• il y a 2 mois
Omar, un jeune Iranien de 28 ans, a fui son pays au mépris de nombreux dangers sur la route. Dans une modeste embarcation d'une poignée de personnes, Omar se perdit dans l'océan Indien pendant plus de 40h, avant que son navire de fortune ne commence à couler, prêt des côtes australiennes.
Mais ceci n'est que le début d'un cauchemar pour ce jeune immigré.

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00:00C'est un bateau pourri à la dérive, comme on en a des centaines en Méditerranée.
00:08Mais celui-ci est perdu dans l'océan Indien, au large de l'Australie.
00:30À bord, des Afghans, des Syriens, des Sri Lankais et Omar, un Iranien de 28 ans.
00:40Omar n'est pas qu'un personnage de BD, cette voix est bien celle d'un homme qui a fui son
00:46pays au mépris de la mort.
00:47Récupéré par les Australiens, il se croyait enfin tiré d'affaires.
01:18Pourtant, il n'était pas au bout de ses peines.
01:38Depuis 2012, en Australie, droite ou gauche, c'est la politique qui les a tous mis d'accord.
01:47Humanité, décence, compassion, ça c'est pour le discours officiel.
01:53La réalité, c'est que les migrants clandestins, c'est la patate chaude.
01:57Et on va vous raconter comment l'un des pays les plus riches de la planète l'a refilé
02:02à des Etats misérables pour quelques millions de dollars, sans oublier au passage de violer
02:09les conventions internationales et les droits de l'homme.
02:25La solution australienne est simple, si tu es arrêté sur un bateau et sans visa, tu
02:29as deux choix.
02:30Le premier, rentrer dans ton pays, mais bon, quand tu as traversé la planète pour fuir
02:34la guerre, la dictature et la misère, tu choisis plutôt le deuxième, être transféré
02:39dans un centre sur une petite île du Pacifique où l'Australie te promet qu'elle va étudier
02:43ta demande d'asile.
02:44Ta nouvelle vie va alors commencer à des milliers de kilomètres des côtes australiennes,
02:50soit sur Nauru, soit sur Manus, en Papouasie-Nouvelle-Guinée.
03:09Nous, on a choisi la Papouasie, mais avant de s'envoler pour Manus, on avait quelqu'un
03:13à voir à Sydney, dans cette petite maison de banlieue.
03:16On y a rencontré Nicole, une étudiante ordinaire, entre petits boulots faits du samedi soir
03:23et rêves de voyage.
03:24Manus, elle connaît bien.
03:26Début 2013, Nicole voit une petite annonce sur Facebook.
03:30L'armée du salut propose un job sur une île de Papouasie.
03:33En un coup de fil, l'affaire est conclue.
03:36Dans quatre jours, elle sera dans le Pacifique, à 4000 kilomètres de Sydney.
04:06Ah, la beauté sauvage de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, sa jungle, ses coraux.
04:36Et l'exotisme de ses traditions millénaires.
04:51Une destination méconnue au nord de l'Australie est située juste sous l'équateur.
05:06Bon, il fait chaud, mais il y a tout de même ce panneau qui vous souhaite la bienvenue
05:14au paradis.
05:15Et puis la mer, les pêcheurs et les cocotiers.
05:16Mais le camp des réfugiés, l'endroit où va travailler Nicole, lui, ne figure pas sur
05:22la carte postale.
05:35Ce que nous avons découvert à Manus est effectivement à quelques années-lumière
06:05d'un club med.
06:06On a d'abord essayé d'y aller en bateau.
06:08C'est Jack, un habitant de ville, qui nous emmène.
06:11Il nous faut cacher son visage.
06:13Ce qu'il fait, s'approcher du camp pour nous le montrer, c'est interdit.
06:35Manus, ne soyez pas surpris de n'en avoir jamais entendu parler.
07:05Pas une image officielle n'est sortie de ce camp, strictement interdit aux étrangers,
07:09en particulier à ces fouineurs de journalistes.
07:11Grâce à Jack, on a réussi à s'en approcher.
07:14Mais avant de vous montrer à quoi ça ressemble, petite pause pour vous expliquer pourquoi
07:18et comment un millier d'hommes ont atterri ici.
07:21Mesdames et messieurs, découvrez avec nous la politique de l'Australie contre l'immigration
07:29et contre la clandestine, la solution pacifique.
07:32Grand 1, repousser les bateaux.
07:37L'Australie a mis le paquet sur son espace maritime.
07:40Navires de guerre, surveillance radar et satellites.
07:42Depuis 4 ans, tout bateau qui s'approche est repoussé par la force, en général refourguée
07:47aux Indonésiens.
