Olivier Mevel : « Le problème numéro un, ce sont les grandes surfaces ! »

  • il y a 3 mois
Etats généraux de l’alimentation

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Transcription
00:00Non, non, non.
00:12Bonjour et bienvenue à tous sur la SPACE TV.
00:15On va parler de marge,
00:17de répartition des marges dans les filières agroalimentaires.
00:21Est-ce qu'il est possible de mieux répartir les marges
00:24au bénéfice des agriculteurs ?
00:25Est-ce que les agriculteurs vont rester ?
00:28La variable d'ajustement, pour en parler,
00:33j'accueille Olivier Mewel. Bonjour.
00:35Bonjour. Merci de m'accueillir sur votre plateau.
00:38Vous êtes maître de conférence à l'Université de Bretagne-Loire
00:41et vous êtes un spécialiste de la répartition des marges
00:44des filières agroalimentaires.
00:46Vous travaillez beaucoup sur ce sujet.
00:48Vous étiez d'ailleurs candidat à l'Observatoire
00:50de la formation des prix et des marges.
00:53J'ai d'abord une question d'actualité.
00:56Les états généraux de l'alimentation
00:59se déroulent en ce moment.
01:01Selon vous, qu'est-ce qui va ressortir
01:04de ce processus d'échange
01:08entre acteurs des filières alimentaires ?
01:12Très clairement, à la suite de l'élection du président,
01:16ce dernier avait souhaité qu'il y ait des échanges fructueux,
01:19qu'on espère tous fructueux.
01:22Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'aujourd'hui,
01:23j'espère qu'il en ressortira quelque chose.
01:26Maintenant, les échos que j'ai, n'y participant pas moi-même,
01:29sont plutôt des échos dans lesquels, finalement,
01:32on voit couler une eau tiède.
01:34Une eau tiède à l'heure où un des maillons...
01:36Vous avez parlé de variable d'ajustement,
01:38mais c'est tout à fait exact.
01:39À l'heure où un des maillons est dans une situation critique.
01:43Donc quand l'eau tiède coule,
01:45ça veut dire qu'on ne dit pas forcément tout à fait les choses.
01:49Et je pense qu'aujourd'hui, sur les ateliers,
01:52j'ai rien à dire sur les titres des ateliers,
01:54qui sont tous très intéressants.
01:56Maintenant, j'aurais aimé connaître la composition des ateliers,
01:59savoir qui y participe, et je trouve dommage
02:01de voir que c'est gardé, finalement, secret.
02:04On n'a pas accès non plus aux travaux des ateliers.
02:06Donc je peux me poser la question de savoir aujourd'hui
02:09est-ce qu'il va ressortir une souris ou une montagne ?
02:12Je crois plutôt qu'on ira vers quelques petites ordonnances
02:15et quelques petits décrets, si j'en crois les bruits qui courent.
02:19La FNSEA, récemment, s'est positionnée en disant
02:23qu'il faut réformer la loi de modernisation de l'économie
02:27en travaillant, en réformant la réglementation
02:32sur les seuils de vente à perte,
02:34sur encadrer les promotions.
02:36Réellement, concrètement, est-ce que ce sera suffisant
02:40pour redonner des perspectives de marge de revenus
02:44aux agriculteurs, sincèrement ?
02:47Non, clairement, je ne crois pas.
02:49Aujourd'hui, on va dire que les maillons vivent
02:54sous une grande loi organique, la loi du 4 août 2008,
02:57dite loi de modernisation économique.
02:59Mais cette loi de modernisation économique, elle-même,
03:02est le fruit d'une évolution législative très ancienne.
03:06Et si on remonte déjà à la loi du 27 décembre 1973,
03:09dite loi Royer,
03:10si on suit par les lois Galland, les lois Raffarin,
03:13on a des grandes lois qui ont structuré les relations commerciales
03:17et aboutissent à des négociations commerciales difficiles.
03:20Donc ce n'est pas tout d'un coup 2 mesurettes
03:23qui vont changer l'état d'esprit
03:25d'une loi puissamment déflationniste qu'est la LME.
03:28Moi, j'en appelle au contraire à une mise à plat
03:31de l'ensemble, aujourd'hui, de la législation
03:35et la reconstruction d'une législation équilibrée
03:38dans laquelle on n'est pas un rapport de force,
03:40parce que je vous le rappelle aujourd'hui,
03:41qui dit rapport de force veut dire construction d'un prix faux,
03:45parce qu'un prix n'est que le produit
03:47de la construction d'un rapport de force.
