Alexeï Pouchkov.

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00:30Le dialogue franco-russe
00:35Bonjour monsieur Alexei Pouchko, vous êtes sénateur russe,
00:38président de la Commission pour l'information et les médias.
00:41Merci d'avoir trouvé le temps pour le dialogue franco-russe
00:44et pour nos auditeurs qui suivent les actualités internationales
00:47avec beaucoup d'intérêt.
00:49Nous observons la naissance difficile pour certains du monde multipolaire.
00:54Et tout récemment, le ministre des Affaires étrangères russe,
00:58monsieur Sergueï Lavrov, s'est rendu au Conseil de sécurité de l'ONU.
01:02J'aimerais bien souligner quelque chose qu'il a dit.
01:05Je vais citer la traduction.
01:07Entre autres, il a souligné que l'administration Biden
01:10avait une fausse impression concernant le fait que la guerre globale
01:14toucherait que leurs alliés européens, mais pas directement les États-Unis.
01:19Est-ce que nous avons atteint la ligne rouge dans cette confrontation globale pour vous ?
01:25Tout dépend de la définition de la ligne rouge,
01:30parce qu'il y a un nombre de définitions.
01:33Si nous parlons d'un conflit direct entre la Russie et les États-Unis, non.
01:39Nous ne l'avons pas franchi et j'espère que ça ne va pas arriver.
01:45Si nous parlons d'une ligne rouge qui partage le monde d'antan,
01:55d'avant la crise ukrainienne et le monde moderne,
02:00où cette crise a réussi un caractère quasi global,
02:05oui, nous l'avons franchi.
02:08Politiquement, nous avons franchi cette ligne rouge.
02:11Militairement, non.
02:13Et je suis d'avis que les dirigeants des États-Unis et de la Russie
02:19doivent faire ce qui est nécessaire pour éviter de franchir cette ligne rouge militaire.
02:29Parce que la confrontation entre la Russie et l'OTAN,
02:38une confrontation militaire,
02:44serait non seulement une tragédie,
02:49mais elle mènerait à une situation sans issue.
02:58Une situation où il est fort probable
03:02qu'un des deux côtés pourrait utiliser l'arme nucléaire,
03:13ce qui mènerait probablement à une escalation très dangereuse.
03:19Donc, je pense que les États-Unis se trompent
03:29s'ils considèrent une possibilité d'un conflit entre l'Europe et la Russie
03:35sans la participation des États-Unis.
03:38Là, je suis absolument d'accord.
03:42Et aussi, de l'autre côté,
03:45je pense que les États-Unis ont tout intérêt
03:50à ne pas laisser les Européens franchir cette ligne aussi.
03:59Autrement, les États-Unis vont se trouver dans une situation absolument impossible.
04:04Imaginons qu'il y a une attaque d'un groupe de membres de l'OTAN,
04:12de pays européens, contre la Russie.
04:20La Russie riposte.
04:22Et les États-Unis sont mis dans une situation de choix.
04:27Ils doivent ou bien considérer une réponse à la Russie
04:33conformément à l'article 5 de l'OTAN.
04:38Et dans ce cas, nous entrons dans un conflit direct militaire
04:42entre deux puissances nucléaires les plus importantes du monde.
04:47Ou, dans l'autre cas, ils disent aux Européens, c'est votre affaire,
04:54nous ne pensons pas que nous devons faire partie de cette confrontation.
04:58Et dans ce cas, c'est la fin de l'OTAN.
05:01Parce que si vous ne faites pas entrer en vigueur l'article principal de l'OTAN,
05:07le sens de cette organisation est perdu.
05:10À mon avis, les États-Unis sont extrêmement intéressés à conserver l'OTAN
05:16et toutes ces spéculations que Trump, s'il devient président,
05:24il va quitter l'OTAN, ce n'est absolument pas sérieux.
05:28Parce que l'OTAN, c'est la base de la fondation
05:38de la puissance internationale des États-Unis.
05:41Donc c'est absolument impossible qu'un président,
05:44et personne ne lui permettra d'ailleurs de le faire,
05:46parce que le congrès américain ne va jamais approuver une décision pareille.
05:55Donc, comme j'ai dit, la tâche principale aujourd'hui,
06:03le but principal aujourd'hui, c'est de trouver une réponse à la crise ukrainienne
06:09qui permettrait à l'Occident et à la Russie de ne pas franchir cette ligne militaire.
06:19Et je ne vois, à vrai dire, aucune raison pourquoi l'Occident mènerait une guerre contre la Russie
06:30à cause de l'Ukraine.
06:32Je ne vois aucun gain, je ne vois aucun rationnel.
06:37Je ne vois pas pourquoi une question territoriale qui existe entre la Russie et l'Ukraine,
06:49et même la question de la participation de l'Ukraine dans l'OTAN,
06:55serait une cause pour l'Occident de commencer une guerre.
