Avec Serge Guérin, sociologue
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NewsTranscription
00:00Sud Radio, le grand matin week-end, 6h-10h, Laurence Garcia.
00:05Et on retrouve l'air du temps avec le sociologue Serge Guérin. Bonjour Serge.
00:10Mes hommages du jour Laurence.
00:12Mes hommages. Professeur Aline Sack, grande école de Paris, auteur de l'essai
00:16« Et si les vieux sauvaient la planète », c'est aux éditions Michelon.
00:19Justement, tiens, on va parler de la planète avec vous.
00:22Le mois de juillet a été le deuxième plus chaud jamais enregistré,
00:26juste derrière juillet 2023 selon le laboratoire européen Cornicus.
00:30Puis là, on voit encore que ce week-end, les canicules vont durer.
00:34Et pourtant, en cet été des JO, c'est une question que vous posez vous aussi,
00:39on n'a jamais aussi peu parlé d'écologie.
00:42Grand oublié de l'été ou pas Serge Guérin ?
00:45Oui, il y a quand même quelque chose de particulier.
00:48Alors oui, c'est vrai que là, on est dans les JO, on compte les médailles,
00:51tout se passe très bien, même si on voit bien que la dépollution de la Seine
00:55n'est quand même pas une affaire si simple que ça.
00:57Mais en tout cas, le sujet normal en ce moment est plutôt le sport ou le spectacle.
01:03Mais quand on regarde bien, c'est vrai que finalement,
01:06vous avez peut-être dans un petit coin du cerveau qu'il y a un gouvernement en gestation,
01:11que c'est un peu compliqué de ce côté-là.
01:12Il y a eu une série d'élections quand même très récemment
01:17et globalement, à chaque fois, on a très peu parlé de la question écologique.
01:22Finalement, comme si les effets sur le quotidien n'ont jamais été aussi forts.
01:27Mais pourtant, il y a une vraie prise de conscience.
01:30Tout à l'heure, on était qu'un producteur du melon, des agriculteurs ou autres,
01:33il y a les restrictions d'eau, il y a la sécheresse.
01:35Là, on peut dire qu'il y a une vraie prise de conscience très concrète malgré tout.
01:39Alors, c'est peut-être ça, le mot concret est très intéressant.
01:42Vous avez parfaitement raison parce que dans les temps qui viennent, dans les temps récents,
01:47jamais on n'a autant parlé par exemple du prix de l'énergie, donc de la question de l'énergie.
01:50Jamais on n'a autant parlé de la question de l'eau,
01:53même à se demander si on aura suffisamment d'eau.
01:55Et on sait que dans certains moments, on n'a pas suffisamment d'eau.
01:58Donc vraiment, c'est très présent.
02:00Je regardais les sondages, les études.
02:02Globalement, jamais sans doute, il n'y a eu autant de gens inquiets
02:06du réchauffement climatique, du rédéveloppement climatique, de toutes ces questions-là.
02:10Globalement, j'ai en tête un sondage d'Hypsos d'octobre 2023.
02:15On est globalement à 74%.
02:17Que ce soit d'ailleurs les moins de 35 ans ou les plus de 65 ans, c'est le même chiffre.
02:2174% de gens qui se déclarent très inquiets de ces questions-là.
02:25Donc on voit que ça existe. C'est très présent.
02:27Il y a ces chiffres-là, Serge, mais moi j'en ai vu d'autres aussi.
02:30La proportion des déclimatosceptiques a augmenté de près de 10 points en France,
02:34avec 40% des Français qui par exemple n'adhèrent plus aux analyses scientifiques du GIEC.
02:39Comment vous l'expliquez ça ?
02:42Et dans le même temps, plus on se rapprochait du problème,
02:48plus il y a des gens qui n'ont pas envie de le voir.
02:51Ce qui est très humain, parce que quand c'est dans très très loin,
02:54on se dit que ce n'est pas bien et qu'il va falloir s'y préparer.
02:56Et quand ça arrive, on se dit que si on pouvait y échapper.
02:59Encore cinq minutes, M. Le Bourreau.
03:01Vous avez toujours quelque chose un petit peu comme ça.
03:03Il y a un déni pour une partie de la société et d'ailleurs du discours politique.
03:09Il est très très présent de ce côté-là.
03:11Il y a, quand on regarde les dernières élections européennes,
03:14ceux qui portaient normalement la question écologique,
03:17le Parti écologiste, l'Europe Écologie Lévée,
03:19ils ont fait à peine 5%.
03:21Alors que d'habitude, c'est un scrutin européen
03:24qui est traditionnellement favorable aux écologistes d'ailleurs, Serge.
03:28Oui, tout à fait.
03:30Parce qu'aux européennes, c'est plutôt les gens qui vont bien qui votent,
03:34c'est plutôt les gens des villes, on va dire les bobos et ainsi de suite.
03:37Et tous ceux-là se sentent très très impliqués dans la question écologique.
03:40En tout cas, ils se sentent impliqués électoralement.
03:42Après, en termes de comportement, c'est souvent une autre histoire.
03:46Mais ce qu'on a aussi, c'est qu'il y a ça,
03:48donc un environnement très particulier.
03:50Le mot environnement est le bon.
03:52D'un côté, ça se rapproche et de l'autre côté,
03:55ceux qui portent le plus la cause n'arrivent pas à toucher le public.
04:00Alors, qu'est-ce qu'il y a derrière ?
04:02Il y a sans doute que la question de multiplier les discours catastrophistes
04:06tombe à côté de la cible.
04:07Ou bien, je le vois d'ailleurs avec beaucoup de mes étudiants,
04:10si c'est foutu, alors pourquoi s'embêter avec ça ?