03:48Et dans certaines filières alimentaires,
03:50on peut clairement se demander
03:51si on n'a pas clairement des rapports de soumission aujourd'hui.
03:54Mais dans ce cadre-là,
03:56qu'est-ce qu'il faut faire concrètement
03:57pour rééquilibrer la chaîne de valeur ?
04:02Le problème aujourd'hui est clairement...
04:05Le problème numéro 1, ce sont les grandes surfaces.
04:08Aujourd'hui, les distributeurs font des chiffres d'affaires
04:10au mètre carré en France qui sont tout simplement intolérables.
04:13En moyenne, un hyper aujourd'hui
04:15est sur une base de 12 000 à 15 000 euros par mètre carré.
04:18Tant que les grandes surfaces auront ce niveau
04:20de chiffre d'affaires au mètre carré,
04:22ils seront dans la possibilité de dire aux éleveurs
04:24que vous avez besoin de me vendre,
04:26je n'ai pas besoin de vous acheter.
04:27Tant que ce phénomène perdurera, les rapports de force seront là
04:30et les grandes surfaces pourront se permettre, en fin de compte,
04:33de réaliser des marges à l'achat sur les produits agricoles
04:36et se passer de marge à la vente,
04:37puisque la LME aujourd'hui est déflationniste
04:39et il y a guerre des prix à la vente.
04:40Donc il y a peu de marge à la vente.
04:42Quand on préparait cette émission, vous me disiez
04:44qu'il faut absolument déterminer 2 prix.
04:48Un prix entre le producteur et son transformateur
04:52et un autre prix entre le transformateur et le distributeur.
04:56Il faut que tout ce monde-là se mette d'accord dès le départ
04:59sur ces 2 prix. C'est bien ça ?
05:02Tout à fait. En fait, aujourd'hui, vous avez d'un côté la LME.
05:05La LME qui va agir sur les rapports
05:07entre la coopérative et la GMS,
05:09entre les industriels privés et la GMS,
05:12avec ce petit jeu du prix.
05:14Et ce petit jeu du prix qui aboutit toujours en même perdant.
05:16La coop ou l'industriel.
05:17Quand on voit naître les 1ers groupes agroalimentaires mondiaux
05:20qui, aujourd'hui, ont des difficultés
05:22dans ces négociations commerciales avec les GMS,
05:24on mesure bien, effectivement, le rapport de force
05:27vis-à-vis des coops.
05:28Maintenant, pour les coopératives,
05:31c'est pas non plus complètement facile,
05:33parce que les coopératives se retrouvent aujourd'hui
05:34coincées entre la LMA, la loi de modernisation agricole
05:38et les effets de la LMA,
05:39et confrontées également aux effets de la LME.
05:42Et c'est là qu'on voit que le produit législatif,
05:44aujourd'hui, est plutôt négatif.
05:46Et il faut reconstruire ça.
05:48Donc, d'un côté, les prix agricoles
05:50sont le fruit de 2 négociations.
05:52Une 1re négociation terrible
05:55d'un point de vue commercial, en aval.
05:58Et puis, d'un côté, quand les distributeurs ont pu dire
06:01j'ai pas besoin de vous acheter, mais monsieur, la coopérative,
06:04vous avez besoin de me vendre,
06:05la coopérative s'en retourne vers les éleveurs
06:07pour dire venez voir ici ce que j'ai décidé.
06:09C'est ça qu'il faut changer.
06:11Il y a quelques semaines, vous étiez candidat
06:15à l'Observatoire de la formation des prix et des marges.
06:17Vous n'avez pas été retenu.
06:19Philippe Chalmin a été reconduit dans ses fonctions.
06:21Vous aviez proposé une remise à plat
06:23parce que vous contestez la méthode de M. Chalmin.
06:27Vous aviez proposé une remise à plat.
06:31Aujourd'hui, pourquoi vous n'avez pas été entendu
06:36par le ministère de l'Agriculture,
06:38notamment, qui a pris cette décision ?
06:42Alors, j'ai été entendu par le ministre de l'Agriculture
06:46et son cabinet, mais je n'ai pas été entendu
06:48par les hauts fonctionnaires du ministère de l'Agriculture.