07:00D'ailleurs, une guerre à laquelle l'Europe, à mon avis, n'est absolument pas préparée.
07:05Parce que, regardez qui appelle à la guerre.
07:08Ce sont les petits pays baltes qui peuvent fournir.
07:11Qu'est-ce qu'ils peuvent fournir ?
07:13Quelques bataillons.
07:15Et c'est la Pologne.
07:18Mais la Pologne ne va jamais faire ça sans les Etats-Unis.
07:22Parce que les Polonais sont braves, comme ils ont les Etats-Unis derrière eux.
07:26Autrement, toutes ces menaces polonaises, elles sonnent vides.
07:32L'Allemagne, recommencer une guerre avec l'Europée, après la Deuxième Guerre mondiale,
07:37c'est une mauvaise idée à mon avis.
07:39Et M. Macron se trouve dans une situation où il est cerné des deux côtés.
07:46La droite qui est contre une guerre, et la gauche, à mon avis, qui est aussi contre une guerre.
07:52Enfin, dans la majorité de cette nouvelle gauche qui s'est formée avant les élections.
08:00Donc, je pense qu'il y a des conditions aujourd'hui,
08:05justement pour que cette ligne rouge militaire n'est pas violée par l'Occident.
08:17En ce qui concerne la Russie, le président de la Russie, M. Poutine,
08:22a déclaré plusieurs fois que la Russie n'a aucun objectif militaire envers l'OTAN,
08:28que notre problème, c'est la défense des minorités russes dans l'Est de l'Ukraine,
08:41et la question de la non-participation de l'Ukraine dans l'OTAN,
08:46parce que ça présenterait une menace militaire pour la Russie.
08:50Donc, avec l'OTAN, on n'a pas de différends, on a un conflit.
08:56Mais la Russie n'a pas de prétention envers quelques pays ou territoires qui appartiennent à l'OTAN.
09:03Donc, il n'y a pas ici de base objective pour un conflit militaire.
09:11Merci de le souligner, parce qu'effectivement, comme vous avez dit,
09:14à la raison n'existe plus, pour certains experts, plateau télé en France,
09:19et notamment ce qu'on observe dans les médias alternatifs.
09:22Merci. On va revenir vers cette question. Ce qui m'intéresse aussi, c'est les pays BRICS.
09:27Vous avez participé à l'Assemblée parlementaire du pays BRICS,
09:31neuf pays dont le PIB mondial s'élève à 37 %, ce qui est supérieur au pays du G7.
09:37Notamment, quelle est votre analyse et quels sont les résultats, notamment par exemple pour la Russie ?
09:43Je pense que l'importance de BRICS, c'est que c'est devenu une plateforme non-occidentale alternative à la G7.
09:55Et je veux souligner que ce n'est pas une plateforme anti-occidentale,
10:00comme il y a un nombre de pays qui ont de bonnes relations, comme le Brésil par exemple,
10:07de bonnes relations politiques, commerciales, économiques avec les États-Unis,
10:14comme l'Égypte qui a de bonnes relations avec les pays de l'Europe.
10:19Donc, ce n'est pas une alliance anti-occidentale, mais c'est un groupe de pays
10:25qui considère que l'ordre international où les États-Unis se déclarent en tant que leader,
10:42en tant que le pôle principal ou bien même unique, est dépassé par les événements,
10:52que le monde est devenu beaucoup plus compliqué, que l'Occident ne peut plus diriger le monde.
10:58Je pense qu'il y a beaucoup de raisons pour affirmer ça,
11:02comme l'Occident était la force dirigeante du monde depuis 500 ans, depuis la découverte de l'Amérique,
11:10donc il est grand temps de changer de mode de vie.
11:14Et c'est ça la chose la plus importante et qui inquiète le plus l'Occident,
11:21qu'autrefois il y avait quelques pays qui lançaient un défi à la domination américaine.
11:29C'était l'Union soviétique, c'était la Corée du Nord, c'était l'Iran, mais tous ces pays étaient divisés.
11:37Puis plus tard c'est devenu la Chine dans le domaine économique au moins,
11:42mais ils n'avaient pas de plateforme commune.
11:47Le BRICS, en tant qu'organisation, c'est une plateforme commune pour tous les pays qui veulent être souverains,
11:57qui se prononcent pour un nouvel ordre mondial,
12:02et qui sont contre ce fameux Rules Based World Order,
12:07l'ordre mondial basé sur les règles qui sont établies à Washington.
12:16Je ne vois pas pourquoi d'autres pays seraient automatiquement d'accord avec les règles qui sont établies par la Maison Blanche.
