
12:57Tes 2 enfants, ce qui va se passer,
13:00si tu continues à nier comme ça,
13:02tes 2 enfants, ils vont aller à l'ADAS.
13:05Ta femme, elle va être incarcérée.
13:09Elle va accoucher en prison.
13:11Elle va garder l'enfant un an.
13:13Et de là, on le mettra à l'ADAS aussi.
13:15Je peux vous assurer que quand il m'a dit ça,
13:17dans ma tête, ça a fait femme, enfant, prison, ADAS.
13:22Ce n'est pas possible.
13:24Ce n'est pas possible.
13:25Je ne peux pas leur faire ça.
13:26Donc à ce moment-là, j'ai dit, oui, je l'ai fait.
13:29J'ai eu peur.
13:30Donc pour les protéger,
13:32j'ai préféré assumer et avouer quelque chose que je n'avais pas fait.
13:38Est-ce que ça existe encore, ça, aujourd'hui ?
13:40Est-ce que la présence de l'avocat en garde à vue évite ce genre de problème ?
13:44Le fait que l'avocat puisse être présent dès la première heure de garde à vue,
13:48c'est un progrès en ce que ça ne permet plus les pressions, théoriquement.
13:52Mais faut-il encore que la personne vous appelle ?
13:55On est confronté très souvent à des personnes qui sortent de garde à vue,
13:59qui viennent voir leur avocat ou un avocat, s'ils n'en avaient pas avant,
14:03et qui vous disent, oui, je suis resté seul à la garde à vue et ça s'est mal passé.
14:07Quand on leur dit, pourquoi vous n'avez pas appelé un avocat ?
14:09On m'a répondu, ça ne sert à rien.
14:11D'ailleurs, les innocents n'ont pas besoin d'avocat.
14:13Et le juge, s'il voit que tu as pris un avocat,
14:15il dira, c'est le gars, il a déjà quelque chose à se reprocher.
14:18Donc la présence de l'avocat en garde à vue, c'est un immense progrès démocratique.
14:21Faut-il encore que la personne placée en garde à vue, on lui ait bien notifié ses droits ?
14:25Ça, c'est quand même généralement le cas, maintenant, ça s'est amélioré, globalement.
14:28Mais faut-il encore qu'elle ne renonce pas à ses droits,
14:31avoir un avocat et l'avoir avec lui ?
14:33Vous savez, il y a une phrase qui est de Desmostènes,
14:36qui dit, la véritable bonne question,
14:38ce n'est pas de savoir combien vous coûtera votre défense,
14:41mais combien il vous en coûtera de ne pas vous être défendu.
14:44Ça, ça reste d'actualité, 2000 ans, 2500 ans plus tard.
14:49Après une garde à vue musclée,
14:51Patrick Leveneur a avoué un viol qu'il n'a pas commis.
14:54Le lendemain, il est déféré au palais de justice de Marseille
14:58devant une juge d'instruction.
15:00Innocent, l'homme s'apprête pourtant à dormir en prison.
15:07Quelques semaines après sa tentative de suicide,
15:10Christophe Bridoux est lui aussi convoqué au commissariat.
15:13Il pense qu'il va enfin pouvoir s'expliquer et qu'on reconnaîtra son innocence.
15:18Au contraire, le policier municipal est placé en garde à vue.
15:22La garde à vue s'est très mal passée.
15:24Je suis resté durant tout ce temps interrogé,
15:28sans savoir quelle heure il était, désorienté,
15:32sur le plan de la nuit, du jour,
15:35plus de repères, absolument rien.
15:38Vol, escroquerie.
15:40Christophe est interrogé au sujet des multiples faits qu'on lui reproche.
15:44Mais pas seulement.
15:45Le policier va bientôt l'accuser de faits bien plus graves.
15:49Et on me place une image à caractère pédopornographique sous les yeux
15:54en me demandant tout simplement d'où venait cette innoce.
15:58Et on me déclare d'une simplicité que ça sortait de mon ordinateur,
16:03que ça avait été retrouvé par mon ex-adjoint.
16:06Tout un ingrédient de choses qui ne tiennent même pas la route.
16:10D'ailleurs, je fais part aux fonctionnaires de police que leur affaire ne tienne pas,
16:14que ce n'est pas possible.
16:16C'est incohérent, c'est totalement incohérent.
16:19Les accusations portées à l'encontre de Christophe Bridoux sont très lourdes.
16:23Il se souvient alors de la question de la mère de Garges Légonès
16:26sur son homosexualité.
16:28Pour lui, il y a un grave amalgame.
