« Se spécialiser tout en diversifiant ses activités par des projets partagés »

  • il y a 3 mois
Face à la volatilité

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00:00Bonjour et bienvenue sur le plateau de la SPACE-TV. Je reçois aujourd'hui Jean-Marie
00:17Cerroni. Bonjour. Bonjour. Nous allons parler aujourd'hui de la stratégie des exploitations
00:24pour s'adapter à la volatilité des prix et des marchés, notamment en lait. Donc
00:29une volatilité qu'on a vue impressionnante ces dernières années, depuis 2014 avec des
00:35prix à plus de 400 euros la tonne, puis la crise que l'on connaît depuis la sortie
00:41des quotas 2015-2016 et encore aujourd'hui. Vous, en tant qu'agroéconomiste sur le terrain,
00:49qu'est-ce que vous observez ? Comment vous voyez cette adaptation à la volatilité ? Ce
00:54qu'on observe et ce que j'observe en discutant, sachant que personnellement je suis moins
00:57sur le terrain que je l'ai été à une époque. Mais ce qu'on constate, c'est qu'il y a des
01:03gens qui s'adaptent finalement assez vite. Et d'autres qui ont beaucoup plus de mal.
01:09Et c'est pour ça que même dans les périodes de crise, il y a des gens qui s'en sortent
01:13pas si mal que ça et que même quand ça va bien, en 2014, par exemple, il y avait des
01:20gens qui avaient du mal. Et ce qu'on voit, c'est que les écarts de résultats, les écarts
01:26de performance même, quels que soient les niveaux de performance entre les agriculteurs
01:32en production laitière, mais aussi dans les autres productions, d'ailleurs, s'accroissent
01:36de manière vertigineuse. Et c'est une vraie question à la fois pour les agriculteurs.
01:42C'est une vraie question pour les organismes qui les accompagnent. Et c'est une vraie question
01:47de politique publique. Comment gérer cette diversité de plus en plus grande et comment
01:51essayer de la réduire? Justement, cette diversité des écarts entre entre entre
01:57marges que peuvent dégager les exploitations. Comment vous l'expliquer? C'est des stratégies
02:01différentes à adopter. Voilà, je crois que par rapport à la volatilité, il y a trois
02:05dimensions pour un pour un chef d'entreprise. Il y a des dimensions qui relèvent de sa
02:09stratégie, donc quelque part un petit peu sur le long terme. On ne change pas de stratégie
02:14tous les matins, même si on n'a pas la même stratégie toute sa vie. Il y a ensuite la
02:19façon dont il gère son entreprise, ce qui est autre chose. Donc là, c'est plus de la
02:24stratégie de gestion. Voilà la stratégie de gestion. L'autre, c'est des choix techniques,
02:27finalement. Et puis enfin, il y a les choix techniques. Justement, il y a le pilotage
02:30technique. Donc, je crois qu'il y a trois choses. Il y a mes grandes orientations stratégiques.
02:35Mon pilotage, ma gestion à l'année et mes choix techniques. C'est ces trois. C'est la
02:41composante de ces trois dimensions qui aboutissent et la façon dont je les maîtrise, qui
02:45aboutissent à ces grands écarts. Et du coup, sur ces choix techniques, déjà le
02:51premier, c'est quoi? C'est de baisser ce qu'on appelle le point mort. Donc là, on est
02:55plutôt sur l'aspect de la gestion. Je crois que sur la gestion, comme on est en
03:00variation, il faut pouvoir globalement profiter quand ça va bien et résister quand ça
03:08va mal. Et pour ça, un des éléments, c'est de baisser son point mort. Et ça, les
03:14producteurs de lait ont des moyens, même si c'est pas. Comment dire? Ils le perçoivent
03:21pas tout de suite. Si je schématise. Dans les coûts de production, globalement, c'est
03:28à peu près trois tiers, un tiers de charges opérationnelles, un tiers de charges de
03:35bâtiments et de matériels, de structures, de structures au sens d'investissement,
03:39quelque part d'immobilisation et un tiers qui sont les autres charges et la
03:44rémunération du travail. Donc, je peux jouer sur ces trois volets alors qu'on se
03:50concentre surtout sur les charges opérationnelles. C'est un volet. Il y a
03:54déjà beaucoup de travail qui a été fait. Il en reste. Si je ne suis pas bon sur
03:57l'efficacité des charges opérationnelles, c'est pas la peine que je continue. Mais ça
04:00suffit pas. Et quand on charge d'immobilisation, justement, voilà. Donc je
04:03peux jouer en abaissant mon point mort. Comment? C'est d'une part en baissant et
04:08en partageant. Donc ça, il y a beaucoup de travail de ce côté là et également
04:14en partageant. On n'est pas propriétaire de tout. Il y a certaines charges fixes que
04:19je rends variables en sous traitant, c'est à dire qu'on va faire passer par un décument
04:24des entreprises, des entreprises, d'autres collègues et en partageant les
04:29investissements. Et puis enfin, le troisième, c'est ce qui a toujours été
04:33le moteur de l'augmentation du revenu, car le revenu sur 30 ans a augmenté en
04:38agriculture, le revenu par agriculteur. Le grand moteur, c'est l'efficacité du
04:43travail. C'est quelle est la valeur ajoutée que je produis par unité de
04:46travail, que ce soit mes salariés ou mon propre temps? Et en général, on
04:51mesure l'efficacité de son salarié ou de ses salariés parce qu'on les paye.