12:25Donc je pense que le BRICS a une très grande perspective,
12:32justement parce qu'il représente cette nouvelle tendance,
12:36d'une nouvelle répartition de l'influence de la puissance économique dans le monde contemporain.
12:45Et aussi, ce qui à mon avis irrite le plus et dérange le plus les capitales occidentales,
12:56c'est que les chiffres ne sont pas de leur côté.
12:59Oui, parce que vous pouvez donner un nombre d'interprétations qui est le plus fort, et ainsi de suite.
13:06Donc vous avez bien noté qu'en jugeant par le PIB, calculé par ce que les Anglais appellent Purchase Power Parity,
13:15des pays du BRICS excèdent déjà de presque 9% le PIB des pays de la G7.
13:27C'est un signal très, très sérieux pour eux.
13:32Ils s'accrochent au chiffre nominal.
13:36Ils disent que nominalement, le PIB américain excède le PIB de la Chine.
13:41Mais tout le monde comprend très bien que le poids sur cette balance globale a changé.
13:50Le poids a changé du côté du monde non occidental, ce que nous appelons,
13:55et pas seulement nous, mais aussi quelques hommes politiques français, ils ont absolument raison, la majorité globale.
14:04Le BRICS, c'est la majorité globale.
14:07La G7, ça devient une minorité globale, avec une grande puissance, avec beaucoup de richesses,
14:16avec l'OTAN en tant qu'organisation militaire qui a une puissance importante,
14:29mais tout de même, la G7 devient minoritaire dans le monde actuel.
14:34Et les chiffres le prouvent, et la tendance est là, et ça ne va pas changer.
14:39Donc je pense que le BRICS, qui il y a une quinzaine d'années a été recueilli avec un certain sarcasme,
14:50une ironie dans les médias occidentaux, aujourd'hui il est considéré comme un vrai défi pour l'Occident.
14:57Et si on regarde encore une fois les chiffres, par exemple les taux de croissance économique, c'est incomparable.
15:05Ce qu'on voit en Europe, c'est des pleurs comme on dit en Russie, parce que 0% moins 0,3% plus 0,5%, mais ce n'est pas sérieux.
15:17Les pays du BRICS démontrent un taux de croissance absolument supérieur au pays de la G7,
15:24où seuls les États-Unis ont une économie qui monte tout de même au niveau de 2,5%.
15:33Mais tous les autres pays sont près de zéro.
15:37Donc je pense que justement c'est la première fois dans le monde actuel où on ne voit pas cette prépondérance de l'Occident garantie.
15:56Elle ne peut plus se reproduire, c'est la fin du chemin.
16:00Ça ne veut pas dire l'écroulement du monde occidental, mais ça veut dire son affaiblissement relatif
16:07et l'apparition de nouveaux centres d'influence, de puissance économique et de puissance politique
16:15qui vont mener à une nouvelle répartition de la puissance dans le monde entier.
16:22Pour revenir au contexte international de tensions, il y a plusieurs signaux en quittant.
16:28Après on peut les interpréter ou pas, mais par exemple la mort du président iranien,
16:34la tentative d'assassinat du président Slovak et la toute récente tentative d'assassinat de Donald Trump.
16:41Est-ce qu'on doit se poser de bonnes questions ? Est-ce qu'on doit chercher des explications à ces événements ?
16:47Oui, bien sûr. Vous savez, dans la politique internationale, peu de choses sont fortuites.
16:57Il y a toujours une logique. Et quand il y a une grande crise, cette crise est accompagnée par un nombre d'événements
17:09qui peuvent sembler à des événements isolés l'un de l'autre, qui se produisent dans des pays différents,
17:30dans des conditions différentes. Mais au fond, ils sont très liés parce qu'ils témoignent d'un approfondissement de la crise globale, du système global.
17:44Est-ce que la tentative d'assassinat d'un candidat à la présidence américaine pourrait se passer il y a une trentaine d'années
17:58où les Américains étaient le pays numéro un, incontesté, la superpuissance, l'indispensable pays et tout ça ?
18:14Non, parce que l'enjeu n'était pas là. L'enjeu, c'était de promulguer encore plus la domination américaine, qui le ferait Bush père ou le jeune Clinton.
18:30C'était une question de choix. Mais aujourd'hui, l'Amérique fait tout à fait un autre choix.
18:37Ou bien c'est la continuation d'une politique d'un globalisme agressif, qui a été conduit par l'administration du président Biden,
18:50et qui s'est manifestée d'ailleurs au Moyen-Orient, vis-à-vis la Chine, pendant la crise ukrainienne et ainsi de suite.
18:59Ou bien une politique plus pragmatique, qui mènerait à ne pas dépenser la richesse nationale américaine pour des guerres étrangères,
19:17mais de se concentrer plus sur les États-Unis eux-mêmes, parce que les États-Unis, intérieurement, sont en état de crise.
