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Le documentaire "Hannibal Lecter, l'icône du mal par excellence" est sorti en 2010. Ce film explore l'impact culturel et la fascination du public pour le personnage d'Hannibal Lecter, devenu une véritable icône du mal dans la culture populaire. Voici les principaux points abordés dans ce documentaire :

L'évolution du personnage : Le film retrace probablement l'histoire d'Hannibal Lecter à travers les différents romans et adaptations cinématographiques.
Son statut d'icône : Hannibal Lecter est présenté comme un symbole du mal, mais aussi d'intelligence et de raffinement

.
L'impact culturel : Le documentaire explore vraisemblablement l'influence du personnage au-delà du cinéma, mentionnant des parodies, des pièces de théâtre et même un vin nommé d'après lui
.
Analyse du succès : Le film examine sans doute les raisons de la popularité durable d'Hannibal Lecter, malgré (ou peut-être à cause de) sa nature de tueur en série cannibale.
Réalisatrice : Le documentaire a été réalisé par Elsa Lhéritier
.
Durée : Le film dure environ 51 minutes
.
Public cible : Il est classé 16+, indiquant un contenu destiné à un public adulte

.

Ce documentaire offre ainsi une analyse approfondie de la façon dont Hannibal Lecter est devenu une figure emblématique du mal dans l'imaginaire collectif, tout en explorant les raisons de sa popularité persistante.

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Transcription
00:00Hannibal Lecter est sans nul doute le meurtrier le plus charismatique de l'histoire du cinéma.
00:06Le silence des agneaux. Avec ses 5 oscars et son succès public, a signé la naissance
00:14d'une véritable icône pop. Hannibal, le cannibale. C'est l'anti-héros de 4 romans
00:20vendus par millions d'exemplaires à travers le monde, d'une série télévisée et de 5 films
00:25dont les bénéfices s'approchent du milliard de dollars. Incarné au fil du temps par Brian Cox,
00:32Anthony Hopkins, Gaspar Ulliel et Matt Mikkelsen, le docteur Lecter est un psychiatre sociopathe,
00:40un gourmet de la chair humaine, un serial killer à l'intelligence surnaturelle. C'est la quintessence
00:47du raffinement qui rencontre la bestialité la plus totale, la complexité poussée à l'extrême.
00:53Le personnage a surpassé l'œuvre, il est maintenant repris, détourné et parodié.
00:58Hannibal Lecter, c'est l'icône du mal par excellence.
01:22Souvent, je me retrouve à vouloir qu'il s'en sorte, qu'il se sauve. Je me demande,
01:37mais pourquoi je veux ça ? Parce qu'il tue, il mange des gens, mais il y a quelque chose chez lui
01:42qui vous oblige à continuer à regarder. C'est très intriguant dans un sens. Je pense que c'est
01:49probablement la personne la plus étrange qu'on puisse imaginer comme icône.
01:52Beaucoup de films, d'histoires que l'on raconte depuis les frères Grimm, depuis même la Bible,
02:04parlent de nos instincts les plus sombres. Et quand on parle de ça, quand on les voit sur
02:10grand écran, on peut regarder les deux faces de nous-mêmes. C'est cathartique,
02:18une façon de discuter, de questionner notre face sombre.
02:21Aussi complexe et noir qu'il soit, Hannibal Lecter plaît, car avec lui,
02:32le spectateur perd tous ses repères. Il n'est pas seulement un horrible cannibale,
02:36c'est aussi un homme élégant, particulièrement cultivé.
02:39Il est capable d'être parmi nous, d'être parmi les humains. Et à ce côté,
02:46je me fonds dans la population et je suis l'un des vôtres. Et ça, c'est un message
02:50qui est super fort. C'est presque subversif en un sens, de dire qu'il ne s'agit pas d'un
02:54monstre, d'un martien, mais qu'il s'agit de quelqu'un qui est comme nous.
02:57Impossible, sous son vernis impeccable, de déceler la noirceur de son âme.
03:03C'est comme une œuvre d'art. À chaque fois qu'on le regarde, il y a quelque chose de différent.
03:18Et au fur et à mesure, quand vous changez, vous regardez quelque chose d'autre, de nouveau.
03:23Il y a toujours une autre histoire à raconter quand on a un personnage aussi riche en possibilités
03:29cannibales. Si on n'a pas une bonne histoire, c'est vraiment de notre faute.
03:33Comment un personnage aussi imparable, Cannibal Lecter, a-t-il pu voir le jour ?
03:43De l'intuition géniale d'un auteur mystérieux, au charisme diabolique d'un acteur alors inconnu,
03:49en passant par des influences qui remontent jusqu'à Bracula,
03:52plongé dans les secrets d'un mythe moderne du crime.
03:56Et les bras ? Pourquoi ne les a-t-il pas enterrés ? Pour leur tenir la main ? Pour sentir la vie
04:10quitter leur corps ? Non, trop ésotérique pour quelqu'un qui a pris le temps de bien aligner
04:15ses victimes, il est plus pragmatique. Le personnage d'Annibal Lecter représente
04:20à lui seul la renaissance d'un genre, le thriller psychologique. Avec lui,
04:25de simples enquêtes policières deviennent des plongées dans la psyché, torturées de serial
04:29killers. Dans la série télé, Matt Mikkelsen incarne Hannibal Lecter quand il est psychiatre
04:35et toujours en liberté. Le pitch est hyper efficace. Hannibal est un sociopathe qui
04:41utilise ses talents de psy pour aider le FBI en enquêtant sur d'autres criminels.
04:45Martha de Laurentiis, productrice de presque tous les films sur Hannibal,
04:50est aussi à l'origine de la série.
