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Guerre 39/45, les pouponnières du IIIe Reich.
Les Lebensborn, ces nurseries spéciales créées par les SS, sélectionnaient deux parents jugés "parfait" physiquement (grands, blonds, yeux bleus) afin d'adopter des nourrissons abandonnés. Leur véritable identité était alors falsifiée.

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Personnes
Transcription
00:00Au lendemain de la mort d'Adolf Hitler, le Troisième Reich s'effondre.
00:07En quelques semaines, les troupes alliées prennent possession d'une Allemagne en ruine.
00:13Munich et ses environs sont administrés par les troupes américaines.
00:20Le 3 mai 1945, la Troisième Armée US prend possession de la ville de Steinering, aux abords de la capitale de la Bavière.
00:29Ils y découvrent une immense maison où résident près de 200 enfants.
00:34Des nouveaux-nés pour la plupart, avec leur mère, des infirmières et des jeunes femmes enceintes.
00:41Tous livrés à eux-mêmes, tous traumatisés.
00:45Je me souvenais d'un... comme si c'était un orage, j'ai vu du bruit, des éclairs,
00:57et je me vois devant une foule de femmes qui étaient rassemblées,
01:01les hommes en or sur le côté, contre un mur, et nous on était là comme enfants, c'est tout.
01:08Et quand j'ai fait mes premières recherches, je suis allé justement à Steinering,
01:14et c'était à cet endroit-là que je me souvenais.
01:17C'est les seuls souvenirs que je peux avoir.
01:19Mais qu'est-ce qu'on nous a fait ? Je sais pas.
01:26Les enfants que viennent de découvrir les Alliés sont un des trésors les mieux cachés des nazis.
01:31Des enfants spécifiquement conçus par le Reich, pour le Reich.
01:36Ils sont le fruit d'une folie initiée dix ans plus tôt, le programme L pour les Benzborn.
01:42Ces nourrissons devaient être les successeurs désignés des Himmlers, Goebbels et des autres dignitaires SS.
01:50Aujourd'hui âgés de 70 ans, ils sont malgré eux les derniers descendants du régime national-socialiste.
01:58Né dans ces pouponnières nazies, avec comme idéologie l'enfant parfait, pour dominer le monde,
02:08je ne pouvais pas quoi, j'ai eu beaucoup, beaucoup de mal.
02:12J'ai intégré, mais vraiment, vraiment difficilement.
02:15C'était l'autre versant de l'Holocauste.
02:18Car pour le dire simplement, si vous vous débarrassez des sous-races,
02:23il vous faut fabriquer de l'autre côté ces personnes censées être meilleures,
02:28simplement parce qu'elles sont grandes, blondes, aux yeux bleus.
02:34L'histoire de leur naissance, ils l'ont découverte pour la plupart ces dernières années seulement.
02:42Ma mère s'est toujours tue.
02:48Elle n'a jamais rien dit sur ma naissance.
02:52Elle m'a raconté mon histoire pour la première fois il y a quelques semaines.
02:57Il s'est donc passé plus de 70 ans avant que ma mère choisisse de tout me raconter.
03:04Entre 1935 et la fin de la guerre, plus de 20 000 bébés sont nés dans ces maternités.
03:11Ces enfants, devenus adultes, dévoilent leur histoire,
03:15de leur naissance à leur quête vertigineuse pour retrouver la trace de leurs parents.
03:52En 1933, à peine élu, Adolf Hitler instaure de nouvelles lois racistes en Allemagne.
03:59Les personnes souffrant de maladies considérées comme héréditaires sont stérilisées de force.
04:05Les lois de protection du sang allemand instaurent de nouvelles lois racistes en Allemagne.
04:11Les personnes souffrant de maladies considérées comme héréditaires sont stérilisées de force.
04:16Les lois de protection du sang allemand interdisent les mariages entre juifs et citoyens allemands.
04:23Il charge son numéro 2, le chef absolu de la SS, Heinrich Himmler,
04:28de mettre la dernière touche à un programme eugéniste sans précédent.
04:34Le concept en est aussi simple que machiavélique.
04:37Il s'agit de sélectionner secrètement des parents
04:40afin de fabriquer de toutes pièces une génération de purs Aryens.
04:55Tous les membres du parti national-socialiste reçoivent l'ordre de faire au moins 4 enfants avec leur épouse,
05:01faute de quoi leur évolution dans la hiérarchie serait entravée.
05:10Ils reçoivent un deuxième ordre, plus confidentiel.
05:13Faire autant d'enfants que possible hors mariage.
05:19Elga Karao est née d'une de ses relations extra-conjugales.
05:23C'était le 23 mars 1941.
05:34J'ai été conçue 9 mois avant à l'occasion de la fête de la victoire de l'Allemagne sur la France.
05:41Les fonctionnaires des ministères avaient été gratifiés d'un congé spécial pour l'occasion.
05:47Et ma mère s'est rendue sur l'île d'Ousedom,
05:51lieu de rencontre de l'élite nazie.
05:55Et c'est là qu'elle rencontra mon père pour la première fois.
06:01Lui avait fait le déplacement depuis Berlin ce jour-là.
06:05J'étais donc très clairement une enfant illégitime, née hors mariage.
06:12Et à l'époque, la meilleure façon d'accoucher pour une femme comme ma mère,
06:16c'était d'aller accoucher au Lebensborn.
06:21La mère d'Elga Karao a accouché à Steinering, la maison mère du Lebensborn.
06:26Une maternité qui permet à ses femmes célibataires d'accoucher à la maison.
06:32Une maternité qui permet à ces femmes célibataires d'accoucher sans subir le jugement de leurs proches.
06:39Seules quelques femmes y séjournent au cours des premières années.
06:43Car le régime garde son projet secret.
