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Zar Amir, actrice et réalisatrice du film "Tatami", en salles le 4 septembre, est l'invitée de Léa Salamé.

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00:00France Inter, le 7-10.
00:07Et Léa, ce matin vous recevez une actrice réalisatrice franco-iranienne.
00:11Et bonjour Zahra Amir.
00:12Bonjour.
00:13Merci d'être avec nous ce matin, actrice populaire du cinéma iranien.
00:16Vous avez été pris d'interprétation à Cannes il y a deux ans, vous vivez en exil à Paris depuis 15 ans
00:21et vous co-réalisez votre tout premier film avec Guy Natif.
00:25Le film s'appelle Tatami, sans doute l'un des films les plus percutants de cette rentrée,
00:29présenté à la Mostra de Venise et qui sort ce mercredi.
00:31On va en parler.
00:32Mais dites-moi d'abord, vous avez suivi les épreuves de judo aux Jeux Olympiques ?
00:37Oui, mais surtout le JO en général.
00:41Vous avez regardé tout ?
00:43J'étais en plein tournage, donc malheureusement je n'étais pas là pour vraiment être bien dedans.
00:48Mais j'ai bien surtout suivi l'équipe de réfugiés de judo avec qui je suis en contact pour ce film
00:57et que j'étais bien inspirée par chacun d'entre eux.
01:00Est-ce qu'il y a des Iraniens dans cette équipe de réfugiés ?
01:03Il y a un coach au nord de l'équipe qui est un Iranien, Bahid Sardakh,
01:09qui m'a beaucoup aidée pour développer notre film.
01:14Il y a des Iraniens, il y a des Afghans, il y a des Syriens.
01:18Tous les apatrites jouent dans cette équipe des réfugiés
01:22et qui font un très bon parcours que ce soit au JO ou aux Jeux Paralympiques.
01:28Pourquoi je vous pose cette question ?
01:29Parce que le judo est la toile de fond de Tatami,
01:32ce qui est un film inspiré de plusieurs histoires vraies.
01:35C'est l'histoire d'une judoka iranienne qui va concourir au championnat du monde.
01:39Elle est bien partie pour décrocher l'or, elle est très forte,
01:42pour devenir championne du monde de sa catégorie.
01:44Mais pour cela, elle risque de devoir affronter une athlète israélienne.
01:49Et ça, le régime iranien n'en veut pas.
01:51Il va donc lui demander, via sa coach, son entraîneuse, vous, souhaitez-vous,
01:55de dire qu'elle est blessée et de déclarer forfait pour ne pas affronter l'israélienne.
02:00Et ça, elle va le refuser.
02:02A partir de là, elle va dire non aux ordres du régime,
02:05elle va continuer la compétition malgré les menaces,
02:08malgré les intimidations sur elle, sur sa famille en Iran.
02:11Et ça devient un thriller politique, Tatami,
02:14un thriller politique et sportif d'une intensité et d'une maîtrise rares
02:18qui coupe le souffle.
02:20George Orwell disait qu'au niveau international,
02:22le sport c'était comme la guerre,
02:24que le sport c'était un simulacre de guerre.
02:26Vous êtes d'accord avec ça ?
02:28Je pense que de toute façon, le sport comme le cinéma,
02:32c'était toujours utilisé par les pouvoirs
02:35comme une sorte de propagande
02:39pour mettre la pression sur les sportifs, sur les cinéastes,
02:44sur les gens qui ont quand même une voix forte
02:49et qui utilisent leur voix.
02:52Ou leur action, en général, ça peut inspirer les autres.
02:56Donc, dans une façon, je suis d'accord.
03:00Le sport peut être aussi une guerre.
03:03Je le disais, l'histoire de ce film est inspirée de faits réels.
03:06Il y a plusieurs histoires.
03:08Encore vendredi dernier, un para-athlète iranien
03:10a refusé d'affronter l'israélien Taïquando.
03:13Pourquoi ? Parce que c'est interdit.