06:50En étant fonctionnaire d'Etat moi-même,
06:52enseignant-chercheur,
06:53je pensais qu'un sujet aussi sérieux,
06:55à savoir la nomination d'un président
06:57de l'Observatoire des marges et des prix,
07:00qui, quelque part, va poser un avis
07:02sur les 15 principales filières alimentaires,
07:06l'agri-agro-français, c'est plus de 400 milliards d'euros.
07:09Je pensais qu'un sujet aussi sérieux
07:10méritait un débat public.
07:12Et j'en ai parlé avec Laurent Pinatel,
07:14qui était également candidat,
07:15le président de la Confédération, aujourd'hui,
07:18et puis moi-même.
07:20Aucun débat organisé.
07:21Est-ce que c'est sérieux ?
07:23Non. La réponse est non.
07:25Maintenant, ma candidature semblait gêner une technostructure.
07:28Je parle même d'oligarchie technocratique
07:30au sein du ministère de l'Agriculture.
07:32Je ne parle pas là de Stéphane Travert,
07:33qui a eu la courtoisie de m'expliquer,
07:36effectivement, pourquoi je ne serais pas nommé.
07:38Et si je n'ai pas été nommé, c'est tout simplement
07:41parce qu'on me jugeait trop proche des éleveurs.
07:44Trop proche des éleveurs.
07:45Or, aujourd'hui, ce sont eux qui sont...
07:48Ce sont ces acteurs-là de la chaîne alimentaire
07:49qui se retrouvent en difficulté.
07:51Donc si le ministère de l'Agriculture
07:53avait bien fait son travail, entre guillemets,
07:55il aurait peut-être un peu mieux considéré
07:57votre candidature ou au moins votre méthode.
08:01Peut-être. Mais en attendant,
08:03vous avez parlé tout à l'heure de variables d'ajustement.
08:05Et il est vrai que mes travaux de recherche, aujourd'hui,
08:07gênent beaucoup certains
08:09pour qui c'est circulé, il n'y a rien à voir.
08:11Alors, ils sont nombreux à souhaiter que ce soit circulé,
08:13il n'y a rien à voir.
08:14Les GNMS, certains grands industriels,
08:16et puis, également, un certain nombre de fonctionnaires
08:18qui n'ont pas l'intention de remettre leur méthode en cause.
08:21Aujourd'hui, l'Observatoire des marges et des prix
08:23produit de faux résultats.
08:25Parce que, d'un côté, j'ai fait ma thèse de doctorat
08:28au sein du groupe Leclerc.
08:29Je sais très bien que le métier principal d'un distributeur,
08:32c'est la facturologie.
08:33C'est présenter faussement ses résultats.
08:36Eux ne gagnent jamais d'argent, disent-ils.
08:37Or, aujourd'hui, j'attends de Philippe Chalmin
08:40qu'il soit capable, alors que la loi Sapin 2
08:42lui donne des pouvoirs exorbitants,
08:44comme celui de demander les résultats
08:48aux entreprises industrielles,
08:49et notamment à l'actualisme et aux distributeurs,
08:52j'attends que Philippe Chalmin fasse respecter la loi Sapin 2
08:55et qu'il demande à M. Beignet de publier ses résultats.
08:58Seulement, M. Chalmin, à peine élu,
08:59a dit qu'il était simplement un animateur
09:02de l'Observatoire des marges et des prix.
09:04Est-ce que c'est sérieux dans une République
09:06où, aujourd'hui, on peut se demander s'il y a vraiment débat ?
09:09Alors, vous n'avez pas été retenu.
09:11Votre discours ne semble pas entendu aujourd'hui.
09:15En attendant, il y a des démarches
09:17qui se mettent en place localement en Bretagne, en Normandie,
09:21d'éleveurs qui montent des filières de lait équitable.
09:26Vous avez participé, vous, à une initiative en Normandie,
09:30Coeur de Normandie, ça s'appelle.
09:32Vous pouvez m'en dire 2 mots ?
09:35En fait, je suis prof d'université,
09:37mais d'un autre côté, j'ai un cabinet de marketing.
09:39Et j'ai commencé comme ça, dans l'agriculture,
09:41en proposant aux éleveurs de construire des démarches équitables.
09:45Et aujourd'hui, on s'aperçoit de choses tout à fait étonnantes.
