La citoyennete culturelle

  • il y a 2 mois
La citoyenneté culturelle : réalités juridiques et enjeux
par André Fertier, essayiste, président de CEMAFORRE, Porte-parole du Collectif national droits culturels et vivre ensemble Agapé.
Cette conférence a eu lieu le 8 décembre 2023, en mode hybride (en présence et à distance) lors du groupe de travail culture animé par ATD Quart Monde à l’association Aurore (Paris).
Transcript
00:00:00Bonjour à toutes et tous, je suis Céleste Blanchandin, Responsable Culture au sein de
00:00:14l'association Aurore, qui est une association qui accompagne des personnes en situation
00:00:18de grande précarité au travers de trois missions, l'hébergement, les soins et l'insertion
00:00:22professionnelle. Et aujourd'hui, nous accueillons dans nos locaux une conférence autour de
00:00:28la citoyenneté culturelle qui va être donnée par André Fertier de Semaphore. Et cette
00:00:33conférence a lieu dans le cadre d'un groupe de travail autour de la culture qui est piloté
00:00:38et animé par ATD Quart Monde. Je vais laisser tout de suite la parole à Philippe Haussemalin
00:00:43qui pilote ce groupe de travail autour de la culture d'ATD Quart Monde.
00:00:48On est très heureux de l'accueillir. Il fait partie du groupe d'ATD Quart Monde,
00:00:55ordonné par ATD Quart Monde, qui est le Réseau Vrezinski Culture, qui est un groupe
00:01:01qui, je dirais presque fédère, ou en tout cas regroupe un certain nombre d'associations qui
00:01:08travaillent sur toutes ces questions de la précarité. Je peux les citer, mais peut-être que
00:01:15si j'en oublie, vous ne m'en voudrez pas. Vous savez, quand on fait ça comme ça rapidement,
00:01:18il y a toujours des oublis. En tout cas, il y a Culture du Coeur, il y a Réseau du Coeur qui
00:01:23n'est pas ponctuellement là, mais qui fait partie de longue date du Réseau. Il y a donc Aurore,
00:01:28bien entendu, qui nous accueille et qu'on remercie chaleureusement d'autant plus aujourd'hui de
00:01:33cette participation active. Il y a la FAS, Fédération des Acteurs de la Solidarité. Il y a
00:01:39l'association du 1er mai qui travaille sur le cinéma, justement dans un cadre, on va dire,
00:01:48d'éducation populaire, pour aller vite. Il y a donc Cémaport. Il y a également l'association
00:01:56La Possible Échappée qui travaille sur le handicap, le Centre des Monuments Nationaux,
00:02:03le CMN, je crois avoir fait le tour, et le SAMU Social qui nous a rejoint cette année,
00:02:12ainsi que le groupe Lille de France qui travaille sur, aidez-moi, bon c'est pas grave,
00:02:24voilà, j'en ai oublié peut-être, mais globalement je vous ai cité un petit peu l'association qui
00:02:29travaille dans le cadre de ce réseau Brésil Ski Culture, et l'idée c'est de partager en fait nos,
00:02:35je dirais, nos expériences, les parcours auxquels nous sommes en fait amenés par le travail de
00:02:44près que nous faisons sur les populations en situation de précarité, et également la possibilité
00:02:49justement d'un travail de plaidoyer sur le plus long terme. Voilà ce qui je dirais nous occupe,
00:02:54alors on a à chaque fois des sujets très précis, et là aujourd'hui ça sera cette
00:02:58citoyenneté culturelle avec André. Bonjour à toutes et tous, et merci beaucoup de venir
00:03:07participer à cette rencontre aujourd'hui. Merci beaucoup à Aurore, à l'association Aurore de
00:03:15nous accueillir dans ces beaux locaux, et puis aussi au groupe d'ATD Quart Monde Culture d'avoir
00:03:23proposé cette idée d'une conférence sur la citoyenneté culturelle. Merci également à
00:03:28Myra Gollinger de Semaphore qui a aidé sur le plan de l'organisation pour la tenue de cette
00:03:34conférence. Alors je dirais déjà que pour moi cette conférence d'aujourd'hui elle a une résonance un
00:03:41peu particulière parce qu'en fait c'est tout à fait un hasard mais elle coïncide avec la journée
00:03:49de publication officielle de mon dernier essai qui porte ce nom, la citoyenneté culturelle,
00:03:56et qui est prépassée par le grand philosophe sociologue humaniste Edgar Morin. Donc c'est pour
00:04:04moi un grand bonheur aussi, un honneur d'avoir cette préface d'Edgar Morin sur un sujet qui,
00:04:10pour le moment, aussi bien en France qu'au niveau international, est assez peu traité. Donc je n'aurais
00:04:17pas évidemment forcément le temps d'entrer dans tous les détails sur ce concept de citoyenneté
00:04:22culturelle mais j'essaierai quand même de donner quelques repères. Déjà, en introduction, je
00:04:30souhaite rappeler un peu les enjeux autour de ce sujet de la culture et de la citoyenneté culturelle.
00:04:37Dans la culture, moi je l'aborde en général en faisant référence à la déclaration faite en
00:04:46conclusion de la Conférence internationale sur les politiques culturelles qui a été organisée
00:04:53par l'UNESCO en 1982 et qui indique donc que, dans un sens large, la culture est considérée
00:05:02comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et intellectuels, matériels et donc affectifs
00:05:14également, qui caractérisent une société humaine ou un groupe social. Et outre les arts et les
00:05:22lettres, elle englobe en effet les modes de vie, les droits fondamentaux des êtres humains, les
00:05:29traditions, les coutumes et les croyances. Donc en effet, c'est une approche assez large de la
00:05:37culture, de cette notion de culture qui est très débattue. Notamment, il y a un point
00:05:42qui est intéressant, j'aime l'évoquer au passage, c'est que la différenciation entre nature et
00:05:47culture, qui remonte notamment au siècle des Lumières, est remise en question aujourd'hui,
00:05:55et justement ce mouvement sur la question de la destruction finalement de la planète aujourd'hui.
00:06:03Et donc, je mettrais un peu plus l'accent bien sûr sur la question des politiques culturelles et
00:06:10donc je vais essayer de partager aujourd'hui quelques réflexions et propositions sur le
00:06:16plan éthique, sociologique et politique autour de la place de la culture dans la société française
00:06:26et aussi au-delà. Alors, je dirais que les enjeux principaux, ils sont très nombreux. Déjà,
00:06:36j'aime bien mettre en premier la question de l'enjeu éthique, car c'est un enjeu de dignité
00:06:45humaine. Dignité humaine, pourquoi ? Parce que tout simplement, selon moi en tous les cas,
00:06:53et je crois que c'est assez partagé, aucun être humain ne peut être défini par ses seules données
00:07:01biologiques et réduit à celles-ci. Sinon, à ce moment-là, le danger est très grand de la
00:07:07maltraitance, voire de la barbarie, puisqu'à ce moment-là, les êtres humains, alors que nous
00:07:12sommes tous des êtres de culture, vont être considérés comme des objets et on assistera à ce
00:07:17moment-là à une sorte de marchandisation finalement aussi des êtres. Mais c'est un point essentiel,
00:07:22parce que d'ailleurs personnellement, au cours de mon parcours de vie, c'est ce sujet qui m'a
00:07:29amené à m'engager depuis des décennies, parce que justement, j'ai vu et je vois encore aujourd'hui
00:07:34des personnes qui sont en effet considérées qu'au regard de ces seules données biologiques,
00:07:42puisqu'en effet, elles n'ont accès à aucune nourriture culturelle, à aucune activité culturelle
00:07:50réceptive ou participative, et elles sont beaucoup plus nombreuses que l'on croit. Tout simplement
00:07:56pourquoi ? Parce que par exemple, à titre d'exemple que tout le monde connaît, on a assez médiatisé,
00:08:01je pense, on a assez donné un éclairage médiatique sur les conditions de vie des personnes âgées en
00:08:06EHPAD par exemple, et il va de soi qu'aujourd'hui, avec un ratio d'un animateur en moyenne pour 80
00:08:13résidents, je ne vois pas comment un animateur pour 80 résidents pourrait faire en sorte que
00:08:19tous les résidents dans un EHPAD, sachant en plus que la plupart sont touchés par plusieurs
00:08:26handicaps cumulés, donc comment il pourrait leur créer un environnement capacitant qui leur
00:08:33permette de vivre la culture, de la partager, de s'exprimer, de communiquer, etc. Donc c'est un
00:08:42enjeu éthique et comment pourrions-nous continuer à supporter que des personnes, et ce sont
00:08:48des milliers de personnes en France, les derniers chiffres ont dit la septième puissance économique
00:08:53au monde, qu'on puisse accepter encore que des êtres soient considérés qu'au regard de leurs
00:08:58données biologiques. Et donc ça c'est inacceptable et c'est un enjeu éthique aussi vis-à-vis de la
00:09:05dignité des personnes, mais vis-à-vis de la dignité de notre société, de la dignité de la France, de
00:09:12la dignité de notre pays. Et ce qui découle de l'éthique c'est aussi la question de la déontologie,
00:09:17de la déontologie professionnelle. Et j'aime le raconter honnêtement, c'est que personnellement
00:09:25pendant les 20 premières années de mes activités professionnelles en tant qu'artiste, en tant que
00:09:32compositeur, en tant qu'intervenant dans le milieu culturel, j'ai été totalement lamentable. C'est-à-dire
00:09:39que je n'ai jamais eu, pendant cette période et même longtemps après, aucune déontologie
00:09:45professionnelle. Pour parler crûment, à titre d'exemple, pour savoir de quoi je pose, je n'en avais
00:09:51rien à foutre pour parler crûment de savoir si les maisons de la culture, les salles de théâtres
00:09:58municipaux, les festivals, les scènes festivales, les salles mais aussi les scènes, est-ce qu'elles
00:10:04étaient accessibles par exemple aux personnes en fauteuil roulant ? C'était une question que je
00:10:08ne me posais pas, alors qu'elle relève bien d'une déontologie professionnelle, puisque notamment un
00:10:14lieu de culture fait partie d'un environnement professionnel. Je crois d'ailleurs que c'est un
00:10:19point, et on en a parlé d'ailleurs récemment avec le directeur du syndicat national des entreprises
00:10:26artistiques et culturelles, c'est un point qui doit interroger le secteur de la culture. C'est-à-dire
00:10:33qu'aujourd'hui, depuis quelques années, il s'est engagé fortement d'ailleurs, et c'est très bien,
00:10:37sur la question du développement durable, sur la question par exemple de la décarbonation de la
00:10:43culture, il serait temps aussi de s'engager sur l'affirmation d'une déontologie professionnelle.