03:15Parce qu'on ne combat pas sur un même tatami avec un israélien.
03:18On ne lui serre pas la main, on ne le touche pas.
03:21C'est ça ? Parce que, dès l'école, on vous apprend
03:23qu'Israël n'existe pas et qu'on ne parle pas avec eux
03:26et qu'on ne combat pas avec eux.
03:28Oui, c'est ça. Je pense que, de toute façon,
03:31la raison principale, c'est exactement ça.
03:34Nous, on a grandi dans des écoles
03:37où on était bien manipulés, je pense, aujourd'hui.
03:40On était bien manipulés.
03:42De toute façon, pour l'Iran,
03:44pour le gouvernement d'Iran,
03:46l'Israël n'existe pas.
03:48On n'a jamais prononcé le nom de l'Israël.
03:51C'était toujours des ionistes.
03:54Mais je pense qu'au bout d'un moment,
03:57tout le peuple iranien, presque, je peux dire,
03:59la moitié, ils sont aujourd'hui conscients
04:02qu'on était un peu manipulés, quand même.
04:05On parle des pouvoirs, en fait.
04:08Ce conflit, nous, on a besoin de ce conflit
04:11en Moyen-Orient.
04:13Sinon, ces pouvoirs, ils ne peuvent pas
04:15continuer à exister.
04:17C'est ce qu'on comprend aujourd'hui.
04:19Vous pensez que le régime d'Emmola a besoin
04:21du conflit avec Israël parce qu'il a besoin d'un ennemi ?
04:23Je pense que le gouvernement d'Israël aussi
04:25a besoin de ce conflit.
04:27Mais les peuples, à la fin, on se ressemble tellement.
04:29On pourrait être les frères et les sœurs.
04:32Ce film est inspiré par l'histoire
04:35d'une longue, longue liste d'athlètes
04:38qui ont subi ce problème.
04:40Il y a une boxeuse iranienne à qui on a expliqué ça.
04:42Mais récemment encore, ce n'est pas seulement l'Iran,
04:45c'est toute la région.
04:47Un judoka algérien a été retiré du tableau
04:49pour avoir dépassé le poids de sa catégorie
04:51pour ne pas affronter un Israélien.
04:53En gros, on lui a demandé
04:55« Tu manges ? Comme ça, tu ne fais pas 73 kg
04:57et tu ne peux pas concourir. »
04:59Ça, c'était au mondiaux d'Abu Dhabi.
05:01Il y a un Égyptien qui ne s'est pas présenté
05:03au premier tour pour ne pas affronter
05:05son concurrent israélien.
05:07C'est très fréquent, en fait.
05:09Comme une Iranienne
05:11qui a encore grandi
05:13dans la même situation
05:15dans cette région.
05:17Parfois, je me dis pourquoi
05:19en fait, je préfère...
05:21C'est ça.
05:23Je ne veux jamais passer un message avec mes films.
05:25Mais cette fois-ci, un message,
05:27c'est un message de la paix
05:29et de l'amitié.
05:31Je pense que tant qu'on est dans la guerre,
05:33tant qu'on n'est pas...
05:35Il faut que les peuples s'entendent bien.
05:37Il faut qu'on reste main dans la main.
05:39Sinon, on va être bougé.
05:41On va être...
05:45On va être mangé par le pouvoir.
05:47Il ne faut pas
05:49se laisser faire.
05:51Vos films n'ont pas de message.
05:53Celui-là, on en a un clairement.
05:55Et puis, il est inédit et d'une certaine manière
05:57révolutionnaire parce que votre co-réalisateur,
05:59Guy Natif, est israélien.
06:01C'est un film qui est co-réalisé
06:03par une Iranienne
06:05et un Israélien. Rien que ça,
06:07c'est un blasphème absolu.
06:09Voilà, c'est plutôt
06:11une collaboration historique.
06:13On va dire ça.
06:15Parce que ça n'existe pas.
