Palestine : changer les regards - Entretien avec Rima Hassan

  • il y a 3 mois
« La question palestinienne n’est pas seulement une question humanitaire, c’est une question politique ». Entretien avec la députée européenne nouvellement élue, Rima HASSAN ( La Gauche ), militante de la cause palestinienne et experte à titre professionnel des questions de migrations et d’asile.

Comment faire changer l’approche des Européens sur la question palestinienne et les migrants ? Comment faire valoir le droit international au sein de l’Union européenne et du Parlement européen ? Réactions au discours d’Ursula Von der Leyen sur ces sujets et analyse de la situation à Gaza avec Rima Hassan.

Avec Jean-Jacques Régibier, journaliste.

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Transcription
00:00Bonjour Emma Hassan et bienvenue sur le plateau de l'Humanité au Parlement européen ici à Strasbourg.
00:06Alors vous êtes nouvelle députée européenne, vous avez été élue sur la liste de la France Insoumise
00:12et vous faites partie maintenant du groupe La Gauche lors des dernières élections.
00:16Vous êtes, on le sait, militante de la cause palestinienne.
00:20Vous êtes aussi, et ça on le sait peut-être moins à titre professionnel, spécialiste des questions d'immigration,
00:28spécialiste des questions d'asile.
00:31Également, on y reviendra au cours de cet entretien.
00:34Rappelons que vous êtes vous-même arrivée en France, vous étiez enfant à ce moment-là,
00:37vous veniez d'un camp de réfugiés palestiniens situé près d'Alep en Syrie.
00:43Vous êtes alors arrivée à ce moment-là comme mapatride en France
00:46et vous êtes aujourd'hui franco-palestinienne.
00:50Franco-palestinienne, il n'y a pas beaucoup de gens qui peuvent dire qu'ils sont franco-palestiniens, mais c'est votre cas.
00:56Ce que j'ai envie de vous demander, c'est pourquoi est-ce que vous avez souhaité passer d'un monde,
01:01qui est un monde militant tout de même, à ce monde particulier qui nous entoure ici au Parlement,
01:06le monde politique, assez infernal.
01:10Votre collègue Leïla Chébi, quand elle est arrivée il y a cinq ans dans ce Parlement,
01:14a tellement été traumatisée qu'elle a eu l'épouvantable besoin d'en écrire un livre.
01:18Comment est-ce que vous avez voulu faire ce bond qui consiste effectivement à devenir députée,
01:23à rentrer dans le monde politique, ce que vous retrouvez ici, là, depuis trois jours au Parlement européen ?
01:29Merci beaucoup de votre invitation, déjà.
01:33C'est une des premières interviews que je vais donner depuis le début de ce mandat.
01:37Je suis très heureuse de la donner à l'humanité.
01:41Il y a eu un moment de bascule pour moi.
01:44L'après 7 octobre, je n'envisageais pas encore véritablement m'engager en politique,
01:49mais ce qui est sûr c'est que j'ai eu un moment de rupture dans ma vie.
01:52Ce qu'on ne cite pas effectivement, c'est que j'avais été recrutée par Amnesty International
01:57pour le poste de chargée de plaidoyer migration.
01:59Je n'ai pas pris le poste deux semaines avant de commencer,
02:03parce que je n'envisageais pas d'avoir un train de vie qui allait m'empêcher,
02:10d'une manière ou d'une autre, de faire de l'espace pour la question palestinienne,
02:16puisque ce que nous vivons toujours, c'est un génocide.
02:21J'ai fait partie de ceux qui, dès le mois d'octobre, avaient alerté sur ce risque de génocide.
02:25Je suis partie en Jordanie pour avoir vraiment le temps de vivre ce qui était aussi un deuil,
02:32ce qui est un deuil pour moi quotidien,
02:34et de comprendre ce que je pouvais faire à mon échelle.
02:37L'engagement en politique, pour moi, il se joue en croisement de deux éléments.
02:43C'est une question de rencontre et c'est une question de moment.
02:45C'était le bon moment en vue de l'urgence.
