ART & MARCHÉ - Art lending, réponse à un marché incertain ?

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Alors que le résultat des ventes d'œuvres d'art connaît une baisse, les collectionneurs, confrontés à des besoins de liquidités, hésitent à se séparer de leurs œuvres en cette période incertaine. Le chiffre d'affaires des ventes publiques de Christie's a, par exemple, reculé de 22 % au cours du premier semestre 2024. Dans ce contexte, l'art lending, une forme de prêt garanti par des œuvres d'art, émerge comme une solution pertinente pour répondre à ces besoins financiers sans devoir vendre les pièces de collection.

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00:00Alors que les résultats de certaines ventes sont en baisse, par exemple, le chiffre d'affaires des ventes publiques de Christie's est en recul de 22% pour la première moitié de 2024.
00:13Les collectionneurs qui ont besoin de liquidités peuvent être frileux à l'idée de vendre leurs oeuvres d'art en ce moment.
00:20L'Art Lending peut donc être une solution pour répondre à ce besoin de liquidités.
00:25Edouard Chalamet du Rosier, qui est président fondateur de Bayart, est notre invité pour nous donner plus de détails sur cette solution.
00:32Bonjour, merci beaucoup d'être avec nous.
00:34Bonjour Sybille, avec plaisir.
00:35Alors l'Art Lending, en bon français, c'est prêts garantis par une oeuvre d'art. Est-ce que vous pouvez donc nous expliquer tout d'abord comment ça fonctionne ?
00:42Alors, assez simplement, le principe est de proposer un financement à des porteurs de projet en contre-garantie d'une oeuvre d'art.
00:50C'est-à-dire qu'un porteur de projet qui a une oeuvre d'art, qui peut l'apporter, pourra accéder à ces financements pour à peu près la moitié de la valeur de l'oeuvre qu'il apporte en contre-garantie.
01:00Donc c'est ça, en termes techniques, c'est la moitié de son oeuvre d'art. C'est quoi ? Généralement, c'est des collections ?
01:06Entre 40 et 60% de la valeur de l'oeuvre en fonction de la qualité de l'oeuvre, de la liquidité de l'oeuvre, c'est-à-dire la capacité à pouvoir la revendre en cas de défaut de paiement.
01:17Et après, la diversification des oeuvres, c'est-à-dire que si c'est sur une seule oeuvre, le risque est plus important que quand c'est sur une collection avec différents types d'objets.
01:25D'accord. Et vous proposez cette solution depuis combien de temps ?
01:29Nous, ça fait à peu près 3 ans qu'on la propose. Alors au début, vraiment en test et de manière plus industrielle, entre guillemets, depuis une grosse année.
01:37Et vous regardez quoi ? Est-ce qu'il y a des oeuvres d'art qui, vraiment, ça c'est sûr, ça passe ? Et d'autres oeuvres d'art où vous dites, non, non, vraiment, désolé, on ne peut pas aller sur ce type d'oeuvre ?
01:46Les principales oeuvres sur lesquelles on travaille, ce sont les oeuvres de second marché, c'est-à-dire sur lesquelles la valeur est documentée et traçable.
01:54On travaille rarement sur le contemporain, parfois quand c'est des oeuvres qui ont une valeur de second marché, mais c'est principalement du second marché et des oeuvres jusqu'aux années 70.
02:03Et donc là, depuis ces années que vous proposez ça, est-ce que vous avez remarqué qu'il y a une évolution ? Je citais des chiffres en début d'émission.
02:10Est-ce que cette année, vous pensez que des collectionneurs se tournent particulièrement vers cette solution en raison d'une certaine frilosité du marché ?
02:22Alors si on regarde d'un point de vue mondial, juste, je reviendrai à notre petite fenêtre après, mais d'un point de vue mondial, oui, il y a une accélération pour ce type de financement, pour la demande de ce type de financement porté par les Etats-Unis.
02:38Ce qui se passe aux Etats-Unis, c'est une accélération due à l'accélération des deux principales maisons, Christie's et Sotheby's, qui interviennent plus massivement sur ces sujets-là.
02:49Notamment, Sotheby's a titrisé une partie de cette dette qu'elle a octroyée, c'est-à-dire qu'elle va chercher sur le marché secondaire des investisseurs institutionnels pour aller chercher des refinancements pour pouvoir massivement développer cette partie-là.
03:04Et d'un point de vue mondial, la hausse des taux global a permis de rendre plus sexy ce type de financement, parce qu'on est sur des taux qui sont entre 9 et 15% si on prend l'écart global.
03:20Quand les taux étaient aux alentours de 1%, la pilule était lourde à avaler. Aujourd'hui que les taux bancaires ont augmenté, c'est plus acceptable, donc les porteurs de projets se tournent plus vers ce type de solution.