06:17Au-delà de l'interdiction. C'est même pas concourir
06:19dans une compétition. Vous avez
06:21co-réalisé un film avec un Israélien.
06:23Leila, votre héroïne, incarnée incroyablement
06:25par Ariane Mandi,
06:27qui est une actrice américano-iranienne.
06:29On l'a vu dans la série d'Elle World.
06:31Elle vit aux Etats-Unis, mais son père est iranien.
06:33Elle refuse donc l'injonction d'Emmola.
06:35Cette injonction qui passe
06:37par vous, la coach. Il y a un lien
06:39très fort entre vous,
06:41sa coach, son entraîneuse
06:43et elle. Vous êtes un peu la taupe du régime.
06:45Elle refuse de se retirer.
06:47Et pourtant,
06:49ils vont tout faire. C'est-à-dire que c'est vraiment
06:51un thriller haletant. Il faut le dire.
06:53Au-delà du message politique, moi, ce que j'ai
06:55aimé particulièrement, c'est que formellement, c'est un film
06:57en noir et blanc. On ne peut pas le lâcher.
06:59Sincèrement, ça fait longtemps, et je vous l'ai dit
07:01dans les couloirs, ça fait longtemps que je n'ai pas été
07:03scotché par un film comme ça, par sa maîtrise.
07:05Parce que, en fait,
07:07pendant tout le championnat du monde
07:09où elle reste au deuxième
07:11tour, au troisième tour, en quart de finale,
07:13en demi-finale, elle reste.
07:15Et à chaque fois,
07:17ils vont plus haut dans les intimidations.
07:19C'est-à-dire qu'ils vont s'en prendre à ses parents. Ils vont kidnapper
07:21ses parents athérents. Ensuite, ils vont
07:23s'en prendre à son mari et à son fils,
07:25à son jeune garçon.
07:27Ils vont être obligés de fuir. Et
07:29elle continue. Elle continue. Dans ce
07:31déchirement qu'elle a entre arrêter
07:33la compétition ou faire
07:35du mal à sa famille,
07:37elle continue. Son corps devient
07:39une arme de résistance et le tatami devient
07:41un lieu de guerre.
07:43Ce que je disais par rapport
07:45à ce conflit,
07:47je crois que, de toute
07:49façon, c'est une technique
07:51de ce gouvernement, de ce régime
07:53pour survivre
07:55d'une façon.
07:57Il faut un conflit. Il faut un conflit
07:59entre les parents et les enfants. Il faut un
08:01conflit entre la coach
08:03ici et
08:05son judoka.
08:07C'est ce qui se passe.
08:09Une coach qui pourrait être
08:11bien une championne du monde
08:13est là, maintenant,
08:15complice du gouvernement.
08:17Face à son judoka.
08:19Ça, c'est très intéressant, cette relation qui est
08:21entre l'entraîneuse, donc vous, la coach,
08:23qui avait une quarantaine d'années, et la
08:25jeune judoka qui en a
08:27une vingtaine. On voit que vous,
08:29qui étiez une ancienne championne, on se
08:31demande d'ailleurs si vous aussi, on ne vous a pas demandé d'arrêter
08:35le film,
08:37si on ne vous demande pas d'arrêter
08:39la compétition.
08:41D'ailleurs, votre personnage est le plus ambigu
08:43du film, et peut-être le plus intéressant.
08:45Cette manière
08:47qu'elle a de se cacher derrière son voile et de
08:49toucher son voile en permanence, de le remettre
08:51comme si son voile l'a protégé.
08:53Il faut écouter
08:55les injonctions du régime.
08:57On est obligé, c'est comme ça, on fait partie de la fédération,
08:59il ne faut pas penser à soi.
09:01Il faut, évidemment, arrêter.
09:03Et c'est ce qu'elle va dire.
09:05Elle est traumatisée.
09:09Pour moi, ce film,
09:11avant tout, c'est une confrontation
09:13entre deux générations.