16:31Cette corrélation justement qui est faite entre l'homosexualité et la pédophilie,
16:36je crois que là, elle est totalement révélatrice
16:40et qu'on ne peut pas mettre de côté le fait qu'il y ait un acte d'homophobie.
16:45Christophe Bridoux a beau clamer son innocence tout au long de la garde à vue,
16:49les policiers ne le croient pas.
16:51Il arrive un moment où je leur dis, je leur ai dit d'ailleurs,
16:54je leur ai dit, mettez ce que vous voulez sur votre procédure.
16:57Je sais que je suis innocent.
17:00Face aux accusations qui ont été portées à mon encontre,
17:05je n'ai jamais pu, je n'ai jamais pu,
17:07j'avais l'impression d'avoir devant moi une porte close,
17:10personne ne m'écoutait.
17:11Christophe est ensuite présenté au juge d'instruction au palais de justice de Pontoise.
17:16Le magistrat le met en examen.
17:18L'accusation la plus grave recèle d'images pédopornographiques.
17:22Il me demande tout simplement, avez-vous quelque chose à déclarer ?
17:27Je suis innocent, je suis innocent.
17:30Il me répond spontanément, tous ceux qui passent ici sont innocents.
17:34Christophe ressort libre de son audition,
17:37mais il est placé sous contrôle judiciaire.
17:40Plus dur encore, étant poursuivi pour recelle d'images pédopornographiques,
17:45Christophe n'a plus le droit de voir son fils.
17:48Une nouvelle difficile à annoncer à son ex-femme.
17:51Je lui annonçais tout simplement que je n'avais plus le droit de voir Victorien.
17:56A la demande du juge.
17:58Je suis écarté de mes enfants.
18:01Je n'ai plus de travail, on m'a révoqué.
18:07Plus de travail, plus d'argent, je me retrouve sans rien.
18:12On commence à saisir mes biens, ce que je ne peux plus payer.
18:16Je n'ai plus rien.
18:18De galère professionnelle en dépression, Christophe Bridoux devient SDF.
18:23Il échoue sur les quais de Seine, face à l'île de la Cité.
18:30Là, on est sur mon ancien lieu de résidence.
18:39Je suis resté quasiment pendant presque deux ans.
18:45C'était mon petit appart, mon petit lit.
18:49Ça, c'est mon banc.
18:51Là, j'avais la poubelle qui me permettait de...
18:55de me servir éventuellement dans les...
19:04C'est une sensation étrange.
19:07C'est...
19:12C'est...
19:17Là, tout me revient en plein visage, c'est dur.
19:21C'est très dur.
19:23Je crois que ce qui m'a le plus marqué,
19:26ce n'est pas le fait de chercher à manger,
19:29c'est surtout de s'apercevoir qu'on est au même titre que les rats.
19:34On est recouverts de carton,
19:36parce qu'il faut se protéger quand même la nuit,
19:39même s'il fait bon.
19:41On entend se craquer la nuit.
19:43On s'aperçoit qu'on a deux, trois rats au pied
19:46qui sont en train de ronger le carton.
19:48Christophe dort dans la rue de 2003 à 2005.
19:51Une période pendant laquelle il se sent abandonné par la justice
19:55car l'enquête n'avance pas.
19:57Pendant ce temps, impossible pour lui
19:59d'être lavé des accusations de pédophilie.
20:04Parmi les multiples cas recensés d'accusations à tort,
20:07la pédophilie reste quand même très récurrente dans les accusations.
20:13Le plus facile pour nuire à quelqu'un,
20:16c'est d'inventer des affaires de mœurs imaginaires,
20:19et notamment sur des enfants, et si possible en très bas âge.
20:22Comme ça, naturellement, les éléments de preuve
20:25qui peuvent être apportés à charger à des charges
20:28sont beaucoup plus complexes à rapporter.
20:31Donc ça reste ce qui est à la fois le plus infamant,
20:34le plus destructeur, où les dommages collatéraux,
20:36directs et collatéraux, sont les plus importants,
20:38et où il sera également le plus difficile
20:40de s'en débarrasser pour la personne qui est innocente.
20:43Parce que très souvent, la plupart du temps,
20:45dans les affaires vraiment de pédophilie
20:47où les enfants sont en très bas âge,
20:49la parole de l'enfant est en elle-même assez peu audible,
20:53mais recueillie par des tiers,
20:55et c'est par l'interprétation des tiers,
20:57personne médicale, personne scolaire, famille,
21:00que l'on arrive à faire une construction
21:02souvent artificielle de culpabilité.