19:26Et c'est manifesté par plusieurs choses, par le côté social, où il y a une dégénération de la vie urbaine, par exemple, très importante,
19:35par la condition des chemins de fer, par beaucoup d'éléments qui nous démontrent que les États-Unis deviennent un pays vétuste,
19:54un pays qui a une dette de 37,5 trillions de dollars, mais c'est une dette qui ne peut pas être rendue, c'est une dette éternelle, et elle va toujours monter.
20:09Donc c'est une crise à l'intérieur des États-Unis qui a mené à cette tentative d'assassinat.
20:16Ce n'est pas à cause du Vietnam ou de la Corée du Nord ou de la Chine, ça n'a rien à voir.
20:22Ou bien il y a cette théorie absolument artificielle que c'est l'Iran qui est derrière.
20:29Qu'est-ce que l'Iran a à faire dans toute cette histoire ?
20:34Ce sont des fantaisies qui sont développées par les médias américains, parce qu'autrement, ils doivent admettre que les États-Unis sont divisés en deux parties,
20:47que la nation unie n'existe plus, que tous ces appels « nous devons nous unir » après cette tentative d'assassinat contre Donald Trump, mais c'est impossible, ils ne vont pas s'unir.
20:59Parce que, par exemple, les démocrates ont déjà lancé un hashtag « How have you missed ? » Comment est-ce que vous avez manqué la cible ?
21:08Et puis il y a des types à la télé qui disent « mais la prochaine fois au moins, peut-être, ils vont le faire ».
21:14Donc c'est une nation divisée irréparablement. Cette division, c'est la fête de la vie américaine, et ce n'est pas Trump qui va ressouder la nation,
21:27ce n'est pas Biden qui peut ressouder la nation, personne ne peut ressouder la nation.
21:32Et récemment, je pense en avril, une série télévisée est apparue à la télévision américaine qui s'appelle « La guerre civile aux États-Unis ».
21:42Bon, je ne parle pas du scénario, ça n'a pas d'importance. Il y a une vingtaine d'années, une série parlant d'une guerre civile aux États-Unis aurait été impossible.
21:56Mais là, comme disait Karl Marx dans le 19e siècle qu'il y a un spectre du communisme qui vole sur l'Europe, il y a un spectre de guerre civile qui est en train de déranger l'Amérique.
22:16Et ça répond à une logique très profonde. Et ce qu'on a vu ces jours-ci, ces tirs de fusils sur Trump, c'est une guerre civile.
22:31Bon, on dit « assassinat », oui, mais c'est une démonstration du potentiel de la guerre civile aux États-Unis.
22:37Les premiers coups de feu ont été déjà tirés dans cette guerre civile. Parce que les forces qui ne veulent pas que Trump vienne au pouvoir manquent de moyens de l'arrêter.
22:47Et donc c'est le seul moyen. Pendant la dernière élection de 2020, ils ont utilisé des interventions massives dans le processus électoral.
23:04C'est bien connu avec tous ces bulles d'infos et tous ces gens qui sont venus des cimetières pour voter, qui sont morts déjà à 150 ans.
23:13C'est la guerre de Gaugol, pratiquement.
23:15Oui, justement. Mais il paraît que cette fois-ci, ça ne va pas marcher. Et donc, ceux qui ne veulent pas qu'il vienne au pouvoir, ils commencent à utiliser des méthodes d'une guerre civile.
23:27Donc cette guerre civile a déjà commencé. Et ce qui est important, c'est que tous ces éléments montrent que le monde occidental, et je soutiens cette notion,
23:42le monde occidental a perdu l'équilibre social nécessaire pour être une force dominante ou une force dirigeante dans le monde.
23:56S'il y a des gens qui tirent sur un premier ministre en Slovaquie parce que les médias ont monté une campagne de haine contre Robert Fissot à cause de son attitude envers l'Ukraine et la politique de l'Union européenne,
24:13ça démontre un mal profond dans la société, non seulement slovaque, mais dans la société européenne.
24:20Si au Moyen-Orient, pendant cette guerre qui est menée par le premier ministre d'Israël, monsieur Netanyahou, contre le peuple palestinien à Gaza,
24:36si ça coïncide avec la chute d'un hélicoptère du président iranien, peut-être que la raison était purement technique, mais on ne sait pas.
24:49Ce que l'on sait, c'est que ces attentats et ces morts se suivent, et donc il y a une certaine logique à ces événements.
25:08Donc, éliminer l'adversaire devient le seul moyen, pour ceux qui sont derrière ces tentatives d'élimination, de gérer une crise, et c'est justement ce qui mène à de grandes guerres.