09:15Et comment ces deux générations,
09:17chacune, décident,
09:19choisissent leur façon
09:21de continuer à survivre
09:23et à la liberté.
09:25Et comme cette jeune génération,
09:27la judoka, pour se donner du courage,
09:29écoute du rap iranien
09:31qui lui donne cet esprit de résistance.
09:51...
09:55Votre personnage dit
09:57nous sommes tous des pions du régime,
09:59je préfère vivre en exil que dans l'hypocrisie,
10:01le mensonge et l'injustice.
10:03C'est un choix que vous avez dû faire, Zahramir,
10:05vous-même, à 26 ans.
10:07Vous avez grandi à Téhéran dans les années 80,
10:09pendant la guerre Iran-Irak.
10:11Vous êtes devenue une star en Iran, grâce
10:13notamment à la série populaire Narges.
10:15Narges ou Narges ?
10:17Mais en 2008, votre carrière s'interrompt
10:19parce qu'un homme sort une vidéo intime
10:21de vous sur internet.
10:23Une vidéo,
10:25une sextape, comme on dit.
10:27Vous passez 6 mois en interrogatoire,
10:29où vous êtes obligé de répondre à des questions sur votre vie privée
10:31face à un tribunal entièrement composé d'hommes.
10:33Vous êtes condamné à 100 coups de fouet.
10:35Ce scandale de la sextape
10:37vous rend la vie impossible en Iran.
10:39Vous dites, en marchant dans la rue,
10:41je me préparais à tout moment à être lapidée.
10:43Et à 26 ans, vous décidez de fuir,
10:45de partir, ce n'était plus possible.
10:47J'ai tout fait pour me défendre et rester.
10:49Je ne voulais pas partir.
10:51Mais le matin de ce tribunal,
10:53je suis partie.
10:55Je ne voulais absolument pas
10:57être humiliée
10:59devant
11:01tous ces hommes,
11:03tous ces hommes qui sont là
11:05pour juger ma vie,
11:07ma vie en général et ma vie privée.
11:09Voilà.
11:11Mais en fait, je savais que je ne voulais
11:13plus travailler.
11:15C'était plus tranquille.
11:17C'est ça, en fait,
11:19ce qui est en commun avec Mariam,
11:21le personnage de Tatami,
11:23avec ma vie.
11:25Je pourrais devenir une sorte d'accomplice
11:27avec ce gouvernement.
11:29Il y a toujours un chemin.
11:31Un moyen de négocier.
11:33Vous auriez pu, à 26 ans, dire...
11:35Je n'ai pas pu.
11:37Je pourrais
11:39balancer tous mes copains,
11:41toutes mes copines,
11:43tous mes collègues.
11:45Voilà.
11:47Comme je n'étais pas capable.
11:49Du coup, tout devenait plus en plus
11:51contre moi. Sinon, dès le début,
11:53je pourrais un peu régler le problème.
11:55Comment ça se passait, ces heures et ces heures
11:57d'interrogatoire que vous avez subi à 26 ans ?
11:59C'était affreux.
12:01Je pense que je suis assez traumatisée.
12:03C'est intéressant.
12:05Quand on a commencé à travailler avec Guy sur Tatami,
12:07la première condition
12:09que j'ai imposée à la production,
12:11c'était que je n'allais jamais mettre mes pieds
12:13en Israël. Parce que j'avais bien entendu
12:15que chacun, même les Français,
12:17se retrouvent
12:19arrêtés et interrogés
12:21pendant des heures,
12:23parfois, à l'aéroport, à Tel Aviv.
12:25Et je voulais...
12:27En fait, je ne pourrais même pas m'imaginer
12:29de vivre
12:31même une minute
12:33à ce moment-là.
12:35Ça me fait vraiment trembler.
12:37Je suis traumatisée, absolument.
12:39Vous expliquez très bien
12:41que vous utilisez le traumatisme
12:43que vous avez vécu dans cet atelier regrettoire
12:45quand vous étiez toute jeune.