06:46Ni propagande, ni annonce publique.
06:49Au contraire même, il n'existe que de rares images amateurs de ces pouponnières.
06:56A partir de 1938, ces maternités s'exportent.
07:00Des pouponnières similaires ouvrent dans l'Autriche annexée.
07:05Les femmes y ont l'apparence physique idéale, selon les principes du ministère de la race.
07:11C'est là que Brigitta Rambeck a vu le jour, dans le Lebensborn de Pernitz.
07:20Les Aryens étaient les bienvenus, mais il fallait fournir la preuve de son Aryanité, clairement.
07:27Pour mes parents, c'était évident.
07:29Et surtout pour mon père, puisqu'il était avocat du Parti National-Socialiste.
07:35Donc pour eux, il n'y a eu aucun problème pour trouver une place.
07:43Leur choix était très classique.
07:46Et c'est pour ça qu'on a créé les foyers du Lebensborn.
07:49À savoir, offrir la possibilité pour des femmes Aryennes, de bonne origine,
07:56et des hommes, également de bonne origine, de pouvoir accoucher secrètement.
08:09De ces nouveau-nés, Heinrich Himmler déclare en 1938,
08:13« Ils sont un combattant de plus pour l'Allemagne et un de moins pour l'autre côté.
08:17J'ai l'intention de chercher ce sang germain dans le monde entier,
08:21de le soustraire et de le voler où je peux.
08:24La race, voilà la pierre angulaire de tout le système. »
08:29C'est au nom de cette race que le Troisième Reich plonge toute l'Europe dans la guerre en 1939.
08:36La Pologne, la Belgique, la Hollande, Australie,
08:40La Pologne, la Belgique, la Hollande, aucun pays ne résiste aux troupes allemandes.
08:46Une nation retient plus particulièrement l'attention d'Heinrich Himmler.
08:50Le 10 juin 1940, la Norvège capitule.
08:56Le Reichsführer ordonne l'ouverture d'une dizaine de maternités.
09:01Oslo et ses environs deviennent le premier lieu de permission pour les soldats allemands,
09:05non sans arrière-pensée.
09:10Il faut sympathiser avec les femmes norvégiennes
09:14et y faire autant d'enfants que possible.
09:20« Pour réaliser le désir d'Himmler, celui de cette race pure,
09:25ou d'une race aryenne pure, la Norvège était le pays rêvé.
09:31Les Norvégiens étaient connus pour être les descendants des Vikings
09:35et pour avoir des femmes blondes ou très typiquement aryennes.
09:40C'est pour ça que la Norvège était le pays rêvé pour le programme du Lebensborn. »
09:48La mère de Thorleif Blatt a accouché dans un Lebensborn de la banlieue d'Oslo.
09:53Selon son fils, elle n'avait pas d'autre solution à l'époque.
09:59« C'était assez compliqué pour elle.
10:01Ce n'était pas simple.
10:04Parce que très vite, elles ont été considérées, pardonnez-moi l'expression,
10:08comme des pauvres allemands ou des pauvres allemands, comme beaucoup les appelaient.
10:13Et elles étaient exclues de la société,
10:17parce qu'elles avaient eu le tort de coucher avec l'ennemi. »
10:23Entre 1942 et 1945, dix mille enfants voient ainsi le jour en Norvège.
10:28C'est le plus gros contingent d'enfants du Lebensborn.
10:32La majorité part vers l'Allemagne.
10:36Dans la foulée, des maternités ouvrent en Hollande, en Suède, au Danemark.
10:43Mais Heinrich Himmler en veut toujours plus.
10:47Les naissances ne sont pas assez nombreuses à ses yeux.
10:50Il faut faire des enfants dans plus de pays.
10:52La France et la Belgique, dont les populations étaient considérées comme impures jusque-là,
10:57vont elles aussi avoir leur maternité raciale.
11:03Début 1943, le drapeau noir de la SS flotte dans la cour du château de Végimont.
11:09Certaines femmes belges sont considérées comme aptes à procréer pour le Reich
11:14et c'est ici, près de Liège, qu'elles vont le faire.
11:17Gisèle Nier, une d'entre elles, s'adapte.
11:19C'est ici, près de Liège, qu'elles vont le faire.
11:22Gisèle Niangot a vu le jour à Végimont.
11:25C'est tout ce qu'elle sait de sa naissance.
11:28Depuis 70 ans, elle tente de comprendre pourquoi sa mère a accouché dans un Lebensborn.
11:33Suivant mon état civil français, je suis née à Bar-le-Duc, le 11 octobre 1943.
11:39En fait, le 11 octobre 1943, je suis née à Végimont.
11:43Comme ma mère était très très pauvre, elle n'avait rien.
11:47Peut-être qu'on lui a demandé de me déposer dans un Lebensborn,
11:51parce que ça faisait un enfant de plus,
11:54et en fait, peut-être, peut-être,
11:57elle était rassurée pour ma vie,
12:02rassurée de la suite à donner pour moi.
12:06C'est ce que je me dis, mais je ne sais pas.
12:10Mais c'est fort possible, parce que j'étais quand même tellement pauvre.
12:13Quand elle était enceinte, dans les papiers des archives de Bruxelles,
12:18elle a eu droit à un repas par jour, enceinte de 6 mois.
12:23Donc peut-être que pour elle, c'était une solution, je ne sais pas.
12:30Gisèle ne sait rien d'autre de cette mère qu'elle n'a jamais connue.
12:35Elle ne saura jamais si en accouchant dans un Lebensborn,
12:39elle voulait offrir un enfant au Reich,
12:41ou si elle a été contrainte de l'abandonner, faute de moyens de subsistance.
12:47Car en 1943, toute l'Europe subit un rationnement drastique.