25:27C'est justement ce qui mène à de grandes guerres. Ça veut dire que le système occidental ne trouve pas de force intérieure pour amortiser les contradictions de ces sociétés, soit politiques, sociales, ethniques ou autres contradictions.
25:45Et donc, c'est pour ça que je pense que la menace principale aujourd'hui vient du monde occidental. Elle ne vient pas de la Chine. La Chine est stable. Elle ne vient pas de l'Inde, où il y a eu des conflits intérieurs, mais pour le monde extérieur, l'Inde ne représente aucun danger.
26:07Et le danger ne vient pas de la Russie, parce que pour la Russie, la question principale, c'est de trouver une solution à la question ukrainienne qui répondrait à notre besoin de sécurité. Donc voilà, il faut chercher les raisons de ces événements tragiques et dramatiques. Il faut les chercher à l'intérieur de l'Occident, non à l'extérieur.
26:34Pour revenir à la relation franco-russe, puisque nous sommes au dialogue franco-russe et les auditeurs qui nous regardent s'intéressent particulièrement à cette relation, ils tiennent beaucoup à cette relation. Le divorce est prononcé, le mal est fait, les mêmes consommés, je dirais. Le langage de la guerre froide est omniprésent dans les médias mainstream. Cette peur est maintenue un petit peu partout depuis quand même un certain temps.
27:01Les résultats des législatives montrent que la plupart des Français ne trouvent pas, ne considèrent pas que l'Ukraine reste leur intérêt vital pour eux dans leur vie quotidienne. D'après vous, combien de temps cette peur peut encore durer ? Parce qu'il y a quand même une partie de la population qui considère la Russie comme une menace.
27:23Je pense que nous sommes dans une situation plus dangereuse que pendant la guerre froide. On parle souvent dans les médias de la nouvelle guerre froide. Je pense que c'est un nouveau type de guerre froide, je l'appelle la guerre glaciale, parce que pendant la guerre froide, il y avait des contacts, il y avait des pourparlers.
27:43Khrushchev rencontrait Eisenhower et Kennedy. De Gaulle venait en Union soviétique. On avait des contrats avec les Allemands, les Italiens, et ainsi de suite. Et maintenant, c'est la grande déchirure, c'est la grande division. Et l'Occident a déclaré une guerre glaciale à la Russie. Et c'est comme s'il nous disait que la Russie qui existe aujourd'hui ne va pas être acceptée par l'Occident.
28:13C'est un peu ça. Tandis que du temps de la guerre froide classique, on nous disait qu'on allait faire une bataille politique, idéologique, et ainsi de suite. Mais bon, vous êtes là, il y a les Jeux olympiques à Moscou, aux États-Unis, nos équipes de football jouaient au championnat de foot en Europe en 1960, quand il y avait la guerre froide.
28:42Donc, il y avait beaucoup de contats, et avec beaucoup de commerce, il y avait beaucoup de contats sportifs, festivals de films, culture, machin. Aujourd'hui, il n'y a presque rien. Presque tout a été éliminé des relations entre l'Europe et la Russie.
28:59Je considère que c'est une situation beaucoup plus dangereuse, parce que l'Europe s'est fixé un but qui ne peut pas être atteint. C'est la destruction de la Russie dans la forme dans laquelle elle existe aujourd'hui.
29:16Ils voudraient quelque chose d'autre, mais ça n'existe pas. Et ça ne va pas exister, parce que la logique intérieure de la Russie démontre que le pays n'est pas en état de crise. Le pays démontre un taux de croissance assez important de 1,5% chaque année.
29:39Le pays n'a pas d'aides importantes extérieures. La balance commerciale est positive. On dépense moins que l'on ne gagne dans notre commerce extérieur. Il n'y a pas de démonstration d'instabilité sociale.
30:05Et donc vous voyez que Moscou, je pense aujourd'hui, est peut-être la ville la plus calme en Europe. Et le pays est en train de se développer. Oui, on a changé de vecteur. Autrefois, le vecteur prépondérant, c'était le vecteur occidental.
30:25Maintenant, c'est la Chine, c'est l'Inde, c'est le Vietnam, c'est le monde arabe, c'est l'Arabie saoudite, et ainsi de suite. On a changé de vecteur, mais ce n'est pas le glas de l'économie russe.
30:44Donc, à mon avis, l'Europe devrait changer de but. Parce que nous, on ne se considère pas comme un but de changer l'Europe pour en faire quelque chose que nous allons nécessairement aimer. Ce n'est pas le but.
31:06Le but pour nous, c'est que l'Europe n'avance pas jusqu'à nos frontières en admettant l'Ukraine dans l'OTAN. C'est un but assez limité. Le but européen, c'est de changer de régime en Russie. Donc c'est un peu différent. On ne peut pas changer de régime en France.