09:48D'un côté, quand vous regardez un linéaire laitier,
09:51vous avez Candia et Lactel, les 2 stars du linéaire,
09:54Sodial et Lactalis,
09:56qui se vendent chez Leclerc à 84 centimes d'euro.
09:59Et d'autre côté, vous avez des démarches qui se vendent à 99 centimes
10:03en ayant le même contenu,
10:04c'est de la brique demi-écrémée UHT.
10:07Alors pourquoi certaines démarches arrivent à se vendre à 99 centimes
10:11en rémunérant à 42 centimes TP, TB inclus, l'éleveur ?
10:15Et pourquoi les 2 stars du linéaire n'en sont pas capables ?
10:18Ca, c'était la problématique de départ.
10:20Tout simplement, on s'aperçoit que quand on va interroger le consommateur,
10:23quand on prend la peine d'interroger le consommateur,
10:26on se retrouve avec un consommateur qui nous décrit ses nouvelles attentes.
10:30Et aujourd'hui, je ne fais que respecter le consommateur.
10:34Le consommateur souhaite qu'il y ait équité.
10:36Il souhaite que les éleveurs soient correctement rémunérés.
10:39Alors, dans la démarche Coeur de Normandie dont vous parlez,
10:42la FDSE a de la manche,
10:44puisque c'est elle qui a choisi d'initier cette démarche.
10:47Et la FDSE a de la manche, elle a choisi de respecter le consommateur.
10:50Et de là, en fin de compte,
10:51on voit le consommateur qui a exprimé ses choix.
10:55Ses choix, c'est je veux, à travers ma consommation,
10:58participer d'un certain nombre de valeurs.
11:01L'équité en est une.
11:02Le bien-être animal pourrait en être une autre.
11:05L'environnement aussi.
11:06Aujourd'hui, la valeur star qu'anime le consommateur,
11:09c'est d'aider l'éleveur.
11:10Il sait très bien aujourd'hui que les éleveurs sont en difficulté.
11:13Et beaucoup de consommateurs nous disant,
11:15à travers ma consommation, j'essaye d'être équitable.
11:18Concrètement, dans cette démarche,
11:19le prix en rayons, il est de combien ?
11:22Et le prix payé aux producteurs, il est de combien ?
11:24Le prix en rayons est de 89 centimes
11:26chez Intermarché et chez Carrefour aujourd'hui.
11:29Chez Auchan aussi, ce sera sans doute le prix unique.
11:31Et le retour aux éleveurs est de 39 centimes d'euro.
11:3739 centimes d'euro,
11:38c'est bien plus élevé aujourd'hui que le marché actuel.
11:42Est-ce que vous pensez que de telles démarches peuvent se développer,
11:47peuvent se massifier pour qu'un grand nombre de producteurs
11:51puissent en bénéficier plus tard ?
11:54Si je prends en exemple les échanges que je peux avoir
11:59avec Emmanuel Faber, par exemple, de Danone,
12:01finalement, il se rend compte d'une chose.
12:03Lui, qui est tenant de grandes marques,
12:05il se rend compte que les marques régionales
12:07sont aujourd'hui en train de bouleverser la donne dans le linéaire,
12:11dans des linéaires laitiers qui sont très chahutés par le consommateur.
12:14Mais pourquoi ? Parce que le consommateur
12:16n'y retrouve pas ce qu'il y cherche.
12:18Vous avez une forme de naïveté marketing
12:20dans ce linéaire laitier.
12:21Tout est basé sur le produit.
12:22Or, le consommateur veut aujourd'hui acheter du produit
12:26plus des valeurs qui font sens pour lui,
12:28aux marques de les lui donner.
12:29Si les marques nationales ne veulent pas s'engager dessus
12:32en raison d'un tabou qui est la moindre rémunération de l'éleveur,
12:35c'est aux marques régionales et aux coopératives
12:37de se saisir de ça pour créer des marques régionales
12:40qui rémunèrent mieux les éleveurs.
12:42C'est pas difficile.
12:43Toutes les démarches qui ont été faites en ce sens,
12:45comme Vendée L'Eleveur, par exemple, le démontrent.
12:48Olivier Mevel, merci beaucoup pour cet éclairage.
12:50Et puis je vous invite à retrouver toutes les informations
12:53sur les états généraux de l'alimentation,
12:55sur la répartition des marges sur Ternet.fr
12:57et webagri.fr. Merci.
12:58Merci.

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