00:10:49Mais ce n'est pas du tout que le secteur de la culture, c'est aussi bien sûr d'autres secteurs
00:10:55qui sont concernés sur ces sujets, je pense bien sûr au secteur sanitaire, médico-social, etc.
00:11:00Donc la question de l'éthique, la question de la déontologie professionnelle. Après l'enjeu,
00:11:04on le sait, s'est rabâché depuis des années, l'enjeu de pouvoir participer librement à la
00:11:10vie culturelle, sans entrave, sans discrimination, c'est l'épanouissement personnel pour toute
00:11:15personne, bien sûr. C'est aussi souvent considéré comme un préalable à une bonne intégration
00:11:21scolaire, sociale, scolaire et professionnelle. Et d'ailleurs, les derniers chiffres qui circulent
00:11:27encore, puisqu'on en parle beaucoup en ce moment des statistiques concernant l'échec scolaire
00:11:32en France, notamment au niveau du primaire, du collège, on voit bien que la question des
00:11:38origines socio-culturelles et des possibilités de participer à la vie culturelle en toute égalité
00:11:43des chances se posent, parce qu'en effet, notamment, les inégalités dans ce domaine sont sources
00:11:49d'inégalités ensuite au niveau de la réussite scolaire et professionnelle. Donc en effet,
00:11:55épanouissement, réussite, intégration sociale, scolaire, professionnelle, de lien social,
00:12:01de cohésion sociale, bien sûr. Et puis alors, il y a un point que j'aime bien aussi, j'aime bien en
00:12:07parler parce que je trouve ça tellement un peu hallucinant. Évidemment, on dit souvent que l'accès
00:12:14à la culture, la culture et la vie artistique est un enjeu en termes de prévention de perte
00:12:19d'autonomie. C'est un enjeu de santé, de bonne santé, d'équilibre au sens de l'OMS, de l'organisation
00:12:25de la santé, mais aussi au sens de la prévention de la perte d'autonomie. Pour des personnes en
00:12:31situation de cas, on parle beaucoup pour les personnes âgées, notamment dans le cadre
00:12:35aujourd'hui, on est en plein dans le contexte de la loi bien vieillir. Et vous avez les pontes de
00:12:42ce qu'on appelle, par exemple, ceux qui dirigent l'Institut national de la longévité, les grands
00:12:47spécialistes de la maladie d'Alzheimer qui rabâchent sans arrêt que le meilleur moyen de prévention,
00:12:53ce sont les activités culturelles et artistiques. Il faut à tout prix maintenir ces activités,
00:12:58même si on est déjà un peu atteint par la maladie, c'est de l'urgence, c'est de maintenir
00:13:03mais finalement j'ai l'impression qu'ils sont atteints par ce que j'appelle le syndrome du
00:13:09poisson rouge et qui touche beaucoup de gens, c'est-à-dire qui touche aussi bien les artistes,
00:13:14les arts thérapeutes et les chercheurs qui finalement regardent, par exemple ce que je
00:13:20viens d'évoquer, une personne malade d'Alzheimer qui dit « mais c'est extraordinaire, vous voyez
00:13:25il y a un danseur là qui vient, il danse auprès de la personne, elle sourit, elle bouge, elle se met
00:13:29à danser et puis aussi il y a de la musique, elle se met à chanter, mais il ne voit pas le
00:13:37bocal, c'est-à-dire qu'il ne voit pas que finalement il oublie d'évoquer ce bocal, c'est-à-dire cette
00:13:42insularisation que subissent ces personnes handicapées, âgées et que dans les services où
00:13:50ce danseur est venu danser pendant trois quatre jours ou dans ce service où le chercheur en
00:13:59spécialiste de la musique et du cerveau concernant les maladies d'Alzheimer est venu observer ce qui
00:14:04se passe et que c'est extraordinaire, mais quand il s'en va il oublie de parler que ces lieux sont
00:14:10des lieux souvent de misère, de désert culturel pour plein de raisons que l'on abordera en partie
00:14:16tout à l'heure. Donc je pense que là, parlons en effet de la culture comme un enjeu en termes de
00:14:24prévention de perte d'autonomie, mais aussi parlons-en en tant que nécessité d'avoir un
00:14:30environnement capacitant, sinon ça ne sert pas à grand chose de sans arrêt dire oui oui oui, il faut
00:14:36que vous ayez et que vous conserviez des activités culturelles artistiques, donc en jeu en termes de
00:14:40prévention de perte d'autonomie. Et puis en jeu aussi bien sûr, et là c'est un point extrêmement
00:14:46important, de lutte contre l'isolement et beaucoup de structures, y compris celles qui sont ici
00:14:54aujourd'hui en présentiel et en distanciel pour cette conférence, sont très engagées sur la lutte
00:14:59contre l'isolement, l'isolement social, mais j'aimerais qu'on parle un peu plus, qu'on rajoute
00:15:04le mot culturel, logement social et culturel. Alors d'ailleurs, une des grandes associations qui est
00:15:11membre du collectif national droit culturel et vivre ensemble à Gapé, dont je suis le porte-parole,
00:15:17l'association des petits frères de pauvres, a beaucoup parlé de cet isolement social et culturel
00:15:25et donc avec même la notion de mort sociale, et c'est important à avoir à l'esprit, donc la
00:15:31participation, cette possibilité de participer à la vie culturelle, l'enjeu c'est bien aussi de lutter
00:15:35contre cette mort sociale, c'est extrêmement important, l'enjeu est majeur, et je dirais en
00:15:41plus qu'on parle de mort sociale, mais moi je dirais même de mort tout court, et je citerai à
00:15:48titre d'exemple, j'ai malheureusement en tête une foule d'anecdotes qui ne sont pas des anecdotes
00:15:55pour moi, parce que c'est pas anodin, c'est lourd de symbole, et là je pense notamment à une
00:16:01personne âgée que j'ai connue, qui vivait en service de longue durée en gériatrie depuis
00:16:05plusieurs années, c'était son lieu de vie, et qui à la fermeture brutale et définitive de
00:16:11l'atelier de peinture tenu par un artiste, donc fermeture brutale, s'est laissée mourir, elle
00:16:18s'est laissée mourir, elle est morte, madame Emilienne, et d'ailleurs c'est pour ça que pour
00:16:22en quelque sorte lui rendre hommage, dans mes analyses de la politique publique, des politiques
00:16:29publiques qui impactent positivement ou négativement l'effectivité de la citoyenneté
00:16:34culturelle, j'ai appelé un principe qui est la courbe d'Emilienne, la courbe d'Emilienne c'est
00:16:41quoi ? c'est le fait que finalement on constate, les observateurs sont nombreux à constater que
00:16:47en France, plus vous êtes en situation de handicap lourd extrême, ou de perte d'autonomie, ou en
00:16:54grande précarité sociale, si vous atterrissez finalement, naufragé de la vie, avec des
00:17:01brisures dans votre vie qui vous amène à atterrir, allongé sur un trottoir, dans la rue, vous allez
00:17:09finalement, plus vous êtes dans des situations extrêmes, plus vous êtes à l'écart des moyens
00:17:15publics de la culture, moyens publics c'est-à-dire des ressources en termes d'équipements, de
00:17:20bâtiments, mais aussi en termes de matériel, et aussi surtout en termes de ressources humaines,
00:17:25c'est-à-dire en termes du professionnalisme, des professionnels de la culture et du socioculturel,
00:17:30près d'un million et demi en France, c'est pas rien, et des dizaines de milliers d'établissements
00:17:35et de services culturels. Donc oui, j'ai appelé ça la courbe d'Emilienne en hommage à cette
00:17:39personne qui s'est laissée mourir à la fermeture de l'atelier, et parce que d'ailleurs, puisque j'y
00:17:46pense, parce que finalement elle était quand même dans un service de longue durée, en hôpital
00:17:51gériatrique, et je dirais que ça me fait penser à cette citation de mon ami Charles Gardoux,
00:17:57anthropologue français, qui est vraiment un grand spécialiste du handicap, et qui a écrit,
00:18:03et qui dit, qui a écrit dans son livre, dans un de ses livres qui s'appelle « La société inclusive,
00:18:08parlons-en », qui a écrit « Soignés par tous, ils peuvent mourir de n'exister pour personne ».