03:35Après, il y a ce constat que les années post-Covid ont connu des records sur les ventes aux enchères. Aujourd'hui, une baisse significative fait que les collectionneurs peuvent hésiter à mettre leur objet en vente en se demandant si ça va atteindre le résultat espéré.
03:56Donc, s'il y a un besoin de liquidité et pas besoin de vendre nécessairement, puis un attachement à l'objet, parce qu'il ne faut pas oublier que la majorité des collectionneurs sont attachés aux objets qu'ils ont, cette solution est une bonne alternative, c'est-à-dire avoir accès à un peu de dette sans avoir à vendre ses objets.
04:12Et donc ça, c'est quelque chose qui prend de plus en plus d'ampleur en Europe, parce que c'est vrai que vous parlez beaucoup des Etats-Unis, c'est quelque chose qui est incorporé déjà dans leur culture ?
04:20Très développé aux Etats-Unis depuis les années 50, 51 exactement, où il y a une loi qui avait formalisé les choses, encadré les choses. En Europe, ça a été plus long et plus laborieux, puisqu'il n'y avait pas de cadre juridique.
04:30Les choses ont évolué et se sont améliorées ces dernières années. On a réussi à structurer les choses d'un point de vue réglementaire et juridique.
04:40Qu'est-ce qu'il y a eu, je vous coupe, mais du coup, en termes juridiques, qu'est-ce qui s'est passé ?
04:44Le prêt sur gage a été simplifié, la possibilité qu'on les fonde d'octroyer de la dette. Toutes ces solutions-là ont permis à certains pays européens d'offrir ce type de solution.
04:56Et donc de rassurer ensuite les collectionneurs ?
04:58Les investisseurs d'une part et les collectionneurs de l'autre. Parce que pour pouvoir opérer sur ce type de marché, il faut aller chercher des financements pour nous et ensuite chercher des projets et faire matcher les deux.
05:11Et là, vous travaillez principalement avec des professionnels ou c'est beaucoup de collectionneurs qui ont besoin de liquidités, tout simplement ?
05:19Aujourd'hui, on a 20% d'acteurs du marché de l'art qui ont besoin de liquidités, c'est-à-dire qui vont nous apporter des œuvres pour développer leur galerie, leur activité de marchand, pour acheter de nouvelles pièces ou se développer.
05:31Et 80% c'est des porteurs de projets privés, souvent entreprises, qui recherchent des liquidités pour soit acquérir de nouvelles pièces, soit acquérir d'autres entreprises pour un développement plus patrimonial.
05:43Est-ce qu'on peut quantifier ce marché et du coup aussi avoir une idée de la progression que ça a eu, soit en Europe, soit dans le monde ?
05:51Les chiffres, c'est Deloitte qui donne le plus de chiffres. En Europe, j'ai du mal à trouver les chiffres exacts. On est aux alentours de 10 milliards de dollars, je pense que c'est un petit peu moins.
06:03Et aux Etats-Unis, on est à peu près à 30 milliards de dollars, avec une croissance moins importante qu'attendue en 2024, mais attendue très forte en 2025.
06:19Parce que justement, ce recul des résultats de maisons de vente permet d'espérer qu'il y ait une accélération sur cette partie lending.
06:35Vous m'avez dit que vous fonctionnez au sein de Bayart pour sécuriser ce prêt-là, c'est auprès d'investisseurs tout simplement ?
06:41Alors nous, on a des investisseurs qui alimentent le fonds dédié à ça, et ensuite on a une équipe qui va chercher, sourcer les projets, et ensuite on travaille avec des experts indépendants dans chaque secteur.
06:53Parce que l'enjeu de cette activité-là, il est principalement sur l'authentification et la valorisation des oeuvres qui sont mises en contre-garantie.
07:01Donc tout l'enjeu est là, c'est vérifier que ce n'est pas défaut en premier lieu, et deuxièmement, les valoriser pour savoir quelles sommes on va pouvoir prêter aux porteurs de projets.
07:11Et donc pour ça, on travaille avec des experts indépendants, reconnus dans leur domaine, et dans des domaines chacun très spécialisés, pour avoir pour nous et pour nos investisseurs la plus grande sécurité.
07:22Oui, et ce qui va permettre d'avoir des prêts qui sont quand même à des sommes assez élevées comparativement à ce qu'on pourrait avoir en banque.
07:28Exactement, les plus petits dossiers sur lesquels on travaille, on est entre 100 et 200 000 euros, et après il y a la limite haute, c'est la qualité de l'oeuvre ou des oeuvres de la collection qui sont mises en contre-garant.
07:40Oui, parce qu'on peut faire un montant de gros sur le jeu.
07:43Merci beaucoup Edouard Chalamel-Durosier, je rappelle que vous êtes président fondateur de Bayart, merci d'avoir été avec nous.
07:49Et nous, on se retrouve la semaine prochaine pour un nouveau numéro d'Art et Marché.

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