04:51Pour la télé, on voulait créer quelque chose de satisfaisant pour les spectateurs et donc on
05:01feuilletonne. C'est pour ça qu'il y a souvent des meurtres et parfois des tueries d'Hannibal.
05:06Et Hannibal Lecter aide à les résoudre et c'est ça qui est marrant à regarder. L'étude du
05:12comportement, le profilage, on a eu vraiment beaucoup de séries là-dessus. Mais là,
05:17on a Hannibal Lecter et ça devient assez pervers, car parfois il est impliqué dans les crimes.
05:23Il aide les profilers du FBI à attraper des gens, mais souvent c'est lui qui tue. Alors
05:31qui mieux qu'un tueur en série pour capturer un autre tueur en série ?
05:34Hannibal est à la fois un tueur sordide et un terrible profiler. Une combinaison fatale à la
05:41base de presque tous les films et les romans autour de lui. A tel point que Patricia Kirby,
05:47une des toutes premières profileuses du FBI, reconnaît carrément en lui un confrère.
05:52Hannibal est un profiler dans le sens où il analyse constamment les personnes autour de lui
06:01et la réaction qu'il doit avoir. C'est son côté sociopathe, oui, mais il l'élève à un tel niveau
06:08qu'il n'y a pas une seconde où il ne fait pas de profilage.
06:11Cette idée géniale, née dans l'esprit d'un écrivain plus que mystérieux,
06:21remonte à plus de 40 ans lors d'une épidémie de meurtre jusqu'alors jamais vue.
06:26Début des années 70. On le sait peu, mais l'Amérique entre alors dans la décennie la
06:40plus noire de son histoire criminelle. La presse titre au quotidien sur des meurtriers d'un nouveau
06:48genre, les tueurs en série. Leur surnom claque tel des personnages de grands méchants,
06:54Yuna Bomber, le Zodiac, le tueur de l'autoroute ou le sadique Ted Bundy, le Lady Killer.
07:00Par exemple, une petite ville de Californie comme Santa Cruz, à un moment donné,
07:11il y a trois cas de tueurs en série qui œuvrent, entre guillemets, en même temps dans les années
07:1970. Avec les hippies, l'Amérique a vu apparaître une jeunesse qui s'amuse à casser les vieux
07:24carcans. De plus en plus de jeunes femmes, libres et beaucoup plus déshabillées que
07:28leurs mamans, se sont mises à voyager à travers le pays. On avait le sentiment d'une véritable
07:46augmentation des meurtres en série parce qu'on retrouvait des corps partout sur la côte ouest
07:52et des filles disparaissaient. Donc on pouvait se dire, oula, épidémie de meurtre. Les femmes
08:08faisaient de l'auto-stop et elles ne le faisaient pas dans les années 60. Donc il y avait beaucoup
08:16plus de victimes disponibles. En 1972, la police se doit de réagir. À Cantico,
08:34dans l'école du FBI, une brigade expérimentale s'organise en toute discrétion pour stopper
08:39ces crimes sadiques. L'unité de science comportementale. C'est la naissance du profilage.
08:46L'unité au départ comprend douze membres qui ont tous travaillé sur le terrain auparavant. Ils
08:55s'auto-proclament d'ailleurs les douze salopards. Ils vont commencer à étudier le phénomène des
09:02tueurs en série. Dans les années 70, comparée aujourd'hui, la police et les méthodes
09:08d'investigation étaient encore primitives. On n'avait pas l'ADN et tous les tests de ce type.
09:14La police était un peu hésitante. Il y avait des enquêteurs habitués à aller sur le terrain
09:22pour chercher des indices et les récolter. Les profilers restent derrière et regardent la scène
09:29dans son ensemble. C'était ce qu'il y avait de plus compliqué à apprendre pour devenir profiler.
09:34Vous regardez la scène de crime et vous voulez voir le comportement qu'un
09:44d'entre vous induit cette scène. Vous ne voulez pas écouter les témoins parce que ce qui vous
09:50intéresse est juste devant vous. Votre but est de dresser un comportement qui va certainement
10:00vous mener au type de personne qui a pu commettre ça. C'est à ce moment-là que le créateur
10:11d'Annibal Lecter entre dans la partie. C'est un jeune journaliste d'une vingtaine d'années. Thomas
10:18Harris. Il travaille à New York, surtout dans les pages « Faits divers » de nombreux magazines.
10:25Cet écrivain en herbe entend parler de l'unité des profilers de Quantico. Il devient obsédé par
10:32ces enquêtes pas comme les autres, où la psychiatrie et l'étude des déviances sont
10:35devenues primordiales. Vers la fin des années 70, il parvient à force de persuasion à obtenir
10:42l'autorisation d'observer le travail de la nouvelle unité. Thomas Harris est un homme
10:51très secret qui n'a jamais accordé d'interview de sa carrière. Alors nous sommes allés voir
10:58David Sexton, son biographe. Il était passionné par ce développement de l'analyse des profils
11:07criminels. C'était tout nouveau et il s'y est intéressé très tôt. Il a aussi eu l'opportunité
11:18de rencontrer des tueurs en série derrière les barreaux, de s'imprégner de leurs univers. C'est
11:24quelque chose que Thomas Harris a beaucoup utilisé dans ses livres, ses dialogues, ses
11:29descriptions. Il capte l'atmosphère de ces chasseurs qui sont aussi traqués. Il capte
11:36toute l'ambiance dans laquelle ils vivent. Au fil des dossiers qu'il consulte, le journaliste
11:49découvre la psychologie de ces hommes profondément perturbés et perturbants.