21:04Est-ce qu'il y a eu des progrès à ce niveau-là,
21:06justement, sur le recueil de la parole des enfants ?
21:09Je serais tenté de dire qu'il y a quand même,
21:12notamment depuis l'affaire tragique d'Outreau,
21:14une plus grande prudence,
21:16notamment dans les milieux sociaux,
21:18dans les milieux scolaires,
21:20dans les milieux judiciaires.
21:22Les milieux médicaux ont toujours été relativement prudents.
21:24Mais dans les milieux, on va dire,
21:26parascolaires, parascolaires, paramédicaux, sociaux,
21:29et judiciaires, il y a quand même une plus grande prudence
21:32et une moins grande sacralisation de la parole de l'enfant.
21:35La parole de l'enfant n'est plus parole d'évangile,
21:37comme elle pouvait l'être,
21:39notamment avant Outreau.
21:42Seul, sans emploi, sans logement,
21:45accusé de faits très graves,
21:47Christophe Bridou est un homme brisé.
21:50Pourtant, à la fin de l'année 2005,
21:53l'ancien policier municipal
21:55va pouvoir commencer à remonter la pente.
22:0013 mars 1997.
22:03Tandis que Michel, sa femme,
22:05est retourné seul à Paris,
22:07Patrick Leveneur est conduit en fourgon cellulaire
22:09à la prison de Marseille.
22:11Direction les Baumettes.
22:13Nous allons à la prison des Baumettes.
22:15Dès son arrivée aux Baumettes,
22:17Patrick est incarcéré dans le quartier
22:19le plus difficile de la prison.
22:21J'ai été installé au Deuxième Nord.
22:23Le Deuxième Nord,
22:25c'est le quartier résidentiel
22:27des pointeurs,
22:29entre guillemets des violeurs.
22:31Le violeur, c'est un pestiféré en prison.
22:33Patrick partage une cellule
22:35de 9 mètres carrés avec un autre détenu.
22:37Sa vie en prison est rythmée
22:39par les promenades, une heure par jour.
22:41Mais aussi par les parties de cartes
22:43et les parloirs.
22:45Le moment le plus dur que j'ai eu là-bas,
22:47c'est quand j'ai eu mon premier parloir
22:49avec ma mère qui est venue
22:51et qui m'a amené mon fils Ludovic.
22:53Il avait 6 ans à l'époque.
22:55Là, ça a été super dur.
22:57Parce que ça faisait
22:59plus de 2 mois que je crois que j'avais pas vu
23:01mon fils, que j'avais plus de contacts.
23:03C'était que de l'écrit.
23:07Quand on m'a dit que j'avais parloir,
23:09j'ai été surpris déjà.
23:11Et quand je suis arrivé là-bas et que j'ai vu mon bébé
23:13de 6 ans et ma mère,
23:15vous imaginez, j'ai pleuré.
23:17Et quand je suis remonté de ce parloir,
23:19j'étais pas bien.
23:21J'étais vraiment pas bien.
23:23Pendant sa détention,
23:25Patrick multiplie les courriers
23:27pour clamer son innocence.
23:29Sans résultat.
23:31On écrit au juge d'instruction,
23:33on fait des demandes de liberté
23:35qui reviennent tout le temps,
23:37rejetées, demandes rejetées.
23:39J'en ai fait des demandes de remise en liberté.
23:43En prison, Patrick n'a pas le droit
23:45de voir Michel, sa femme,
23:47car elle est mise en examen pour complicité de viol.
23:49Du coup, presque chaque jour,
23:51il lui écrit.
23:55Ce qui me met le plus en rogne dans tout ça,
23:57c'est d'être mélangé à tous ces pédophiles.
23:59Alors quand les autres prisonniers
24:01nous voient descendre en promenade,
24:03je te dis pas le genre d'insulte qu'ils se disent.
24:05Mais moi, je m'en fous.
24:07Je me sens pas visé car je suis innocent.
24:09Je suis fier de ce que je suis,
24:11un homme qui n'a jamais violé qui que ce soit.
24:13Et je vais me battre jusqu'au bout
24:15pour que mon innocence soit prouvée.
24:17C'était important, il fallait se soutenir.
24:19Patrick, ça vous a aidé ?
24:21Ah oui, ça me fait du bien.
24:23Ah oui, d'avoir des nouvelles.
24:27C'est ce que j'attendais tous les jours.
24:29Tous les jours, j'attendais du courrier.
24:31Parfois, les lettres de Michel
24:33sont porteuses de très belles nouvelles.