02:48Il y a aussi d'autres sujets qu'on pourra aborder, mais qui sont tout aussi urgents.
02:52La montée de l'extrême droite, la question de la migration,
02:54les sujets sur lesquels je suis impliquée depuis de nombreuses années,
02:56et une question de rencontre, parce qu'on peut se dire que c'est le bon moment pour soi,
03:00mais si on ne rencontre pas les bonnes personnes, le bon appareil politique,
03:04la bonne famille politique qui est prête à vous accompagner et vous porter,
03:07ça ne peut pas non plus marcher.
03:09J'ai eu la chance de rencontrer la France Insoumise,
03:12qui m'a portée et qui m'a fait de la place pour ces élections européennes.
03:16Ça a débuté ici, hier, en réalité.
03:20On enregistre cette émission aujourd'hui, vendredi,
03:23par le discours d'Ursula von der Leyen,
03:26qui a été réélue fondatrice d'Ursula von der Leyen II,
03:30présidente de la Commission européenne.
03:32Elle a eu sur Gaza quelques mots, pas tant que ça.
03:36Est-ce que ça vous a satisfait ?
03:39Absolument pas.
03:40Ce qu'il faut savoir, c'est qu'elle a été auditionnée avant son discours,
03:44hier, par notre groupe, en début de semaine.
03:47On lui a posé à deux reprises la question de l'impunité dont bénéficie Israël,
03:53des ressorts que nous avons ici, dans ces institutions,
03:57pour pouvoir justement agir en ce sens,
04:00à commencer par l'accord UE-Israël, qui peut être suspendu,
04:03puisque l'article 2 prévoit que cet accord est conditionné
04:07au respect des droits de l'homme et que, par ailleurs,
04:09cet accord fait de l'Union européenne le principal partenaire commercial d'Israël.
04:13Donc nous avons des leviers d'action.
04:15Elle a refusé d'y répondre à deux reprises.
04:17Et le discours qu'elle a eu hier, moi, il me choque,
04:20puisqu'il est marqué par un deux poids deux mesures qui devient insupportable.
04:24Pour les Ukrainiens, on parle de résistance légitime,
04:29d'un soutien absolu inconditionnel.
04:32Et à juste titre, on peut tout à fait avoir un discours qui est très fort,
04:36qui tend à rappeler ce que nous devons de soutien au peuple ukrainien.
04:42Mais nous ne pouvons pas, de l'autre côté,
04:45réduire le peuple palestinien à un sujet humanitaire,
04:49parce que c'est ce qu'elle fait.
04:51Et c'est là où c'est très intéressant, et d'ailleurs c'est un point de bascule,
04:54puisqu'on tend à invisibiliser la perspective politique de ce conflit.
05:02Et c'est invisibiliser toute la lutte aussi du peuple palestinien,
05:07qui n'est encore une fois pas simplement un sujet humanitaire.
05:10Le peuple palestinien ne demande pas simplement à boire et à manger,
05:14ou à être secouru.
05:16Il demande à pouvoir exister et survivre en tant que sujet politique,
05:19à savoir un sujet palestinien.
05:21Un but qui est ancien, qui fait partie de l'origine même,
05:24des années après 1948.
05:27Dès l'origine, il y a cette résistance au refus, en tout cas.
05:31Mais même bien avant !
05:33Ce qu'il faut rappeler, d'ailleurs, moi, le kiffier palestinien,
05:36je le porte pour rappeler aussi cette dimension historique
05:39de la résistance et de l'identité palestinienne,
05:42c'est face au mandat britannique.
05:44En réalité, dès les années 30, que le peuple palestinien se soulève,
05:47se structure aussi en tant que nation, j'ai envie de dire,
05:52et qui va revendiquer son droit à l'autodétermination,
05:58et va se structurer dans sa résistance.
06:01Il ne faut pas oublier que sous le mandat britannique,
06:03c'est 10% de la population palestinienne qui va être soit emprisonnée,
06:05soit chassée, soit tuée.
06:07Donc la question de la lutte contre la colonisation
06:10et de la défense de l'identité palestinienne,
06:12elle est même antérieure à la création de l'État d'Israël,
06:14et il y a une continuité, malheureusement, depuis.