07:48Là, on frise l'illégalité puisque l'Australie a signé un tas de conventions qui l'obligent
07:52à porter secours en naufragé.
07:55Grand 2, sous-traiter les clandestins.
07:59C'est la grande innovation.
08:00Ceux qui sont trop près des côtes pour être repoussés sont envoyés illico à l'étranger.
08:04Pour les familles, les femmes et les enfants, Nauru, un micro-état perdu dans le Pacifique.
08:11Et pour les hommes seuls, Manus, en Papouasie-Nouvelle-Guinée.
08:16Manus, une autre île paumée à 900 km de la capitale.
08:20Le camp est construit tout au bout de l'île, sous haute protection puisqu'il est voisin
08:25d'une base navale qui sert aux forces armées papouaises australiennes.
08:28Officiellement, une zone d'attente et bientôt une voie sans issue.
08:33C'est là que nous sommes, passagers clandestins nous aussi, dans le coffre de la cabinette
08:39de Jack.
08:40Les locaux peuvent longer le camp par la route sans trop attirer l'attention des dizaines
08:46de vigiles.
08:47Et voici la zone de détention, derrière ces grilles de 3 mètres de haut, les préfabriqués
09:16où les réfugiés attendent le traitement de leurs dossiers.
09:19Nous ne pouvons pas rentrer, ils ne peuvent pas sortir, il s'agit bien d'une prison.
09:25Et enfin, leur silhouette, des ombres cachées du monde, à des milliers de kilomètres de
09:35l'Australie qu'ils rêvaient d'atteindre.
09:36Comment raconter l'histoire de ces hommes exilés de force sur cette île ? Comment
09:43entrer en contact avec eux ? Ça nous a pris des mois.
09:46D'abord, il a fallu faire entrer un téléphone à l'insu des gardes.
09:50C'est comme ça qu'on a pu contacter Omar, l'Iranien du bateau.
09:54Vous vous souvenez ?
09:55Omar est un opposant qui a fui son pays il y a trois ans.
10:00Pour sa sécurité dans le camp, nous avons maquillé sa voix.
10:03Mais malgré les risques, il a tenu à nous raconter son histoire.
10:06Depuis sa prison, il nous a décrit sa vie derrière les barbelés, ses mots ont donné
10:26vie à ses dessins.
10:27Voici le camp de Manus tel qu'il n'a jamais pu être montré.
10:33Le premier jour que je suis arrivé à Manus, tous les gens étaient choqués.
10:38Ils ne s'y attendaient pas.
10:44Nous n'avons jamais cru qu'un jour nous serions traités de cette manière.
10:50Par exemple, ils ont changé mon nom personnel en alphabet et en numéros.
10:58Et ils nous appellent des criminels.
11:03Il y avait des asylumés qui ne savaient pas combien d'années ils seraient là et pourquoi ils étaient là.
11:07Et c'était la cause de tant de problèmes, il n'y avait pas de réponse pour ces gens.
11:12Cela a mené à beaucoup de distress et d'angoisse mentale, comme la dépression, le malheur.
11:18Le lieu a fait que les gens souffrent mentalement.
11:20Le médical n'était pas adéquat, la hygiène était pauvre, le traitement par le personnel n'était pas adéquat.
11:40Personnellement, je n'étais pas entraîné à gérer les gens dans ce genre de distress.
11:46Juillet 2013, Omar est enfermé ici depuis huit mois.
11:50Il tient bon, s'accroche encore à son rêve d'asile en Australie.
11:55Mais autour de lui, les hommes de Manus commencent à tomber.
12:20Les hommes de Manus ont été persécutés.
12:22Parfois, quand je parle à des gens, ils me demandent pourquoi je devais survivre, pourquoi je devais vivre.
12:37Si vous êtes actuellement à Papua-New Guinea ou au Nauru, vous ne serez pas transféré à l'Australie.
12:43Vous resterez là jusqu'à ce que vous choisissiez d'y retourner ou vous resteriez dans un autre endroit que l'Australie.
12:56Ce soir d'été 2013, pour Omar et tous les hommes du camp, c'est l'Australie qui s'envole pour toujours.
13:03Manus, un trou noir pour les réfugiés dont la seule issue est désormais la Papouasie-Nouvelle-Guinée.
13:12L'Australie va au bout de sa logique de sous-traitance.
13:15D'abord, l'accueil temporaire derrière les barreaux et puis finalement, l'asile sur place.
13:21Pour faire passer la pilule au papou, il a quand même fallu sortir le carnet de chèques.
13:25Les frais liés au camp sont payés par l'Australie.
13:28300 millions de dollars par an, on y reviendra.
13:31Mais Canberra offre une jolie rallonge, 400 millions de dollars d'aide au développement.