24:35Comme ce jour de mai 1997,
24:37où Patrick apprend la naissance
24:39de son troisième fils.
24:41Mon cher papa chéri,
24:43c'est moi, Patrick, ton fils chéri.
24:45Comme promis, je t'envoie l'écriture de maman.
24:47Tout mon bonheur.
24:49Je suis né le 6 mai 1997.
24:51Aujourd'hui, Patrick a 15 ans.
24:53Ses parents lui ont souvent raconté
24:55pour quelle raison il portait
24:57le même prénom que son père.
24:59J'ai établi Patrick
25:01parce qu'au moment de ma naissance,
25:03il n'y avait pas mon père.
25:05Mon père était encore en prison.
25:07Maintenant, je représente un peu mon père.
25:09Voilà, je suis fier.
25:13Je suis très, très fier.
25:17Pendant son incarcération,
25:19Patrick reçoit peu de visites.
25:21Heureusement, il peut compter
25:23sur une amie de sa mère.
25:35Monique habite les quartiers nord de Marseille.
25:37Pendant la détention de Patrick,
25:39chaque semaine, elle traverse la ville
25:41pour lui apporter du linge propre
25:43et prendre de ses nouvelles.
25:45Je l'ai aidée parce que,
25:47une, déjà une,
25:49je sais que Patrick n'a pas fait ses conneries.
25:51Patrick n'a pas ça dans la tête.
25:53Avec sa femme, ils sont trop proches.
25:55Non, pas du tout.
25:57Et deux, sa mère, je la considère
25:59comme une sœur jusqu'à maintenant.
26:01Et trois,
26:03moi aussi, j'ai des enfants.
26:05Quand elle venait me voir,
26:07elle me donnait beaucoup de nouvelles de l'extérieur.
26:09Comment allait mon épouse, comment allait ma mère,
26:11comment allaient mes enfants.
26:13C'était de la force, ça m'encouragait.
26:15Ça a aussi vachement aidé mon épouse
26:17parce qu'elle avait des nouvelles par l'intermédiaire de Monique aussi.
26:19Elle savait comment j'allais.
26:21Monique lui disait si j'avais un peu maigri,
26:23si j'avais le moral.
26:25Donc en fin de compte,
26:27elle faisait l'intermédiaire.
26:31Claude Almos, vous êtes psychanalyste.
26:33Même en étant innocent,
26:35éprouve-t-on une forme de culpabilité
26:37lorsqu'on est accusé à tort ?
26:39C'est tout le problème.
26:41Pour comprendre, il faut vraiment quitter
26:43le terrain de la réalité pour ce que nous appelons
26:45dans notre jargon, l'imaginaire.
26:47C'est-à-dire ce qui va se passer
26:49à partir d'une réalité donnée dans la tête de quelqu'un.
26:51Quand quelqu'un est accusé à tort,
26:53il sait bien qu'il n'a pas fait
26:55ce qu'on l'accuse d'avoir fait.
26:57Mais il y a plusieurs raisons qui font
26:59que cette certitude va vaciller
27:01jusqu'à même disparaître.
27:03La première,
27:05c'est qu'il se retrouve
27:07en face d'une force
27:09qui est réellement une force,
27:11comme par exemple en garde à vue.
27:13Il y a quelque chose qui se passe dans l'imaginaire,
27:15c'est que la personne accusée
27:17est renvoyée à une position d'enfant.
27:19Elle est renvoyée à cette position d'enfant
27:21du fait de son impuissance.
27:23Il y a un décalage de force énorme.
27:25Elle se retrouve comme l'enfant accusé
27:27devant l'adulte.
27:29Quand un adulte accuse un enfant à tort,
27:31il vient jouer sur la culpabilité
27:33de l'enfant qui n'a peut-être pas fait
27:35ce qu'on lui reproche, mais qui a fait
27:37ce qu'il se sent coupable.
27:39Ce qui se passe dans une situation réelle de l'âge adulte,
27:41c'est qu'on est toujours inconsciemment
27:43renvoyé à ce qu'on a vécu avant.
27:45Il peut y avoir dans ce qu'on a vécu avant
27:47quelque chose qui vient majorer
27:49la violence incroyable
27:51qu'il y a toujours dans la réalité,
27:53quelle que soit l'histoire qu'on ait eue,
27:55à être accusé à tort.
27:57Après plus de trois mois
27:59de détention à la prison des Baumettes à Marseille,
28:01Patrick Leveneur
28:03clame toujours son innocence.
28:05Mais personne ne semble l'entendre.
28:07Pourtant, son affaire
28:09va bientôt connaître un rebondissement
28:11inespéré.