12:53Au Lebensborn, en revanche, on ne manque de rien.
12:57Heinrich Himmler y veille personnellement.
13:00Un havre de paix où le Saint-Nourricier est affublé de la Croix-Gamée.
13:05La mère de Gisela Heidenreich était l'une des responsables de ce programme.
13:11Il lui a fallu des années pour qu'elle raconte quelques bribes à sa fille.
13:16Elle disait que c'était le meilleur moment de leur vie.
13:21Elles avaient de la très bonne nourriture, elles riaient, elles dansaient,
13:25elles chantaient, elles faisaient du tricot,
13:28elles pouvaient faire de la broderie.
13:31En clair, elles avaient vraiment du bon temps.
13:34Et imaginez en pleine guerre,
13:37beaucoup venaient de villes complètement détruites,
13:40tout le monde était pauvre.
13:42Là, au moins, elles pouvaient rester 3, 4, 5, jusqu'à 6 mois.
13:49C'était comme un petit paradis.
13:54C'était la guerre et ils avaient le meilleur personnel qualifié.
13:59Ils avaient les meilleurs sages-femmes et les meilleurs médecins.
14:02Ma mère m'a toujours dit que c'était à cette époque les meilleurs foyers pour accoucher.
14:08Elle m'en a toujours parlé de façon positive.
14:14Le paradis décrit par la mère de Brigitta Rombeck a néanmoins un prix.
14:20Les enfants qui présentent un handicap à la naissance sont inutiles,
14:25voire dangereux aux yeux des dirigeants nazis.
14:28Ils pourraient souiller la race aryenne.
14:32Ils étaient envoyés vers les hôpitaux et ils étaient tout simplement de l'eau.
14:47Les enfants devaient être parfaits.
14:50Ceux qui n'étaient pas valables, comme ils disaient,
14:53ils allaient vers le traitement spécial.
14:56En fait, le traitement spécial, c'était la mort.
14:59Et on ne sait pas combien furent tués.
15:03C'était totalement secret.
15:10Le Lebensborn, véritable matrice du monde rêvé par le Troisième Reich,
15:15ne s'embarrasse pas de ses nouveau-nés.
15:18Les mères étaient informées de la mort prématurée de leur bébé, sans aucune précision.
15:24Pour les autres enfants, c'est un autre destin qui s'écrit.
15:29Un mois après leur naissance, ils sont baptisés selon les rites nazis.
15:37Ici, il n'est pas question de religion, mais de doctrine.
15:41L'administration du Troisième Reich organise une cérémonie
15:46au cours de laquelle les enfants sont admis dans le régime national-socialiste.
15:51Je suis née là-bas en mars.
15:56Et un mois plus tard, c'était le 20 avril, à la date d'anniversaire d'Adolf Hitler,
16:02ce jour de fête nationale, j'ai été admise dans la communauté des SS.
16:10Les bébés étaient présentés à des soldats SS, en uniforme,
16:17qui avec une dague SS, pas avec une croix catholique,
16:23déclaraient aux enfants, à partir d'aujourd'hui,
16:28nous vous acceptons en tant que membre de notre société nationale-socialiste.
16:33Et cela voulait dire que, par ce rituel,
16:38ils plaçaient ces tout-petits-enfants au centre de leur sinistre société.
16:46À cette occasion, généralement, on nous attribuait même une sorte de parrain.
16:54Je n'en sais pas grand-chose, mais d'autres ont eu comme parrain, par exemple,
16:59Göring ou Goebbels. C'était un ersatz de baptême chrétien.
17:05Je ne savais strictement rien.
17:09Pour moi, c'était en quelque sorte normal, ces drapeaux SS.
17:14Je ne voyais que des hommes en uniforme,
17:19et tout ce que je voyais, c'était pour moi la normalité.
17:24Je ne voyais que des hommes en uniforme,
17:29et tout ce que je voyais, c'était pour moi la normalité.
17:34À Poulard, il y avait une grande caserne SS,
17:40et ces hommes dans leurs uniformes noirs étaient tous très bienveillants à mon égard.
17:47C'étaient en quelque sorte mes gentils oncles.
17:53À l'heure de quitter les maternités du Lebensborn,
17:58les mères doivent faire un choix définitif, irrévocable.
18:03Les autorités proposent aux parents d'abandonner les nouveau-nés.
18:08L'administration promet en contrepartie d'effacer toute trace des parents biologiques
18:13et de trouver une nouvelle famille au bébé.
18:16Une famille SS, bien sûr, pour renforcer la nouvelle race germanique.
18:23À l'âge de 5 mois, j'ai été confiée à une famille d'accueil,
18:28la famille Schneider.
18:33J'ai grandi pendant 4 ans à Poulard,
18:39dans ce complexe conçu par Martin Bornmann,
18:43qui servait de quartier général au Führer.
18:49Tout ça, je l'ai appris beaucoup plus tard,
18:54mais j'ai vécu mes 4 premières années dans cette famille d'accueil.
19:01Ma mère m'a emmenée à Battels, chez sa soeur,
19:07et elle m'a présentée comme une enfant adoptée en Norvège,
19:13et pas comme sa propre fille.
19:17Car sa soeur avait déjà deux garçons,
19:21et avait toujours rêvé d'avoir une fille.
19:26J'étais comme une sorte de cadeau de Norvège,
19:31une pauvre petite fille orpheline.
19:38Abandonnée de la sorte, son enfant ne pose guère de problèmes aux nazis convaincus,
19:43comme les mères d'Elga Karow ou de Gisela Heidenreich.
19:48Qu'en est-il dans les pays occupés ?
19:51Bien souvent, les mères ne connaissent pas le véritable dessein du Lebensborn.
19:56Depuis que la France est occupée,
19:59près de 50 000 enfants naissent chaque année d'union avec des soldats allemands.