00:18:18Ça, c'est une pensée que nous devons avoir à l'esprit, parce qu'il faudrait arrêter souvent,
00:18:27et on le voit encore aujourd'hui dans le débat sur le bienveillir, pour la loi qui est débattue
00:18:33actuellement au Parlement, mais qui, ceci dit, c'est une bonne nouvelle, va se prolonger normalement
00:18:39par une future loi sur le grand âge, eh bien nous devons impérativement sortir d'une vision
00:18:46toujours médicale ou paramédicale, voire sociale des personnes en situation de vulnérabilité,
00:18:52pour avoir aussi une vision culturelle. C'est un changement de paradigme dans lequel nous
00:18:59devons absolument nous projeter, et donc c'est bien pour ça, c'est une des raisons, mais j'en
00:19:05ajouterai d'autres tout à l'heure, qui m'a conduit à m'interroger sur le sujet de la citoyenneté
00:19:13culturelle. Un autre enjeu capital aujourd'hui, quand on voit l'état désastreux de la planète
00:19:20sur le plan des guerres et du sang partout qui est versé, c'est que la participation à la vie
00:19:28culturelle, dans toute sa splendeur, j'allais dire, c'est-à-dire dans toute son ouverture, dans
00:19:33toute son ouverture aux cultures du monde, à la diversité culturelle, c'est un enjeu, bien sûr,
00:19:38en termes de paix, et parce que le manque de culture tue, et aussi il tue parce qu'il anime
00:19:48comme ça la haine, il est source de haine aussi entre les individus et les peuples. Donc on voit
00:19:56vraiment franchement que la culture devrait être beaucoup plus souvent débattue, surtout par rapport
00:20:01aux questions justement d'exclusion, de discrimination, parce que les enjeux sont
00:20:07tout à fait centraux, et quand certains se sont permis d'évoquer que la culture n'était pas
00:20:13essentielle, c'était assez inquiétant. Les enjeux sont très nombreux et il est important, je pense,
00:20:21de les rappeler. Alors donc, en premier point, je voulais évoquer, et donc mon introduction sur les
00:20:29enjeux, ça m'a amené déjà à entrer dans ce sujet, c'est quels sont les constats, quels sont les
00:20:34constats qui m'ont amené à m'interroger sur la citoyenneté culturelle, à essayer de creuser un
00:20:40peu le sujet. Les constats, ils sont nombreux. Tout d'abord, c'est un constat très positif, très
00:20:48enthousiasmant, que j'aime rappeler tout le temps, c'est que la question aujourd'hui n'est plus le
00:20:55manque de savoir-faire, parce qu'en effet, les savoir-faire en accessibilité culturelle et
00:21:00artistique se sont développés de manière magnifique, je dirais même depuis 20-30 ans, je pense, je dis
00:21:0720 ans, parce que notamment avec la création en France, et c'est une grande richesse, de la
00:21:11Commission nationale culture handicap qui a été créée en 2001, et de bien d'autres dispositifs, avec
00:21:16la publication de guides, pratiques, etc. Et c'est une évolution, un enrichissement perpétuel, parce
00:21:23que certes, il reste encore à apporter beaucoup d'innovations, notamment, c'est le point sans
00:21:29doute le plus faible, je dirais, les innovations, même si justement, les acteurs de la solidarité,
00:21:34je pense aussi à Culture du coeur, bien sûr à TD Carmond, à la France, etc. Beaucoup d'organismes
00:21:39qui travaillent là-dessus, c'est-à-dire sur la question aussi des acteurs relais, sur la question
00:21:44des coopérations intersectorielles, là nous avons encore, je pense, beaucoup à innover. Mais non
00:21:49moins, en termes d'accessibilité culturelle, artistique, concernant comment rendre accessible
00:21:54une activité, une pratique, c'est formidable, c'est enthousiasmant, parce qu'on voit bien, je l'ai
00:22:00vu depuis des décennies, où j'interviens auprès de personnes en situation de handicap très divers,
00:22:07et que ce soit handicap social également, mais que finalement, même dans des cas extrêmes, je pense,
00:22:13aux personnes atteintes de l'Octine syndrome, qui ne peuvent que contrôler le mouvement d'une
00:22:17paupière ou des yeux, ou même dans le cas d'une personne atteinte de maladie d'Alzheimer qui ne
00:22:23se souvient plus comment elle s'appelle, quel âge elle a, où elle est, on peut toujours, toujours
00:22:28trouver une manière de créer un environnement capacitant, qui va offrir une palette de
00:22:36possibilités d'expression artistique, culturelle. Ce n'est pas forcément uniquement par les nouvelles
00:22:41technologies, c'est aussi en effet par des aides humaines, par de la médiation culturelle, par des
00:22:46pédagogies adaptées, par, on l'a évoqué, de la coopération intersectorielle, je viens de le dire,
00:22:52mais les savoir-faire sont au rendez-vous. Aujourd'hui, on a beaucoup de savoir-faire
00:22:57dans ce domaine. Par contre, en termes de constats, on voit, pour parler rapidement sur ces constats,
00:23:04c'est qu'il y a de magnifiques projets, il y a en effet de magnifiques projets, dans bien des
00:23:11domaines culturels et auprès de diverses populations. Je pense aussi dans le secteur
00:23:17carcéral, par exemple, aussi, pour les personnes qui sont quand même en isolement contraint,
00:23:22mais ces projets sont souvent instrumentalisés comme un peu, je dirais, des arbres fleuris qui
00:23:32finalement cachent, sont bien utiles souvent pour cacher la forêt des exclusions et des
00:23:37discriminations. Parce qu'en termes de constats, malheureusement, comme l'attestent de nombreux
00:23:42rapports, j'en citerai trois ou quatre, le rapport commandité par le ministère de la Culture et qui
00:23:48a été réalisé par le Crédoc en 2016 sur livres et lectures et publics empêchés, qui finalement
00:23:56atteste que si on prend l'exemple des partenariats entre les bibliothèques et les maisons de retraite,
00:24:01les partenariats conventionnés pour justement aller au-delà de projets, mais pour avoir un lien
00:24:06pérenne, permanent, le nombre est dérisoire, quasi inexistant. Alors bien sûr, ça n'empêche pas
00:24:14que, je viens de le dire, qu'il y a des projets, j'entends des gens qui veulent s'exprimer, peut-être,
00:24:20ou je ne sais pas, peut-être qu'il faut couper le micro. Donc, en tous les cas, bien sûr, j'insiste,
00:24:29il y a toujours de très beaux projets, mais dont il faudrait beaucoup plus, dirait le fruit, c'est
00:24:33ce qu'avec Semaphore, on a essayé de faire, d'ailleurs, pour justement publier des cahiers
00:24:37pédagogiques dans différents domaines, en partenariat avec le ministère de la Culture, avec le centre des
00:24:42monuments nationaux, avec le centre national de la danse. Bon, des beaux projets, il y en a. Mais le
00:24:47constat, c'est que finalement, on a une France coupée en deux, c'est-à-dire qu'on a une France avec une
00:24:52catégorie de population qui a accès librement à une vie culturelle dans le cadre du droit commun,
00:24:58c'est-à-dire que demain, ils peuvent, s'ils veulent, aller s'inscrire dans une MJC, dans un
00:25:03conservatoire, pour prendre un cours de musique, un cours de danse, aller à un atelier d'art plastique,
00:25:08à la MJC à côté, etc. Et puis, aller au cinéma, aller au musée, etc. Bon, il y a cette catégorie de
00:25:16population, puis il y a une autre catégorie qui dépend de l'existence de projets à leur intention.
00:25:23C'est-à-dire que là, oui, il y aura peut-être un projet, là, d'un danseur qui va venir pendant
00:25:29cinq, six jours, d'un projet de création artistique avec un artiste en résidence, et que du coup, là,
00:25:33ils auront, ils vont tâter un petit peu de la chose, de certaines pratiques artistiques. Mais
00:25:39le problème des projets, c'est une évidence, c'est qu'un projet, c'est limité dans la durée, c'est
00:25:45limité dans l'offre d'activités proposées, et c'est limité dans le nombre de bénéficiaires. Donc,
00:25:52on ne peut pas accepter, à mon avis, que l'on ait deux catégories de population comme ça,
00:25:57une qui accède à la culture d'un cadre du droit commun, et une qui accède dans le cadre de projets.
00:26:02Ce n'est pas digne, ce n'est pas acceptable sur du long terme. Alors finalement, de par ce constat,
00:26:11ça m'a amené, bien sûr, à réfléchir sur, finalement, quels sont historiquement les concepts
00:26:20qui guident les politiques culturelles en France depuis près de deux siècles, pas de près de deux
00:26:27siècles, depuis plus de deux siècles. Pour faire un rapide panorama, il y en a cinq ou six,
00:26:34important, mais parce que c'est important de revisiter ces concepts, parce que ce sont ces
00:26:40concepts qui, finalement, et d'ailleurs, ils ont apporté beaucoup de fruits, ils ont une grande
00:26:46richesse, mais qui ont montré leurs limites. Aujourd'hui, en effet, la plupart des chercheurs
00:26:52qui se penchent sur les politiques culturelles ont un certain consensus pour dire qu'on est
00:26:57face à un échec. Justement, on regarde ces constats que je viens d'évoquer. Ce sont quand
00:27:02même des vastes populations qui n'ont accès à la culture que dans le cadre de projets. Ce sont des
00:27:06millions de personnes, ce ne sont pas une poignée, cent, mille, deux mille, trois mille, ce sont
00:27:10plusieurs millions de personnes, que ce soit dans le domaine de la précarité, mais que ce soit,
00:27:16il y a un million de personnes malades d'Alzheimer en France, il y a six à sept cent mille personnes
00:27:20autistes, il y a environ, on rajoute au niveau des personnes âgées dépendantes, plus d'un million
00:27:25de personnes, et quand on compte les personnes en hospitalisation à domicile, ce sont des millions
00:27:29de personnes. Donc, on voit bien que les concepts qui ont guidé les politiques culturelles depuis
00:27:34plus de deux siècles ont montré leurs limites. C'est pour ça que c'est ça aussi qui m'a amené à
00:27:41m'intéresser sur ce concept émergent de citoyenneté culturelle. Donc, les concepts,
00:27:47on va dire, il y a eu l'éducation populaire, qui est apparue d'ailleurs au moment de la
00:27:51Révolution française, on date en général de sa naissance en lien, je dirais, avec la remise du
00:27:59rapport sur l'instruction civique par Condorcet, pendant le moment de la Révolution. Ensuite,
00:28:05il y a l'éducation populaire, pour faire court, c'est d'une richesse infinie, mais l'éducation
00:28:11populaire pour faire court, d'une part. Donc, c'est la notion d'une culture qui est créée par tous
00:28:17et qui est pour tous, partagée pour tous, mais qui est créée par tous, c'est très particulier.
