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Xerfi Canal a reçu Marc Guiraud, président de NewsTank, pour parler de la confiance dans une industrie du journalisme en crise.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00Bonjour Marc Guiraud.
00:10Bonjour Jean-Philippe.
00:11Marc Guiraud, vous êtes président de Newstank.
00:13Newstank est un média, donc vous êtes un ancien journaliste d'Europe 1.
00:17Vous avez fondé l'AEF qui est très bien connu dans le monde académique,
00:21l'AEF qui est en gros l'équivalent de l'AFP pour le monde de l'enseignement supérieur et de la recherche.
00:27Puis en 2012, vous avez créé Newstank avec beaucoup de Newstank aujourd'hui.
00:32Enseignement supérieur et recherche, mais aussi sport, mais aussi agriculture, culture, etc.
00:37Et petite question générale, le constat que vous aviez fait finalement,
00:43c'était que le journalisme était une industrie appelée à connaître une crise majeure,
00:47que c'est ça qui s'est vérifié à deux niveaux.
00:50D'abord, problème de modèle économique lié à Internet, évidemment.
00:54Et puis de l'autre côté, crise de confiance.
00:56Les deux se sont encouragés dans une spirale négative.
01:01C'est une industrie qui n'est pas sortie d'ailleurs de cette crise, qui est vraiment très difficile.
01:08Regardez, Bernard Arnault a remis des dizaines de millions d'euros dans le groupe Les Echos, Le Parisien,
01:14il y a très peu de temps encore, parce que ces grands médias, pourtant, ces grandes marques,
01:19n'arrivent pas à retrouver un équilibre économique.
01:22Je ne parle même pas de dégager des résultats.
01:25Donc c'est compliqué.
01:27Les médias quotidiens en tout cas, nationaux, ou les hebdomadaires généralistes nationaux,
01:35mais également la PQR, ont perdu énormément de lecteurs ces dernières années, énormément de lecteurs.
01:42Ils ont perdu énormément de ressources publicitaires également.
01:45Donc ils n'avaient plus ni les abonnés, ni les ressources publicitaires.
01:48C'est compliqué.
01:49C'est compliqué.
01:50Je souligne que cette chute très forte du nombre de lecteurs avait commencé avant Internet.
01:56Bien avant Internet.
01:57La tendance avait commencé avant Internet.
01:59Mais Internet a accéléré cette tendance.
02:04Bien sûr.
02:05Alors évidemment, je sais qu'une des formules chez Newstank, c'est ne pas penser à la place de,
02:11mais donner à penser.
02:12Voilà.
02:13Un point qui est absolument majeur, on évoque Internet, c'est les réseaux sociaux.
02:18C'est le poids pris par les réseaux sociaux.
02:20Les fameuses bulles de filtres, les fameuses fake news, etc.
02:24Comment aujourd'hui on s'en saisit quand on dirige un média comme vous ?
02:28C'est la fameuse virtualisation du monde qui est magnifiquement bien décrite par la philosophe Géraldine Mühlmann
02:35dans son dernier essai que je vous recommande, parce qu'il est vraiment puissant et très éclairant,
02:41qui s'appelle Pour les faits.
02:43C'est une spécialiste des médias, de l'histoire du journalisme.
02:47Elle a publié plusieurs ouvrages de référence sur le sujet.
02:50Et là, elle s'attaque à ce sujet.
02:53Et pour résumer vraiment très, très brièvement cet essai qui est vraiment très intéressant,
03:00elle suggère que le journalisme devrait revenir à la recherche et à la qualification des faits,
03:09et non pas s'engouffrer, comme c'est le cas depuis plusieurs années,
03:14dans le débat ou dans ce que j'appelle moi aussi les entourloupes sémantiques,
03:18c'est-à-dire la manipulation des faits au profit de l'idée, de l'idéologie politique ou autre du journaliste ou du média.
03:28Donc, le journalisme tel que je le conçois, c'est prendre du recul et essayer de qualifier les choses de manière précise
03:39et laisser les auditeurs, les téléspectateurs, les lecteurs se forger eux-mêmes leur opinion.
03:45Donc, Albert Londres disait, j'ai une seule carte, c'était à l'époque, une seule carte, c'est la carte du chemin de fer.
03:50Voilà, parce que je voyage, je vais voir sur place ce qui se passe.
03:54Clémenceau, quand il a dirigé l'Aurore entre 1903 et 1906, sillonnait sa rédaction en disant,
04:01Messieurs, sujet et verbe, pour un complément, venez me voir dans le bureau avant.
04:05Voilà, donc c'est ce qu'on fait chez Newstank aussi quand on dit pas d'adjectif.
04:09Quand vous commencez à utiliser un adjectif, vous commencez à déformer les choses,
04:14puisque plutôt que de dire il fait chaud, donner la température, et plutôt de dire il fait environ 25 degrés,
04:20dites il fait 24,5 ou 26, parce que c'est pas la même chose et c'est pas forcément le même ressenti,
04:26et au moins c'est précis, c'est pas discutable, c'est factuel.
04:29Voilà, et c'est ce retour au fait qui est loin de ce que font la majorité des journalistes aujourd'hui,
04:38qui pensent surtout à se montrer eux-mêmes, qui ont un avis sur tout, et surtout un avis, comme disait l'autre,
04:47et quand on donne les faits, on s'aperçoit que souvent la réalité est complexe,
04:51pas souvent, tout le temps, la réalité est complexe, la réalité est nuancée.
04:55Donc pour moi, l'honneur du journalisme, ça serait de revenir aux faits et de recourir aux experts,
05:00mais attention à des vrais experts.
05:02On a des universitaires qui connaissent des sujets, qui les ont travaillés pendant des années,
05:08qui ont fait des thèses, qui mènent des recherches, qui encadrent des recherches,
05:11ces gens-là devraient être plus visibles et plus utilisés par les journalistes dans le débat,
05:18pour éclairer les faits, apporter des éléments.
05:21Voilà ce que je pense du journalisme, et également un point très important, c'est la formation.
05:27La formation des journalistes n'insiste pas assez aujourd'hui sur la vérification des faits,
05:32c'est la base de tout, et c'est pas assez présent dans les formations au journalisme.
05:38Merci à vous.
05:39Merci Jean-Philippe Denis.

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