04:55Il faut aussi mesurer sa propre efficacité personnelle. D'accord. Après,
04:59il y a une autre stratégie finalement pour s'adapter à la volatilité. C'est
05:03peut être d'en sortir. Il y en a aussi. Donc là, effectivement, on est on est
05:06maintenant sur la grande sur la stratégie globale de l'entreprise où je
05:10crois qu'il n'y a que deux stratégies de manière majoritaire. Il n'y a que deux
05:14stratégies. C'est une stratégie volume prix, c'est à dire je produis, y compris
05:18par exemple en bio. C'est une stratégie volume prix. Je produis au maximum au
05:24moindre coût et à une stratégie de différenciation. Et donc, il y a
05:28certaines personnes qui peuvent penser sortir de la volatilité. Je prends
05:32l'exemple si je fais tout en vente directe. Je ne suis plus sujet à la
05:35volatilité puisque ce que je vends sur le marché ou ce que je vends au circuit
05:41court n'a pas de lien avec ce qui est vendu sur le marché international. Pour
05:45autant, il faut faire attention à deux éléments. C'est que c'est quand je sors
05:48du marché, ça me donne quand je sors de la volatilité. Ça me demande en
05:53général davantage d'investissement en temps, davantage de travail. C'est un
05:57premier élément. Et puis le deuxième élément, il faut que je sois conscient
06:00que la volatilité, la volatilité, ça n'a pas que du mal. C'est qu'il y a des
06:04points bas, mais il y a aussi des points hauts. Et quand je suis sorti de la
06:06volatilité, si les coûts augmentent très fortement de par la poudre, par
06:10exemple, qu'on a connu en 2014, je n'en bénéficie pas. Donc, il faut bien
06:13réfléchir et je ne peux pas changer tous les jours. C'est des choix à long terme, c'est
06:17sûr. Et puis, l'autre élément de ma stratégie, c'est est-ce que je me
06:20spécialise ou est-ce que je me diversifie ? On a tendance, pour être
06:25efficace, à avoir tendance à se spécialiser, spécialiser ses compétences,
06:30spécialiser ses investissements et être sur une production principale.
06:34Or, on sait bien pour la gestion du risque de ne pas mettre tous ses yeux dans le
06:37même panier. Et donc, une des voies pour à la fois augmenter son volume,
06:43concentrer ses compétences et en même temps se diversifier, c'est de partager
06:46des projets à plusieurs. Nous sommes tous les deux agriculteurs. On a chacun.
06:52Vous êtes plutôt sur la production porcine, la production laitière.
06:54Plutôt que vous spécialisez complètement en porc, complètement en lait, il y a des
06:57ateliers qu'on fait ensemble. Et moi, je pilote le lait. Pardon, vous, vous
07:00pilotez les porcs. D'accord. Mais alors, comment se partage la marche si les
07:04porcs sont bons et que le lait est bas, par exemple ? Après, il faut être très clair
07:07sur les règles. Il faut être très clair sur les règles et sur la gouvernance.