06:17C'est bien ce que montre le livre d'Ilan Bappé,
06:19que vous connaissez sans doute,
06:21qu'il vient de rééditer là,
06:23et qui fait ce lien que vous êtes en train de dire
06:26entre l'origine, et maintenant.
06:31Tout à fait.
06:33Et ma voix, je crois qu'elle a beaucoup dérangé
06:35dans le cadre de cette campagne, pour ça.
06:37Parce que je ne suis pas juste d'origine palestinienne.
06:41Je suis une descendante de l'Anakba.
06:43Je suis une enfant d'Anakba.
06:45Je suis une enfant des camps de réfugiés.
06:47C'est-à-dire que mon historique, l'histoire de ma famille,
06:49tend à rappeler ce qu'Israël nous fait subir
06:53depuis sa création,
06:55à savoir un processus de nettoyage ethnique.
06:57C'est le titre du livre.
06:59Tout à fait.
07:01Et je pense que 5 générations plus tard,
07:03et que j'arrive effectivement au Parlement
07:05pour rappeler ces dimensions aussi historiques
07:07de la souffrance du peuple palestinien,
07:09ça dérange.
07:11Parce que moi, je ne suis pas là pour dire
07:13que ça a commencé le 7 octobre.
07:15On parlait d'Ursula von der Leyen.
07:17Il y a le Parlement européen que vous avez découvert,
07:19que vous venez de découvrir.
07:21Je rappelle que votre groupe avait demandé
07:23que le Parlement puisse avoir un débat
07:27sur la question de Gaza à cette session.
07:29Et je rappelle que ça a été refusé.
07:31Ça a été rejeté, oui.
07:33Qu'est-ce que ça vous dit de ce qu'est ce Parlement
07:35par rapport à cette question de Gaza ?
07:37C'est les premières impressions, j'allais dire.
07:39Ça me dit qu'il faut décoloniser les institutions européennes.
07:41C'est-à-dire qu'il faut vraiment comprendre
07:43que moi, j'appartiens aussi à une génération
07:45qui a un...
07:47Enfin, je veux dire,
07:49ce ne sont pas des mots-clés qu'on est en train de placer.
07:51Il y a un vrai enjeu d'humaniser
07:53ce qu'on a systématiquement déshumanisé.
07:55Et le peuple palestinien n'est rien d'autre
07:57ici qu'un sujet colonisé.
07:59Et c'est aussi ça qui explique
08:01ce deux-poids-deux-mesures.
08:03Donc il faut qu'on arrive à changer
08:05la manière dont on raconte
08:07l'histoire d'un certain nombre de populations
08:09à travers le monde.
08:11Et c'est pour ça que je dis souvent
08:13que c'est des batailles de narratifs
08:15qu'il faut mener avant que ça soit des batailles politiques.
08:17On ne peut pas faire pénétrer des mesures
08:19ou des discours politiques si on ne gagne pas
08:21la bataille des narratifs.
08:23Et une des batailles que j'ai menées moi
08:25c'est que la question palestinienne
08:27c'est un sujet européen.
08:29Et c'est ça qu'il faut qu'on arrive à faire comprendre
08:31à tout le monde ici.
08:33Alors on est loin à Gaza aujourd'hui
08:35de ce qui se passe ici quand même.
08:37On vient d'en donner des exemples.
08:39On sait que cette semaine il y a encore eu des bombardements.
08:41On sait que la situation sanitaire
08:43devient de pire en pire.
08:45On parle maintenant de polio,
08:47de virus de polio dans les eaux
08:49de Gaza,
08:51dans les eaux dont s'alimentent
08:53les palestiniens.
08:55Quelles sont les dernières informations
08:57que vous avez sur la situation
08:59concrète, précise ?
09:01Déjà il faut rappeler qu'il y a eu une étude
09:03d'un magazine britannique
09:05qui a précisé
09:07qu'on n'était pas loin de 200 000 morts
09:09en réalité si on compte aussi les morts
09:11indirectes
09:13liées au manque
09:15de soins, de prises en charge,
09:17de maladies
09:19qui ne sont pas forcément prises en charge.