13:35Faites la division, ça fait 700 000 dollars par an pour se débarrasser d'un réfugié.
13:42Cet argent, Manus envoie un peu la couleur.
13:45Un nouveau marché, quelques travaux sur les routes et des emplois créés.
13:50Mais pas assez pour rassurer cette toute petite communauté.
13:59L'Orengo, c'est la ville la plus proche du camp et la plus grosse de l'île avec seulement 6 000 habitants.
14:05Une bourgade pas vraiment équipée pour le débarquement potentiel de 1 000 nouveaux concitoyens.
14:29Régulièrement, le prêtre appelle ces ouailles à ouvrir grand leur cœur.
14:33Mais ces messages d'amour ont de plus en plus de mal à passer.
14:59Entre fantasmes et inquiétudes légitimes.
15:04Sous le soleil de Manus, il y a une dure réalité, celle de la papouasie.
15:08Cette ancienne colonisation de Canberra a fait l'objet d'un grand débat.
15:12Les Canadiens se sont rendus compte qu'il n'y avait pas d'argent.
15:16Les Canadiens se sont rendus compte qu'il n'y avait pas d'argent.
15:19Les Canadiens se sont rendus compte qu'il n'y avait pas d'argent.
15:22Les Canadiens se sont rendus compte qu'il n'y avait pas d'argent.
15:26Cette ancienne colonie australienne est l'une des nations les plus misérables de la planète.
15:32Sur l'indice de développement humain qui mêle santé, économie et éducation, le pays est 157e sur 187.
15:39Ah oui, et pour info, l'Australie est deuxième.
15:43D'ailleurs, sur le site du gouvernement australien, ils n'y vont pas par quatre chemins.
15:48Vous voulez voyager en Papouasie-Nouvelle-Guinée ?
15:50Soyez très prudent, ou même, pensez-y à deux fois.
15:54Forte criminalité, choléra, dysenterie, malaria ou encore un important taux de sida.
16:03Bon, peut-être qu'ils noircissent un peu le tableau, les Australiens, mais vous saisissez l'ironie de l'histoire ?
16:08L'Australie prétend donc offrir un avenir aux demandeurs d'asile en les envoyant habiter dans un pays où ils n'iraient même pas en vacances.
16:16Les hommes du camp de Manoux, ceux, n'ont pas tardé à comprendre la supercherie.
16:26Manifestations, grèves de la faim, la tension derrière les grilles monte d'un cran.
16:34Comment témoignent ces images filmées discrètement par un membre du staff lors d'une réunion entre les détenus et l'immigration papoue ?
16:46Ils n'ont pas le droit de nous protéger avec la force de ce pays.
16:50C'est un pays de crime. Vous ne pouvez pas protéger votre population.
16:55Si le crime se produit dans les forêts papoues, c'est la capitale.
17:00Vous ne pouvez pas le protéger, vous ne pouvez pas protéger ces manifestants.
17:07Entre réfugiés et papous, le mariage forcé n'a pas pris.
17:11Le 17 février 2014, Manoux va s'embraser.
17:27A quelques kilomètres du camp, les habitants ne se doutent pas de la révolte qui couve.
17:32Pour eux, c'est l'affaire des Australiens ou plutôt d'une compagnie privée australienne.
17:37Car dans un coin aussi isolé, qui peut installer et organiser au quotidien une prison pour 1000 personnes ?
17:43La réponse est placardée sur les dizaines de bus qui transportent le personnel entre la ville et le camp.
17:50Transfield Services.
17:53Une entreprise australienne qui enlève à son gouvernement une sacrée épine du pied en s'occupant de tout.
18:00Transfield, c'est un géant pour qui l'immigration est un business parmi tant d'autres.
18:07C'est une entreprise de maintenance et de construction.
18:11Elle gère la défense, l'immigration, les télécommunications, l'huile et le gaz, la mine et les transports publics.
18:18Et gérer un camp de rétention de A à Z, vous sauriez faire ?
18:21En fait, il n'y a pas grand-chose que nous ne faisons pas.
18:27Transfield a décroché un contrat en or avec l'état australien.
18:31Un milliard de dollars pour gérer Noroo et Manoux pendant 20 mois.
18:36Le service multinational touche plus de 700 dollars par jour et par réfugié.
18:40Mais le seul service 5 étoiles à Manoux, c'est la sécurité.
18:44600 gardes, plus d'un pour deux détenus.
18:47On les croise partout, mais leur contrat de travail leur interdit de donner la moindre information sur le camp.
18:53On a quand même réussi à interroger cet ancien responsable papou.
19:07J'ai l'impression que nous avons été dénoncés.