11:53Des psychopathes, des hommes qui ne ressentent aucune empathie et qui jouissent de la souffrance
11:59d'autrui. Ici, à Quantico, Thomas Harris comprend qu'il a devant lui l'inspiration idéale pour un
12:14roman policier. Rentré chez lui, il s'enferme et peaufine pendant plusieurs mois son intrigue.
12:20En 1981, il publie un thriller qui fait rapidement sensation, Dragon Rouge. Le personnage principal est
12:30un profiler du FBI qui travaille jour et nuit sur une série de meurtres. Mais l'enquête est dans
12:35l'impasse. Alors, il s'appuie sur les conseils d'un serial killer déjà en prison. Et c'est là
12:40qu'apparaît, pour la première fois, Hannibal Lecter. Le docteur Lecter n'est pas fou, au sens
12:48où nous comprenons la folie. Il a commis des actes horribles, parce que ça lui plaisait.
12:59Chez les fans de Pollard, le succès est immédiat et le roman se vend par milliers. Mais Thomas
13:03Harris attendra dix ans avant que sa créature devienne le grand méchant populaire que l'on
13:07connaît. Il lui faudra pour cela manger tout cru le plus pop des médias de masse, le cinéma.
13:12En 1986, sort un film adapté du roman de Thomas Harris, Manhunter. Le sixième sens en français,
13:25du grand Michael Mann, futur réalisateur de Hit ou Miami Vice. Mais le film est un flop avec
13:31seulement 8 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis. Le réalisateur s'est avant tout
13:35intéressé aux héros, le profiler interprété ici par William Peterson, qui fera 20 ans plus
13:40tard les beaux jours des experts. Hannibal Lecter, lui, n'est encore qu'un second rôle.
13:45Il est interprété par Brian Cox, qui est un acteur à dimension shakespearienne,
13:50quelqu'un de très charismatique. On ne voit Hannibal que derrière les barreaux,
13:55vêtu d'un blanc impeccable, dans une atmosphère froide, et sa performance est
14:01tout en retenue. Il n'a rien de grandiloquent, de bon vivant. La performance est très sobre.
14:08C'était avant tout un film de Michael Mann, donc très stylisé, extrêmement soigné sur
14:16l'aspect stylistique, et donc Hannibal Lecter n'était pas le point d'entrée principal du film.
14:22Nous sommes à la fin des années 80 et l'on voit poindre la fin de la mode des slasheurs,
14:30des films d'horreur en série comme Halloween ou Vendredi 13.
14:32C'est des films avec un tueur en série qui est la plupart du temps inhumain, un monstre
14:42réellement. Il y a cette idée du groupe qui va être décimé progressivement avec tous les
14:46clichés qu'on connaît, du beau gosse, de la belle meuf et machin et machin, et du type un petit peu
14:51un petit peu un petit peu timide et qui finit par se révéler et qui va finir par tuer le grand
14:57tueur. Donc les gens des années 70, 80, 90 sont assez marqués en termes d'horreur par le slasheur.
15:03Et Hannibal Lecter, ça ne rentre pas du tout dans cette case-là. Donc oui, ça tranche. Ça
15:09tranche avec ce qu'on fait habituellement. Un autre studio, Orient Pictures, s'est mis
15:14en tête d'adapter le deuxième roman de Thomas Harris, Le silence des agneaux, paru en 1988.
15:19Hannibal Lecter y est de retour. Toujours en prison, il fait désormais face à une jeune
15:24inspectrice du FBI, Clarice Sterling. En 1990, la star Jodie Foster est choisie pour incarner
15:30l'enquêtrice. Face à elle, dans le rôle d'Hannibal, un inconnu du grand public, le comédien anglais
15:36Anthony Hopkins. Jusqu'ici, Anthony Hopkins n'a jamais vraiment retenu l'attention des spectateurs.
15:50À presque 50 ans, l'acteur s'apprête même à abandonner le cinéma. Sur le tournage,
15:54Ed Saxon, le producteur du film, n'imagine pas qu'il assiste à la naissance d'un mythe.
15:58Quand nous faisions le film, et cela m'est arrivé souvent, j'ai eu des doutes sur la qualité du
16:06film. Car l'histoire ressemble à celle du petit chapeau rond rouge. Je suis le grand méchant loup
16:11et je vais te manger. Non, non, ne me mange pas. Pourtant, le plus dérangeant des Hannibals va
16:17crever l'écran. Dès la sortie du film en février 1991, le succès est colossal. Les spectateurs se
16:27pressent dans les salles devant cette histoire poisseuse où psychologie et terreur se confrontent
16:31dans une enquête haletante. La trame de l'histoire est très ancienne, mais le film a semblé neuf au
16:41public. Et ça l'était. On a travaillé dur dessus. Mais on travaille dur sur des films qui n'ont pas
16:48de succès aussi. Donc c'est une combinaison de talent, de chance, du bon moment dans la culture,
16:54et on a eu tout ça. Le film a été à l'affiche pendant des mois. Très peu de films durent aussi
17:01longtemps aujourd'hui. Mais même à l'époque, le film Le silence des agneaux s'est inscrit dans
17:05le temps grâce au bouche-à-oreille. Les gens disaient à leurs amis « tu dois aller voir le
17:10film, c'est terrifiant ». Ils avaient même parfois peur de leur dire d'y aller. Ma femme a été
17:15furieuse contre moi, car j'aimais aller au cinéma à une heure spécifique. Je m'asseyais devant et
17:20quand Jodie Foster cherche le tueur, Buffalo Bill, je regardais les gens s'accrocher les
17:24uns aux autres parce qu'ils étaient effrayés. C'était mon petit plaisir. A la fin de son
17:32exploitation, le film a engrangé près de 273 millions de dollars à travers le monde pour
17:37un budget initial de seulement 20 millions. Et quand vient le temps des Oscars, Le silence
17:43des agneaux rafle les cinq statuettes les plus prestigieuses. Meilleur film, meilleure adaptation,
17:50meilleur réalisateur, meilleure actrice et meilleur acteur. L'impact du silence des agneaux
17:57dans la société se fait rapidement sentir. Le public se passionne pour ce nouveau genre de
18:01thriller. On découvre le profilage avec le silence des agneaux, c'est évident. C'est vrai
18:09qu'à ce moment-là, je rencontre les personnes des relations publiques du FBI, Roger Depieu,
18:19John Douglas, qui me disent que leur unité est totalement submergée de dizaines de demandes
18:27quotidiennes pour qu'on vienne filmer leur unité, leur travail. C'est véritablement l'explosion.