28:17Depuis deux ans,
28:19Christophe Bridoux dort dans les rues de Paris.
28:21Mais en 2005,
28:23un ami lui permet de retrouver
28:25un emploi et un logement.
28:27Il devient gardien de cet immeuble
28:29près de la Place de la République.
28:31C'était ma vache de gardien.
28:33J'avais mon petit appartement.
28:35J'avais la cuisine.
28:37J'avais mon salon
28:39qui faisait aussi
28:41mon chambre à coucher.
28:43Je crois que j'avais tellement peur
28:45de perdre mon toit,
28:47de me retrouver dans la rue.
28:49J'avais cette notion
28:51de vouloir conserver mon bien.
28:53Je me suis donné corps et âme
28:55dans mon travail.
28:57Je faisais même tout ce que je ne devais faire
28:59parce que je voulais montrer
29:01de quelque chose.
29:03Je voulais rendre service
29:05aux résidents d'ici.
29:07Vous allez bien ?
29:11Ça a grandi.
29:13Ça a vraiment grandi.
29:17Cela fait deux ans
29:19que Christophe n'a pas vu ses résidents.
29:21On passe d'une ascension
29:23à une déchéance, à une remontée.
29:25Il faut rebondir.
29:27Je monte encore et je monte.
29:29Je vous le souhaite.
29:31Je vous remercie.
29:33Passez une excellente journée.
29:35C'est ici que Christophe a appris la nouvelle
29:37qui lui a permis de se relever.
29:39C'était en février 2007.
29:41Je me souviens encore,
29:43j'étais en train de scier les escaliers
29:45et mon téléphone portable sonne.
29:47Je vois le nom de mon avocat qui apparaît.
29:53Je me dis, s'il m'appelle,
29:55c'est qu'il n'y a toujours rien de bon.
29:59Il me dit, ça y est,
30:01nous y sommes.
30:03Nous avons un quadruple non-lieu.
30:07Je me suis mis à pleurer,
30:09mais sans pouvoir me contrôler.
30:11Je pense que les nerfs étaient tellement
30:13à rude épreuve
30:15que ça faisait maintenant
30:17plus de sept ans que j'attendais.
30:19Plus de sept ans.
30:21Sans éléments à charge,
30:23Christophe Bridoux est désormais lavé
30:25de tout soupçon sur l'ensemble des chefs d'accusation.
30:27Sa priorité,
30:29revoir son fils victorien.
30:31J'ai demandé à mon ex-femme
30:33de voir le dernier
30:35que je n'avais pas vu
30:37depuis sept ans.
30:39Il y avait neuf mois au moment où je suis parti.
30:41Je lui demande
30:43de le revoir.
30:45Ça a été un long cheminement
30:47parce qu'on ne voulait pas le traumatiser.
30:49Aujourd'hui, Christophe essaie
30:51de rattraper le temps perdu avec son fils.
30:53Tu sais danser, Michael Jackson ?
30:55Euh...
30:57Le moonwalk.
30:59Le moonwalk ?
31:01Hop !
31:03J'ai raté tout simplement
31:05le fait de ses premiers papas,
31:07ses premiers pas,
31:09le fait de gambader partout,
31:11le fait de tout ça.
31:13Les premiers gaga, les premiers gueu-gueu, les premiers papas.
31:15Ça, c'est des antennes ?
31:17Oui. Ce sont ses yeux, d'après moi.
31:19Après sa séparation avec Christophe
31:21il y a onze ans,
31:23Véronique a sombré dans l'alcool et la dépression.
31:25Mais depuis qu'il a été
31:27innocenté,
31:29ils se sont de nouveau rapprochés.
31:31À présent, tous deux se soutiennent.
31:33Comme ça se passe très bien avec son fils
31:35et qu'il s'en occupe très bien,
31:37je ne vois pas pourquoi
31:39je serais contre lui.
31:41Il faut aussi jouer la carte de l'intelligence.
31:43Et moi, pour mon fils,
31:45c'est important qu'il ait un équilibre.
31:47Et le fait
31:49qu'avec son père ça se passe très bien,
31:51ça se passe très bien avec moi aussi.
31:55Claude Almos, la solitude
31:57des personnes accusatoires est très forte.
31:59L'entourage
32:01joue un rôle primordial, non ?
32:03L'entourage, mais quand même
32:05il faut que ce soit un entourage.
32:07Bien sûr, il faut écouter les gens,
32:09il faut les accompagner,
32:11il faut être présent physiquement.
32:13Ce sont des gens qui sont atteints psychiquement,
32:15mais qui sont atteints dans leur corps.
