Sécheresse, gestion de l’eau : l’impact sur le sud de la France

Sud Radio

Avec Pierre Hilary, Président des Jeunes Agriculteurs Occitanie et Nicolas Garcia, maire d'Elne, vice-président du Département des Pyrénées-Orientales et président du Syndicat des nappes du Roussillon.  ---   Retrouvez nos podcasts et articles : https://www.sudradio.fr/   Nous suivre sur les réseaux sociaux  ▪️ Facebook : https://www.facebook.com/SudRadioOfficiel  ▪️ Instagram : https://www.instagram.com/sudradioofficiel/  ▪️ Twitter : https://twitter.com/SudRadio  ▪️ TikTok : https://www.tiktok.com/@sudradio?lang=fr  ☀️ Et pour plus de vidéo du Grand Matin Sud Radio : https://youtube.com/playlist?list=PLaXVMKmPLMDRJgbMndsvDtzg5_BXFM7X_   ##C_EST_DANS_LACTU_1-2024-07-31##

Transcript

00:00Les débats de l'été, c'est parti !

00:02Sud Radio, les débats de l'été, 10h-13h, Thierry Guerrier.

00:07Alors, on est en pleine canicule, ou plutôt ce petit épisode très fort de canicule, de très haute chaleur

00:14est en train en partie de s'achever, notamment sur le nord de l'Hexagone,

00:19puisque la sécheresse a été relative, a été écartée par des orages qui ont éclaté.

00:26Je vous le disais, ça a un impact déjà sur les lignes SNCF, on y reviendra dans le journal tout à l'heure, à 11h.

00:33Mais pour l'instant, on va s'intéresser à l'impact de la sécheresse et des problèmes d'eau dans les Pyrénées-Orientales,

00:40qui sont un des rares départements, peut-être un des trois départements en France,

00:44à ne pas avoir récupéré assez d'eau de pluie, avec un gros déficit de pluie, pendant le printemps et l'hiver.

00:53Nous sommes avec Pierre Hilary, bonjour M. Hilary, vous êtes président des Jeunes Agriculteurs d'Occitanie, vous êtes avec nous ?

00:59Oui, bonjour.

01:00Alors d'abord, quel temps fait-il tout simplement chez vous ? Quelle température ce matin dans les Pyrénées-Orientales ?

01:06Comme très souvent en été, on a des matinées qui sont autour de 25 degrés,

01:12ça peut facilement prendre une amplitude de 10 degrés jusqu'à 35 degrés l'après-midi.

01:17Et jusqu'à 35, pas davantage, vous n'êtes pas monté autour des 40 là, ces jours-ci ?

01:22Oui, ici ça monte à 37, 38, mais je veux dire que ce n'est pas forcément la température,

01:27enfin dans le sud de la France on a l'habitude à ce qu'il fasse quand même chaud l'été,

01:30c'est surtout les épisodes, la météo, les températures, les moyennes se prennent sur l'année,

01:35c'est surtout les hivers qui sont de plus en plus doux et qui posent vraiment problème.

01:38Oui, alors quand vous dites hiver de plus en plus doux, c'est hiver aussi sans pluie,

01:42parce que certaines des perturbations qui viennent d'habitude ont été, finalement elles se sont déroutées,

01:48elles ne sont pas restées bloquées par les Pyrénées chez vous,

01:52et vous avez encore un gros déficit de pluie cet hiver dernier, le printemps dernier ?

01:58Oui, on a des problèmes de précipitation déjà depuis trois ans et demi,

02:03ça ne s'arrête pas aux frontières du département des Pyrénées-Orientales, vous avez cité la Corse,

02:08il y a également l'Aude et le sud de l'Hérault qui a déjà été impacté aussi par des sécheresses,

02:13et malheureusement il y a quelques centaines de kilomètres d'ici, il ne pleut à Torrent,

02:17donc c'est là où il y a un réel problème, et surtout de gestion de cette ressource.

02:22Donc trop d'eau un peu plus haut, mais très très peu chez vous, très peu de réserve,

02:27dans quelle situation se trouvent vos collègues, vos confrères agriculteurs,

02:32vous qui êtes véticulteur je crois aussi, comment vous gérez ça en ce moment ?