18:35Dans l'inconscient collectif, le personnage d'Anibal est maintenant un symbole évident dès
18:42qu'il s'agit de parler de tueurs en série. Le 22 juillet 1991, un fait divers, macabre,
18:49révèle l'ampleur du phénomène. Un certain Jeffrey Dahmer est arrêté. Un serial killer
18:54nécrophile qui a tué 16 victimes, les lobotomisant avant de les dévorer. Dans la presse, Jeffrey
19:01Dahmer est surnommé le cannibale de Milwaukee. Le vrai Anibal. Évidemment, non seulement pour
19:10Jeffrey Dahmer, mais aussi pour toutes les autres affaires de tueurs en série, on les qualifiait de
19:18nouveaux Anibal Lecteur. C'est devenu le symbole du serial killer. Anibal Lecteur est
19:27instantanément culte, influençant toute la pop culture des années à venir. Le thriller
19:34psychologique devient à la mode et même les plus grands s'en inspirent, comme David Fincher dans
19:38Seven en 1995. La télévision n'est pas en reste et plonge dans ce nouveau créneau de l'enquête psy.
19:45Des séries policières comme Profiler font leur apparition, ou des années plus tard,
19:50Esprit Criminel. Bien sûr, on reconnaît aussi en Dexter le fils spirituel d'Anibal. L'influence
19:57est évidente. Du sang, un regard perçant et le sourire carnassier. Beaucoup, beaucoup de séries
20:05ont été diffusées à la télévision. D'ailleurs, même trop. Thomas Harris ne peut plus la regarder
20:10désormais. Il a le sentiment de voir pas mal de choses pas vraiment volées, mais en tout cas
20:15copiées de ce qu'il a écrit. Et ça, ça le déçoit. Après Anibal Lecteur, il y a eu de plus en plus
20:21de tueurs en séries superstar. Parce que nous avons eu de l'influence. On a eu du succès. Et rien
20:27n'inspire plus que les énormes succès. Se rajoute au succès phénoménal du film, l'apparition d'un
20:36personnage en résonance avec son temps. Une époque qui voit de plus en plus d'anti-héros sombres et
20:41torturés envahir la pop culture. Un personnage négatif peut être un premier rôle au cinéma et
20:52peut être un personnage fascinant. Et aujourd'hui, on le revoit dans presque toutes les séries d'aujourd'hui.
20:56Il y a Anibal, mais il y a aussi Breaking Bad, il y a Les Sopranos, il y a The Shield. Donc il y a cette idée que le mal peut être intéressant.
21:02Pourtant, si nombreuses sont les copies, Anibal Lecteur est le seul à véritablement durer. Pour
21:09mieux comprendre la puissance du personnage, il faut remonter à ce qu'il a inspiré,
21:13une alliance subtile entre mythologie et vrais tueurs en séries.
21:31Dans cette scène emblématique du silence des agneaux, Anibal manipule totalement Clarice
21:35Starling, en utilisant avec perversion ses dons de psychiatre.
21:44Un psychiatre, c'est quelqu'un qui soigne, c'est quelqu'un qui aide les personnes en souffrance.
21:48Et donc là, évidemment, c'est une radicale inversion du travail de psychiatre avec, si vous voulez,
21:58ce fantasme qui circule souvent autour des psychiatres, qui est celui d'une particulière
22:04sagacité à vous saisir, à vous comprendre, à voir vos failles malgré vous.
22:09En lui donnant cet attribut-là de psychiatre, il renforce un peu le côté machiavélique et
22:15terrifiant du personnage. Je suis capable de vous psychanalyser, même s'il y a des barreaux entre
22:21nous. Je suis capable de vous comprendre, même si on ne se connaît quasiment pas.
22:27Comble de l'ironie, le docteur Lecteur se nourrit au propre comme au figuré de la
22:31psyché d'autrui. Il assouvit sa soif de connaissances en ingérant la cervelle de ses victimes.
22:40Vouloir savoir quelque chose, vouloir lire un livre, vouloir pénétrer un quelconque savoir,
22:50nécessite la même dynamique. Il faut décortiquer, comprendre. Tous ces mécanismes-là, c'est pour
22:57faire entrer ce savoir à l'intérieur de soi et puis pouvoir le digérer. C'est pour ça que je
23:02trouve ça drôle qu'ils en fassent un psychiatre, parce qu'on peut considérer qu'un psychiatre se
23:09nourrit effectivement, et ça le nourrit d'ailleurs de la cervelle des autres.
23:13Est-il plus difficile d'imaginer le plaisir qu'on prend à tuer, maintenant que vous avez tué quelqu'un ?