32:17C'est quelque chose qui fait exploser
32:19quand on part en miettes,
32:21quand on est comme ça, dénié
32:23dans sa vérité, dans ses valeurs.
32:25Mais il faut quand même
32:27qu'il y ait, moi je crois beaucoup,
32:29quand je reçois des patients qui sont dans cet état-là,
32:31il faut vraiment des avocats costauds.
32:33Il ne faut pas rêver.
32:35Ce n'est pas juste les gentils camarades,
32:37votre gentil épouse, votre gentil mari qui va vous aider.
32:39Il faut absolument garantir à la personne
32:41que la loi existe.
32:43Là, tout d'un coup, cette personne se retrouve
32:45au fond dans un monde sans loi.
32:47N'importe qui peut vous accuser à tort
32:49et personne ne va vous croire.
32:51Il faut que la personne, pour avoir un point d'appui,
32:53sente que ce n'est pas vrai.
32:55Il y a une loi.
32:57Et il y a des gens qui sont capables
32:59de mettre en marche cette loi.
33:01Et ça, à part les avocats,
33:03les associations de défense,
33:05il n'y a personne d'autre. Ça ne suffit pas à l'entourage.
33:07Est-ce que le doute subsiste
33:09dans l'entourage parfois ?
33:11Bien sûr.
33:13Il y a cette idée quand même que la justice
33:15peut se tromper,
33:17mais il n'y a pas de fumée sans feu,
33:19comme dit la sagesse populaire.
33:21Si on l'a accusé comme ça,
33:23peut-être qu'il y a quelque chose.
33:25Après, ça s'enchaîne.
33:27D'ailleurs, on avait bien remarqué
33:29que c'est toutes ces espèces
33:31de choses redoutables.
33:33Encore une fois, il ne faut jamais oublier
33:35que ça peut mener quelqu'un à la mort.
33:37Dans ces cas-là, le suicide,
33:39bien sûr, on se tue
33:41pour que ça s'arrête, parce que c'est atroce.
33:43Mais on se tue surtout pour tuer
33:45celui qu'on croit être devenu.
33:47Celui qui ne pourra plus jamais faire entendre
33:49qu'il n'est pas ce qu'on dit qu'il est.
33:51On tue celui-là. Malheureusement, on se tue.
33:55Après quatre mois de détention,
33:57Patrick Leveneur apprend une nouvelle
33:59inattendue.
34:01Sa belle-sœur, Laëtitia, qui l'accuse de l'avoir violée,
34:03se serait trahi.
34:05Ma belle-sœur a été convoquée
34:07chez le juge et a voulu en remettre
34:09une autre couche
34:11pour m'accabler encore plus.
34:13Elle s'est présentée chez le juge avec un oeil au beurre noir.
34:19Elle a dit au juge, voilà, c'est mon beau-frère.
34:21Il est revenu pour tenter de m'agresser.
34:23Et la juge lui dit,
34:25mais attendez, on va arrêter deux secondes.
34:27Votre beau-frère,
34:29ça va faire quatre mois
34:31qu'il est derrière les barreaux.
34:33Comment il peut sortir des baumettes,
34:35venir
34:37vous agresser, entre guillemets,
34:39et retourner dans sa cellule ?
34:41Donc maintenant, il faut me dire la vérité.
34:43Et c'est vrai qu'ils ont vu
34:45qu'elle était tendance à l'affabulation.
34:47Le juge a cassé petit à petit
34:49tout ce qu'elle argumentait.
34:51Au fil des auditions et des expertises psychologiques
34:53de la belle-sœur,
34:55la juge se rend compte que Patrick est innocent.
34:57Elle décide immédiatement
34:59de le faire libérer.
35:01C'est par là que je suis sorti.
35:05Un ouf de soulagement.
35:07Parce qu'on a beau dire
35:09qu'on respire à l'intérieur,
35:11mais on respire mieux de ce côté-là.
35:13Je sors avec un sac plastique,
35:15avec le peu d'habits que j'avais.
35:17La porte s'ouvre,
35:19et elle se referme.
35:21Et là, vous êtes dehors.
35:23J'ai vu le café qui était en face.
35:25Je suis allé boire un café tout de suite.
35:27A l'autre bout de la France,
35:29Michel apprend la libération
35:31de Patrick quelques heures seulement
35:33avant sa sortie des baumettes.
35:35Cela fait 4 mois qu'elle ne l'a pas vue.
35:37Le 20 juin,
35:39je reçois un coup de téléphone.
35:41C'est mon avocate.