00:28:22Et d'ailleurs, ça rejoint le slogan du Forum européen des personnes handicapées,
00:28:28qu'il a adopté aussi en France, dans les mouvements de défense des droits des personnes
00:28:31handicapées, c'est « Rien pour nous sans nous ». C'est vrai que l'éducation populaire s'est
00:28:37un peu effondrée, je dirais, dans ses possibilités d'expression pour ce concept, tout simplement
00:28:44parce que, je ne peux pas lui reprocher, parce qu'il y a eu une professionnalisation des acteurs
00:28:48culturels et ça a généré ce danger d'avoir d'un côté les consommateurs et d'un côté les
00:28:54professionnels. Consommateurs qui proposent une offre et d'un autre côté des habitants qui vont
00:28:59venir consommer et spectateurs. Donc, la notion de créer la culture par le peuple lui-même est
00:29:08a été rendue difficile. Mais donc, ce concept d'éducation populaire reste d'une très grande
00:29:13richesse. Il y a eu ensuite, bien sûr, en 59, on le date en 59 avec la création du ministère de la
00:29:21culture avec la nomination d'André Malraux, où là, même si lui n'a pas employé cette expression,
00:29:29selon les historiens, mais enfin, on a dit que c'est là que s'est créée la notion de
00:29:34démocratisation culturelle. Et démocratisation culturelle, pour faire court aussi, c'est la
00:29:39notion un peu d'un mouvement d'automne, c'est-à-dire la notion de donner au maximum de personnes
00:29:46l'accès aux oeuvres que l'on considère comme les plus légitimes. Donc, ça s'est défini à
00:29:53l'époque et toujours par une certaine élite. Et donc, les grandes oeuvres du patrimoine national
00:29:59et mondial, du monde culturel. Alors bon, ça a été très positif sur certains aspects, mais ce n'était
00:30:06pas suffisant, on le voit bien. C'est pour ça qu'aussi, il y a eu un autre concept qui est apparu,
00:30:11que l'on date lui en 1972, lors d'un colloque en France. C'est la première fois qu'on a employé
00:30:16cette expression, qui est le concept de démocratie culturelle. Et là, le concept de démocratie
00:30:22culturelle renvoie plutôt à un mouvement inverse, c'est-à-dire on va prendre en considération les
00:30:27cultures qui émergent du peuple finalement. Mais là, bon, ça s'est vu beaucoup sur la question des
00:30:33cultures de banlieue, du rap, du graphe, du hip-hop, etc. Et où finalement, les politiques publiques se
00:30:39devaient du coup de soutenir et de respecter, de soutenir, de valoriser ces cultures qui venaient
00:30:46entre guillemets, je n'aime pas ce mot-là, mais du bas. Et donc, démocratie culturelle. Donc, ça fait
00:30:52quand même aussi une cinquantaine d'années. Et on peut remarquer, ce n'est pas inintéressant,
00:30:57que l'expression démocratie culturelle apparaît depuis deux ans, on croit à peu près, dans une
00:31:05nouvelle, dans le cas de la réorganisation du ministère de la Culture, dans une nouvelle
00:31:10délégation centrale, qui s'appelle la délégation à la transmission des savoirs, donc, au territoire
00:31:21et à la démocratie culturelle. Voilà. Et donc, démocratie culturelle, ça a porté des fruits,
00:31:27mais on voit bien que ça n'est pas suffisant, puisqu'on vient de faire tout à l'heure ce constat
00:31:30qu'il y a des millions de personnes qui restent sur le bord de la route. Et puis, un autre concept
00:31:34qui est apparu, il y en a un autre, oui, notamment, qui est peut-être moins un concept, mais une,
00:31:40comment dire, une méthode d'approche pour les politiques culturelles, c'est ce qu'on appelait
00:31:45la politique des publics, les publics spécifiques, notamment. Ça a été sujet à beaucoup de débats,
00:31:51publics spécifiques, publics empêchés, publics les scolaires, publics, donc une segmentation des
00:31:56publics, le secteur de la justice, les publics handicapés, les publics âgés, etc. Donc,
00:32:03politique des publics. Bon, ça n'a pas été inintéressant non plus, bien sûr. Ça a permis,
00:32:08d'ailleurs, de développer, justement, des projets. Mais peut-être que ça n'a pas suffisamment,
00:32:13au regard, en tous les cas, de certains analystes, permis cet accès à la culture dans le cadre du
00:32:18droit commun. Et puis, en effet, un dernier, je dirais, concept qui apparaît, enfin, c'est plus
00:32:25récent, moi, je dirais que l'impulsion a été donnée depuis 2015, c'est la question des droits
00:32:31culturels. Alors, les droits culturels, donc, on voit, je dis depuis 2015, parce qu'en fait,
00:32:37il y a eu beaucoup de débats au Sénat, à l'Assemblée nationale, autour des droits culturels,
00:32:41au moment des réflexions sur la promulgation de la loi NOTRe. La loi NOTRe, c'est la nouvelle
00:32:48organisation territoriale de la République, et qui est notamment portée beaucoup par la
00:32:53sénatrice Sylvie Robert, bon, avec d'autres, je pense qu'il y a Catherine Mourin de Sailly,
00:32:57qui ont fini par aboutir à une introduction des droits culturels dans la loi NOTRe, et où il
00:33:04est dit, et c'est vraiment important à l'avoir à l'esprit, que l'effectivité des droits culturels
00:33:11est donc sous la responsabilité partagée de l'État et des collectivités. C'est déjà
00:33:20intéressant, ça a suscité, en effet, une émulation de questionnements, et même de formations de
00:33:26sensibilisation sur les droits culturels, et qui continue aujourd'hui, et d'ailleurs,
00:33:31le 19 décembre prochain, il y a une rencontre sur la thématique des droits culturels à Belleville,
00:33:38à Paris, voilà. Mais par contre, là encore, je dirais que sur les droits culturels, alors là,
00:33:46je prendrai un certain temps, j'y reviendrai un peu tout à l'heure, mais j'ai personnellement
00:33:52une vision très critique sur l'approche des droits culturels, qui est faite, qui est issue,
00:33:56je dirais, beaucoup d'un mouvement, d'un groupe de chercheurs, qui a pondu ce qu'on appelle la
00:34:03Déclaration de Fribourg, issue d'un groupe de chercheurs autour de l'Université de Fribourg,
00:34:07et qui est, là encore, je dirais qu'il y a des fruits très importants, très intéressants, je
00:34:12considère que c'est une grande richesse, cette Déclaration de Fribourg, et alors, ils ont,
00:34:17je dirais, émanant de la Déclaration de Fribourg, il y a une démarche, une méthode d'analyse des
00:34:24politiques, et de guidage finalement des politiques et des actions culturelles, qui s'appelle la
00:34:28méthode Payadéa. Et donc, alors, qu'est-ce que je vois comme critique et à l'analyse, pas spécialement
00:34:35en France, mais au niveau international, de la manière dont sont transmis, sont véhiculés,
00:34:41sont enseignés les droits culturels, je vois plusieurs problématiques. Première problématique,
00:34:47c'est qu'on a tendance, pour diverses raisons que je n'aurai pas le temps de développer ici,
00:34:52mais on a tendance quand même à transmettre et enseigner les droits culturels comme quelque
00:34:57chose qui serait plus de l'ordre d'une philosophie que de l'ordre de droits qui ont une partie
00:35:03juridique et qui peuvent être, ne sont pas tous, mais qui peuvent être contraignants. Contraignants
00:35:08d'ailleurs pour les individus et pour les gouvernances. Et donc, ça c'est pour moi extrêmement
00:35:16gênant, parce qu'entre une philosophie et entre un cadre contraignant, c'est quand même pas tout à
00:35:21fait la même chose. Deuxièmement, les droits culturels, alors tout particulièrement le groupe
00:35:27de Fribourg, je dirais, ont véhiculé une idée, une vision extrêmement identitaire des droits
00:35:36culturels. Alors je m'explique, quand je me permets de dire ça, c'est parce qu'en effet,
00:35:40quand on analyse notamment la méthode Payadéia et les formations, moi-même j'ai suivi des formations
00:35:46qui sont portées par ces acteurs inspirés par le groupe de Fribourg, il y a des notions qui sont
00:35:56répétées. Par exemple, ils utilisent huit, ils disent, ils appellent une méthode de grille d'analyse
00:36:01avec huit points, ce qu'ils appellent d'ailleurs huit droits culturels. Et sur ces huit points,
00:36:05on trouve trois fois dans le titre de ces points la notion d'identité culturelle, on trouve de
00:36:12manière très répétée la notion de communauté au pluriel, mais on ne trouve jamais l'expression
00:36:18communauté humaine. Or, pour moi, il va de soi que, d'abord, la notion d'identité culturelle peut
00:36:26être très débattue. Moi, je suis pour le respect, la protection des identités culturelles, des racines
00:36:31culturelles. Je considère qu'on a tous des racines culturelles qui sont importantes à protéger. Mais
00:36:37la notion d'identité culturelle est très débattue aujourd'hui. Vous savez que, par exemple,
00:36:40le philosophe François Jullien a quand même écrit un livre qui s'appelle « Il n'y a pas
00:36:44d'identité culturelle ». Vous savez, par exemple, j'imagine que le président de la République,
00:36:50Emmanuel Macron, alors qu'il était candidat en 2017, a déclaré, ça a été sujet à pas mal de
00:36:57polémiques, a déclaré « il n'y a pas de culture française ». Donc, s'appuyer fondamentalement sur
00:37:03la notion d'identité culturelle, alors que c'est une notion qui est un peu complexe, qui n'est
00:37:10peut-être pas si simple que ça, me paraît un peu limitée. Et puis, surtout, ne pas mettre en
00:37:19avant la question de notre appartenance à la communauté humaine me sent extrêmement dangereux,
00:37:24parce qu'évidemment, ça peut exacerber des crispations identitaires. Et on voit ô combien,
00:37:30aujourd'hui, les conflits interculturels, interreligieux sont à la source souvent de
00:37:37terribles massacres. Et puis, d'autres points, évidemment, qui me questionnent dans cette manière