09:21J'ai vu aussi qu'il y avait eu plusieurs centaines de morts
09:23de patients atteints de cancer qui n'ont pas pu être
09:25soignés et qui sont morts de ce fait.
09:27Donc il y a déjà cette donnée
09:29qui n'a malheureusement pas été
09:31assez relayée. J'ai vu que Mediapart avait fait
09:33aussi un sujet là-dessus.
09:35Ensuite on sait qu'il n'y a
09:37plus d'écoles, que quasiment
09:39toutes les écoles ont été détruites
09:41qui sont quand même des lieux de refuge
09:43pour un certain nombre de familles
09:45puisque souvent les écoles
09:47dans la bande de Gaza ce sont des écoles
09:49des Nations Unies, de l'UNEROI.
09:51Elles ont toutes été prises pour cibles.
09:53Idem s'agissant des
09:55hôpitaux. Donc on est véritablement
09:57dans un
09:59processus qui est
10:01génocidaire de manière incontestable.
10:03Il faut que
10:05les journalistes, les politiques,
10:07les personnalités
10:09qui peuvent avoir une influence
10:11en France prennent enfin
10:13la parole pour dénoncer
10:15ce qui est véritablement
10:17un génocide.
10:19Un génocide par destruction du groupe social.
10:21Ce qu'a très bien rappelé l'avocat Gilles Devers.
10:23C'est-à-dire que la logique génocidaire
10:25ne s'évalue pas au nombre de morts.
10:27Pas que au nombre de morts.
10:29Elle est dans la manière dont on est
10:31en train de détruire aussi tout
10:33un environnement qui
10:35permet la survie d'une population
10:37donnée. La population
10:39palestinienne de Gaza a été reconnue
10:41par la décision de
10:43l'Ordonnance de la Cour Internationale de Justice
10:45comme une population
10:47avec ses spécificités, son identité,
10:49etc. Et le
10:51génocide par destruction du groupe
10:53social, donc reconnu comme un groupe social,
10:55et donc le génocide par
10:57destruction
10:59d'un groupe social,
11:01c'est
11:03la destruction aussi
11:05de tout son environnement. C'est-à-dire tout ce qui
11:07lui permet de survivre.
11:09Quand vous êtes dans un endroit
11:11où vous n'avez plus les moyens de vous
11:13éduquer, de vous héberger,
11:15de vous loger, de vous nourrir,
11:17de vous soigner, de vous alimenter,
11:19c'est...
11:21Enfin, je laisse imaginer
11:23vraiment les gens qui nous
11:25écoutent ce que va
11:27subir, même dans les prochaines années,
11:29le peuple palestinien, puisque 90%
11:31des infrastructures civiles à Gaza
11:33sont détruites aujourd'hui.
11:35Le paradoxe qui frappe tout le
11:37monde en ce moment, c'est que
11:39il y a énormément de mobilisation
11:41internationale sur Gaza
11:43depuis les débuts,
11:45des mobilisations de
11:47militants, de gens, tout simplement, de citoyens
11:49dans le monde entier. Jamais, peut-être,
11:51une mobilisation pour
11:53demander d'arrêter
11:55une guerre n'a peut-être, en tous
11:57les cas, dans les années précédentes, ou dans les
11:59décennies précédentes, n'était aussi forte dans le monde.
12:01Les organisations internationales,
12:03vous disiez il y a deux secondes, à commencer
12:05par l'ONU d'ailleurs, a aussi
12:07pointé ce
12:09qui se passait là-bas, dès le départ.
12:11Les ONG,
12:13les associations humanitaires,
12:15les groupes humanitaires, etc.
12:17Comment est-ce que
12:19on peut
12:21dire plus ? Tout le monde est au courant
12:23de ce qui se passe aujourd'hui à Gaza.
12:25On ne peut pas dire qu'on ne sache pas
12:27ce qui se passe exactement. Comment
12:29vous allez vous y prendre, vous, ici au Parlement européen,
12:31pour précisément tenter
12:33de faire
12:35prendre conscience
12:37des questions telles que vous le disiez il y a quelques instants ?