35:43Elle me dit
35:45« Oui, bonjour Madame Leveneur.
35:47Voilà, votre mari
35:49est libérable. »
35:51J'avais un balai dans la main.
35:53Je suis tombée à genoux sec.
35:55J'y croyais pas.
35:57Un an après,
35:59les Leveneurs bénéficient d'un non-lieu.
36:01Leur accusatrice est condamnée
36:03à 6 mois de prison avec sursis
36:05et une obligation de soins psychiatriques
36:07pour dénonciation calomnieuse.
36:09Patrick et Michel pensent qu'ils vont
36:11enfin pouvoir tourner la page.
36:13Mais l'affaire n'est pas encore terminée.
36:23Même innocentée,
36:25la descente aux enfers de Christophe Bridoux
36:27a laissé des traces sur sa santé psychologique.
36:29Bipolaire,
36:31il doit suivre un lourd
36:33traitement médical.
36:39C'est mon sac
36:41qui me permet de vivre
36:43avec tous les médicaments.
36:45Antidépresseur,
36:47anxiolytique,
36:49ça c'est du lithium.
36:51Et ça,
36:53c'est un somnifère puissant.
36:55Depuis maintenant presque 10 ans,
36:57ma vie n'est composée
36:59que de médicaments.
37:01Je souffre d'un syndrome extrêmement important
37:03parce que tout simplement,
37:05des gens m'ont accusé.
37:07C'est une thérapie que j'aurai à vie.
37:11Marqué à vie,
37:13Christophe ne veut pas en rester là.
37:15Il a déposé plainte pour dénonciation calomnieuse
37:17contre son ex-employeur
37:19à la mairie de Garges-les-Gonesse.
37:21Ce matin, il a rendez-vous avec son avocat
37:23chez une juge d'instruction
37:25au palais de justice de Pontoise.
37:27C'est la première fois depuis 10 ans.
37:31Ça fait maintenant quelques années
37:33que j'attends ce moment.
37:35Je ne sais pas,
37:37un peu perturbé,
37:39un peu le flou,
37:41un peu le vague, je ne sais pas trop.
37:43La juge d'instruction a des questions.
37:45Nous avons des questions,
37:47mais nous avons aussi beaucoup de réponses
37:49qui doivent conduire à ce que les auteurs
37:51des plaintes injustifiées
37:53contre M. Bredoux soient mis en examen
37:55et un jour renvoyés devant un tribunal.
37:59Pendant les deux heures d'audition
38:01dans le bureau de la juge,
38:03Christophe Bredoux est revenu
38:05sur cette journée du 11 septembre 2001.
38:07Il a exposé sa version des faits.
38:11A la sortie du palais,
38:13il semble satisfait.
38:15C'est très positif.
38:17J'espère que ce sera encore davantage
38:19lorsque je reviendrai
38:21et que j'aurai des éléments nouveaux.
38:23C'est une grande avancée.
38:25Rencontrer durant un peu plus de deux heures
38:27un magistrat, c'est une très grande avancée.
38:29Aujourd'hui, on ne discute plus
38:31de l'innocence de Christophe Bredoux.
38:33Aujourd'hui, on veut comprendre,
38:35on cherche à comprendre
38:37pourquoi est-ce que le chef
38:39de la police municipale de la ville
38:41de Garges-les-Gonesse,
38:43avec un état de service exemplaire,
38:45a été jeté en pâture,
38:47a été destitué,
38:49révoqué, placé en garde à vue,
38:51privé du droit de voir ses enfants,
38:53devenu SDF
38:55par le jeu d'une accusation
38:57multiple ignoble.
38:59Aujourd'hui, Christophe Bredoux veut
39:01comprendre. Il espère une
39:03confrontation avec la mère de Garges-les-Gonesse
39:05de l'époque. Le but,
39:07obtenir des réponses à ses questions.
39:15Après la sortie de prison
39:17de Patrick, les Leveneurs
39:19tentent d'oublier les accusations à tort
39:21de la sœur de Michel.
39:23Cette dernière a d'ailleurs rompu tout lien
39:25avec sa famille qui ne l'a pas soutenue
39:27dans cette histoire.
39:29Elle a des restants de photos,
39:31on va dire.
39:33C'était le jour de mon mariage
39:35et j'ai retiré
39:37sur toutes les photos
39:39où il y avait ma sœur avec son mari.
39:41Je ne pouvais plus voir ces photos
39:43avec ces deux
39:45personnes-là qui nous ont fait
39:47un tas d'histoires.