19:13Pour moi, comme être humain, j'ai vu qu'ils étaient vraiment maltraités.
19:19Nous, les Manouchiens, nous ne détestons pas les gens.
19:24Mais quand on voit ça, on s'en doute pour eux.
19:28Mais qu'est-ce qu'on peut faire ? Nous n'avons rien à faire.
19:31Nous n'avons pas le pouvoir ni l'autorité pour dire non.
19:36Laissez-les partir de cette direction.
19:44Je vois que, à cause de leur plus longue durée au centre,
19:51ils ont eu plus de frustrations.
19:55Et leur colère, à défaut de pouvoir en faire profiter l'Australie,
20:00ils la tournent vers le pays où ils sont emprisonnés et ses habitants,
20:04bien qu'il n'y soit pas pour grand-chose.
20:25Ce soir-là, après une nouvelle mutinerie, le calme semble revenu.
20:31Mais dans la nuit, les habitants de l'île se mêlent aux gardiens
20:35et l'inévitable ne sera pas évité.
20:55J'étais juste effrayé et j'ai été tiré d'ici.
20:58Les habitants de l'île se sont éloignés avant qu'ils n'échappent.
21:02Personne ne s'est touché.
21:24Le jour où les habitants de l'île se sont éloignés.
21:42J'ai eu un très gros coup de pied.
21:54Pour Omar, c'est un passage à tabac en règle.
22:12Il finira par se relever.
22:15Mais ce soir-là, un homme, Reza Barati, un Iranien de 23 ans, reste à terre.
22:24Il ne peut pas s'arrêter.
22:29Aujourd'hui, l'UNCR est très inquiète
22:32sur les récentes développements sur l'île de Manous
22:35dans lesquelles un chercheur asylumé a récemment perdu sa vie
22:38et plusieurs autres ont été reportés blessés.
22:55Conditions de vie indignes, détentions arbitraires,
22:59*** droits humains, tortures psychologiques
23:02et même agressions sexuelles.
23:05Nous nous sommes procurés le rapport de la police Papou
23:08sur la mort de Reza Barati.
23:11Un réfugié, témoin de la scène, explique que Reza était à la porte
23:14du local Internet quand des guerres l'ont encerclé,
23:17frappé violemment avec des bâtons, puis à main nue.
23:20Le rapport d'autopsie indique que le coup de grâce
23:23lui a été donné avec une pierre au visage.
23:26La conclusion est sans appel.
23:29Homicide volontaire.
23:38Le vent tourne.
23:41Le gouvernement australien, apprenti sorcier de la politique migratoire,
23:44a désormais la mort d'un homme sur la conscience.
23:47Le jour du meurtre, Nicole travaillait dans l'autre camp,
23:50un orou.
23:53Mais pour elle, c'est un électrochoc.
23:56L'étudiante démissionne, décide de prendre les armes, démocratique.
23:59Et elle se rend compte qu'elle n'est pas seule.
24:02Elle témoigne, encourage les autres à parler.
24:05La société australienne découvre alors le sort réservé à ceux
24:08sur qui elle ferme ses portes.
24:17Les réfugiés sont bienvenus !
24:20Libérez les réfugiés !
24:23Libérez les réfugiés !
24:26C'est de l'asile de Manus.
24:29Bonsoir mesdames et messieurs.
24:32Au nom de tous les asileurs de Manus,
24:35nous voulons vous saluer.
24:38Nous apprécions que vous ayez pris le temps
24:41de nous soutenir dans notre lutte pour la liberté.
24:44Nous avons demandé la protection de l'Australie.
24:47Mais au lieu de protéger, ils nous ont emprisonnés
24:50dans une île similaire à Guantanamo.
24:53Je suis très contente que les gens viennent protester.
24:56Je pense qu'ils se battent pour ce qu'ils croient,
24:59qu'ils s'intéressent généralement à d'autres.
25:02Je pense que c'est ce que l'Australie est en train de faire,
25:05à la fin du jour.
25:08Ce que veut dire Nicole, c'est qu'elle trouve
25:11que son pays a la mémoire un peu courte.
25:28Effectivement, il y a un peu plus de 200 ans,
25:31quand les Anglais décident de planter leur drapeau en Australie,
25:34les candidats au voyage ne se bousculent pas.
25:37L'Empire a alors une idée de génie,
25:40pour envoyer ceux qui n'ont pas le choix,
25:43ces détenus et ces sujets les plus misérables,
25:46pour tenter l'aventure.
25:49Des condamnés, des affamés qui arrivent en bateau,
25:52ça vous dit quelque chose ?
25:55Sans eux, l'Australie ne serait jamais devenue
25:58cette grande nation prospère,
26:01aujourd'hui référence mondiale du rugby,
26:04du cricket et du barbecue.