20:04En avril 1942, il est question d'extraire ces éléments potentiellement germanisables.
20:10Le chef de la santé du Troisième Reich écrit à Heinrich Himmler
20:14« À mon avis, certains de ces enfants ne sont pas mauvais.
20:19Je propose que le Lebensborn s'en occupe énergiquement. »
20:23Quelques mois plus tard, les autorités SS ouvrent un Lebensborn dans le nord de Paris.
20:29En pleine forêt, le Westwald, le foyer de l'Ouest,
20:33ouvre dans ce château réquisitionné par les troupes allemandes.
20:37Il accueille les femmes qui correspondent aux règles raciales nazies.
20:40Erwin Grinski y a vu le jour. Il ne l'a découvert qu'en 2009, à la mort de sa mère.
20:46Ma mère, elle était traductrice de l'armée allemande.
20:50C'est là qu'elle rencontre mon géniteur.
20:53Elle ne savait pas du tout qu'elle mettait les pieds dans un Lebensborn.
20:56Pour elle, elle allait accoucher dans une clinique de maternité française.
21:05Elle me dit « Quand ton père m'a proposé de t'abandonner, moi je lui ai dit non. »
21:17Elle a fait, disons, pour essayer de dire le canard.
21:20Elle a dit « Bon, ben, comme il a reçu son ordre de mission de partir en juillet 1944,
21:27donc j'avais deux mois, et ils sont partis tous les deux en Allemagne. »
21:35Erwin Grinski suit sa mère à Dortmund, en Allemagne.
21:39Elle découvre que le père de l'enfant y est déjà marié.
21:43Elle se retrouve seule, mais c'est à ce prix qu'Erwin échappe à la germanisation.
21:48Moi, personnellement, je me trouve plus un enfant de l'amour qu'un enfant de Lebensborn.
21:59Nous sommes en 1944. La guerre est à un tournant.
22:05Les troupes alliées viennent de débarquer en Normandie.
22:09En France, en Belgique, en Norvège, les Lebensborn sont rattrapés par les combats.
22:16Les troupes SS reçoivent l'ordre de rapatrier les nouveau-nés vers Munich.
22:21La mère de Gisela était l'une des officielles chargées de ce rapatriement.
22:26Le 10 août 1944, elle participe à la fermeture du Lebensborn français de la Morlaix.
22:31Elle a été envoyée par son bureau de Munich pour fermer cette maison.
22:39Elle, accompagnée d'une nurse.
22:44Elles ont pris entre 8 et 10 enfants.
22:51Elles les ont ramenés vers Wiesbaden.
22:54Certains d'entre eux sont ensuite allés jusqu'à Steinring, où elles travaillaient toujours à l'époque.
23:05Au même moment, la panique gagne le Lebensborn belge de Végimont.
23:11Les enfants sont évacués sans ménagements.
23:14Le temps presse, l'armée américaine approche.
23:18Walter Bosser n'a pas encore un an à l'époque.
23:21Il vit dans cette maternité avec sa mère.
23:24Du jour où il quitte le Lebensborn, commence pour lui une longue errance.
23:30Avec ma maman, on a été emmenés en 1944.
23:35Quand les allemands ont commencé à quitter la Belgique par l'avancée des troupes alliées.
23:39Donc là, on est partis en camion.
23:44Et ce qui est bizarre, c'est que quand on est partis, elle n'est pas partie dans le même convoi que moi, elle.
23:53Ils ont déjà embarqué les enfants.
23:55Après, ils ont embarqué le personnel.
23:57Et quand je suis parti, elle a couru derrière le camion.
24:03Elle dit, non, non, c'est mon enfant.
24:05Les autorités s'en foutaient.
24:07Ils ont embarqué tout le monde pour la finale.
24:09Là, j'ai fait plusieurs étapes.
24:11J'étais à Aix-la-Chapelle, Corenzalice.
24:15Du Corenzalice à Charrozen, un nom comme ça.
24:19Après, je suis revenu à Stenering.
24:23Et de Stenering, on nous a retransportés dans un couvent à côté de Dachau.
24:32Il faut huit mois aux troupes allemandes pour rapatrier Walter et les autres pensionnaires des Lebensborn vers la capitale de la Bavière.
24:41Le régime nazi est perdu, mais les dignitaires SS veulent conserver ces enfants coûte que coûte.
24:48300 d'entre eux se retrouvent entassés au siège bavarois de l'organisation.
24:54Le 3 mai 1945, les GIs prennent possession de Stenering.
25:00Ils y découvrent ses enfants, conditionnés pour les haïr.
25:05Les Américains sont arrivés.
25:10Et c'est là que j'ai réalisé que je les considérais comme des ennemis.
25:16Or, ces soldats étaient très gentils avec les enfants du foyer.
25:22Ils nous avaient apporté des cadeaux.
25:28Mais j'avais le sentiment que c'était obscène,
25:34que brusquement je devais aimer ces soldats américains.
25:40En tant qu'enfant éduqué les quatre premières années de sa vie dans l'idéologie nazie,
25:47c'était compliqué.
25:51Là, brusquement, en 1945, tout était différent.
25:57Et en ce qui me concerne, ça m'a profondément troublée.
26:04La chute de ce dernier foyer du Lebensborn sonne le glas du programme eugéniste lancé dix ans plus tôt.
26:11Une question se pose dans ce pays en ruine.
26:15Que faire de ces enfants ?
26:20Confiés au service de la Croix-Rouge et des Nations Unies,
26:25ils sont placés dans un couvent aux côtés des orphelins des camps de concentration.
26:30Parmi ces enfants, quinze sont français.
26:35On y retrouve Walter et la petite Gisèle.