23:28Hannibal Lecter est en fait inspiré de plusieurs vrais tueurs en série,
23:35tel un patchwork morbide sorti tout droit de la mémoire de Thomas Harris. Selon ses
23:40dires, il se serait inspiré de sa rencontre avec Alfred Treviño, un chirurgien complètement
23:46malade qui se servait de ses connaissances médicales pour dépecer ses victimes.
23:49Mais le principal modèle de Lecter est un autre serial killer arrêté en 1972,
24:01l'ogre de Santa Cruz, Ed Kemper.
24:19Pour écrire, il s'est inspiré d'un
24:49puzzle de tueurs. Il s'est inspiré d'énormément de tueurs, mais s'il y en a un qui doit ressortir,
24:53c'est évidemment Ed Kemper. Un géant nécrophile et cannibale, d'une intelligence absolument
25:00stupéfiante, puisqu'il a un quotient intellectuel qui dépasse les 150 et qu'il est donc plus
25:06intelligent que Einstein. Kemper est complètement terrifiant, parce qu'il fait 2 mètres 10,
25:14parce qu'il fait 160 kilos, parce qu'il a une espèce de tête de gros bébé avec des grandes
25:18lunettes. Il fait un peu gros nounours, sauf que c'est un gros nounours qui assassine des
25:22jeunes femmes et qui les mange et qui tue sa mère qui la décapite et qui la viole ensuite.
25:26Il tuait des étudiantes en Californie et ensuite il enterrait leurs têtes dans le jardin de sa mère,
25:35devant la fenêtre de sa chambre. A la fin des années 70, lors de son passage à Cantico,
25:43Thomas Harris est obsédé par Ed Kemper, écoutant pendant des heures et des heures
25:48des enregistrements du géant meurtrier. Au fil des écoutes, il comprend que celui-ci
25:53est un manipulateur hors pair. Pendant qu'il commet sa série criminelle à Santa Cruz,
26:02Ed Kemper va quasiment tous les jours dans un bar qui est situé en face du commissariat de Santa
26:12Cruz. Les policiers ne pensaient pas du tout qu'il puisse être un meurtrier. Ils pensaient
26:19que c'était un mec qui traînait avec eux, une sorte de groupie. Mais ce qu'il faisait,
26:24c'était de garder un oeil sur l'affaire, pour voir ce qu'il allait se passer.
26:35Les policiers ne le soupçonneront jamais, c'est Ed Kemper lui-même qui se livre aux
26:40autorités médusées. C'est un très très fin manipulateur lorsqu'il est arrêté en prison.
26:48Parce qu'à ce moment-là, alors qu'il est promis l'isolement, il fait en sorte d'être un détenu
26:55modèle. Il se lie d'amitié avec ses gardiens. Il aide les profilers du FBI à intégrer la
27:03psyché, d'autres tueurs en série. Il leur fait comprendre comment les tueurs en série fonctionnent.
27:07Et du coup, lui en retour, il a un traitement de faveur. Donc oui, c'est quelqu'un d'extrêmement
27:10manipulateur qui sait où est son intérêt et qui ne le perd jamais de vue. Il y a quand même
27:16une connaissance de la psychologie et de la psychiatrie chez Ed Kemper qui présente un
27:21parallèle entre la sophistication, la manipulation, le jeu avec les policiers. Le degré d'intelligence,
27:30il est évident. Hannibal Lecter est super intelligent. C'est la même chose pour Ed
27:36Kemper. Mais Thomas Harris ne s'est pas simplement inspiré d'histoire vraie. Car si les tueurs en
27:45série exercent une fascination macabre sur certains spectateurs, ils sont loin d'être
27:50les personnages idéaux pour atteindre le grand public. Si j'essayais de transcrire de façon
27:59romanesque une biographie de tueurs en série, je pense que le lecteur le lâcherait au bout de
28:07quelques pages. Alors Thomas Harris a donné à Hannibal Lecter quelques attributs presque
28:15fantastiques. Il serait comme une sorte de personnage magique qui peut balancer des sorts
28:21sur les gens. Il y a quelque chose de super naturel en lui. Il est impossible que pendant
28:27votre temps libre vous appreniez 15 langues, vous lisiez tous ces grands classiques de la
28:31littérature et que vous puissiez les réciter de mémoire en italien à un mec qui vous a insulté.
28:36C'est complètement fou. C'est au-dessus de la réalité, vous voyez. Hannibal Lecter est à la
28:46fois un génie et un tueur en série. Presque un personnage de BD, mais qui est un minimum
28:52réaliste pour que cela soit crédible. Ce n'est pas totalement irréaliste, c'est entre les deux.
28:58Impossible de ne pas penser quand on le voit à par exemple à la figure de Dracula.
29:05Dracula, la figure diabolique par excellence. Une créature d'une incroyable froideur,
29:15digne représentant de la littérature gothique. Avec Hannibal Lecter, Thomas Harris a complètement
29:21dépoussiéré l'image du plus connu des vampires. Dracula a pour caractéristique de boire le sang
29:29des gens. Et le cannibalisme, ce n'est qu'une extension de ça finalement. Dans un des livres,
29:36il est écrit que les ancêtres d'Hannibal sont des bevis sangués, des buveurs de sang.
29:40Si le vampire vous mord, vous changez, vous vivez et vous devenez comme lui. Il y a aussi
29:56une finalité dans ce que le docteur Lecter fait. Ce qu'il fait le rend plus vivant,
30:00donc le plus près de la mort il se trouve, le plus vivant il se sent.