12:47Pour certains de vos films,
12:49il y a un film où vous jouez
12:51une interrogatrice
12:53qui, d'ailleurs,
12:55torture quelqu'un. Vous inversez le rôle
12:57dans un film.
12:59Mon pire ennemi de Mérante à Madonna.
13:01En fait, je pense que
13:03je suis assez chanceuse
13:05d'avoir cette
13:07possibilité
13:09de mettre Romain dans mon travail
13:11et faire sortir quelque chose
13:13qui peut être inspirant.
13:15Écoutez ce que disait votre copine Golshifteh Farahani
13:17sur cet avou à propos de son attachement à l'Iran
13:19qui, elle aussi, vit en exil.
13:21Je dis toujours l'exil, c'est comme
13:23on perd un bras
13:25et ce bras-là, ça ne va jamais repousser.
13:27Même si je retourne en Iran,
13:29je ne vais pas
13:31regagner mon bras. Je vais être handicapée
13:33pour toujours. Mais bon, cet handicap
13:35m'a laissée aller à Paralympique.
13:37Ça veut dire que je suis devenue
13:39quelqu'un grâce à cet
13:41handicap.
13:43Là, on est
13:45les âmes handicapées
13:47qui vont retourner dans notre pays
13:49qu'on ne connaît pas. Cette génération-là,
13:51quand j'ai quitté l'Iran, ils avaient 4 ans,
13:535 ans, je ne les connais pas. La façon
13:55dont elles parlent, pour moi, c'est quelque chose
13:57que je ne connais pas.
13:59Vous non plus, vous ne connaissez plus
14:01le pays, cette génération comme Golshifteh ?
14:03Je pense
14:05qu'on les connaît bien. On est bien connectés.
14:07Mais c'est vrai qu'on est assez surpris
14:09par tout ce qu'on voit.
14:11En fait, tout en Iran bouge
14:13très très vite.
14:15C'était déjà le cas. Et là, avec cette nouvelle
14:17génération, on est vraiment
14:19avec la bouche ouverte.
14:21Elle vous bluffe.
14:23Ma génération n'a jamais osé.
14:25Nous, on fait partie d'une génération
14:27qui a inspiré cette
14:29jeune génération.
14:31Je pense qu'on a tellement vécu
14:33avec nos traumas, avec nos peurs.
14:35Cette génération,
14:37ce qui est intéressant,
14:39c'est qu'elle ne cherche
14:41pas vraiment... En fait, ce n'est pas un tel
14:43rôle, cette révolution.
14:45Ce n'était pas du tout une révolution un tel rôle.
14:47Il y avait une philosophie derrière.
14:49C'est juste l'envie de vivre
14:51libre.
14:53C'est ça qui nous touche.
14:55Elle a moins peur que la vôtre
14:57de génération. Cette jeune génération
14:59est beaucoup plus déterminée.
15:01Et qui continue. Deux ans après la mort de
15:03Massa Amini. Femme, vie, liberté.
15:05Je pense que ça existe toujours.
15:07Sur la peur de cette société.
15:09Sur l'exil,
15:11votre vie en exil depuis 15 ans,
15:13vous dites dans elle, ton origine reste ton
15:15origine. Quand je suis arrivée en France, j'ai arrêté de lire
15:17le Anfarsi. J'avais besoin d'ouvrir de l'espace
15:19pour le français, pour apprendre le français, la culture
15:21française. J'ai arrêté de voir
15:23mes amis iraniens. Mais au bout d'un moment,
15:25tout ça est revenu.
15:27Au bout d'un moment, en fait, je me suis
15:29plutôt sentie iranienne.
15:31J'ai bien quand je me suis rendu compte
15:33que je suis beaucoup plus iranienne,
15:35en France, qu'en Iran.
15:37Parce qu'en Iran, j'avais toujours, même avant
15:39tous ces problèmes, je pensais toujours que je suis
15:41plutôt une exilée.
15:43Personne ne m'en comprend.