26:40C'est des religieuses, c'est un ancien couvent de religieuses,
26:45qui ont installé l'accueil pour tous les enfants qui venaient des camps environnants,
26:50parce qu'il y avait de la chaux, il y avait beaucoup de camps de concentration,
26:55et les jeunes juifs arrivaient, même seuls à pied, sur ce lieu.
27:02Donc nous, il y avait des petits bambins, je ne sais pas, des petits enfants,
27:06on était dans une aile de bâtiment, et il y avait les grands,
27:11qui, eux, se restructuraient aussi.
27:16Ironie de l'histoire, les adolescents libérés des camps de concentration
27:21s'occupent de Gisèle et des autres.
27:26L'histoire des pensionnaires de Lebensborn aurait pu s'arrêter au couvent d'Indersdorf.
27:31Elle ne faisait en réalité que commencer.
27:36Car les nazis ont détruit la plupart des registres de naissance.
27:41Les dossiers concernant les français sont désormais très parcellaires.
27:46Tous les pays alliés qui adoptaient des enfants,
27:50ont sélectionné les enfants pour aller dans tel pays ou tel pays.
27:54Et c'était sur la langue.
27:58On parlait français, on parlait allemand, on parlait toutes les langues,
28:02même des pays occupés, le polonais, tout ça.
28:04Et puis celui qui réagissait, il devait venir de par là.
28:08C'est comme ça que je suis atterri en France.
28:12En 1946, la direction du peuplement et de la famille française
28:17réclame ces enfants au service des Nations Unies.
28:21La France a besoin de ces enfants pour se reconstruire.
28:25Rapatriés vers l'est du pays, ils arrivent pour la plupart malades.
28:30Walter Bosser, blessé à l'œil, est hospitalisé
28:34pendant plusieurs mois.
28:37Quand on est arrivés, on est arrivés à l'hôpital de Commercy,
28:41dans le sens du département, à la Meuse,
28:45on nous a repris en main là, et après on a été versés,
28:49on appelait ça l'assistance publique à l'époque, c'était un orphelinat.
28:53L'assistance publique, c'était les enfants abandonnés, tout ça.
28:57Et puis on nous a placés chez des, on appelait ça à l'époque, des mères-nourrices.
29:01On appelait pas ça des familles d'accueil.
29:04Aux pays de la nation, l'assistance publique efface les traces de leur passé.
29:10En agissant de la sorte, la France pense en avoir terminé
29:14avec l'histoire du Lebensborn, avec les enfants de la honte.
29:20Du côté allemand, les choses sont différentes.
29:24Ici, les parents sont identifiables,
29:27ils doivent pour la plupart récupérer ces enfants qu'ils avaient offerts au Führer.
29:31C'est à cette époque que Gisela Heidenreich découvre
29:35que la famille dans laquelle elle vit n'est pas sa vraie famille.
29:38Elle le comprend le jour où celui qu'elle croit être son père sort de prison.
29:46Un jour, mes frères disent, papa rentre à la maison.
29:50Oh, j'étais contente moi aussi.
29:53Les garçons couraient vers lui, et j'ai fait pareil,
29:56et j'ai aussi dit, papa, papa.
29:59Et là, je m'en rappellerai toujours.
30:02Cet homme qui me repousse et qui dit à sa femme,
30:06qu'est-ce que cet enfant fait chez nous ?
30:09Pourquoi as-tu ramené ce bâtard SS à la maison ?
30:19J'étais choquée, et j'ai demandé, qu'est-ce que ça veut dire ?
30:23Ce n'est pas mon père.
30:26Et on m'a répondu, tu ne peux pas comprendre, ce n'est pas grave.
30:33Ça a été le début d'une confusion profonde, vous pouvez imaginer.
30:38J'avais perdu mon identité,
30:41et je crois que c'était le début d'une profonde crise d'identité
30:45pour cette petite fille qui ne savait plus qui elle était.
30:53Gisela découvre alors sa vraie mère,
30:56celle avec qui elle va devoir apprendre à vivre dans un pays en ruine.
31:01A la même époque, en Norvège,
31:04les enfants découvrent eux aussi violemment qu'ils ne sont pas comme les autres.
31:09Dans un pays traumatisé par cinq années d'occupation,
31:12les bébés du Lebensborn symbolisent la collaboration de milliers de Norvégiens.
31:17Thorleif, qui avait suivi sa mère en Allemagne durant la guerre, revient à la libération.
31:25Quand nous sommes revenus à Oslo, je ne savais parler qu'allemand.
31:30Mais dans les transports depuis le centre d'Oslo jusqu'à chez ma mère,
31:35je ne devais rien dire du tout.
31:38Personne ne devait deviner que j'étais allemand.
31:41Alors les premiers mois, on m'a interdit de parler allemand.
31:45En 1954, Thorleif Blatt a 12 ans.
31:49L'histoire de sa naissance le rattrape une nouvelle fois.
31:56Ma mère voulait se marier avec un Norvégien qu'elle avait rencontré.
32:01Mais j'étais devenu un problème,
32:04j'étais devenu un obstacle qui lui compliquait les choses.
32:08J'étais devenu un obstacle qui lui compliquait les choses.
32:11L'homme avec lequel elle voulait se marier,
32:15il ne voulait absolument pas que je fasse partie du mariage.
32:21Et sa propre mère, qui haïssait profondément les Allemands, lui avait dit
32:26« Si tu veux épouser cette femme,
32:29il ne faut pas que son petit Bosch fasse partie du mariage. »
32:32Donc, j'étais vraiment un obstacle pour ma mère à ce moment.
32:36Elle a alors décidé de me faire entrer dans un orphelinat.
32:40Et dans ce contexte, elle a dû expliquer à l'orphelinat, en ma présence,
32:44pourquoi elle voulait m'y abandonner.