30:11Dracula a plein de caractéristiques similaires. Il a des pouvoirs super naturels, il a des dents
30:18aiguisées, il a des yeux rouges, il est très pâle et Hannibal aussi. La référence est subtile mais
30:28imparable. Thomas Harris a fait d'Hannibal Lecter une sorte d'aristocrate européen à l'allure
30:34sophistiquée et perverse. Au cinéma, les acteurs sont choisis en conséquence.
30:44Brian Cox et Anthony Hopkins sont britanniques,
30:47Gaspar Ulliel est français et Mads Mikkelsen est danois. Tous ont gardé,
30:55voire même exagéré leur accent. L'effet est garanti, Hannibal Lecter semble venir d'un autre
31:02temps. Avec sa fascination pour la mythologie, la littérature et les instruments baroques,
31:09Hannibal incarne quelque chose qui n'est plus de ce monde. Pourriez-vous imaginer Hannibal
31:15demander quelque chose à Siri sur son smartphone ? Moi non. Hannibal est à la fois intemporel et
31:24moderne. Ce qui est moderne, c'est qu'il est un homme de science. Ce qui est intemporel,
31:31c'est son amour pour les cultures anciennes et ses instincts primitifs pour tuer, dévaster et
31:40détruire. En compilant toutes ses influences, Thomas Harris a créé un nouveau mythe, une figure
31:48diabolique aussi ancienne que moderne qui résonne presque inconsciemment chez le spectateur. Il
31:55reprend, il synthétise, il syncrétise tout un tas de personnages et de figures qui elles-mêmes,
32:00dans l'inconscient, font partie du patrimoine ou de la pop culture, voire plus, de la littérature,
32:09du cinéma, de la mythologie. Elles n'ont par définition pas d'origine, si ce n'est que de
32:14s'incarner ou d'incarner des terreurs profondes, des tabous profonds de la société.
32:21Mais comment expliquer qu'Hannibal, dont le goût pour le sang humain a de quoi dégoûter,
32:30fascine tout autant le grand public ? La réponse est à chercher vers une certaine
32:38notion de la beauté, car avant tout, Hannibal est un esthète du crime.
32:51Dans la série Hannibal, le docteur cannibale cuisine beaucoup. Des plats dont on ne sait
32:56jamais vraiment s'ils sont faits ou non de chair humaine. Des repas raffinés, dignes d'un resto
33:02étoilé. Un petit chef-d'oeuvre foie gras au torchon, servi avec sa sauce au vin blanc vendange
33:10tardive, accompagné de figues fraîches et séchées. Magnifique. D'une beauté troublante, il provoque
33:20à la fois attraction et répulsion chez le spectateur. Harris a une imagination extraordinaire
33:31en faisant de lui un cannibale gourmet, qui cuisine avec beaucoup de raffinement. Hannibal
33:38pense que le meurtre est une forme d'art en lui-même. Donc il s'applique à élever cet art
33:43en faisant ses plats terriblement esthétisés. Tout y est parfait. C'est un homme qui a des goûts
33:50exquis. Jusque là, il n'y avait pas eu de figure du mal qui incarne le cannibalisme avec autant de
34:01sophistication. Ce gourmet cannibale brise un des plus grands tabous de notre civilisation.
34:13Freud disait dans l'avenir d'une illusion qu'il y avait trois grands interdits, trois tabous qui
34:24faisaient qu'on était passé de la nature à la culture et qu'on était devenu des êtres humains
34:29donc qui sont au fondement de notre humanité. C'était l'interdit de l'inceste, l'interdit du
34:35meurtre et l'interdit du cannibalisme. Le cannibalisme, une pulsion archaïque totalement
34:43refoulée. Il y a un siècle, des tribus mangeaient encore leurs ennemis pour les anéantir et
34:48s'attribuer leurs forces. Voilà l'audace suprême des auteurs d'Annibal, faire de cette déviance une
34:55des marques de fabrique du personnage. Sauf qu'ici, plus de monstres tribales mais un esthète du crime
35:01et de la haute gastronomie. Janice Poon est styliste culinaire. C'est elle qui conçoit pour
35:11la série Annibal les repas du héros. Je cuisine des queues de cochons mais évidemment je ne vais
35:20pas en donner à manger aux acteurs donc je fais des queues de cochons avec du melon jaune car je
35:25dois les cuire et ils deviennent translucides comme le gras. Il y a aussi ces petites saucisses et ces
35:31faux os que j'ai fait juste au cas où les acteurs les avalent par accident. On ne veut pas qu'ils
35:36ingèrent du plastique. Je fais des queues de cochons pour cette scène car Annibal rêve de
35:42recettes avec des doigts. Janice s'est plus ou moins spécialisée dans la cuisine qui imite la
35:51viande humaine. Et pour imiter certaines parties du corps humain, elle doit ruser.
35:58C'est une cuisse de porc et je veux la transformer en bras. Je sais déjà que la peau de porc est
36:10parfaite car elle ressemble beaucoup à la peau humaine. Donc je coupe ici, je scie l'os,
36:16j'enlève l'excédent de viande. Donc je prends cette peau, je la tire fermement, je la couds,
36:23je la retourne et ça ressemble à un bras. Assumant la provocation jusqu'au bout, les
36:34créateurs de la série ont nommé chaque épisode du nom d'un plat ou d'une recette célèbre. Janice
36:39n'est pas une grande cheffe cuistot, c'est avant tout une styliste qui conçoit chaque
36:45mets comme une plongée dans le cerveau d'Hannibal. La première chose à laquelle je pense c'est quelle
36:53métaphore visuelle je vais utiliser. Cela doit raconter quelque chose sur Hannibal ou sur le
36:59scénario ou sur les personnes qu'il nourrit. Cela doit vous informer. Donc quand je lis le script,
37:07je me demande comment je vais faire pour que la nourriture fasse réellement partie de l'épisode.