02:36Comment on gère ça ? Déjà dans un premier temps, ils sont au travail, mes collègues,

02:41dans diverses filières, au travers des différents types de filières,

02:45fruits et légumes en pleine récolte, certains moissonnent, certains font les foyers pour les bêtes,

02:51les éleveurs sont en estive, donc voilà, ils sont au travail,

02:55mais le moral n'est pas forcément là au vu des premiers retours qu'on peut avoir,

02:59avec des récoltes dans l'ensemble très moyenne, parce que comme vous l'avez dit,

03:03trop d'eau par endroit, et dans d'autres secteurs comme le mien, il n'y en a pas suffisamment.

03:07Alors ça veut dire quoi concrètement ? Ca veut dire que les fruits mûrissent trop tôt, ils éclatent ?

03:12A quoi vous êtes confrontés très concrètement, vos confrères agriculteurs ?

03:16Vous avez les problèmes les moins graves, je vais dire, c'est dans un premier temps,

03:21des calibres par exemple sur les fruits ou légumes qui ne sont pas récoltés,

03:26qui peuvent être réformés, des fruits qui deviennent mous, parce que par manque,

03:30par stress hydrique, et ensuite dans le pire des cas, vous avez, par rapport à la sèche-fête,

03:34vous avez des arbres qui meurent littéralement, donc c'est quand même des perspectives incapitales qui disparaissent.

03:41Oui, alors Pierre Hilary, je rappelle que vous êtes président des Jeunes Agriculteurs de l'Occitanie,

03:46votre principal objectif c'était de pouvoir construire des retenues d'eau,

03:51et là vous dites on n'y est pas du tout, notamment dans les aspres, on n'y est pas du tout,

03:56les dossiers n'avancent pas, les chantiers n'avancent pas.

03:59Les chantiers n'avancent pas, et je vais vous dire que c'est cette gestion de la ressource qui nous est compliquée,

04:05il y a 500 milliards de mètres cubes d'eau qui tombent sur la France en général, entre la pluie et la neige,

04:11vous n'avez que 3 milliards de mètres cubes qui sont utilisés par l'agriculture pour sa transformation en alimentation,

04:18et quand vous voyez que ça représente environ 90% des terres agricoles qui ne sont pas irriguées,

04:25que certaines nous font passer trop souvent pour des filières de productivisme, etc.,

04:31un petit projet c'est 3 à 5 ans, difficilement finançable par la situation financière que connaissent

04:38nos exportations agricoles dans le sud de la France, notamment en Occitanie,

04:41et ensuite des grands projets vous avez 5 à 10 ans, donc notre première mission c'est d'installer des jeunes,

04:45et dans ces conditions on a beaucoup de mal à donner des perspectives à ces jeunes,

04:49et à les sécuriser face aux différents aléas climatiques qu'ils peuvent connaître.

04:55Oui, alors merci Pierre Hilary, jeune agriculteur, président des jeunes agriculteurs d'Occitanie,

05:01vous êtes vous-même viticulteur, je crois, c'est ça ?

05:03Oui, viticulteur dans le nord-ouest du département des Pieds-en-Orientales.

05:07Et vous allez pouvoir quand même récolter, donc faire vos récoltes à quel moment ?

05:15Alors c'est la grande question, parce que quand on parle de stress hydrique,

05:20on parle d'une hétérogénéité au niveau des maturités,

05:23donc vous avez certains fruits qui mûrissent plus vite que d'autres,

05:26et du migrant d'âge c'est des petits grains qui n'évoluent pas forcément dans le bon sens,

05:30et donc le choix de la date de récolte sera très compliqué, il va falloir trouver un équilibre.

05:38Mais vous imaginez vos vendanges pour quoi, pour septembre ?

05:42Non, pour produire certains vins doux, on va avoir par exemple des récoltes

05:49qui peuvent commencer d'ici une quinzaine de jours, ça dépend des secteurs,

05:53moi c'est un peu plus tardif, vous avez la plaine vers chez moi

05:56qui peut commencer facilement, je pense vers le 10 août, c'est fort possible.