39:49Malgré tout, pour Michel
39:51et Patrick, en dépit de la condamnation
39:53de la belle-sœur en 2001,
39:55difficile de tourner la page.
39:57Car jusqu'en 2004,
39:59soit 7 ans après le début de l'affaire,
40:01ils sont toujours obligés de pointer
40:03chaque mois à la gendarmerie.
40:05De 97,
40:07du 11 mars 97
40:09à fin 2004,
40:11ma vie
40:13ne m'appartenait pas.
40:15Elle appartenait à la justice.
40:17J'ai été obligé de rendre des comptes
40:19pendant tout ce temps-là.
40:21Et maintenant, il est logique que je demande à la justice
40:23de m'en rendre.
40:25Patrick et Michel ont décidé d'attaquer
40:27les deux policiers qui auraient extorqué
40:29des aveux.
40:31La procédure est rarissime.
40:33Bonjour monsieur.
40:35Maître Collard, bonjour.
40:37Ils ont fait appel
40:39au très médiatique Gilbert Collard.
40:41Je vous en prie.
40:43C'est certainement important que le fonctionnaire de police
40:45soit reconnu personnellement
40:47responsable
40:49d'une faute.
40:51Ça remettrait
40:53les pendules à l'heure mieux que n'importe quoi, je trouve.
40:55Quand on a l'honneur d'être
40:57policier,
40:59on ne fait pas pression sur
41:01un gardien
41:03à vue pour lui faire avouer des actes
41:05qu'il n'a pas commis.
41:07C'est un procès pour l'honneur,
41:09beaucoup plus que pour l'argent.
41:12Alain Thurot, vous avez été gendarme
41:14pendant 32 ans.
41:16On entend régulièrement le témoignage
41:18de personnes accusées à tort.
41:20Est-ce que vous, vous aviez cette crainte
41:22de faire condamner un innocent ?
41:24Bien sûr.
41:26Au cours des nombreuses années
41:28pendant lesquelles j'ai mené des enquêtes criminelles,
41:30à chaque fois que nous avions
41:32interpellé quelqu'un supposé être
41:34le criminel, il y avait toujours
41:36ce doute qui subsistait
41:38de ne pas envoyer quelqu'un en prison.
41:40Alors qu'il n'y était pour rien.
41:42Il vaut mieux laisser en liberté un criminel,
41:44c'est ce qu'on dit parfois, plutôt que d'envoyer
41:46un innocent en prison.
41:48C'est présent à chaque instant.
41:50C'est la raison pour laquelle
41:52à chaque fois que nous intervenions,
41:54il y avait un plan bien précis
41:56de travail pour poser des questions,
41:58et surtout faire en sorte
42:00que la personne interpellée
42:02ne nous fasse pas plaisir
42:04en répondant par l'affirmative
42:06aux questions qu'on pouvait lui poser.
42:08On peut imaginer que tous les gendarmes,
42:10tous les policiers n'ont pas les scrupules
42:12que vous aviez, vous, à l'époque.
42:14Oui, mais vous savez, je crois que
42:16c'est possible, très certainement.
42:18Effectivement, il y a eu des erreurs judiciaires,
42:20il y a eu des gens qui ont été mis en prison
42:22de tout temps. L'affaire Sesnek, c'était
42:24aussi un petit peu ça, etc.
42:26Mais je crois que
42:28quand on se regarde dans la glace le matin
42:30et qu'on se dit « je l'ai peut-être fait mettre un gars en prison
42:32qui n'y est pour rien », c'est pas satisfaisant,
42:34quelque part.
42:38Les deux policiers qui auraient,
42:40sans le moindre état d'âme, extorqué
42:42ces aveux à Patrick Leveneur, devraient être
42:44jugés dans les mois qui viennent.
42:46Ensuite seulement,
42:48cette histoire pourra être définitivement
42:50reléguée au passé.
42:54Être accusé à tort,
42:56un drame humain.
42:58Une violation de la
43:00présomption d'innocence qui, chaque année,
43:02brise des milliers d'existences.
43:04Si Christophe Bridoux pense que
43:06sa cicatrice ne se refermera pas...
43:08Je crois que ma vie ne brisera jamais.
43:10Jusqu'à
43:12mon dernier souffle, je ne pourrai... Il n'y a pas
43:14un jour où je n'y pense pas. Pas un jour.
43:18Patrick, lui, a choisi de pardonner son
43:20accusatrice, pour mieux tourner la page.
43:22Je ne suis pas rancunier.
43:24Vous savez que je n'ai pas de haine envers elle.
43:26J'ai de la pitié,
43:28de l'incompréhension.