31:24Les Français peuvent s'en charger eux-mêmes, s'ils veulent le faire. S'ils veulent conserver M. Macron jusqu'à la fin des temps, c'est leur choix. Ce n'est pas à nous de dire aux Français ce qu'ils doivent faire. Donc, c'est l'Europe qui doit changer de but. Et il y a des forces en Europe qui, à mon avis, sont d'accord avec cette idée, comme M. Orban, par exemple, qui a accompli cette mission de paix,
31:51et qui dit que ce que je veux faire, c'est prévenir une grande guerre en Europe. Il veut sauver l'Europe d'elle-même, de ses dirigeants actuels. Et d'ailleurs, pour être franc, parmi les dirigeants actuels européens, je ne vois pas vraiment de personnages de grande envergure.
32:11Je vois des gens qui répètent les mêmes choses, qui sont extrêmement banals dans leur jugement, qui n'ont aucune idée originale, qui poursuivent ce fantôme de défaite stratégique de la Russie. Est-ce qu'ils ont regardé la carte, un instant ? Enfin, une carte géographique, pour qu'ils comparent un peu les dimensions de la Russie et comment est-ce qu'ils vont accomplir cette défaite stratégique de la Russie.
32:41C'est infaisable. Donc, je suis de l'avis que les processus intérieurs en Europe vont mener à une évolution de la position européenne, aussi peut-être les processus aux États-Unis, parce que ce conflit en Ukraine ne correspond pas aux intérêts objectifs des Européens.
33:06Ce n'est pas un conflit qui les concerne directement. C'est un conflit qui est considéré existentiel par l'élite libérale dirigeante de l'Europe, qui a peur que si elle perd ce conflit contre la Russie, ses positions vont être affaiblies à l'intérieur de leur pays eux-mêmes.
33:28Et ils vont être changés par des gens qui représentent d'autres courants politiques, ce qui est absolument inconcevable, ce qui ne serait pas une tragédie pour l'Europe, mais ce sera une tragédie pour ces milieux libérales dirigeants. Ils ont mis tout ce qu'ils ont sur Zelensky en Ukraine.
33:44Les gens qui ne savaient même pas où se trouve Kiev aujourd'hui nous disent que, comme disait M. Attal, je pense, à la Sanglée nationale, et du fond de mes tripes, je crie « Vive l'Ukraine ! ». Il y a un problème avec ces tripes ou quoi ?
34:00Donc ça nous fait vraiment un peu… ça produit une impression assez bizarre, je dirais. Pourquoi cette obsession avec l'Ukraine ? Mais si on regarde un peu en profondeur, on voit que ce n'est pas une obsession avec l'Ukraine, c'est une obsession envers leur pouvoir.
34:17Ils veulent conserver ce pouvoir qu'ils exercent en Europe. Ils veulent construire une Europe qui leur convient, une Europe oligarchique par définition, et à mon avis antinationale, une Europe qui ne correspond pas aux intérêts de la majorité des habitants de l'Europe,
34:41mais qui correspond aux intérêts de cette élite globaliste qui aujourd'hui est en train de diriger l'Europe. C'est pour ça que l'Ukraine, pour eux, c'est existentiel. S'ils perdent dans ce conflit, leurs positions seront évidemment affaiblies et on voit qu'il y a d'autres forces qui peuvent venir au pouvoir,
35:01qui peuvent changer de conception, de modèle même, et réconsidérer certains éléments qui sont vus comme immuables aujourd'hui, les valeurs, et ainsi de suite, dans l'Europe euro-atlantique et libérale du moment.
35:25Je ne pense pas que la Russie va changer de position sur ça, parce que ça se passe sur nos frontières, mais ça ne se passe pas sur les frontières du Portugal, ça ne se passe pas sur les frontières de l'Espagne, de l'Italie, de la Slovénie, de la France, de la Belgique. Donc, c'est un conflit artificiel qui est fait, qui est dépeint comme un conflit national qui a une importance énorme pour la France.
35:51Et là, on arrive à la question clé. CMR Forge, que vous connaissez bien, journaliste d'investigation, affirme que Zelensky est soumis à de fortes pressions pour mettre fin au conflit, sachant que, et là je le répète souvent lors de nos conférences et de nos interviews, qu'en mars 2022 à Istanbul, cet accord de paix aurait pu être possible, mais il a été saboté par les États-Unis et la Grande-Bretagne surtout.
36:21Est-ce qu'on est arrivé maintenant au moment clé pour une négociation ?
36:27Je pense que pour le moment, tout de même, il y a encore une illusion en Europe, surtout à Bruxelles, et aussi à Washington, que la livraison de nouvelles armes à l'Ukraine peut changer la corrélation des forces entre la Russie et l'Ukraine.