26:07C'est une date importante de l'histoire australienne
26:10assez peu connue.
26:131901, c'est le moment où le pays s'unit
26:16sous le même drapeau.
26:19Le tout jeune Parlement s'empresse alors de voter une loi.
26:22Un dispositif migratoire qui bannit
26:25tous ceux qui n'ont pas la bonne couleur de peau.
26:28C'est la politique de l'Australie blanche.
26:31Les chrétiens venus d'Europe sont les bienvenus,
26:34tous les autres sont interdits de territoire
26:37et parfois même expulsés.
26:40Et ça va durer jusqu'en 1973.
26:43Pour ce professeur, l'influence de l'Australie blanche
26:46est aujourd'hui toujours palpable,
26:49y compris dans la politique actuelle
26:52contre les migrants clandestins.
27:05L'Australie blanche, pour rencontrer
27:08l'une de ses plus grandes collectivités,
27:11est une des plus grandes collectivités
27:14de l'Europe.
27:17Elle est la plus grande collectivité
27:20de l'Europe.
27:23Elle est la plus grande collectivité
27:26de l'Europe.
27:29Elle est la plus grande collectivité
27:33Pour rencontrer l'une de ses plus grandes nostalgiques,
27:35nous sommes allés prendre l'air dans un coin
27:38où on ne voit pas souvent d'étrangers.
27:41Sur les terres de Pauline Edson,
27:44une petite fille d'immigré anglais profondément
27:47amoureuse de son pays.
28:02Pauline, c'est l'Australie qui a réussi, tout en gardant le goût des choses simples.
28:07Et une femme de caractère, très fière de ses origines modestes.
28:32Pauline, aujourd'hui, c'est une célébrité.
29:02Madame Hanson a une doctrine à son nom.
29:10C'est la fondatrice du parti One Nation, l'héritier moderne des valeurs de l'Australie blanche.
29:16Avec toujours la même idée, l'identité australienne est en danger.
29:23Une recette simple qui marche partout dans le monde et à l'épreuve du temps.
29:32Bon, ça, c'était il y a 20 ans, contre l'invasion imminente des Asiatiques.
29:44Mais aujourd'hui, c'est quoi le problème, Pauline ?
29:57On plaisante, sauf que cette fois, ça devient sérieux.
30:02One Nation flirte avec les 10 % dans les sondages.
30:05Sa dernière démonstration de force, une manifestation baptisée Récupérons l'Australie.
30:12À Brisbane, Sydney, Melbourne, Adelaide, dans toutes les grandes villes du pays,
30:16des centaines d'Australiens affichent ouvertement la couleur.
30:19Les musulmans sont des intrus, des indésirables.
30:32Mais cela fait un moment que la droite traditionnelle australienne a décidé
30:43de ne pas se laisser doubler dans le virage en faisant du pied aux électeurs anti-immigrés.
30:49Vous vous souvenez du discours sur les Asiatiques il y a 20 ans ?
30:52Voici la suite.
31:03Cinq ans plus tard, voici le discours qui a fait gagner les libéraux aux élections nationales.
31:14Un discours calqué presque mot pour mot.
31:17Au fait, juste après son élection en 2001, c'est ce même John Howard
31:21qui a inventé la solution pacifique et les camps de détention offshore.
31:27C'est un grand classique dans les urnes.
31:29La peur de l'immigration, sa rapporte.
31:32La vraie préoccupation est en fait avec les élections.
31:35Il y a une proportion de l'électorat d'environ 10 % qui sont obsédés
31:41par les arrivées de bateaux et les réfugiés.
31:44Et ces 10 points de proportion de l'électorat peuvent faire la différence
31:47entre gagner et perdre une élection.
31:51Une obsession australienne, des petits malins en ont même fait un jeu.
31:54Totalement addictif, encore pire que Candy Crush.
31:57Il y a plein de bateaux qui veulent débarquer leurs clandestins en Australie.
32:00Et à chaque fois que le Premier ministre en arrête un, hop, un point dans les sondages.
32:05Le truc, c'est finalement de marcher sur les plates-bandes de Pauline Hanson.
32:09Vas-y, fais gaffe, elle arrive là.
32:10Tout en évitant de lui donner du crédit.
32:12Oh, t'es nul.
32:14Parce que le risque, c'est quand même qu'elle finisse par prendre beaucoup de place.
32:19Mais professeur, cette politique, on croyait que c'était pour sauver des vies.
32:30Pendant ce temps, sous le soleil, les Australiens insouciants profitent de la douceur de vivre de leur merveilleux pays.