12:39Je crois que le seul
12:41levier que nous avons et qui
12:43permet de rassembler
12:45le plus largement possible, c'est le droit international.
12:47Et l'arme
12:49la plus efficace
12:51pour cette cause, c'est,
12:53ça restera toujours le droit international,
12:55qui est implacable,
12:57qui est extrêmement clair,
12:59et qui aujourd'hui
13:01nous permet de devoir
13:03lire la situation de la façon
13:05la plus limpide possible.
13:07C'est-à-dire qu'on a affaire à un État
13:09voyou, qui est un des États
13:11qui a le violé le plus, bafoué
13:13le plus de résolutions des Nations Unies
13:15au monde, en mise en perspective
13:17avec les autres États de la communauté internationale.
13:19On a un État
13:21qui impose une situation
13:23d'occupation, de colonisation
13:25en toute impunité depuis des décennies,
13:27aujourd'hui, qui est en train
13:29de se rendre coupable d'un crime de génocide,
13:31dont le crime d'Apartheid, qui était aussi
13:33un crime contre l'humanité, si on se réfère au statut de Rome,
13:35est documenté
13:37par les plus grandes ONG internationales,
13:39y compris par des ONG israéliennes
13:41comme B'Tselem,
13:43ou l'ONG palestinienne Al-Haq.
13:45Et donc, on a affaire
13:47à un État qui
13:49concentre à lui seul
13:51les pires crimes internationaux.
13:53Donc, ce qu'il faut
13:55ramener ici,
13:57et j'ai presque envie de dire,
13:59c'est qu'il faut aussi ramener
14:01l'Union européenne à la raison
14:03à travers, justement, ce prisme du droit
14:05international, qui est parfaitement
14:07documenté, et qui nous permet
14:09à un moment donné de mettre
14:11nos députés,
14:13nos eurodéputés,
14:15nos dirigeants
14:17face à leurs responsabilités.
14:19C'est-à-dire que si, effectivement,
14:21nous sommes tous d'accord pour condamner la Russie
14:23pour une agression,
14:25une occupation illégale des territoires ukrainiens,
14:27et que tout ceci est parfaitement
14:29documenté et condamné
14:31par le droit international, si on transpose
14:33les choses, s'agissant de la situation
14:35israélo-palestinienne, nous devons en faire tout autant.
14:37Et il faudra dénoncer,
14:39et moi je vais aussi y travailler,
14:41dénoncer l'hypocrisie des uns et des autres,
14:43et notamment dans les rangs à gauche
14:45des socialistes ou des verts
14:47qui ne prendront pas part
14:49à des votes qui vont en ce sens
14:51sur la question palestinienne. – C'est ça, parce que le droit international,
14:53c'est le credo de l'institution
14:55dans laquelle on se trouve. Tout le monde en parle en permanence.
14:57– Tout à fait.
14:59– Et en réalité, ce discours-là,
15:01effectivement, est complètement
15:03mis à nu par le silence
15:05ou l'ambiguïté
15:07par rapport à ce qu'il s'agissait.
15:09– Mais ce que tout le monde doit comprendre,
15:11c'est que faire cela, c'est pas juste
15:13pour le peuple palestinien.
15:15C'est-à-dire qu'à un moment donné,
15:17c'est une question de survie aussi
15:19de notre discours,
15:21c'est une question de crédibilité
15:23de notre parole politique
15:25aussi en tant qu'européens.
15:27Et on voit bien que nous sommes moqués
15:29aussi à l'échelle internationale
15:31pour ce deux poids, deux mesures,
15:33que les prétendues valeurs occidentales,
15:35que les prétendus droits de l'homme
15:37qui auraient été consolidés,
15:39pensés ici,
15:41sont totalement en train de s'effriter
15:43sous nos yeux.
15:45Et c'est important de le dénoncer
15:47et de le réparer surtout.
15:49Et d'être à la hauteur
15:51de ce qu'on prétend être.
15:53D'abord, on assume
15:55de manière cynique
15:57le fait que les vies palestiniennes,
15:59comme les vies de tout un certain
16:01nombre de peuples dits du Sud,
16:03comptent toujours moins.