00:37:42de parler des droits culturels, c'est qu'on n'évoque pas… Alors, évidemment, là, c'est
00:37:49une spécificité française, mais qui est quand même très riche, et d'autres pays en sont proches
00:37:54parfois. C'est la question du service public, la question du service public de la culture. C'est
00:37:59vrai qu'il n'y a pas de notion de service public au niveau européen, enfin, au niveau de l'Union
00:38:03Européenne, notamment, mais il y a néanmoins la notion de service d'intérêt général, entre
00:38:07autres. Mais enfin, en France, bon sang, enfin, je dis bon sang parce que ça m'énerve, je veux dire
00:38:12que je trouve ça stupéfiant qu'on forme des directeurs d'affaires culturelles et des adjoints,
00:38:19parfois, à la culture, sur les droits culturels, sans parler du service public de la culture,
00:38:23sans parler de notre constitution, sur certains points. Et donc, je trouve ça assez inquiétant,
00:38:32et surtout, une autre dimension qui manque, pour moi, évidemment, qui est essentielle,
00:38:36mais vraiment essentielle, c'est la question des exigences, et là, qui ne sont pas philosophiques,
00:38:41c'est aussi philosophique, mais sont réglementaires, c'est la question de l'accessibilité. Et,
00:38:47en effet, je dirais que, là, j'entends parler dans les documents sur les formations sur les droits
00:38:54culturels, d'accès, mais les contraintes, exigences réglementaires sur l'accessibilité,
00:38:59je ne les vois pas, je n'entends pas beaucoup, voire pas du tout. Donc, là, j'ai, en effet,
00:39:05je l'assume, ce n'est pas facile, parfois, je l'assume, j'ai une divergence de vision concernant
00:39:11la manière dont on aborde les droits culturels avec certains microcosmes, mais qui, parfois,
00:39:17sont un peu des macrocosmes dans le domaine. Alors, c'est vrai que c'est un peu tout ça qui m'a
00:39:25amené à réfléchir sur la notion de citoyenneté culturelle. Je me suis dit, tous ces concepts ont
00:39:30leur richesse, je pense, d'ailleurs, ils continuent à coexister, et c'est tant mieux, enfin, à mon
00:39:35avis, c'est tant mieux, ils ont une richesse, que ce soit la démocratisation, la démocratie,
00:39:39les droits culturels, que ce soit l'éducation populaire, etc. Mais, ils méritent d'être
00:39:47complétés, et je pense qu'ils peuvent peut-être être complétés par certaines richesses qu'on
00:39:51peut trouver dans ce concept de citoyenneté culturelle. Je vais essayer d'expliquer un peu
00:39:56ce qu'on peut voir, à l'heure d'aujourd'hui, dans la notion de citoyenneté culturelle. Plus
00:40:02concrètement, j'ai été amené à m'y pencher quand le Conservatoire national des arts et métiers,
00:40:07il y a cinq ou six ans, à Nantes, m'a sollicité pour une conférence sur les liens entre culture
00:40:12et citoyenneté. Alors, évidemment, je me suis dit, tiens, on va chercher un peu du côté de la
00:40:17citoyenneté culturelle. Je dois dire que je n'ai pas trouvé grand-chose, parce qu'en effet,
00:40:21et d'ailleurs mon livre qui part à ces jours-ci, la citoyenneté culturelle, est un tout premier essai
00:40:28sur le sujet. Au niveau franco-français, je dirais qu'il y a eu, en effet, une publication qui
00:40:35s'appelle la citoyenneté culturelle en actes, qui date d'il y a quelques années, mais qui ne parle
00:40:41pas de citoyenneté culturelle. Enfin, c'est un peu étrange, mais disons que l'expression, en fait,
00:40:46a été utilisée dans la préface par José Manuel Barroso, qui était donc à l'époque président de
00:40:52la Commission européenne. Et cette publication, néanmoins, je ne la critique pas, parce qu'elle a
00:40:57une grande richesse, puisque c'est un catalogue, on va dire, d'articles qui décrivent des expériences
00:41:04d'action culturelle au niveau européen, qui ont justement touché des publics, souvent qu'on dit,
00:41:11finalement, empêchés, éloignés, etc., de la culture. Donc, néanmoins, c'est intéressant.
00:41:15Mais il n'y a pas de discours, même l'expression citoyenneté culturelle n'est pas reprise dans
00:41:19l'ouvrage. Donc, c'est un peu court. On peut trouver aussi, par contre, des articles, notamment
00:41:27le concept de citoyenneté culturelle. Pour être précis, pour essayer d'être précis, je dirais,
00:41:32la première fois que cette expression est apparue, citoyenneté culturelle, c'est dans les années 80,
00:41:37dans la bouche et dans les écrits, je dirais, d'un anthropologue américain d'origine mexicaine qui
00:41:46s'appelle Renato Rosaldo, et qui l'a employé, lui, pour la défense de la promotion et la défense
00:41:56des droits, donc, de populations minoritaires, notamment latino, pour leur accès à l'enseignement
00:42:02supérieur. C'était un peu sa cible, son sujet, le prix de l'élection. Et évidemment, là, ce qu'on
00:42:08voyait déjà comme intérêt, c'est que la citoyenneté culturelle permettait de renvoyer au fait de ne pas
00:42:14s'attaquer à l'État, mais au contraire, de rappeler que, donc, un citoyen a des droits qui sont accordés
00:42:19par un État. Et d'ailleurs, c'est quelque chose qu'une autre chercheuse qui a fait des études sur
00:42:27la citoyenneté culturelle dans l'Afrique de l'Ouest, Nathalie Leblanc, qui a mis ça en évidence aussi.
00:42:33Et puis surtout, on trouve, en effet, des réflexions importantes et même une définition de la
00:42:41citoyenneté culturelle portée par un spécialiste canadien qui s'appelle Christian Poirier,
00:42:47qui est chercheur à l'Institut national de recherche scientifique du Québec, et qui,
00:42:55d'ailleurs, l'intérêt là, c'est qu'il a beaucoup inspiré la politique culturelle de la ville de Montréal.
00:43:01Et il est même venu en France pour une conférence à Nantes il y a quelques années. Et donc, ce
00:43:07chercheur Christian Poirier, pour lui, définit la citoyenneté culturelle comme étant l'appropriation
00:43:14par les habitants des moyens de création, des moyens de production et des moyens de
00:43:22diffusion culturelle. Donc, ce sont les grands axes qui, selon lui, définissent la citoyenneté culturelle.
00:43:30Alors, la notion de citoyenneté culturelle a été aussi évoquée, et même a été le sujet d'échange,
00:43:39donc, lors d'une conférence à l'UNESCO des ministres de la culture. Donc, je ne sais plus la
00:43:47date, je ne vais pas dire de bêtise. Enfin, il y a quelques années. Et donc, il est notamment porté par un ancien,
00:43:53enfin, à l'époque, il était ministre de la culture de la Tunisie, Mohamed Zine El Abidine, et qui donc,
00:44:01ça veut dire que quand même, ça a un peu circulé dans l'esprit et dans les propos de certains
00:44:08responsables au niveau international. Moi, je propose quand même une définition pour la France,
00:44:15en tous les cas, qui tient compte à la fois, je dirais, des réalités franco-françaises, et puis qui
00:44:21aussi, et là, ça va pour quelque soit l'État, quand même prend compte du sens originel du mot citoyenneté.
00:44:30Et donc, on peut considérer, je trouve, que la citoyenneté culturelle est indissociable
00:44:41du statut de citoyen, bien sûr, et qu'elle repose sur un ensemble, c'est l'intérêt d'un concept, c'est de
00:44:48regrouper, ce sont plusieurs notions, qu'elle repose donc sur un ensemble de droits qui sont des droits
00:44:57émanants de traités internationaux que la France a ratifiés, et aussi donc de droits qui sont
00:45:08inscrits dans la Constitution, et d'une manière plus générale, dans le cadre législatif et réglementaire.
00:45:13Et puis, également, donc, la citoyenneté culturelle, elle est, je dirais, consacrée par un ensemble de
00:45:24textes, au plan international, européen beaucoup, et franco-français, sur l'accessibilité, mais
00:45:33l'accessibilité, en effet, des établissements, l'accessibilité des produits, des services et des
00:45:39biens, des activités. Et donc, pour l'essentiel, c'est avoir ensuite une vision de quels sont ces
00:45:46textes. Ils sont très très nombreux, j'en ferai pas ici toute la liste, mais par contre, vous pourrez
00:45:52la retrouver dans certains documents, aussi bien sur le site de Semaphore, enfin porté par Semaphore,
00:45:58le site culture citoyenneté, que sur certains ouvrages dont je parlerai tout à l'heure. Et
00:46:02alors, donc, la citoyenneté culturelle aussi renvoie, bien sûr donc, à toute cette liberté de
00:46:10pouvoir participer à la vie culturelle, dans toutes ses facettes, liberté d'opinion, de pensée,
00:46:17d'association, et pouvoir, droit en effet, d'accès à l'éveil artistique, aux pratiques amateurs,
00:46:26à l'éducation artistique et culturelle, l'accès à l'information, l'accès à internet, l'accès
00:46:32donc aux œuvres, à l'ensemble des œuvres du patrimoine, etc. C'est très vaste. Et puis donc,
00:46:37mais ce qui caractérise aussi, là c'est un peu spécifique la question de ce concept de
00:46:42citoyenneté culturelle, c'est quand même le fait que ça donne la possibilité, et c'est pas fait
00:46:48philosophique, c'est aussi inscrit dans certains textes réglementaires, ça donne la possibilité
00:46:53de participer à l'élaboration et au contrôle des politiques impactant l'effectivité de la
00:47:00citoyenneté culturelle. Quelque chose qui est très important. A titre d'exemple, quand je dis que
00:47:05c'est une obligation, la Convention par exemple de l'ONU relative aux droits des personnes
00:47:09handicapées, à son article 30 et dans d'autres articles, indique bien que c'est une obligation,
00:47:14que les personnes handicapées, l'État doit s'organiser pour que les personnes handicapées
00:47:17puissent participer à l'élaboration des politiques qui les concernent et à leur contrôle.