06:02Merci Pierre Hilary, on est fidèle aux vins doux de votre région catalane française,

06:11de la Catalogne française, merci infiniment d'avoir été avec nous en direct,

06:15je vais me tourner vers Nicolas Garcia, vous êtes là monsieur le maire ?

06:18Oui, j'avais plus de raison, on a été coupé.

06:21Oui, j'ai entendu ça à l'instant, mais on vous a récupéré grâce à Jamel Abdelhak, notre réalisateur.

06:28Vous êtes vice-président monsieur le maire du département des Pyrénées-Orientales,

06:31et vous gérez, vous êtes président du syndicat des nappes du Roussillon,

06:35c'est-à-dire un des syndicats de gestion des bassins d'eau.

06:38Cette situation de sécheresse en ce moment, à la différence du reste de l'Hexagone, c'est compliqué pour vous ?

06:46Oui, c'est très compliqué, en fait on n'en est pas sorti,

06:50il y a des conséquences de la sécheresse de l'année dernière,

06:53ça a été dit par le peu que j'ai entendu, mon prédécesseur au micro,

06:58mais la sécheresse continue, on en parle peut-être un peu moins,

07:03parce qu'on ne voulait peut-être pas effrayer les gens qui viennent chez nous en vacances,

07:10mais la sécheresse continue, elle s'accumule en fait,

07:13c'est la troisième année où on est en déficit, on atteint des déficits historiques,

07:18et on est ricrac sur une quarantaine de communes,

07:21c'est-à-dire que sous surveillance de l'ARS, il ne pleut pas,

07:25les réserves d'eau sont à des niveaux bas historiques,

07:28il n'y a que le barrage de Vinsa qui est sur une vallée de la tête,

07:32importante pour l'agriculture, mais les autres sont vraiment en difficulté.

07:37Oui, vous dites c'est ricrac, les images satellites montrent que depuis 2020-2021,

07:43visiblement les terres arides, l'assèchement, le désert,

07:48au fond c'est le terme employé par le BRGM, le désert progresse dans votre région,

07:53qu'est-ce que vous avez essayé de mettre en place,

07:55il y a eu le Premier ministre est venu en mai, si je me souviens bien,

07:58pour essayer de mettre en place un plan eau, et ça ne suit pas aujourd'hui.

08:03Non, c'est le ministre Béchut qui est venu.

08:06Ah, c'est le ministre de l'écologie Béchut, oui.

08:08Oui, en fait, les choses qui ont été annoncées,

08:12elles se mettent progressivement en place en matière d'eau,

08:15je veux dire, on ne prend pas une décision aujourd'hui, on l'applique demain,

08:19il y a des marchés publics, il y a des choses très importantes,

08:22mais même si ça se met en place, aujourd'hui, je crois qu'on a loupé le coche.

08:28Pourquoi vous dites ça ?

08:30Parce que je pense que la réponse qui a été apportée pour calmer les esprits,

08:35à savoir une dépense de 10 millions d'euros et quelques projets intéressants,

08:42quelques projets destinés, acceptés par l'État,

08:47ne sont pas au niveau de la réponse qu'on peut amener,

08:52et surtout du service qu'on aurait pu rendre au reste des départements

08:57qui vont être touchés par la sécheresse, dès maintenant ou dans quelques années.

09:02Mais qu'est-ce qu'il fallait faire ?

09:03Qu'est-ce qu'il faudrait faire aujourd'hui pour aller plus vite et quand même répondre à ce problème ?

09:07Alors, plus vite, ça va être compliqué,

09:10parce que je vous dis, naturellement, quand on veut faire venir un tuyau du Rhône,

09:15ça ne se fait pas en 15 jours, ça se fait en 15 ans,

09:17mais pas en 15 jours.

09:18Quand on veut réparer des canalisations dans une commune,

09:22tout de suite on est sous le coup des marchés publics,

09:26donc il faut trouver les financements, repérer les fuites,

09:30et ensuite les marchés publics.

09:31Donc ce n'est jamais du temps court, c'est du temps moyen, du temps long.

09:34Mais là où on loupe le coche, c'est qu'on sait que la France,

09:38en tout cas on croit savoir que la France,

09:40et moi j'ai confiance aux scientifiques,

09:42va être touchée par cette sécheresse beaucoup plus largement que les Pyrénées-Orientales.