16:05Et dans ce cas-là, on a au moins le souci de la cohérence.
16:07La formalisation de ça,
16:09c'est l'expression double standard
16:11qui est utilisée maintenant au niveau international
16:13pour décrire la situation
16:15que vous êtes en train de dire là.
16:17Et on voit que ce mot de double standard
16:19avance au niveau international aujourd'hui.
16:21Il n'y a pas de pays qui disent ce que vous venez de dire.
16:23Il y a deux poids, deux mesures,
16:25il y a deux façons de voir les choses,
16:27selon ce qui vous arrange et ce qui ne vous arrange pas.
16:29Et ce qu'on rappelait à un certain nombre d'experts,
16:31c'est que les grands vainqueurs en réalité de ce double standard,
16:33ce sont les autres criminels.
16:35C'est-à-dire que c'est des régimes comme celui de Poutine
16:37qui va effectivement utiliser ce double standard
16:39pour dire, après tout,
16:41si vous êtes d'accord pour laisser Israël
16:43commettre tout un tas de crimes,
16:45moi je peux y aller aussi de mon côté.
16:47Au sein du Parlement européen,
16:49mais sur quelle force,
16:51entre guillemets, vous pouvez compter
16:53ou comment vous allez vous y prendre ?
16:55Comment vous allez faire ?
16:57Moi j'ai une bonne nouvelle.
16:59C'est que la question palestinienne
17:01en réalité, elle est plus large
17:03que ce qu'on peut penser.
17:05Même si là, je crois qu'on paye le retard
17:07de 10, 15 années,
17:09je ne suis pas la seule à le dire, de nombreuses personnalités le disent.
17:11Alain Grèche l'a rappelé.
17:13En fait, nous avons eu un vide sur la question palestinienne
17:15de plus de 10 ans.
17:17Toute la violence que nous avons subie pendant la campagne
17:19et ces difficultés
17:21que nous avons à ramener
17:23le discours politique sur ce sujet
17:25vient aussi du fait qu'on a abandonné ce sujet
17:27depuis de nombreuses années.
17:29On a déjà cette première étape à passer.
17:31Ensuite, je pense que la question palestinienne,
17:33c'est une question qui peut rassembler au-delà de nos rangs
17:35dits à gauche. Je prends l'exemple
17:37de la France, mais on a une tradition
17:39aussi de la droite.
17:41Je peux citer Villepin, de Chirac,
17:43qui ont œuvré aussi
17:45pour les droits du peuple palestinien.
17:47Je suis persuadée qu'au Parlement européen,
17:49nous allons aussi trouver des forces, même à droite,
17:51qui pourront nous soutenir
17:53sur un certain nombre d'initiatives.
17:55En tout cas, j'y travaillerai avec mon équipe.
17:57Il y a un groupe, à l'heure actuelle, parlementaire ?
17:59Pour une délégation palestinienne ?
18:01Oui, tout à fait.
18:03Il y a une délégation palestinienne.
18:05Il y a plusieurs délégations pour différents pays
18:07que nous pouvons rejoindre.
18:09Effectivement,
18:11j'ai présenté ma candidature
18:13pour pouvoir rejoindre
18:15cette délégation,
18:17et d'autres, d'ailleurs.
18:19Ce sont des groupes de travail,
18:21en réalité, pays pour...
18:23L'autre question lisée au début de cet entretien,
18:25ça concerne effectivement la question
18:27des migrants et des réfugiés,
18:29une question que vous connaissez bien.
18:31Vous avez travaillé à l'Office français
18:33de protection des réfugiés et des abattris
18:35de la Cour nationale du droit d'asile
18:37pendant six ans, ce qui est beaucoup.
18:39Alors,
18:41même chose, je vous pose la même question
18:43par rapport à ce qu'a dit, hier, Ursula von der Leyen.
18:45On l'a entendu aborder cette question-là.
18:47Donc, en gros, il fallait renforcer
18:49Frontex,
18:51lequel Frontex a quand même
18:53été mis sur la sellette.