32:47Sont-ils moins éduqués, moins altruistes, moins compétissants que nous?
32:53Il y a peu de chance.
32:56En revanche, ils sont moins bien informés sur le sort de leurs demandeurs d'asile.
33:01C'est Sarah Ferguson qui nous l'a expliqué, une journaliste star de la télé publique en Australie, dont la spécialité est la question qui tue.
33:23C'est aussi une dure à cuire de l'investigation.
33:26Une enquêtrice hors pair qui travaille depuis longtemps sur la politique si particulière de son pays en matière d'immigration.
33:47Malgré sa ténacité, Sarah se heurte depuis des années à une communication maîtrisée jusqu'au bout des ongles.
33:55Ce n'est plus de la stratégie de comm', c'est un tour de magie.
34:14Techniquement, la politique migratoire relève aujourd'hui du secret défense.
34:25Contrairement à nous, et malgré nos demandes répétées, Sarah a quand même eu la chance d'interviewer le ministre de l'Immigration et lui demander des comptes sur la mort de Reza Barati, l'Iranien assassiné à Manous.
34:55Derrière la langue de bois, le gouvernement décline toute responsabilité, le train est en marche, pas question de l'arrêter, quel que soit le coût humain.
35:25Le résultat est que les gens qui n'ont rien fait que chercher l'asile, malheureusement ou non, qu'ils aient un bon cas ou un mauvais cas, qu'ils n'ont pas brisé la loi, et qu'ils sont en position de souffrir du mal psychologique.
35:37Nous le savons, et nous le faisons toujours.
35:40Parfois, je pense que je rêve.
36:12Il y a des pays dans ce monde qui sont au-dessus de la loi, et l'Australie est l'un d'entre eux.
36:25Nous nous sentons comme des pays à cause de la dictature, mais nous sommes toujours en dictature.
36:43C'est la situation des chercheurs de l'asile, ils sont venus en Australie pour le PNJJ.
37:03Nous sommes en total 58 personnes qui ont battu le château de nous tous.
37:08Suite à la mort de Reza Barati, la situation n'a pas changé à Manus.
37:14Les grèves de la faim continuent, comme les tentatives de suicide.
37:28Pour ne pas être nourris de force, certains détenus vont même jusqu'à secoudre les lèvres.
37:38Vous rêvez sur la lune.
38:08d'où il ne pensait pas que pourrait jaillir enfin une lueur d'espoir.
38:19Car il n'y a pas qu'aux journalistes que le camp est interdit.
38:22Parfois enfermés depuis près de deux ans,
38:25les demandeurs d'asile n'ont jamais eu accès à un avocat.
38:29Ben Lomai est l'un des rares à s'être intéressé à leur cas.
38:38La demande de représentation.
38:40Pour avoir un avocat ici, il faut signer ce papier.
38:42Mais pour le signer, il faut qu'un avocat rentre dans le camp.
38:45C'est le serpent qui se mord la queue.
38:47Pendant leur passage dans la prison de la ville,
38:49le juriste a enfin réussi à entrer en contact avec les réfugiés.
39:08Grâce à ce tour de passe-passe,
39:25l'avocat Papu devient leur représentant légal
39:27et va enfin pouvoir franchir la porte du camp.
39:30Deux ans pour en arriver là.
39:32C'est pourtant un droit accordé aux prisonniers dans le monde entier,
39:35même à Guantanamo.
39:38Dans sa tâche, financée par des ONG,
39:40il est épaulé par un avocat venu d'Australie.
40:07Et pour la défense des hommes de Manus,
40:31il pense avoir trouvé la brèche.
40:33Dans le jargon des avocats,
40:35on appelle ça sortir l'artillerie lourde.
40:51Car la Papouasie a beau être un pays pauvre,
40:53sa constitution écrite à l'indépendance en 1975
40:56est un modèle du genre.
40:58Précis et complet, surtout en matière de droit de l'homme.
41:02Ainsi, toute personne emprisonnée a le droit à un avocat de son choix.
41:07Sa détention ne peut dépasser deux mois sans procès.
41:11Dans le cas contraire, elle peut même prétendre à des compensations.
41:32Mais ce n'est pas gagné.
41:40Au milieu des dossiers, des kilos de papier, des cartouches
41:42et une imprimante qui va bientôt passer un sale moment.
41:46Maintenant qu'ils ont accès légalement au camp de Manus,
41:49on ne pourra plus les empêcher de rencontrer un à un
41:51les mille demandeurs d'asile.
41:54La bataille ne fait que commencer.
41:58Et elle va prendre des mois.
42:01De la patience et de l'obstination,
42:03il en faudra pour gripper la machine australienne anticlandestin.