32:52J'étais en train d'étudier l'allemand.
32:55J'étais en train d'étudier l'allemand.
32:58J'étais en train d'étudier l'allemand.
33:00J'étais en train d'étudier l'allemand.
33:05Je n'ai pas eu de problème dans cet orphelinat.
33:08Parce que la plupart des enfants avaient la même histoire que la mienne.
33:13On était nombreux à avoir un père allemand et une mère norvégienne.
33:19Je ne sais pas si c'était général,
33:22mais la haine des Allemands était encore très répandue longtemps après la guerre.
33:26Pour vous donner un exemple,
33:29en 1972,
33:32quand j'ai épousé la femme que j'aimais,
33:35son père a refusé de venir à l'église,
33:38parce qu'elle se mariait à un Allemand.
33:45Paradoxalement, le sort de Torleif est presque enviable au regard d'autres destinées.
33:49Certains en Norvège ont vécu un véritable enfer à la fin de la guerre,
33:53uniquement parce qu'ils étaient nés dans un Lebensborn.
33:56Le père de Paul Hansen était soldat dans l'armée allemande.
34:01Sa mère norvégienne l'a suivi en laissant son fils dans une pouponnière nazie.
34:09Ma mère est restée là-bas pendant un an,
34:12et puis elle m'a abandonné au Lebensborn.
34:14Elle est partie, mais je ne sais pas où elle est allée à ce moment-là.
34:19Elle a rencontré un Allemand,
34:22et j'ai appris plus tard qu'ils étaient allés tous les deux en Allemagne.
34:29A partir de 1945,
34:32les autorités d'Oslo prennent en charge Paul Hansen et des milliers d'autres enfants.
34:36Certains d'entre eux sont aussitôt placés dans des hôpitaux psychiatriques.
34:39Paul Hansen avait alors cinq ans.
34:43Quand je suis arrivé à l'hôpital psychiatrique d'Emmajort,
34:47je me suis retrouvé avec des gens vraiment malades.
34:50Ils criaient énormément la nuit.
34:53Je me suis demandé comment j'allais faire.
34:56Ils nous ont déclarés attardés.
34:59Un médecin est venu de l'hôpital national et nous a déclarés attardés.
35:03Ils nous ont tous pris, sans distinction.
35:06On a été déclarés mentalement déficients simplement parce qu'on était nés dans un Lebensborn.
35:11Le reste, je ne m'en souviens plus.
35:14Je me suis retrouvé dans un hôpital psychiatrique,
35:17et je me suis retrouvé dans un hôpital psychiatrique.
35:20Je me suis retrouvé dans un hôpital psychiatrique.
35:22Je me suis retrouvé dans un Lebensborn.
35:25Le reste, je ne m'en souviens plus.
35:28Mais quand on allait en promenade dans le centre-ville, on se moquait de nous.
35:32Ils disaient, tiens, voilà les idiots de l'Institut.
35:35Ils nous appelaient les fous de Emmajort.
35:42Cinquante ans après la guerre, les enfants des Lebensborn norvégiens
35:46ont poursuivi leur pays pour discrimination.
35:49L'État leur a accordé un dédommagement financier,
35:52pour reconnaître sa responsabilité.
35:58Je ne connais pas l'histoire de chacun d'entre nous,
36:01mais durant les quelques années pendant lesquelles j'ai été président
36:04de l'Association des enfants de guerre du Lebensborn,
36:07j'ai pu discuter avec certains d'entre nous
36:10qui m'ont raconté des histoires terribles.
36:17Tant dans les orphelinats que dans les familles d'accueil,
36:19ils ont subi des sévices qu'on peut à peine imaginer.
36:26Les autorités norvégiennes considéraient les petits bosch
36:29comme inférieurs et aussi comme une éventuelle future cinquième colonne.
36:38En France, personne n'a jamais craint l'avènement d'une cinquième colonne,
36:42d'autant que les enfants ne savent pas d'où ils viennent.
36:46Gisèle Niango, elle, a été adoptée par une famille norvégienne
36:49ancienne à son arrivée d'Allemagne.
36:52Choyée par une mère aimante, elle grandit sans jamais se douter d'où elle vient.
36:59Mais en 1954, dix ans après la guerre,
37:02elle découvre par hasard le nom qu'elle portait à la naissance.
37:08Je me suis sentie différente vers l'âge de 8-10 ans,
37:11où les enfants m'ont lancé à la figure,
37:14mais toi, tu es une enfant adoptée.
37:17Là, j'ai eu une douche difficile.
37:24J'ai demandé à mes parents, est-ce que j'ai été adoptée ?
37:27Oui, tu as été adoptée, voilà ton dossier.
37:30Je me rappelle, mon nom était noté.
37:34Mais je ne me suis plus du tout occupée.
37:37Après, le dossier était rangé dans un placard.
37:40J'allais voir de temps en temps pour me rappeler de mon nom,
37:43pour savoir un peu quelque chose.
37:46Mais j'ai tout enfui.
37:49Heureuse dans sa famille, Gisèle Nyango va taire pendant toute sa vie
37:53cette adoption qu'elle vit comme une tare.
37:57D'autres enfants n'ont pas pu enfouir le passé.
38:00Il était trop présent.
38:05Installée dans la région d'Avignon depuis son retour d'Allemagne,
38:08Erwin Grinski a vécu toute sa vie avec sa mère dans cet appartement.
38:12Une mère qu'il a appelée Hervé pendant 60 ans,
38:14de peur que sa naissance au Lebensborn soit démasquée.
38:18Une naissance qu'elle a toujours vécue comme une honte.
38:22J'avais 16 ans à l'époque.
38:25Là, je me rappelle parce qu'il fallait que je fasse ma carte d'identité.