15:45Et là, c'est
15:47plutôt en France que je suis devenue une femme
15:49finalement. Et que j'ai retrouvé
15:51mes racines. Et que je suis fière
15:53de tout ce qui est iranien.
15:55Donc avant,
15:57et le début, il faut ouvrir
15:59de l'espace quand même. Il faut ouvrir de l'espace, oui.
16:01Quel regard vous portez sur
16:03la France et les français?
16:05L'iranienne que vous êtes.
16:07Je suis bien exprimée, je pense
16:09le soir de Cannes, avec mon prix
16:11et mon speech.
16:13Rappelez-nous, pour ceux qui ne l'ont pas entendu.
16:15Je pense qu'on est, on pourrait
16:17être très très bien
16:19en France. J'apprécie
16:21la France.
16:23J'apprécie la culture française.
16:25Et c'est intéressant, parce que quand je sors
16:27de la France, pour un mois,
16:29deux mois, je suis ailleurs. Dès que j'entends
16:31quelqu'un qui parle français,
16:33je me sens chez moi. Je suis
16:35genre, ok,
16:37il y a un français,
16:39je me sens
16:41aujourd'hui une française
16:43aussi. Mais
16:45je pense qu'on râle pas mal. Et je pense
16:47qu'on n'est pas,
16:49en fait, on n'est pas conscient à quel point
16:51on a la chance
16:53de partager cette société,
16:55cette liberté,
16:59cette culture.
17:01Les français n'en ont pas assez conscience.
17:03Ensemble.
17:05Et c'est dommage.
17:07C'est vrai qu'en fond, vous lisiez
17:09en secret Balzac et Alexandre Dumas
17:11en farcie, quand vous étiez
17:13toute jeune. Vous vous cachiez de vos parents
17:15pour lire Balzac et Dumas.
17:17On termine par les questions impromptues.
17:19Paris ou Téhéran ?
17:21Elle est dure, celle-là.
17:27Et si je pourrais partager
17:29les deux ?
17:31On va accepter. Bergman ou Kubrick ?
17:35Et si je pourrais
17:37rester sur les deux ?
17:39Il va falloir en choisir une, quand même. Bergman.
17:41Martin Scorsese ou David Lynch ?
17:43Lynch, of course.
17:45C'est votre cinéaste préféré.
17:47Vous parlez français, anglais,
17:49arabe, farcie, afghan,
17:51allemand et italien ?
17:53Un petit peu allemand, un petit peu italien.
17:55Mais tout le reste, oui.
17:57L'arménien aussi, un petit peu.
17:59L'arménien aussi. Dans quelle langue vous rêvez ?
18:01Ah, ça, c'est intéressant.
18:03Vraiment, ça dépend.
18:05Parfois, quand je suis
18:07en tournage,
18:09avec la langue française,
18:11c'est plutôt français.
18:13Sinon, c'est anglais. C'est
18:15moins farci, en tout cas.
18:17La dernière fois que vous avez pleuré ?
18:19Il y a deux jours.
18:21Vous votez ?
18:23Oui, absolument.
18:25En France, vous avez la
18:27nationalité française. Et Dieu dans tout ça ?
18:29Pardon ? Et Dieu
18:31dans tout ça ? Ça, c'est la question
18:33d'un grand journaliste français qui s'appelle Jacques Chancel,
18:35qui terminait toutes ses interviews en disant
18:37« Et Dieu dans tout ça ? »
18:39Oh, wow, challenge.
18:41Moi-même.
18:43Le film s'appelle
18:45Tatami. Il sort ce mercredi,
18:47co-réalisé, c'est votre première
18:49réalisation, Zahramir,
18:51avec Guy Natif,
18:53comme vous l'appelez.
18:55Je le redis, c'est un film
18:57subjugant pour le magazine américain Variety.
18:59C'est un film captivant, fascinant,
19:01qui marquera l'histoire. Allez le voir.
19:03Vraiment, merci et belle journée.

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