42:08Pendant ce temps, pilotée depuis Canberra,
42:11elle a atteint son rythme de croisière.
42:28La politique de dissuasion massive fonctionne.
42:30L'Australie a réussi à effrayer les candidats au voyage.
42:34Plus une seule arrivée maritime illégale depuis juillet 2014.
42:39Reste un léger problème.
42:41Les 2000 réfugiés qui s'entassent toujours dans les camps de Manus
42:44et Nauru.
42:46Mais l'Australie n'est jamais à court de solutions.
42:51A Manus, c'est jour de marché.
42:53Nous y avons rencontré un client un peu plus curieux que les autres.
43:01Ça, c'est un lémurien, un casse-casse en langue papoue.
43:09Cet homme qui fait ses courses n'est pas un évadé du centre de détention.
43:13Il s'appelle Reza, lui aussi d'origine iranienne,
43:16comme le jeune homme assassiné dans le camp.
43:2415 mois derrière les grilles, et ce Reza-là n'en pouvait plus.
43:28Il a été le premier à demander l'asile à la Papouasie,
43:30à l'obtenir et du même coup à faire une croix sur l'Australie.
43:34Sans autre issue, Reza y met toute son énergie.
44:00Il apprend même la langue du pays.
44:04Ses cours sont payés par Transfield, vous vous souvenez ?
44:15La compagnie qui l'enfermait à Manus.
44:17Aujourd'hui, elle prend soin de lui.
44:20Logé, nourri, il a même un smartphone et 30 dollars par semaine.
44:25Deux ans de galère, et enfin les outils pour se construire un avenir.
44:30Reza s'est mis à chercher du boulot.
44:34Coup de chance, cet ingénieur en bâtiment a le bon profil.
44:38Dans ce pays en voie de développement, ça ne court pas les rues.
44:59Reza croit rêver.
45:13Il vient de décrocher le premier rendez-vous d'embauche de sa nouvelle vie
45:16à la capitale, Port-Moresby.
45:20Manus, d'un coup, reprend des airs de paradis sous les tropiques.
45:24A l'image de ce que vante le bulletin municipal.
45:27Le nouveau marché, les écoles rénovées.
45:30Manus, bientôt une destination de rêve pour les surfeurs.
45:33Ça redonne le sourire.
45:35Et bien sûr, tout ça, c'est grâce à l'Australie.
45:38L'argent investi s'affiche fièrement.
45:41Parmi les chiffres, une somme particulièrement impressionnante.
45:44146 millions pour le centre de transit, celui qui accueille Reza
45:48et les réfugiés qui ont opté pour l'asile en Papouasie.
45:58Ce camp tout neuf, ce bijou offert par l'Australie,
46:02on a aussi essayé d'aller le filmer.
46:06Et cette fois, on a dû passer deux heures au poste.
46:12Du coup, on a demandé à Reza, le locataire,
46:16de nous faire la visite guidée avec une petite caméra.
46:27On est allé de la détention jusqu'ici.
46:34Et ici, c'est notre salle de classe.
46:38Notre lit.
46:40Maintenant, on va à ma chambre.
46:48C'est vraiment très différent de notre détention.
46:56Ma chambre, c'est très propre.
47:02Chaque dimanche et lundi, on fait du barbecue ici.
47:26C'est des chats.
47:43Je pense que mon rapport est terminé ici.
47:56Vous ne comprenez pas.
47:59On a quitté nos familles, tout ce qu'on avait,
48:03et on a pris de nombreuses risques.
48:06Parce qu'on a un rêve,
48:09de commencer une nouvelle vie avec le futur.
48:15L'Australie nous blague,
48:19vivant dans ce pauvre pays violent.
48:23Pauvre pays sans possibilité
48:27pour rester dans ce camp de concentration.
48:33Mais l'asylée au PNG est comme une petite merde pour nous.
48:41On le sait.
48:54Et ceux qui ont cédé, qui ont obéi aux consignes,
48:57suivi pas à pas le plan de l'Australie.
49:01Reza nous a raconté la fin de son histoire.
49:04Vous savez, le rendez-vous d'embauche à la capitale porte-Moresby.
49:08Ça ne s'est pas terminé comme prévu.
49:24Il m'a écrit que je ne devais pas quitter Manus.
49:33Je me suis dit que j'étais libre.
49:36Ce certificat m'a dit que j'étais libre.
49:39Ce permis de travail,
49:42ça veut dire que je peux travailler et voyager.
49:47J'ai deux documents différents de l'émigration.
49:52L'émigration l'a signé.
49:54L'émigration l'a aussi signé.
49:57Entre ces deux papiers, la décision qu'il emporte,
50:00c'est l'interdiction de quitter Manus.