37:15Pour Hannibal, tuer et cuisiner ses victimes est une forme d'art. Mais ce n'est pas son seul
37:21raffinement. Tout en lui confine à une sorte d'élégance hyper esthétisée. Son allure,
37:27son goût pour le dessin et l'opéra. Et bien sûr, le crime. Dans le silence des agneaux,
37:36le public découvrait méduser la mise en scène gothique du meurtre d'un geôlier dans une
37:40posture quasi religieuse. Une façon de mettre en scène une scène de crime qui va influencer tous
37:46les thrillers un peu gore des 25 dernières années. Et dans la série, le crime esthétique a été poussé
37:52à son paroxysme. Un peu comme si Hannibal filmait lui-même les images. Chris Bairn a un rôle assez
38:04spécial sur le tournage. C'est lui qui est chargé de réaliser les scènes de crime.
38:08Le spectateur est comme un conducteur qui voit un accident sur le bord de la route. Et qui voit
38:21que c'est horrible. Plus c'est horrible, plus il a envie de regarder. Donc ce que nous créons,
38:33ce sont des accidents beaux et parfaits que le spectateur est obligé de regarder. Nous créons,
38:44moi et mon unité, un langage visuel à travers la série qui représente le monde d'Hannibal. Le
38:53monde de la perfection, le monde du raffinement, le monde du détail. Tout doit être du niveau
39:01d'Hannibal Lecter. Rien ne peut être banal, ça n'aurait pas de sens. Hannibal Lecter,
39:08un esthète du crime, un artiste qui s'exprime par le meurtre. C'est cette idée subversive qui a
39:15fait du personnage ce qu'il est. Un personnage tellement populaire qu'il a désormais véritablement
39:20échappé à son auteur. Le masque d'Hannibal, un des symboles qui ont fait de lui une icône. Une
39:38icône reprise, détournée ou réadaptée. Un personnage reconnaissable instantanément. Ce masque
39:48est une marque qui synthétise tout ce que le personnage évoque au spectateur. Hannibal Lecter
39:56est incroyablement dangereux. Vous devez l'attacher, vous devez lui mettre un masque,
40:04lui clouer les mains vers le bas, car si vous lui laissez une chance, il va vous tuer. Donc
40:11plus on pouvait l'exprimer visuellement, plus c'était excitant. Mettre une barrière devant
40:18sa bouche était aussi très symbolique. Qu'il les mange ou les manipule par la parole,
40:23c'est à travers sa bouche qu'Hannibal s'attaque à ses proies. Dans ses premiers livres, Thomas Harris
40:29accorde peu d'importance au masque, décrivant vaguement une muselière. Sur le tournage du
40:35silence des agneaux, après une dizaine de tentatives, le dernier masque arrive. Un simple
40:40casque de hockey, découpé avec des clous devant la bouche. Quand on lui a mis le masque,
40:48on s'est dit c'est le bon. Vous savez, on essaie et parfois c'est évident quand on trouve la
40:54solution idéale. Il était très lisse, très simple, totalement antiseptique, avec une sorte
41:04de clair et net sentiment de ce qu'il dégageait. Il faisait peur. Depuis 25 ans, ce masque est
41:13devenu le symbole même d'Hannibal. Dans Hannibal, la suite du silence des agneaux, Ridley Scott ouvre
41:19son film dessus. Dans le préquel Hannibal, les origines du mal, Gaspard Euliel le porte sur
41:25l'affiche. L'acteur a changé, mais ce que le masque symbolise est éternel.
41:34Preuve de la puissance suggestive du symbole, il est souvent parodié ou imité.
41:38Sur cette affiche, l'actrice Jessica Alba est bâillonnée pour les besoins d'une pub qui appelle
41:43au vote. Ici, le joueur de football Suárez est allègrement moqué pour avoir mordu un adversaire
41:52lors d'un match. Le masque est terrifiant, car il révèle ses yeux, et ses yeux sont des fenêtres
42:04sur le mal. Le regard hypnotique, une autre marque de fabrique d'Hannibal, le cannibale.
42:11Christie Zee a créé les décors du silence des agneaux. Elle se souvient que le regard
42:22d'Anthony Hopkins était un aspect primordial pour Jonathan Demme, le réalisateur. Jonathan
42:29a utilisé la caméra de façon fixe, juste en face des visages, pour qu'ils puissent regarder
42:35directement dans les objectifs. Anthony Hopkins et Jonathan se sont mis d'accord pour qu'Anthony
42:45ne cligne pas les yeux, pour que son regard soit vraiment intense. L'idée qu'un acteur fixe la
42:52caméra est quelque chose de vraiment désarmant pour les spectateurs, parce qu'ils vous regardent
42:57directement. Il y a des plans sur Anthony Hopkins, qui sont extrêmement serrés face caméra sur ses
43:07yeux, qui rappellent exactement des plans que faisait Fritz Lang sur le docteur Mabuse.
43:28Le docteur Mabuse est le personnage d'une série de films de Fritz Lang. Un docteur qui
43:34hypnotisait des innocents pour les pousser au crime. Avec ce regard glaçant, Hannibal donne
43:41lui aussi l'impression d'être capable de manipuler ses victimes à distance.
43:50Tous les acteurs qui vont l'incarner pousseront jusqu'au bout cette idée,
43:53jouant perpétuellement de cette marque de fabrique.
