J.-M. Séronie (CerFrance): « Nous avons anticipé la baisse des aides directes »

  • il y a 3 mois
Pac 2014-2020

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Transcription
00:00Bonjour et bienvenue à tous sur le plateau de l'Internet Web TV. Le plateau où j'accueille Jean-Marie Serroni.
00:09Bonjour.
00:10Monsieur Serroni, vous êtes directeur du CR France de la Manche et responsable de la veille économique du réseau.
00:17Alors on va parler du budget européen et du budget de la PAC, le budget européen qui a été décidé il y a peu de temps.
00:26On entend plusieurs discours, de nombreux discours. Le budget de la PAC est maintenu, le budget de la PAC diminue.
00:34Qu'en est-il ? Quelle est votre analyse à vous, économiste ? Le budget de la PAC est-il finalement préservé pour les agriculteurs ?
00:44Alors je dirais facilement que selon qui je suis, je vous dirais un chiffre différent sur le budget de la PAC.
00:51Suivant que je suis anglais, allemand, français, responsable professionnel ou responsable politique.
00:57Et chacun dit la vérité. Simplement, on est dans une complexité qui est liée à trois choses.
01:03C'est qu'on mélange des raisonnements en euros constants de 2011 qui conduisent à dire que le budget baisse.
01:12D'autres qui raisonnent en euros courants en faisant des hypothèses d'inflation et qui disent donc que le budget est maintenu.
01:19La deuxième difficulté est qu'on raisonne avec un terme barbare et technocratique soit des crédits d'engagement,
01:27c'est-à-dire les autorisations qui sont données en cours d'année où les crédits de paiement, ce qui est réellement payé et qui est plus bas.
01:34Donc certains raisonnent crédits d'engagement, d'autres crédits de paiement et sur la période il n'y a rien mais il y a quand même 60 milliards d'écart.
01:43Et enfin, la dernière source de confusion et qui est sûrement une des plus grandes, c'est qu'on compare un budget globalisé sur 7 ans.
01:52La période 2014-2020 à la période 2006-2013.
01:58Et donc on compare la totalité de ces deux périodes en oubliant que pendant la période 2006-2013, le budget a augmenté.
02:07Et comme il va baisser pendant la période 2014-2020, on a l'impression que les deux chiffres sont quasiment constants.
02:13Mais simplement, on compare une hausse et vraisemblablement une légère baisse.
02:17Et au final, à quoi s'attendre ?
02:19Au final, le budget global de l'Union Européenne, s'il est validé par le Parlement, parce qu'on annonce toujours cela comme une décision aujourd'hui,
02:27il ne faut pas oublier que le Parlement est co-décisionnaire et donc doit donner son accord.
02:32On peut penser que sous la pression des élections parlementaires qui auront lieu l'année prochaine, il va donner son accord sous condition, on pourra y revenir.
02:39Par contre, ce qui est sûr, c'est que les paiements directs aux agriculteurs vont baisser.
02:47D'une part parce que le budget global de la PAC baisse de 12%, ça c'est sûr.
02:53Et que d'autre part, dans le budget de la PAC, il y a les paiements directs mais aussi des paiements couplés.
03:01C'est-à-dire des paiements pour des zones prioritaires qui seront tous pris sur la même enveloppe.
03:05Donc les paiements directs pour un grand nombre d'agriculteurs sur l'ensemble de la période, au terme des 7 ans, auront baissé.
03:13Vous parliez à l'instant d'un accord du Parlement sous condition, c'est-à-dire ?
03:18Le Parlement va sans doute discuter sur le fait qu'on est dans un petit budget pour une petite ambition.
03:26On a maintenu le budget agricole mais tous les autres budgets ont été baissés dans une période où certains souhaiteraient relancer l'économie.
03:33Donc on peut imaginer que le Parlement va dire vous avez fait un petit budget de rigueur sur une période de 7 ans.
03:39On peut imaginer une conjoncture favorable à l'avenir.
03:43Et donc on se demande si le Parlement ne soumettra pas son accord, ne conditionnera pas son accord au fait, quelque part, d'une revue à mi-parcours, de revoir en cours le budget.
03:54Comme un bilan de santé ?
03:56Comme le bilan de santé.
03:58Cela ne présage rien de bon pour les agriculteurs, notamment en France ?
04:02On est aujourd'hui dans un contexte de prix élevé dans quasiment toutes les productions.
04:09J'ai dit des prix, pas de marge.
04:11Quand sera-t-il dans 3 ou 4 ans, on ne peut pas le savoir.
04:17S'il y a eu une crise grave à un moment donné, ce sera plus facile sur le budget.
04:21Si on continue sur des prix élevés, cela poussera à un budget plus difficile.
04:26Si je comprends bien, les perspectives restent floues, même pour des économistes.
04:30Comment vous abordez-vous des plans de financement que vous demandent les agriculteurs aujourd'hui ?
04:38Des gens qui veulent s'installer, des gens qui ont des projets d'investissement.
04:41Comment vous abordez tout cela dans des perspectives ?
04:43Quand on fait des perspectives en gestion, il faut raisonner non pas avec des chiffres instantanés, mais avec des moyennes.
04:49En agriculture, pendant des années, on a travaillé avec des prix à peu près stables.
04:53Aujourd'hui, on a des prix des céréales qui varient sur 5 ou 6 ans, pratiquement du simple au double.
04:59Pour faire des prévisions, on prend des valeurs moyennes sur 3 ou 4 ans que l'on projette.
05:05Ce qui fait que le budget de chaque année se balade dans un faisceau de 20 à 25% au-dessus ou en dessous de la moyenne du plan d'investissement.
05:15Donc, anticiper une baisse des paiements à l'hectare de l'ordre d'une centaine d'euros sur 7 ans,
05:21c'est largement inférieur à la variation des prix qu'il peut y avoir l'un sur l'autre.
05:26Vous anticipez d'ores et déjà, dans des plans de financement, la baisse des aides, des soutiens publics ?
05:32Il ne faut pas mentir aux agriculteurs.
05:34Forcément, avec les décisions qui sont prises, les paiements à l'hectare vont diminuer.
05:41C'est mécaniquement inscrit. Il ne faut pas raconter d'histoire.
05:44Nous, dans la gestion, on est bien sûr dans une certaine vérité comptable.
05:48Donc, il faut qu'on le prenne en compte.
05:50Ce qu'il faut qu'on prenne en compte aussi, c'est de relativiser les choses.
05:54Si je schématise, 100 euros à l'hectare, ramené avec les performances moyennes, 100 euros à l'hectare de DPU,
06:02ça représente à peu près 13 euros à la tonne de céréales ou 13 euros au 1000 litres de lait.
06:09C'est très grossier, mais c'est ça.
06:11Ça fait 5 ou 6% de la valeur du chiffre d'affaires.
06:15C'est bien inférieur à la variation interannuelle qu'il y a dans les prix.
06:21Quand je gère, bien sûr, les aides sont acquises.
06:24C'est une sécurité. Mon niveau de sécurité baisse.
06:27Par contre, ce qui fait mon résultat, c'est la façon dont je fais mon produit et dont je maîtrise mes charges.
06:32Jean-Marie Saronni, merci beaucoup.

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