38:30Et ma mère avait un petit coffre en fer, là,
38:33qu'elle mettait tous ses papiers.
38:36Et elle sort un document.
38:39C'était marqué Erwin Constantin Schmidt.
38:41Alors là, il commençait à me poser vraiment des questions.
38:44Il dit, alors, comment je m'appelle ?
38:47Je m'appelle Grinski ou je m'appelle Schmidt ?
38:50Ma mère, elle me dit, comment ça ?
38:53Elle me dit, écoute, personne ne doit le savoir.
38:56C'est un secret et personne ne doit le savoir.
38:59Et elle l'a déchiré et elle l'a mis au feu.
39:02Carrément, ce document.
39:05Et c'est la seule fois que j'ai vu le nom de Schmidt
39:07sur un extrait du baptême.
39:10Schmidt, c'est le nom de son père,
39:13ce soldat allemand qui avait permis à sa mère
39:16d'accoucher au Lebensborn en 1944.
39:19Et petit à petit, de temps en temps,
39:22elle me lâchait une bribe.
39:25Ton père était ici, ton père était là.
39:28Mais en fait, ce sang...
39:31Et puis quand j'essayais d'approfondir un petit peu,
39:34elle ne trouvait pas mieux que de... Hop !
39:37De changer de sujet,
39:40de partir sur autre chose.
39:43Mais elle m'a toujours appelé Hervé,
39:46elle ne m'a jamais appelé Erwin.
39:49Chacun des enfants du Lebensborn
39:52a eu sa propre destinée après-guerre.
39:55Tous ont un point commun.
39:58Ils ont vécu pendant des décennies dans le déni,
40:01dans le secret.
40:04Walter Bosser fait figure d'exception.
40:07C'est à son dossier de l'assistance publique.
40:11Sa quête a débuté le jour
40:14où il a rencontré sa future épouse.
40:17Il voulait absolument savoir qui il était.
40:20C'est ainsi qu'il a retrouvé la trace de sa mère,
40:23toujours en vie à l'époque.
40:26Installée en Belgique, elle y avait refait sa vie après la guerre.
40:29Vous aviez quel âge à l'époque ?
40:32Quand j'ai retrouvé ma maman,
40:34c'était la première fois.
40:37J'avais 54 ans.
40:40Et ça vous a fait quoi à ce moment-là ?
40:48Comment je dirais ça ?
40:51Je vais peut-être être méchant.
40:55Au départ, quand j'ai fait mes recherches,
40:58je ne comprenais pas qu'une maman ou un papa
41:01ne puisse pas retrouver son enfant.
41:05Je l'ai condamné.
41:09Un jour, si je les retrouve,
41:12je leur dirai pourquoi on ne l'avait pas cherché.
41:16Mais ça ne se termine jamais comme ça.
41:19Ça a été une joie et une déception.
41:22Une déception parce que j'ai retrouvé une vieille femme.
41:26Je ne voyais plus son visage.
41:29Je ne me rappelais pas de son visage.
41:31Après des années d'errance,
41:34Walter apprend qu'il vient du Lebensborn belge
41:37de Végimont.
41:40Une question le taraude.
41:43Était-il un enfant désiré ou créé pour le Reich ?
41:47À force de discuter,
41:50elle m'expliquait.
41:53Elle était jeune à l'époque.
41:56Elle avait 18 ans.
41:58Elle travaillait là comme aide-cuisinière.
42:01Elle était même pas cuisinière, mais aide-cuisinière.
42:04Elle préparait des blés-brons.
42:07Elle me dit que je t'avais.
42:10Il fallait bien que quelqu'un te garde.
42:13Donc il fallait qu'elle m'emmène.
42:16Elle me mettait avec les ours qui étaient là.
42:19Ils étaient tolérés à mettre les enfants en garde
42:22avec le service qui était là.
42:25D'après la mère de Walter,
42:28c'est l'histoire du Lebensborn.
42:31Une explication qui ne répond pas
42:34à toutes les questions qu'il se pose.
42:37J'ai mon papa là-dedans.
42:40C'est là qu'elle m'avait tendu une photo.
42:43J'ai pas été trop doué pour la faire,
42:46mais bon, c'est comme ça.
42:49J'étais dans les bras de mon papa.
42:52Il était accroupi et il mettait les jambes par terre
42:55pour essayer de me faire tenir.
42:58De son père et lui,
43:01il n'a que cette photo effacée par le temps.
43:04Celle d'un soldat allemand avec un enfant.
43:07Il n'en saura pas plus.
43:10Son père est décédé avant qu'il puisse le retrouver.
43:13Il est mort en 1986.
43:16Si l'autorité française m'avait donné l'étui
43:20ou si on m'avait aidé à 21 ans comme j'ai fait,
43:23j'aurais connu mon papa.
43:25L'administration bête et méchante des hommes,
43:28j'ai passé à côté.
43:33Les réponses qu'ils cherchent depuis leur enfance,
43:36les enfants des maternités nazies auront dû attendre 2008
43:39pour les obtenir.
43:42C'est à cette date que les archives de la Croix-Rouge
43:45sont devenues accessibles.
43:4860 ans après la guerre, le temps d'une vie.
43:51Erwin a enfin eu les réponses que sa mère a toujours refusé de lui donner.
43:54Il était bien né dans le Lebensborn français de la Morlaix.
43:58La seule chose que je peux dire,
44:01c'est que ça m'a mis une sacrée machine en route, tout ça.
44:07Pour repasser 65 ans de ma vie comme ça,
44:13et le fait que je suis peut-être comme ça,
44:16que je suis un peu renfermé,
44:19mais tout ça, ça m'a travaillé quand même.
44:21Au moins, j'ai pu vivre tant de temps
44:24dans cette ignorance-là.