09:47D'ailleurs, ça a été un peu dit juste avant.

09:49Et donc, tout le monde reconnaît que les Pyrénées-Orientales sont un département,

09:53j'ai envie de dire pilote, mais ce n'est pas le mot,

09:56pour la sécheresse aujourd'hui,

09:57c'est-à-dire que c'est un des départements qui est touché par la sécheresse

10:00depuis longtemps et sur l'ensemble du territoire.

10:03Et donc, on doit travailler à la manière de lutter contre cette sécheresse,

10:10de s'adapter et de lutter contre le réchauffement climatique.

10:13Donc, je pense qu'il y a des moyens à mettre dans le monde agricole

10:17pour aider toutes les reconversions en agroécologie, en agroforesterie.

10:21Je crois qu'il faut aider les collectivités à désimperméabiliser les sols

10:25pour capter le peu d'eau qui tombe.

10:27Je pense qu'il y a des projets d'adducteurs internes

10:30entre nos barrages et d'autres tenues d'eau qui doivent être financées.

10:34Voilà, je crois qu'il y a des choses à faire.

10:37Ce n'est pas 10 millions d'euros qu'il faut, c'est peut-être 100, peut-être 150,

10:42mais cette expérience-là, elle va servir au reste du sud de la France,

10:46du sud-est et du sud-ouest,

10:47parce qu'on ne va pas être les seuls à être touchés par la sécheresse.

10:50– Vous dites Nicolas Garcia, maire d'Elne,

10:53vous dites bien clairement les Pyrénées-Orientales

10:55comme poisson pilote des problèmes d'eau dans le pays,

10:59parce que finalement vous êtes dans le grand sud-ouest,

11:02au fond les premières victimes d'une désertification,

11:07on peut le dire, l'assèchement.

11:09Quand il pleut, il va pleuvoir, vous risquez d'avoir aujourd'hui ou demain des orages,

11:15il pleut très très fort et vous n'arrivez pas à récupérer l'eau,

11:18l'eau qui tombe en fait, et vous devriez le faire,

11:20vous pourriez le faire si vous aviez déjà des bassins de rétention.

11:23– Bien sûr, les bassins de rétention, on a aussi des progrès pour les faire,

11:29parce qu'un bassin de rétention, pour le faire, il faut deux ans, trois ans,

11:33il faut dépasser toutes les autorisations, toutes les oppositions, etc.

11:36Donc il faut s'organiser pour collecter de l'eau effectivement quand elle tombe.

11:40Le meilleur moyen et le moyen qui n'a aucune opposition,

11:48qui n'a pas de coûts, c'est de la stocker sous la terre.

11:52C'est de la stocker sous la terre, c'est-à-dire de désinferméabiliser,

11:54ou au travers de nos milliers de kilomètres de canaux,

11:57puisqu'on a trois milliers de kilomètres de canaux,

11:59et puis en Orientale, c'est énorme,

12:01quand les rivières sont en charge, à l'aide de ces canaux,

12:05on peut recharger les nappes, envoyer dans des huisseaux asséchés,

12:10dans des huettes, cette eau-là, qui est en excédent à un moment donné.

12:14– Oui, c'est ça, il faut pouvoir la récupérer.

12:17– Écoutez, on a bien compris, monsieur le maire et vice-président

12:24du département des Pyrénées-Orientales, Nicolas Garcia,

12:26président du syndicat des nappes du Roussillon,

12:30qu'il y avait quand même des choses à faire,

12:32mais que ça n'allait pas encore assez vite.

12:34On a essayé de se pencher quelques minutes sur ce dossier de l'eau et de la canicule,

12:39de l'eau, de sa gestion, et de la canicule dans cette période de chaleur.

12:44Merci à vous aussi d'avoir été en direct avec nous,

12:47on va aller en Angleterre, et puis on ira à Talence, près de Bordeaux,

12:51pour des sujets très différents.

12:53Dans un instant, ce sont les débats de l'été,

12:55restez avec nous sur Sud Radio.

12:57– Sud Radio, votre attention est notre plus belle récompense.

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