04:13On verra bien puisqu'on nous dit de toute façon,
04:15on ne va pas pouvoir s'en sortir et ainsi de suite.
04:17Il y a aussi un discours très catastrophiste qui nous dit,
04:19par exemple, qu'il n'y aura plus de pétrole.
04:21Les gens voient, il y a toujours du pétrole et même,
04:23on en retrouve tout le temps.
04:24Donc, on voit bien que là aussi, il y a un petit peu un échec.
04:27On voit bien aussi que sur la question du nucléaire,
04:29là aussi, les écologistes étaient plutôt très très contre le nucléaire,
04:33ne voulant pas qu'on investisse sur le nucléaire.
04:35Aujourd'hui, il y a plein de gens, y compris d'autres écologistes,
04:37qui disent, si c'est au contraire une énergie propre,
04:39on aurait plutôt intérêt, en plus, à créer des emplois,
04:42c'est plutôt bon pour l'économie de la France, ainsi de suite.
04:44Donc, là aussi, il n'y a même pas de consensus.
04:47C'est le discours catastrophiste, Serge Guen,
04:51imputé à qui alors ? Aux politiques ?
04:55À beaucoup d'écologistes qui nous expliquent que c'est foutu,
04:59qu'il n'y a plus rien à faire.
05:01Du coup, s'il n'y a plus rien à faire, pourquoi se bouger ?
05:04Et les autres, je ne trouve pas vraiment une réponse,
05:07un récit positif.
05:09La voiture électrique ?
05:10Oui, d'accord, la voiture électrique, pour les bobos déviés, ça marche très bien.
05:13Mais les gens qui vivent dans la compagne, ils disent,
05:15vous êtes bien gentils, mais comment on refait ?
05:17Et puis, en termes de coûts, c'est une affaire très très lourde.
05:19En termes de géographie, ça fait une fracture sociale et géographique, par exemple.
05:22Donc, ça ne passe pas.
05:23Le nucléaire, ça ne passe pas non plus,
05:25parce qu'il y a plein de gens qui trouvent que c'est plutôt
05:27un aspect économique intéressant.
05:29Et PXN nous aurait donné une indépendance.
05:31L'autre élément aussi, c'est que souvent,
05:33les écologistes se manifestent
05:35plutôt par des actions,
05:38un peu coup de poing,
05:39un peu ces faits divers assez ridicules,
05:41on va mettre de la peinture sur une œuvre d'art,
05:43et ainsi de suite.
05:44Je ne suis pas sûr que ça fasse avancer la prise de conscience écologique.
05:47Vous voyez, à chaque fois, vous avez le discours du Parti écologique,
05:49de l'Europe Écologie Les Verts,
05:51qui est plutôt très très sociétal.
05:52Il ne faut pas faire de barbecue,
05:54on fait la leçon,
05:55on est très très centré sur d'autres sujets.
05:57Il faut réinventer un récit écologique, c'est ça ?
06:01Oui, une des pistes,
06:03c'est d'inventer un récit écologique
06:05qui soit positif,
06:06qui montre, par exemple,
06:08qu'il y a des choses à faire,
06:10et qu'il y a même de l'investissement à faire,
06:12il y a même de l'économie,
06:13il y a même des emplois derrière.
06:14Parler de cela,
06:15dire que c'est à la fois une question
06:17très personnelle
06:18de nos modes de fonctionnement,
06:20on peut agir à titre personnel
06:22sur ces questions-là.
06:23J'étais toujours assez surpris, par exemple,
06:25quand je voyais les marches climat,
06:27j'en ai suivi beaucoup.
06:29Vous avez aussi plein de gens
06:30qui faisaient la leçon à tout le monde,
06:31mais qui étaient les premiers
06:32à avoir la cigarette au bec
06:33et à l'acheter par terre, par exemple.
06:34Cela commence aussi
06:35par des actions très très personnelles
06:37de montrer qu'on peut,
06:38à notre niveau, chacun agir.
06:40Puis c'est la question du local,
06:41de montrer que, localement,
06:43les villes, par exemple,
06:44c'est intéressant que les villes
06:45tenues par les écologistes
06:47soient souvent beaucoup plus centrées
06:49sur des problématiques sociétales,
06:51souvent un peu communautaristes,
06:53de soutien aux frères musulmans,
06:55ou que sais-je encore,
06:56et beaucoup moins d'être visibles
06:58sur comment on fait
06:59très très concrètement
07:00sans embêter les gens
07:02pour essayer d'améliorer la situation.
07:04Donc il y a souvent plutôt
07:05un discours très très punitif
07:07plutôt qu'un discours très très mobilisateur,
07:09de dire qu'on peut agir.
07:11Et là où j'habite, je peux agir.
07:13Et quand j'agis,
07:14ce n'est pas seulement je m'interdis,
07:16je me retiens, je ne sais pas quoi,
07:18c'est aussi j'agis avec les autres
07:20et finalement je crée du lien.
07:21On peut même trouver derrière l'écologie
07:23un discours très très positif
07:25qui crée plutôt de l'envie entre nous,
07:27qui crée un autre imaginaire
07:29et qui nous ferait avancer ensemble
07:31dans une solution qui soit
07:32qui réponde mieux à ses enjeux écologiques,
07:34mais qui en même temps fasse du lien
07:36et nous fasse plaisir de travailler
07:37et d'agir ensemble.
07:38Du lien, du local et de l'envie.
07:40Pour résumer, merci beaucoup
07:41mon cher Serge Guérin
07:43et on se retrouve samedi prochain.
07:45Merci.