18:55Et donc, ça a dû faire...
18:57D'ailleurs, ce qu'elle a dit a dû faire plaisir
18:59à Fabrice Légeri, l'ex-directeur de Frontex,
19:01qui est accusé d'avoir refoulé
19:03les bateaux en mer, les fameux push-back.
19:05Et il y a
19:07l'autre point, c'est le pacte immigration
19:09qui a été abordé aussi, elle en a parlé,
19:11le pacte immigration d'Asie, dont elle a réaffirmé
19:13que c'était la base à partir de laquelle il fallait
19:15qu'on aborde la question
19:17des migrants et des réfugiés. Qu'est-ce que vous en pensez ?
19:19Parce que, ça, c'est important, c'est un milieu
19:21dans lequel vous travaillez, vous connaissez ce milieu.
19:23Qu'est-ce que vous pensez de cette situation,
19:25cette position actuelle, réitérée hier
19:27par Ursula von der Leyen, sur la question
19:29des migrants et des réfugiés
19:31qui arrivent aux frontières de l'Europe ?
19:33C'est une politique d'échec. C'est-à-dire que nous sommes
19:35pas, encore une fois, face à une crise de la migration,
19:37nous sommes face à une crise de l'accueil.
19:39Et la réponse
19:41qui a été celle de l'Union Européenne,
19:43c'est pas une réponse de l'accueil.
19:45C'est une réponse de gestion
19:47de crise et qui, par ailleurs,
19:49part des mauvais constats.
19:51Elle part des mauvais constats.
19:53C'est-à-dire qu'on a le sentiment d'avoir un pacte
19:55Asie-migration qui a été pensé
19:57pour endiguer des flux migratoires
19:59sous lesquels
20:01nous serions envahis,
20:03ce qui est complètement faux
20:05puisqu'il faut resituer ce qu'est
20:07la migration internationale.
20:09C'est à peu près 3% de la population mondiale.
20:11Les premières réalités
20:13de migration, c'est celle des déplacés
20:15internes et ensuite des réfugiés.
20:17Mais les réfugiés eux-mêmes qui sont à 85%
20:19accueillis par des pays voisins
20:21de leur pays d'origine.
20:23C'est le cas autour d'Israël, bien entendu.
20:25On peut prendre l'exemple de la crise syrienne
20:27où l'essentiel des millions de réfugiés
20:29syriens ont été accueillis par des pays voisins.
20:31Donc c'est toujours des pays
20:33du sud qui accueillent des réfugiés
20:37de la même région.
20:41Donc l'Europe
20:43n'est absolument pas envahie.
20:45La solution n'est absolument pas
20:47celle qui consisterait à
20:49avoir une réponse qui serait uniquement sécuritaire
20:51ou d'enfermement
20:53et d'encampement. On y reviendra peut-être
20:55mais c'est le sujet sur lequel j'aimerais
20:57beaucoup travailler. C'est dynamique aussi
20:59d'encampement des populations en situation d'exil.
21:01Donc la réponse ne peut pas être
21:03à la hauteur si on part du mauvais constat.
21:05Et l'Union Européenne
21:07pense la question
21:09de la migration
21:11non pas comme une question
21:13de solidarité envers
21:15les personnes
21:17concernées
21:19mais comme
21:21quelque chose qu'il faudrait systématiquement
21:23endiguer et qui serait un
21:25fardeau. Mais on revient aussi à ce qu'est
21:27l'Union Européenne, à savoir
21:29un géant. L'Union Européenne
21:31a été pensée comme un géant économique
21:33et un impolitique. Et on voit bien
21:35que sur toutes les questions
21:37politiques majeures,
21:39on peine à avoir
21:41des solutions qui soient à la hauteur.
21:43La question palestinienne
21:45en fait partie mais la question de la migration aussi.