44:28Gisèle Niangot a vécu dans cette ignorance
44:31pendant plus de 60 ans, elle aussi.
44:34À la mort de sa mère adoptive,
44:37c'est son mari qui l'a poussée à chercher ses origines.
44:40Elle, qui n'avait qu'un nom de famille comme indice,
44:43découvre son lieu de naissance.
44:46Elle le révèle à ses enfants.
44:49C'était très difficile d'en parler.
44:52C'est très, très difficile, même encore maintenant.
44:55Pourquoi ? Je ne sais pas.
44:58On n'est pas responsable.
45:01On est vraiment des victimes.
45:04On a tellement montré ces enfants-là du doigt
45:07dans les livres d'histoire, on en parle très peu,
45:10mais c'est les enfants de la honte.
45:13Jamais vous n'avez pensé
45:15que vous pouviez faire partie de ce projet.
45:18C'est vraiment très difficile.
45:21Elle découvre dans la foulée
45:24qu'elle a un frère installé en Belgique.
45:27C'est grâce à lui qu'elle retrace l'histoire
45:30de ses parents biologiques.
45:33J'ai des contacts avec mon petit frère,
45:36qui sont vraiment très, très gentils
45:39de m'avoir accueilli comme ça, extraordinaire,
45:42qui m'a parlé de notre maman entre guillemets biologique.
45:45C'est vrai, c'est comme ça.
45:48Il y a eu une photo dans l'album
45:51de photos de sa maman.
45:54C'était un militaire allemand.
45:57Mais c'est tout.
46:00On n'a pas de nom, on n'a rien. Rien.
46:03Rien.
46:06Ça, ça vous travaille encore aujourd'hui ?
46:09Non, non, non.
46:12Maintenant, je commence à...
46:15à digérer, entre guillemets,
46:18à accepter ma naissance.
46:21J'arrive à me dire
46:24que je suis victime de l'histoire.
46:27Un demi-siècle après la guerre,
46:30les enfants devenus adultes
46:33se retrouvent avec plus d'interrogations
46:36que de réponses.
46:39Non sans douleur, sans rancœur parfois.
46:42Et qui était vraiment leur père ?
46:45Ceux sans qui leur histoire
46:48aurait été différente.
46:51Était-il simple soldat
46:54ou faisait-il partie des tueurs de la SS ?
47:00Ma mère m'avait expliqué
47:03que mon père était porté disparu.
47:09Après la guerre,
47:12cela signifiait pratiquement qu'il était mort
47:15sans être posé de question.
47:21Je dois avouer que mon père
47:24ne m'intéressait pas du tout.
47:27Mais six mois après la mort de ma mère,
47:30mon père s'est manifesté auprès de moi.
47:33On aurait dit un mauvais film,
47:36mais c'était la réalité.
47:39Mon père venait d'avoir 80 ans.
47:42Il cherchait visiblement
47:45quelqu'un pour s'occuper de lui.
47:50Et il s'est rappelé qu'il avait une fille.
47:57Elga Karao découvre un père SS de haut rang
48:00qui connaissait parfaitement le but du Lebensborn
48:03et qui savait ce qui devait advenir
48:06de sa fille à la sortie des Pouponnières.
48:11J'aime mes parents.
48:13Et j'ai toujours refusé
48:16de les mettre sur le banc des accusés.
48:20C'est le poids avec lequel je vis, oui.
48:23Encore aujourd'hui, c'est difficile.
48:30Mais c'est l'héritage du national-socialisme
48:33que les enfants comme moi
48:36doivent porter pour toujours.
48:38Pourquoi nous devons-nous battre ?
49:08Les dirigeants du Lebensborn.
49:11Le colonel Max Solmann, directeur du programme.
49:15À ses côtés, Inge Wirmetz, son assistante.
49:20Grégoire Ebner, le responsable médical de l'organisation.
49:26Tous sont relaxés des accusations de crimes de guerre,
49:29de crimes contre l'humanité.
49:32Seule leur appartenance à la SS leur est reprochée.
49:35La mère de Gisela Heidenreich
49:38a été incarcérée à Nuremberg.
49:41Elle était l'une des témoins clés de ce procès.
49:45Personne, à l'époque, n'a réussi à prouver leurs crimes.
49:50Et pourtant, c'était une organisation criminelle.
49:53Ils ont commis des crimes.
49:57Mais ma mère, je l'ai toujours entendue dire
50:00« Je n'ai fait que des bonnes choses.
50:03On n'a fait qu'aider des enfants orphelins
50:05et des gens qui ne pouvaient pas avoir d'enfants.
50:09Et si c'était à refaire, je le referais aujourd'hui. »
50:16C'est une phrase que j'ai toujours entendue de sa part.
50:19Elle disait aussi « Est-ce que tu crois vraiment
50:22que nous aurions tous été acquittés à Nuremberg
50:25et que les Américains auraient dit
50:28que nous étions un modèle d'institution sociale,
50:31si ce n'était pas le cas ? »
50:33Elle n'arrêtait pas de le dire.
50:36Même les Américains ont dit que le Lebensborn était un modèle.
50:45Sans coupable aux yeux de l'histoire,
50:48les 22 000 enfants du Lebensborn sont tombés dans l'oubli.
50:51Ne reste que la honte qui pousse la plupart d'entre eux
50:54à taire leur passé, même 70 ans plus tard.
50:58Une chose les relie tous, leurs démons intérieurs.
51:03Des questions auxquelles ils n'auront jamais de réponse.
51:06C'est avec cette douleur que ces milliers d'enfants doivent vivre,
51:09aujourd'hui encore.
51:33Abonnez vous ...
51:40Ma seconde chaîne ...
51:47Voir une autre vidéo ...

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