50:03L'histoire se répète.
50:05Si près du but, Reza est à nouveau dans l'impasse.
50:08Cette detention était une petite detention.
50:13Quand je voulais sortir de cette île,
50:17c'était une grande détention.
50:22Ce n'est pas différent entre ici et la détention.
50:29Ils m'ont toujours menti.
50:32Avant, oui, j'étais très optimiste.
50:37Mais maintenant, non.
50:42Je ne sais pas ce qui va se passer dans le futur.
50:45Vraiment, je ne sais pas.
51:15Dans l'avion, il était tout au fond.
51:18Sans doute originaire de Somalie ou d'Erythrée.
51:21Et il était bien entouré.
51:46Les gardes et l'infirmière qui l'escortent
51:49nous disent qu'il est évacué pour raisons psychiatriques.
52:15Encore une vérité pas belle à voir.
52:18Un rapport des services de santé australiens
52:21a publié des chiffres à peine croyables.
52:24En rouge, les demandeurs d'asile
52:27atteints de dépressions psychiques
52:30et de dépression psychologique.
52:33En rouge, les demandeurs d'asile
52:36atteints de dépression psychologique.
52:39En rouge, les demandeurs d'asile
52:42atteints de dépression extrême.
52:45Autrement dit, *** aux portes de la folie.
52:48Plus ils passent de temps dans les centres de détention,
52:51plus ils sont atteints.
52:54Au bout d'un an et demi,
52:57près d'un sur deux est en zone rouge.
53:04Dans l'avion, un autre homme quittait Manousse,
53:07lui aussi visiblement déprimé.
53:11On était placé juste à côté de lui.
53:14Cette fois, on a pu lui parler discrètement.
53:17Lingarajan est un Tamoul du Sri Lanka.
53:20Il a fini par craquer après 18 mois à Manousse.
53:23Mais ce n'est pas un évacué sanitaire.
53:26Lui a accepté de signer pour un retour définitif
53:29à la case départ.
53:40Je ne veux pas retourner au pays.
53:43J'ai un problème.
53:46J'ai une mère, une épouse,
53:49et un fils.
53:52J'ai besoin d'aide.
53:55J'ai besoin d'aide.
53:58J'ai besoin d'aide.
54:01J'ai besoin d'aide.
54:04J'ai besoin d'aide.
54:07J'ai besoin d'aide.
54:21Lingarajan nous permet de boucler la boucle
54:24et de retrouver le problème de leur résidentiel asile.
54:37On a décidé de le rejoindre chez lui, tout au nord du Sri Lanka,
54:40en plein territoire tamoul.
54:46Dans sa petite maison de bambou, il avait retrouvé les siens.
54:50Sa mère, sa femme, ses quatre enfants et surtout l'appétit.
54:55Le père, l'époux, le fils est de retour et pourtant, il y a comme un malaise.
55:10Pas d'effusion sentimentale ou de mine réjouie, l'ambiance est lourde.
55:14C'est sa mère qui nous explique pourquoi.
55:25Jafna ouvit sa famille, a été dévastée par 26 années de guerre civile.
55:55Lingarajan a combattu avec les tigres tamouls.
55:58Officiellement, le conflit est terminé depuis 2009.
56:01Les tamouls l'ont perdu.
56:04Mais six ans plus tard, la chasse aux rebelles continue.
56:07Lingarajan nous dit que la police le recherche pour le mettre en prison,
56:11dans le meilleur des cas.
56:14Profitez des siens autant que possible.
56:19Deux années ont passé, mais Lingarajan a retrouvé intacte la situation
56:23qu'il a poussée sur son bateau pour l'Australie.
56:26Sauf qu'aujourd'hui, en plus, il est malade et endetté.
56:32Il le sait, s'il veut vivre, s'il veut prêcher, il ne peut pas.
56:38C'est ce qu'il vit aujourd'hui.
56:40Il est malade et endetté.
56:44Il le sait, s'il veut vivre, s'il veut préserver sa famille,
56:48il lui faudra bientôt repartir.
57:08Dans le monde, ils n'ont jamais été aussi nombreux.
57:11Soixante millions de personnes comme Lingarajan
57:14cherchent à partir de chez elles coûte que coûte.
57:21La guerre, la famine, les catastrophes naturelles, c'est sûr,
57:25en pousseront d'autres à tenter leur chance.
57:28Mais ce n'est pas la seule solution.
57:31Il y a une autre.
57:33La famine, les catastrophes naturelles, c'est sûr,
57:36en pousseront d'autres à tenter leur chance.
57:40L'Australie, avec ses camps et sa politique,
57:43aura au moins réussi une chose.
57:46S'effacer de leurs rêves.

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