21:47Et c'est ce rééquilibrage
21:49sur lequel on doit
21:51travailler. C'est-à-dire que l'Union Européenne
21:53se pense encore essentiellement
21:55sur ce prisme économique et non pas
21:57comme aussi une force
21:59qui peut être une force politique et qui peut avoir des vraies
22:01positions de
22:03solidarité, d'humanité
22:05et de politique
22:07étrangère. On constate,
22:09suite à ce que vous dites, on constate
22:11que c'est même pire. C'est-à-dire que
22:13la situation était moins pire il y a
22:15une quinzaine d'années par rapport aux migrants. C'était
22:17beaucoup plus ouvert en réalité. Beaucoup
22:19plus que ça l'est aujourd'hui. C'est-à-dire que
22:21ces mesures qui ont été prises,
22:23ces résolutions qui ont été prises
22:25aggravent la situation,
22:27mais ne sont pas l'améliorant. Oui, tout à fait.
22:29Et par ailleurs, ça s'inscrit aussi dans le fait que
22:31on a des sociétés européennes
22:33qui tendent à se
22:35droitiser aussi. C'est-à-dire que
22:37les politiques
22:39qui sont aussi votées
22:41dans ces thématiques
22:43reflètent aussi
22:45les dynamiques
22:47qu'il y a dans nos sociétés européennes.
22:49Et on voit bien aussi que même en France,
22:51nous avons des discours qui sont de plus en plus
22:53racistes
22:55sur
22:57xénophobes, de rejets
22:59sur cette question
23:01et on a
23:03une société qui aussi vote de plus
23:05en plus à droite, voire à l'extrême droite.
23:07Donc nécessairement, les politiques qui sont adoptées
23:09ici reflètent aussi ces tendances-là.
23:11L'autre
23:13bon aspect des choses, c'est que vous allez rencontrer aussi
23:15ici des députés
23:17qui viennent d'autres pays
23:19d'Europe. Tous les pays
23:21ne sont pas dans la configuration de la France.
23:23Et ça, c'est un point important pour vous de pouvoir
23:25discuter avec des députés
23:27d'autres pays qui ont
23:29des manières de voir différentes sur les questions
23:31qu'on a abordées. Oui, totalement, puisque
23:33vous le savez, mais la campagne a été
23:35au moins oxygène
23:37sur la question palestinienne
23:39et je n'ai pas eu l'occasion
23:41de parler d'autres sujets
23:43parce que j'ai vraiment le sentiment d'avoir
23:45été aussi enfermée dans l'actualité
23:47autour de cette question.
23:49Mais
23:51j'ai déjà eu
23:53l'occasion de discuter
23:55avec les
23:57députés espagnols,
23:59suédois, allemands,
24:01belges, autour
24:03notamment de cette question palestinienne
24:05et effectivement, il y a une bouffée d'oxygène
24:07un peu, puisqu'on respire
24:09et on sort effectivement de la bulle franco-française
24:11et on comprend qu'on a
24:13énormément en réalité de soutien
24:15à l'échelle européenne.
24:17Il y a énormément de personnes qui sont
24:19prêtes à investir du temps, de l'énergie
24:21sur ces sujets et
24:23j'ai hâte de pouvoir
24:25collaborer avec eux. Justement,
24:27prochaine session, c'est en septembre, d'ici là,
24:29vous allez faire quoi ?
24:31Là, je retourne à Bruxelles
24:33puisqu'il nous reste encore jusqu'à fin juillet
24:35encore des réunions, notamment dans
24:37nos commissions, donc les premières réunions dans nos commissions
24:39et tout le mois d'août, je serai
24:41dans les camps palestiniens.
24:43J'ai un projet photo
24:45de portrait de réfugié palestinien
24:47et je vais aussi retourner dans le
24:49camp de Nérab, qui est mon lieu aussi
24:51de ressources. Ça reste
24:53un mini chez moi, ou ma Palestine par défaut.
24:55C'est comme ça que je l'appelle.
24:57Merci Emma, Sam, merci beaucoup.
24:59Et vous serez toujours bienvenue sur le plateau.
25:01On continuera bien sûr à suivre
25:03tout ce dont on vient de parler
25:05ensemble. Merci à vous, merci à vous
25:07qui nous avez suivis. Et puis on se retrouve en septembre,
25:09je viens de le dire, sur le plateau
25:11d'Humanité. Merci à vous, au revoir.

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