44:00Dès le tournage du silence des agneaux, il fallut régler un problème de taille pour mettre en valeur
44:05le regard flippant d'Anthony Hopkins. En effet, pendant le film entier, Hannibal est enfermé en
44:11cellule. Et dans le roman, une épaisse grille le sépare de Clarice Sterling. On a fait plein
44:18de tests avec des barres différentes. Si elles étaient trop grandes, on aurait pu penser qu'ils
44:23pouvaient passer sa tête à travers. Si elles étaient trop petites, on aurait eu du mal à voir
44:27ses yeux ou son visage. J'ai dit, pourquoi ne pas mettre une vitre en plexi, comme un aquarium ?
44:33Cela donne l'illusion qu'Hannibal Lecter peut traverser cette vitre, car dans un sens,
44:39visuellement, il n'y a rien entre lui et nous. L'idée était de le présenter comme un spécimen
44:46de la race humaine. D'ailleurs, c'est une meilleure barrière, car Hannibal Lecter pourrait
44:53vous arracher un doigt sinon. Donc, c'était logique, une vitre en plexi. Il y a quelque
45:00chose de terrifiant dans le fait de se placer en face de cet énorme aquarium, de regarder ce
45:05dangereux poisson nager tout proche de nous. Et pourtant, il ne peut pas nous toucher. Et nous
45:11non plus. Mais si c'était possible, et s'il se passait quelque chose et que cette vitre n'était
45:20plus là. Hannibal Lecter, ce n'est pas seulement un masque et un regard, c'est aussi un nom à
45:27l'impact immédiat, impossible à oublier. Bien sûr, son prénom rime avec Cannibal,
45:37mais il fait aussi référence au général sanguinaire Hannibal Barca, celui qui piétinait
45:4570 000 légionnaires romains avec son armée d'éléphants il y a plus de 2000 ans. Le nom
45:53Lecter fait penser au latin lector, qui signifie érudit, l'exact opposé du barbare Hannibal.
46:02Hannibal Lecter, un nom simple qui résume à lui seul toute la dualité du psychiatre cannibale.
46:10Thomas Harris, féru de littérature, a tiré cette idée brillante dans un poème de Charles Baudelaire.
46:16La source la plus évidente du nom vient du poème de Baudelaire, la préface des fleurs du mal,
46:26qui finit par une accusation du lecteur, hypocrite lecteur. Mais à la place d'hypocrite,
46:33vous avez Hannibal, le cannibale lecteur. Et en effet, il lit, c'est sa première passion.
46:39Il lit les gens et les livres. Dans le poème Au lecteur, selon Baudelaire, pour rompre l'ennui
46:49de nos existences monotones, nous nous délectons d'histoires macabres. Dans la ménagerie infâme
46:55de nos vices, il en est un plus laid, plus méchant, plus immonde. C'est l'ennui. Tu le connais, lecteur,
47:04ce monstre délicat, hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère. Dans un sens, Hannibal Lecter
47:14accuse le lecteur, vous directement. Je pense que le meilleur mythe nous renvoie à nous-mêmes.
47:20Il pose des questions au lecteur. Il demande qui êtes-vous ? Ces symboles ont fait d'Hannibal
47:27Lecter un personnage idéal à parodier. Des parodies qui entretiennent le mythe et l'amplifient.
47:33Il apparaît dans un sketch de Funny or Die, le fameux site humoristique du comédien Will Ferrell.
47:40Dans l'émission Saturday Night Live, une institution de l'humour aux Etats-Unis,
47:53Ray Liotta rejoue la scène bien dégueulasse du film Hannibal. Il y a un moyen de triompher
48:01de Kitty Galore. Dans le film, comme chien et chat, on se moque de son côté énigmatique. Je vous
48:07dirais ceci, l'œil d'un chat révèle la vérité. Quoi ? Mais qu'est-ce que ça veut dire ? C'est une
48:15énigme, Sherlock. Je voulais être mystérieux. Laisse tomber. Dans le silence des jambons,
48:21Hannibal Cannibal Pizza est un profiler médium complètement raté. Bonjour, restez où vous êtes.
48:27Mademoiselle, ne dites rien. Laissez-moi un moment. Vous êtes une femme, vous êtes noire. Vous venez
48:35d'une drôle de ville, Cleveland. J'ai tout juste... Vous pouvez aller. Elle est partie. Vous,
48:42vous êtes qui ? Je suis un homme et je suis blanc. Vous vous êtes gouré sur toute la ligne. Vous
48:45êtes de Pittsburgh ? Non, je suis du FBI. J'ai besoin de vos conseils. Je préfère être clair.
48:51Je croyais que vous étiez Joe. Appelez-moi Maurice. Il faut que vous m'aidiez à arrêter
48:54un tueur. Je suis au courant. Je sais, j'ai des pouvoirs télépathes. Hannibal le Cannibal a même
49:02brûlé les planches de Broadway pendant deux ans dans une comédie musicale déjantée. En véritable
49:08icône populaire, il a dépassé les frontières de la télé et du cinéma, à tel point qu'une
49:13société a lancé un vin à son effigie. Un qui hantie, bien sûr. Hannibal Lecter, c'est un nom
49:21qui claque, des symboles qui marquent, des phrases cultissimes, des origines multiples et symboliques.
49:27C'est la bête des temps modernes.
49:37Ce personnage, qui peut être à la fois bon et mauvais et mystérieux, est un personnage
49:46intemporel. C'est shakespearien, c'est romain, c'est romantique. C'est en quelque sorte le
49:54personnage ultime parce qu'on se heurte à lui. Parfois c'est un héros, parfois c'est un anti-héros.
50:02Je pense qu'il était, qu'il est toujours même le numéro 1 dans le
50:10classement des bad guys, le plus grand méchant des temps modernes.

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