36:53A mon avis, c'est une illusion, parce que même 4 ou 5 dizaines de F-16 ne vont pas changer la composition des forces militaires de la Russie et de l'Ukraine. La Russie est tout simplement beaucoup plus puissante.
37:15Mais comme le parti potentiellement perdant, l'Occident s'agrippe à quelques espoirs qui sont liés à la possibilité de porter des coups à la Russie, qui seront ressentis par le côté russe,
37:40et qui, comme ils l'espèrent dans l'OTAN, dans l'Union européenne, pourraient mener la Russie à changer de position sur le règlement définitif de la crise.
37:56Je pense que c'est un peu ça le calcul, qu'en fournissant des nouvelles de portée importante à l'Ukraine, en leur fournissant des avions F-16 et quelques nouveaux matériels modernes dans le domaine des armements,
38:18ils peuvent faire un changement au front et peut-être mener un changement de la position russe sur la crise. Je suis absolument sûr que ça ne va pas arriver.
38:40Je pense que ça va prolonger les actions militaires, justement parce que le temps de comprendre que ça ne va pas changer les choses. Mais à un certain moment, ça va venir à une fin, parce que cet affrontement militaire, c'est un impasse.
39:06L'Ukraine ne peut pas réconquérir les territoires qu'elle a perdus. À l'Occident, à moins que l'OTAN ne dirige ses troupes en Ukraine pour combattre directement la Russie, l'Occident ne peut pas influencer cette situation, même par la livraison de quelques avions, de quelques nouvelles fusées.
39:32Si l'OTAN dirige ses troupes, ce qui à mon avis est extrêmement douteux, parce que ça engendrerait, comme je l'ai déjà dit, une menace d'une guerre nucléaire. S'il dirige ses troupes, ça ne va pas à mon avis non plus changer la position des côtés qui sont en train de se combattre,
39:55mais ça va vraiment dégénérer dans une guerre peut-être de très longue durée, qui peut être pas trop intensive, mais qui peut mener à une guerre non éternelle, mais qui peut durer trois, quatre, cinq années,
40:23ce qui à mon avis n'est ni dans les intérêts de l'Europe ni dans les intérêts de la Russie. Et ce que je ressens un peu aujourd'hui dans cette ère politique qui nous entoure, c'est que tout le monde est fatigué de cette guerre.
40:38Et quand j'entends le président turc dire qu'il faut créer à l'intérieur de l'OTAN des conditions pour parler avec la Russie, je comprends que ce n'est pas une fantaisie de M. Erdogan.
40:53Il démontre une certaine nécessité de passer à un nouveau stade de cette crise. On ne peut pas rester toujours dans cette guerre où il n'y a pas d'issue, il n'y a pas de perspective. Les Ukrainiens ne veulent pas envahir Moscou, ils ne vont pas même aller jusqu'en Crimée.
41:18C'est physiquement impossible, militairement impossible. Et l'OTAN, comme j'ai déjà dit, je pense que si une décision est prise à l'OTAN de commencer une guerre contre la Russie, ce sera à la fin de l'OTAN. Parce que la moitié des pays de l'OTAN vont dire non merci, on reste de côté, et donc l'alliance perd tout son sens.
41:38Donc je pense qu'aujourd'hui les conditions sont meilleures qu'il y a une année ou une année et demie pour venir à une solution politique. Mais l'Occident doit tenir compte du fait que la Russie ne va pas reculer sur ces conditions.
42:05Ces conditions ont été formulées par le président Poutine, et s'ils sont acceptés comme base pour la négociation, je pense que ça pourrait changer toute la situation, justement dans la direction d'une sortie de cette crise, peut-être pas immédiate, ça va prendre du temps bien sûr.
42:30Mais comme je vois le développement de la situation aussi aux États-Unis, où cette guerre est vraiment contestée, regardez ce que dit le futur, peut-être, potentiel vice-président des États-Unis, qui explique, écoutez, qu'est-ce qu'on a à faire avec cette Ukraine, et qu'est-ce qu'on...
42:53Parce que même cette Ukraine, elle ne peut pas être admise dans l'OTAN parce que si elle est admise, c'est une guerre avec la Russie, mais poussée dans le futur. Parce que l'Ukraine à l'intérieur de l'OTAN voudrait recommencer, mais déjà avec les États-Unis, l'Allemagne, la France et tout le monde derrière son dos.
43:16Mais c'est absolument logique. Donc je pense que l'OTAN n'a pas besoin d'une Ukraine à l'intérieur, de lui donner des garanties ou quelque chose, mais pas faire une Ukraine partie de l'OTAN parce que ça ferait l'OTAN en tant que sujet à une nouvelle guerre qui peut recommencer dans une dizaine, une quinzaine d'années.