07:11Dès qu'on est plusieurs, il faut être très clair. Mais tous ceux qui, tous ceux
07:14qui se lancent sur des projets de marques éthiques sur le lait et éthique lait,
07:21par exemple, je crois, quelque chose comme ça qu'il y a eu en Bretagne ou
07:24en France, ont tous été confrontés à des problèmes de gouvernance. Donc, dès
07:27qu'on est à plusieurs, il faut être très clair sur la gouvernance. Mais ça, ça se
07:30règle. D'accord. Finalement, est ce qu'il faut? Il faut accepter malheureusement
07:35ou heureusement que le monde a changé aussi et que quand on est sur des
07:40filières longues, il va falloir s'adapter qu'on le veuille ou non.
07:43Voilà, je crois que l'élément. Il y a deux éléments qu'il faut admettre.
07:47C'est qu'on est en économie de marché, donc il y a une volatilité. Il y a des
07:51bonnes années, des mauvaises années. Quand il y a une bonne année, il faut que
07:55je sache qu'il y aura une mauvaise année et que je fasse des réserves pour avoir
07:58de la trésorerie. Il faut que je sache que quand j'ai une mauvaise année et que
08:02je produis à perte, ce n'est pas une catastrophe, quelque part un peu normal.
08:05Il ne faut pas que ça se renouvelle trop souvent. Il ne faut pas que ça aille trop
08:07loin. Pas trop longtemps non plus. Oui, mais il faut que j'ai constitué des
08:10réserves. Le fait de passer une mauvaise année, ça se prépare quand l'année
08:14est bonne. Il ne faut pas que je traite sur toute la ferraille qui passe ou tous
08:17les hectares qui sont à ma portée de main quand l'année est bonne. Et ça,
08:20c'est de la stratégie et du comportement. Et le deuxième élément qu'il faut que
08:24j'admette, c'est qu'aujourd'hui, vraisemblablement, pour réussir en
08:27agriculture, il faut passer des alliances. Ce n'est pas forcément être uniquement
08:32dans des formes sociétaires. On peut très bien être chacun chez soi, mais partager
08:36des projets ensemble. En tant que consultant indépendant, je partage des
08:39projets avec d'autres collègues. On ne peut pas tout faire. On ne peut pas avoir
08:42toutes les compétences. Et ça, c'est central pour les agriculteurs. Et c'est
08:46une vraie révolution dans les têtes. Accepter l'économie de marché et
08:50accepter que tout n'est pas dans la propriété de tout.
08:52Et ça, vous le sentez justement. Cette mutation entre cette mutation, chacun chez
08:58soi et partager ensemble. Je crois que ça bouge. Peut être pas aussi vite qu'on
09:03pourrait l'imaginer, mais ça bouge. D'abord, il y a des offres de plus en plus
09:08nombreuses en la matière et à une anecdote, un fait vécu. J'interviens
09:13beaucoup. C'est plutôt en zone céréalière, dans des écoles de formation
09:17de coopérateurs, de jeunes coopérateurs. Et en général, je fais le tour de table
09:22au bout d'une heure. Je commence par expliquer à certaines idées et dans le
09:27tour de table depuis un an ou deux. C'était pas vrai avant. Depuis un an ou
09:32deux, quelqu'un qui travaille seul et qui est pratiquement propriétaire de tout
09:39commence par se justifier. D'accord, donc ça montre pourquoi j'ai des charges
09:43importantes. Voilà pourquoi j'ai des charges importantes. Donc, il se justifie
09:47sachant qu'aujourd'hui, la majorité ont des projets d'alliance ou ont des
09:52alliances et donc ceux qui sont seuls se justifient. Alors, c'est pas pour toi
09:55qu'il faut forcément s'allier. On peut très bien avoir la taille suffisante
09:58pour être seul, mais ça montre bien que dans les têtes, ça travaille. Les gens
10:01se rendent compte qu'on ne peut pas continuer comme aujourd'hui. Les choses
10:04bougent. Merci Jean-Marie Serroni. Et puis, vous pouvez retrouver
10:07nombreuses infos sur l'économie agricole sur Webagri,
10:10sur internet.fr et sur agroéconomie.com

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