00:47:23Donc la Convention de l'ONU, c'est une convention qui est contraignante, ce n'est pas juste
00:47:29déclaratif. Pour entrer maintenant un peu dans le détail des textes, je pense qu'en effet il faut
00:47:36différencier les textes qui ont un caractère déclaratif, parce qu'on parle souvent, en effet,
00:47:40c'est très important, de la déclaration universelle des droits de l'homme, avec notamment son article
00:47:4627, qui dit que toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle,
00:47:53mais la déclaration universelle des droits de l'homme n'a pas de caractère contraignant.
00:47:59Par contre, et c'est surtout ça qui est intéressant de creuser, c'est que beaucoup
00:48:05d'articles, y compris l'article 27 de la Déclaration européenne des droits de l'homme,
00:48:09ont été repris dans des textes qui eux sont contraignants. Alors j'en citerai quelques-uns,
00:48:16le principal, on ne parle pas assez souvent, c'est le PIDESC, c'est-à-dire le Pacte
00:48:21international des droits économiques, sociaux et culturels, et qui en effet reprend de nombreux
00:48:28articles, et qui lui est contraignant, et la France l'a ratifié. Donc il est très important,
00:48:33mais je pourrais citer aussi, puisque là c'est pareil, la Convention européenne des droits de
00:48:40l'homme, qui n'est pas une émanation de l'Union européenne, mais du Conseil de l'Europe,
00:48:45la Convention européenne des droits de l'homme a repris beaucoup d'éléments de la Déclaration
00:48:49universelle des droits de l'homme, et les rendant contraignants. Donc ça c'est très important.
00:48:53Un autre aspect du droit qui est important à avoir à l'esprit, c'est qu'il y a des droits aussi
00:48:59qui vont dire oui, par exemple, l'accès, je pense à la loi 75 sur les personnes handicapées,
00:49:09médico-sociales, qui dit oui, l'accès, la possibilité d'accès à la culture est une
00:49:14obligation nationale. Mais il y a des droits qui vont plus loin, qu'on appelle des droits
00:49:19créants, c'est-à-dire des droits qui sont des droits qui obligent l'État à mettre des moyens,
00:49:26à prendre des mesures et à mettre des moyens. Et ça c'est quand même important. Et donc il faut
00:49:31aussi peut-être parfois scruter un peu plus les textes pour voir ce qui relève de ce niveau-là.
00:49:36Et donc, les droits au niveau international, il faut avoir à l'esprit aussi bien sûr que
00:49:44chacun peut s'appuyer là-dessus pour aller de l'avant, pour revendiquer auprès de l'État
00:49:48et des collectivités. Il y a quand même d'autres conventions. Je viens de citer la convention de
00:49:52l'ONU relative aux droits des personnes handicapées, qui a été adoptée en 2006, ratifiée par la France
00:49:57en 2010. Mais il y a aussi donc la convention de l'ONU relative aux droits des enfants. Il y a
00:50:04aussi donc pour d'autres minorités, il y en a beaucoup. Puis bien sûr il y a aussi des textes,
00:50:09des conventions et déclarations de l'UNESCO. Et qui là par contre, alors les déclarations ne sont
00:50:14pas contraignantes, mais la convention est contraignante. Et qui là porte plus sur un point
00:50:18qui est très important pour moi aussi, je ne veux pas qu'il y ait de confusion, c'est-à-dire sur la
00:50:23protection des diversités culturelles et justement aussi des identités culturelles. En effet, je pense
00:50:28que même si on doit se questionner sur une orientation concernant les droits culturels qui
00:50:34serait selon moi un peu trop identitaire, on ne doit pas oublier bien sûr, au contraire, des textes
00:50:40qui portent sur la protection des diversités culturelles. Mais encore une fois, je ne l'ai pas
00:50:45dit tout à l'heure, mais je pense que pour moi c'est un peu désespérant quand j'entends, j'ai analysé
00:50:51un certain nombre de conférences sur les droits culturels et j'ai participé à certaines d'entre
00:50:56elles, quand on entend en conclusion d'une conférence sur les droits culturels qu'un des
00:50:59grands spécialistes répond au journaliste qui lui dit, mais concrètement, en conclusion,
00:51:05concrètement, que faut-il faire ? Et que ce grand spécialiste dit, il faut dire à tout le monde,
00:51:10soyez acteur de votre culture. Je m'excuse, mais je ne me vois pas auprès d'une personne sans abri,
00:51:19allongée sur le trottoir, ou auprès d'une personne entre les grilles de son lit, en train de
00:51:24croupir, de lui dire, mais soyez acteur de votre culture. Je pense qu'il y a quand même des messages
00:51:31qui doivent être un peu plus concrets et qui sont des préalables pour pouvoir en effet être acteur
00:51:37de sa culture. Encore après, il faut dire, qu'est-ce que ça veut dire sa culture ? Moi,
00:51:40personnellement, je ne sais pas quelle est ma culture. Par contre, je suis compositeur,
00:51:44créateur et j'ai envie en effet de faire des propositions sur le plan culturel. Mais donc,
00:51:50c'est un petit aparté sur cette histoire de la convention de l'UNESCO, et qu'en effet,
00:51:55c'est pour moi important de protéger les identités, les diversités culturelles,
00:51:59mais néanmoins, il ne faut peut-être pas avoir une vision qui occulte la communauté humaine et qui
00:52:06occulte les questions de la construction d'un environnement capacitant. Cette notion de
00:52:14citoyenneté culturelle, je l'ai dit, c'est quand même un concept émergent, même s'il a été
00:52:19utilisé dès les années 80, mais il est très peu quand même utilisé pour le moment. Mais ça vient,
00:52:27on peut remarquer quelques rencontres d'acteurs culturels, de fédérations, de directeurs d'affaires
00:52:34culturelles, qui commencent à employer l'expression de la citoyenneté culturelle. Et donc, c'est pour
00:52:38ça que je pense que là, ça mérite un coup de booster pour parler correctement sur cette notion,
00:52:43parce qu'on voit bien qu'elle permet du coup d'analyser ensuite les politiques déguidées.
00:52:50Alors, au cœur, évidemment, pour moi, j'en ai parlé plusieurs fois, c'est pour ça que je ne l'ai
00:52:55pas assisté là, mais j'insiste, au cœur de la citoyenneté culturelle en France, pour moi,
00:53:00il y a évidemment ce bien commun qu'on appelle le service public de la culture. C'est au cœur de la
00:53:07citoyenneté culturelle. Et finalement, ce bien commun, on oublie trop souvent, et peu de gens le
00:53:14savent d'ailleurs malheureusement, qu'il a connu une reconnaissance juridique en 1983, par ce qu'on
00:53:23appelle une construction juridique prudentielle du Conseil d'État, que par ailleurs, il est donc
00:53:31inscrit dans le bloc de constitutionnalité, le principe donc d'égal accès au service public de
00:53:37la culture, de garantie de sa continuité, de son adaptabilité, et on dit même aussi de sa
00:53:43mutabilité. Et donc là, c'est un élément tout à fait central, parce qu'il nous permet en effet
00:53:51d'avoir à l'esprit, de se questionner différemment, et non pas juste comme des principes philosophiques,
00:54:00de se questionner différemment sur toutes les populations que j'ai évoquées, et qui souvent
00:54:04vivent des situations d'isolement contraint pour diverses raisons. Je vais parler des prisons,
00:54:11mais je vais parler aussi des personnes âgées dans les EHPAD. Il y a 7000 EHPAD en France,
00:54:17ça veut dire qu'il y a à peu près 700 000 personnes âgées en EHPAD, mais il y a celles
00:54:21qui sont isolées à domicile, il y a des personnes lourdement handicapées dans des maisons d'accueil
00:54:25spécialisées, il y a des personnes qui vivent dans des CHRS, etc. Bref, ça pose cette question
00:54:32centrale quand on utilise ce concept de la citoyenneté culturelle, ça nous met sous le
00:54:36nez, je dirais, on doit porter ça sous les yeux, le regard, les oreilles, je dirais aux oreilles des
00:54:42responsables de l'État, de ceux qui sont garants que l'on puisse vivre dans un État de droit. Et
00:54:49bien sûr, je ne l'ai pas évoqué, pour moi c'est central, parce qu'il fait partie aussi du bloc de
00:54:55notre constitutionnalité, donc à très forte portée juridique, le parambule de la constitution qui dit
00:55:01« la nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à la culture ». Donc c'est quand
00:55:09même, ce n'est pas de la philosophie, je le répète, ce n'est pas de la philosophie. Même si,
00:55:16j'aime le répéter aussi, il y a des dimensions, bien sûr, dans la citoyenneté culturelle qui sont
00:55:24au cœur de la citoyenneté culturelle, les valeurs et les principes philosophiques et moraux de la
00:55:32République française. Et il y en a un certain nombre, bien sûr, il y a ceux de la devise républicaine
00:55:37« liberté, égalité, fraternité », mais il y en a bien d'autres, et qui nous permettent d'analyser
00:55:41les politiques « égalité de droit », c'est-à-dire que tout le monde normalement est égaux devant la
00:55:47loi, « égalité de traitement, égalité des chances, non-discrimination ». Et donc, c'est très important,
00:55:59parce que c'est normalement ce qui doit guider les gouvernances. Et puis, parce que souvent on
00:56:04parle du civisme, du manque de civisme des citoyens. Et voyez-vous, ça m'a frappé,
00:56:12c'est-à-dire que, par exemple, dans le livret qui s'appelle « Le Livret du Citoyen », qu'on remet
00:56:17aux personnes qui acquièrent la nationalité française, on peut remarquer qu'en effet,
00:56:23ils indiquent bien qu'acquérir la nationalité française, devenir citoyen français, ce n'est
00:56:29pas qu'une question juridique réglementaire. C'est inscrit noir sur blanc que c'est aussi
00:56:34une question de morale. Souvent, on hésite à employer le mot morale, parce qu'on dit « ouais,
00:56:39ça fait la religion », etc. On est dans un pays, et j'en suis heureux personnellement, où il y a le
00:56:45principe de laïcité qui est dans la Constitution. Mais ça ne nous empêche pas de parler de morale,
00:56:50et notamment de morale politique. Et j'aime beaucoup le discours de Cynthia Fleury, la philosophe
00:56:57qui parle de courage politique et de morale politique. Je pense qu'il faut absolument
00:57:02mettre ça sur le chantier, sur l'établi, qu'on travaille là-dessus, sur cette question d'absence
00:57:10souvent de morale politique. Ce n'est plus possible, mais c'est vraiment plus possible.