43:42Donc je pense qu'aujourd'hui, tout de même, il y a un certain mouvement vers la paix. Et cette mission urbaine, oui, il paraît être seul, mais au fond, il n'est pas seul. Et ces élections en France, quand je vois que Mélenchon est contre l'envoi des troupes, le Rassemblement national est contre l'envoi des troupes, qui est pour ?
44:04M. Attal, qui a quitté le gouvernement. Macron ne se prononce plus sur ça pour le moment parce qu'il est affaibli par ces élections. Donc je ne vois pas vraiment de force importante, à part bien sûr les grandes puissances baltes, qui voudraient commencer une guerre avec la Russie, surtout que les baltes n'en veulent pas se battre eux-mêmes. Ils pensent que ce sont les Français qui vont se battre pour eux.
44:26Donc je pense qu'on peut regarder le futur avec un tout petit degré d'optimisme aujourd'hui. Bien sûr, si cette tendance pro-militaire, pro-guerre, s'affaiblisse un peu au moins en Europe.
44:46Parce que pour le moment, quand j'entends les déclarations de Mme von der Leyen, du président finlandais, de quelques leaders politiques polonais, je me demande s'ils n'ont pas perdu la raison.
45:00C'est très important ce que vous dites, surtout pour nous au dialogue franco-russe, puisque nos éditeurs francophones, français, belges, suisses, canadiens, ils suivent cette relation malgré les hostilités et les tensions internationales. On essaie tous de s'accrocher à quelque chose. Est-ce qu'il y a un sujet, un thème, une idée qui pourrait nous faire concilier les Russes, les Européens, les Français ?
45:26Je ne pense pas que c'est notre futur proche, malheureusement, parce que ce que j'appelle The Great Divide, cette grande division qui a été faite par l'Europe envers la Russie, avec un taux de commerce qui a baissé quatre fois et demi.
45:47C'était 450 millions de dollars en 2013 entre la Russie et l'Union Européenne. Aujourd'hui, c'est 80 milliards de dollars, ou tout au plus. Donc ça a baissé énormément, et puis le gaz russe ne parvient presque plus en Europe, à part l'Hongrie et quelques pays de l'Est. Le pétrole russe ne parvient presque pas en Europe non plus.
46:14Donc il y a une très grande dégradation des relations bilatérales et multilatérales. Il y a cette résolution irrationnelle de l'Union Européenne de vaincre la Russie via l'Ukraine par cette guerre qui ne va pas porter une victoire à l'Occident.
46:39Mais je pense que le commencement des pourparlers serait déjà un signe, un signe positif, aussi parce qu'à l'intérieur des sociétés, je ne vois pas cette animosité existentielle dont parle M. Macron.
47:05Quand il dit que la défaite de la Russie, c'est une question existentielle pour la France. Je me demande, la France va exister quoi qu'il se passe avec l'Ukraine.
47:18Donc je ne pense pas que les gens en France, en Belgique, même en Angleterre, ont vraiment une haine envers la Russie qui ferait de la sorte qu'un rapprochement soit impossible dans 34, 40, 50 années.
47:41Je pense que c'est très politique cette crise. C'est vraiment pas, d'une certaine manière, cette division entre le socialisme et le capitalisme était plus profonde parce qu'il y avait justement ces deux plateformes idéologiques qui se confrontaient.
47:59Maintenant, c'est une crise surtout géopolitique et une crise autour d'un pays qui est à l'extérieur de l'Union européenne. Et donc, c'est en grande partie artificiel. Cette crise est construite par cet orceau, la Fonded Line collectif qui gère aujourd'hui l'Europe.
48:21Et je ne vois pas de raison pourquoi les populations ne pourraient pas se mettre d'accord dès qu'il y a une solution politique à laquelle j'espère qu'on va arriver. Je ne vois pas de raison pour conserver cette haine qui est vraiment portée contre la Russie par les médias occidentaux,
48:44qui est d'ailleurs presque absente en Russie envers les populations occidentales, parce que les médias russes n'attisent pas d'émotions négatives envers les Italiens, les Espagnols, les Croates, les Français, les Suisses.
49:09Non, et je connais très bien la position des dirigeants de la Russie qui disent que nous sommes en conflit avec les élites dirigeantes de l'Europe, nous ne sommes pas en conflit avec les peuples de l'Europe. C'est des choses différentes.
49:26Et je pense que ça donne un espoir, c'est que la Russie ne considère pas l'Europe comme un ennemi. Mais ceux qui nous déclarent être leurs ennemis, bien sûr, ce ne sont pas nos amis.
49:41Et ça pose un problème, mais tout de même, il n'y a pas d'animosité parmi les Russes envers les Européens. Et à mon avis, ça donne un espoir pour la Russie.
49:52Merci beaucoup, M. Boucher, pour cet échange intéressant et passionnant, et merci de maintenir le dialogue en Russe.
49:58Merci à vous.