00:57:15Il faut absolument que les gouvernances, comme on le fait pour les jeunes, soient ramenées à un peu
00:57:25de civisme. Et donc, parce que dans le livret du citoyen, parce que de toute façon, ceux qui sont
00:57:30membres des gouvernances, ce sont aussi des citoyens et des citoyennes, et ils ont l'obligation,
00:57:35comme c'est inscrit dans le livret du citoyen, de faire preuve de solidarité, d'apporter leur aide
00:57:41à des personnes fragiles, à des personnes en situation de vulnérabilité. C'est inscrit dans
00:57:46le livret du citoyen. Et parce que pourquoi ? Parce qu'aussi la citoyenneté, comme l'a bien écrit,
00:57:54la sociologue Dominique Schnapper, ça définit un idéal type de vie en communauté. Et cet idéal
00:58:04type de vie en communauté, elle est incarnée par les valeurs de la République qu'on vient de définir,
00:58:10de fraternité, de liberté, d'égalité. Et donc, je pense que là, on voit bien que la citoyenneté
00:58:16culturelle se nourrit de toutes ces valeurs qui sont essentielles. Aussi, bien sûr, j'insiste
00:58:22là-dessus, du fait que c'est par la philosophie aussi, du cadre juridique, réglementaire, tant au
00:58:27niveau international et au niveau européen que français. On le voit là qu'il me semble, en effet,
00:58:35que le concept de citoyenneté culturelle peut être un outil opérationnel pour analyser et guider,
00:58:41analyser et guider les politiques publiques qui impactent l'effectivité de la citoyenneté
00:58:47culturelle. Parce qu'en effet, on voit bien que si on prend cet outil, la citoyenneté culturelle,
00:58:53qu'on analyse par rapport à son contenu juridique et réglementaire, on voit qu'on est dans une
00:58:58situation aujourd'hui où des millions de personnes, finalement, sont déchus, de facto,
00:59:04de leur citoyenneté culturelle. Puisque le principe même qui est constitutionnel d'égal
00:59:11accès aux services publics de la culture, de continuité, de mutabilité, etc., n'est pas
00:59:15appliqué, il est bafoué. Et ça ne peut pas durer. C'est une double peine pour des personnes qui
00:59:20en subissent déjà des très lourdes. Parce qu'être tétraplégique, être malade d'Alzheimer, être
00:59:26cérébralisé, être, bref, dans des brisures sociales, naufragé sur un trottoir, c'est très lourd.
00:59:37C'est très lourd. Et en plus, si on n'est pas respecté dans sa citoyenneté culturelle,
00:59:44ce n'est pas uniquement que ça va être d'autant plus difficile pour se redresser, mais c'est aussi
00:59:51parce que c'est une deuxième peine qui n'est pas acceptable. Donc il est très important, je pense,
00:59:58de se saisir de cet outil conceptuel de la citoyenneté culturelle pour qu'on puisse
01:00:02ensemble aller de l'avant. Par contre, ce que je dirais, et là j'aborde le dernier point qui est
01:00:12sur les perspectives, je dirais mon troisième point, c'est qu'on ne peut pas, il me semble que
01:00:18les problématiques sont tellement et tellement complexes qu'il ne suffit pas de brandir auprès
01:00:26d'un ministre de la culture ou d'un adjoint de la culture, d'un maire ou d'un président de conseil
01:00:32dans un département ou de région, de dire mais respecter le droit, ça ne suffira pas. Non,
01:00:39ça ne suffira pas, les problématiques sont très complexes. Donc en effet, je pense qu'il s'agit
01:00:46de susciter une crise de conscience, déjà du côté totalement amoral de cette situation, amorale,
01:00:54indigne, inacceptable, susciter cette prise de conscience. Deuxièmement, en effet, faire en sorte
01:01:02que tout le monde se mobilise en tant que citoyen, en tant que professionnel, en tant que bénévole,
01:01:07en tant qu'élu, pour qu'il y ait une véritable dynamique, je dirais, de réflexion pour une
01:01:17co-construction avec l'objectif vraiment de construire des réponses concrètes, de ne pas
01:01:22dire ouais, ouais, ouais, allez-y, les droits culturels. Non, il faut travailler ensemble,
01:01:26en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés, parce que, je le répète, les
01:01:32problématiques sont très complexes, j'en suis conscient. C'est pour ça qu'en perspective,
01:01:36ce que nous proposons avec le collectif national droits culturels et vives ensemble, et j'incite
01:01:42et j'appelle toutes les énergies, toutes les forces vives à nous rejoindre, on annonce en effet dans
01:01:51deux jours, le 10 décembre, à l'occasion, en effet, du 75e anniversaire de la Déclaration
01:01:57universelle des droits de l'homme et aussi du 65e anniversaire de notre Constitution, oui,
01:02:02justement, notre Constitution, que nous devrions respecter, enfin, c'est hallucinant. Et donc,
01:02:08on invite donc au lancement, sur deux ans, parce qu'il faut du temps, 2024-2025, à ce qu'on a
01:02:18appelé la marche pour la citoyenneté culturelle, pour susciter en effet cette prise de conscience,
01:02:22pour également organiser sur des thématiques particulières, d'ailleurs on en a proposé un
01:02:30certain nombre déjà, certains ont dû recevoir ce document, donc sur des thématiques particulières,
01:02:37des réunions de travail, ça peut être une demi-journée, ça peut être une journée,
01:02:41ça peut être plusieurs journées, donc au niveau local, dans les bassins de vie,
01:02:47à l'échelle d'un bassin de vie, à l'échelle d'une commune, d'une intercommunalité, d'un département,
01:02:51d'une région et au niveau national. Et donc, cette mobilisation nous semble totalement
01:02:57indispensable, parce qu'en effet, pour faire court, je dirais qu'il y a des grands chantiers
01:03:02à ouvrir, et pour le moment, on n'est que sur des mesurettes. D'ailleurs, je suis anéanti,
01:03:08je ne suis pas le seul, quand j'ai lu les propositions du plan du projet « Loi Bienveillir » pour le
01:03:15volet culture. Oui, je suis anéanti, parce que d'un côté, on a en effet, si on prend juste l'exemple
01:03:21des EHPAD, on a quand même plus de 700 000 personnes qui vivent en isolement contraint,
01:03:26qui n'ont pas accès à la vie culturelle en dehors de projet, mais en tous les cas, à l'heure d'aujourd'hui,
01:03:32la société ne s'est pas organisée pour la continuité d'accès au service public de la culture pour ces
01:03:38personnes. On le sait, c'est un fait, ce n'est pas niable, alors que la société s'est conformée à la
01:03:45constitution pour la continuité, par exemple, du droit à l'école, pour le droit à l'école,
01:03:52par exemple, pour le droit à la santé, etc. Si vous êtes dans l'incapacité, vous avez 12 ans, 13 ans, 15 ans,
01:03:58etc. Vous êtes pendant un an, deux ans, voire toute votre vie, malheureusement, dans une institution
01:04:05d'accueil, dans un hôpital, etc. Vous avez bénéficié d'une continuité du service public de l'éducation
01:04:11nationale pour la scolarité. Mais le droit à la culture, au niveau du service public, c'est pareil
01:04:18que le droit à la santé, que le droit à l'école. On a obligation d'assurer cette continuité. Ce n'est
01:04:23plus une cerise sur le gâteau, ce n'est pas juste. Je dirais, oh tiens, oui, on va se donner bonne
01:04:29conscience pour faire un beau projet cette année. Et moi, oui, moi aussi, en tant qu'artiste, j'allais
01:04:35de temps en temps jouer, parfois gratuitement, même souvent gratuitement, dans des foyers de
01:04:40personnes handicapées. Oui, j'avais bonne conscience. Non, je veux dire, il faut que chacun affirme sa
01:04:45dentologie professionnelle, s'engage, réfléchisse et voir comment chacun peut jouer son rôle. Ça ne
01:04:52sera pas, ça va prendre plusieurs années, très complexe, mais il faut se fixer ce cap. Et donc,
01:04:59mobilisons-nous ensemble, comme ça, au moins sur deux ans, pour ces réflexions. Nous avons
01:05:07des belles opportunités devant nous, concrètes. Je viens de l'évoquer, il y a le projet de loi
01:05:13Bienveillir, mais il y a aussi, annoncé par Aurore Berger, le projet de loi Grand âge. Il ne faudrait
01:05:19vraiment pas louper le virage et que là, ce ne soit pas juste du saupoudrage de quelques miettes. Il
01:05:24faut qu'à cette occasion, soit organisée la continuité du service public de la culture,
01:05:29donc pour ces personnes âgées. Et en s'appuyant, bien sûr, sur la richesse d'initiatives qui
01:05:35existent. Et il y a bien sûr, depuis des années, des bibliothèques qui n'ont pas attendu et des
01:05:40villes, des collectivités qui n'ont pas attendu pour qu'il y ait du portage culturel à domicile,
01:05:44qu'il y ait des partenariats entre EHPAD et bibliothèques. Mais c'est dérisoire au niveau
01:05:49quantitatif pour le moment et souvent, ça reste au stade de projet. Mais on a des richesses sur
01:05:53lesquelles on peut s'appuyer pour réfléchir. Deuxième grosse opportunité qui, je dirais,
01:05:59touche à la fois les personnes handicapées et les personnes déjà en manque d'autonomie,
01:06:04c'est la mise en place progressive sur le territoire national, par la loi, de ce qu'on
01:06:09appelle les SPDA, c'est-à-dire les services publics de l'autonomie, qui à l'échelle d'un
01:06:17département vont devoir pouvoir répondre à tous les besoins et à tout l'accès au droit pour les
01:06:24personnes handicapées, quel que soit leur âge, et les personnes âgées en manque d'autonomie.
01:06:29Là, se pose la question pour les acteurs culturels, les acteurs de la solidarité du
01:06:34sanitaire et du milieu écosocial, de voir comment, à l'échelle d'un département,
01:06:39va s'organiser l'information sur les ressources en matière d'accessibilité culturelle,
01:06:46vers qui on renvoie. C'est vrai qu'il y a déjà des pistes, c'est-à-dire qu'on sait que,
01:06:50de plus en plus, il y a le dernier schéma national d'orientation pédagogique pour
01:06:55l'enseignement artistique, qui a obligé, par exemple, les conservatoires classés à nommer
01:07:00un référent handicap. Donc ces personnes pourront être un interlocuteur. Il y a des
01:07:04établissements culturels qui ont, et d'ailleurs dans le groupe culture de la TélécarMonde,
01:07:10il y a en effet des représentants de la mission Vivre Ensemble, une mission sur l'Île-de-France
01:07:14où il y a une soixantaine, pas de bêtise, d'établissements culturels où ils ont tous,
01:07:19tous, des référents handicap ou référents accessibilité, etc. Et il y en a, bien sûr,
01:07:25au-delà de l'Île-de-France, il y en a aussi dans d'autres régions. Donc ce seront des
01:07:29interlocuteurs potentiels. Il y a aussi quelques pôles ressources, culture santé, culture handicap.
01:07:34Mais ça demande de l'organisation, d'une part à l'échelle d'un département, pour savoir qui fait
01:07:39quoi, comment on centralise les informations, par rapport à quel secteur d'activité culturelle.
01:07:44Et puis on va être confronté, et ça c'est le gros du travail aussi, à des manques de ressources,
01:07:49parce que les ressources ne sont pas, on le sait, réparties de manière égalitaire sur tout le
01:07:54territoire. Donc y compris en personnes ressources et en pôles ressources sur ces sujets de
01:08:00l'accessibilité, y compris sur la question de la grande précarité, la question de l'isolement
01:08:08social. Toute cette question énorme. On sait aussi la fracture numérique, qui touche bien sûr à
01:08:15l'exclusion culturelle plein fouet. Les gens sont plein fouet par la fracture numérique. Et les
01:08:21derniers chiffres qui circulent, c'est quand même 12% de la population. Donc je pense qu'il est
01:08:26nécessaire de lancer véritablement des grands chantiers, une grande mobilisation, au moins sur
01:08:32deux ans, sur cette question de la citoyenneté culturelle. Sinon, on restera à du petit
01:08:37saupoudrage, qui sera, le mot qui me vient à l'esprit, lamentable. Lamentable sur le plan
01:08:42moral, c'est pas digne. Et donc, je le redis, on vous invite à participer à ça. Juste pour
01:08:50lister cinq ou six chantiers, on a une grande thématique, je dirais. Il y a quand même une grande
01:08:53thématique qui me semble vraiment importante sur laquelle travailler. Il y a un rapport qui
01:08:59vient d'être mis récemment sur le travail social. J'ai pas eu le temps de m'y pencher encore, je vais
01:09:06le faire. Je pense pas qu'ils auront pris le temps et qu'ils auront eu la prise de conscience aussi
01:09:13nécessaire pour examiner, au niveau des métiers du travail social, quelle est la part d'accompagnement
01:09:19culturel pour la culture. Parce que là, justement, c'est un des grands chantiers. C'est que dans tout
01:09:24le secteur, je dirais, sanitaire, médico-social, social, il est essentiel d'avoir une vision sur
01:09:32quels sont les métiers qui aujourd'hui participent, à leur manière, parce que chacun peut être très
01:09:39différent, à l'accompagnement des personnes vulnérables, des personnes en grande difficulté,
01:09:45pour leur pleine participation à la vie culturelle, pour arriver à valoriser ce qui est fait,
01:09:52mais aussi à modéliser, à transférer. Et puis il y a des problèmes de statut qui n'existent pas
01:09:56aujourd'hui. Je vois M. la Culture reconnaissait l'autre jour, dans une réunion, qu'il y a de
01:10:01moins en moins de responsables culturels hospitaliers. Mais parce qu'en effet, il n'y a jamais eu la
01:10:06reconnaissance d'un statut de responsable culturel hospitalier. Par exemple, il y a la question du rôle
01:10:13des auxiliaires de vie sociale, qui, dans leur fiche de poste, ont les loisirs, mais qui ne connaissent
01:10:18pas très bien leur marge de manœuvre, et puis qui manquent de formation. Et la question de la
01:10:22formation est un sujet gigantesque. Et donc aussi, il y a le fait à ne pas oublier, c'est pour moi
01:10:32une sorte de mot de conclusion, avant d'ouvrir aux échanges, qui pour moi sont essentiels, c'est
01:10:37que c'est insupportable, bien sûr, et c'est indigne de ne pas donner la possibilité à chacun
01:10:44d'affirmer ses choix culturels et de contribuer aux créations artistiques, culturelles, etc. Mais
01:10:52c'est un gâchis colossal pour la société. Parce qu'en fait, tous ceux qui travaillent sur ces
01:10:58sujets le savent à quel point c'est un enrichissement pour tous. Ce n'est pas que par rapport à la
01:11:04diversité culturelle, mais je pourrais citer quelques exemples. Bien sûr, Stephen Hawking,
01:11:09au niveau de la culture scientifique, si on ne l'avait pas mis en place pour lui un environnement
01:11:16capacitant, il n'aurait pas continué à nous ouvrir un peu des horizons sur des questionnements sur
01:11:24l'origine de l'univers, etc. Mais on peut penser aussi à toutes ces personnes qui, en effet,
01:11:32je pense à Michel Petrucciani, par exemple, musicien avec une ostéogénèse et qui m'expliquait lui-même,
01:11:37un des plus grands pianistes et compositeurs de jazz au niveau mondial, qui me disait dans les
01:11:42échanges que j'ai eus avec lui qu'il commençait à s'engager parce que, par contre, lui, il a appris
01:11:45par sa famille de musique, essentiellement, mais que son fils commençait à galérer. Malheureusement,
01:11:51un de ses enfants a eu la réalité de sa maladie et il commençait à galérer pour pouvoir pénétrer
01:11:56un conservatoire. Or, ne croyez pas que les esprits ont massivement évolué depuis qu'il y a les
01:12:05campagnes, changement de regard sur le handicap. Moi, il y a un mois, j'ai été interpellé par écrit par
01:12:11un référent handicap d'un grand conservatoire qui m'a dit, il m'a écrit, il m'a dit, j'ai un gros
01:12:17souci, la directrice du conservatoire nous dit, écoutez, moi, je ne veux pas qu'on accueille
01:12:22d'élèves handicapés parce que, de toute façon, d'abord, on n'est pas obligé parce que la loi
01:12:26handicap de 2005, qui porte un beau nom, j'ai mal rappelé, égalité des droits et des chances,
01:12:31participation et citoyenneté des personnes handicapées, elle prétendait qu'il n'y avait pas
01:12:35de décret qui la contraignait à accueillir des élèves handicapés. Donc, en effet, je lui réponds,
01:12:41si, il y a un décret, par-delà mon choc, il y a un décret, en effet, dans la loi de 2005,
01:12:47un décret de 2006 qui dit, tout établissement recevant le public doit accueillir les personnes
01:12:51handicapées comme les personnes valides ou, à défaut, il faut que ça présente une égale
01:12:59qualité d'usage. Et aussi bien le cadre bâti que les prestations, dans le décret, c'est bien dit,
01:13:03l'acceptabilité aussi des prestations, donc d'un cours de musique, d'un cours de danse. Mais c'est
01:13:07pour dire à quel point il y a urgence à parler du droit et à parler de la citoyenneté culturelle.
01:13:16Je dirais aussi qu'en termes de campagne, moi, je suis personnellement plutôt convaincu qu'on
01:13:25est dans l'inefficacité, quand depuis ça fait quand même 20 ans. On a commencé en 2003 avec
01:13:32l'année européenne des personnes handicapées, puis Chirac avait déclaré le handicap grande cause
01:13:36nationale en 2003. Je suis convaincu qu'au lieu de faire des campagnes sur changer le regard porté
01:13:43sur les personnes handicapées ou changer le regard sur la précarité sur les pauvres, etc.,
01:13:47je pense qu'il faut des campagnes qui disent changer le regard que chacun porte sur ses
01:13:52responsabilités en tant que citoyen et en tant que professionnel et en tant qu'élu. Parce que
01:13:58la question, elle est là. La question n'est pas se focaliser sur les personnes qui sont vulnérables,
01:14:04mais sur notre propre vulnérabilité. Je dirais même, dans certains cas, sur notre propre lâcheté.
01:14:10Je me mets dedans. Parce que c'est vrai que personnellement, je trouve qu'il faudrait être
01:14:15un peu plus activiste sur ces sujets parce que ça suffit. On ne peut pas accepter tout ça en
01:14:22France. On est en France. On ne peut pas accepter tout ça.
01:14:40– Sous-titrage Société Radio-Canada

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