J-1 avant les élections législatives au Royaume-Uni, des élections qui pourrait voir la gauche revenir aux affaires : Thibaud Harrois, maître de conférence en civilisation britannique à l'université Sorbonne-Nouvelle est l'invité de 6h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-mercredi-03-juillet-2024-5605250
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00:00Il est 6h21, qui va s'installer au 10 Downing Street ? Le Royaume-Uni vote demain pour des
00:05législatives anticipées, oui, il n'y a pas que la France qui renouvelle ses parlementaires.
00:09Le pays devrait connaître un renversement politique, les conservateurs au pouvoir depuis
00:1314 ans s'attendent à une défaite historique.
00:16Bonjour Thibault Arroy.
00:17Bonjour.
00:18Vous êtes maître de conférence en civilisation britannique à l'université de Sorbonne-Nouvelle,
00:22vous allez régulièrement au Royaume-Uni et vous allez dernièrement poursuivre la
00:25campagne.
00:26Pourquoi cet effondrement annoncé des conservateurs ?
00:29Alors déjà, il faut se rappeler que les conservateurs sont au pouvoir depuis 2010,
00:32donc 14 ans de pouvoir, finalement, ça use et il y a certainement une volonté de la
00:38part des électeurs de changer aussi de majorité.
00:42Et puis, il faut se souvenir que depuis 2016, les conservateurs sont responsables du Brexit
00:48et de ses conséquences.
00:49Et il y a certainement aujourd'hui une volonté de tourner cette page, d'essayer
00:55autre chose aussi pour la politique intérieure britannique.
00:58Et les conservateurs sont associés à toutes les conséquences, non seulement de la crise
01:01du Brexit, mais aussi de toutes les conséquences du Covid et tout ce qui s'est accumulé
01:05depuis plusieurs années maintenant.
01:06Le pays va mal aujourd'hui ?
01:07C'est un pays qui ne va pas aussi bien qu'il pourrait, en tout cas.
01:11Les conservateurs ont pu mettre en place un certain nombre de politiques depuis 2010
01:17qui ont visé d'abord à réduire la dépense publique, c'était le tournant des années
01:212010.
01:22Et puis, il y a toutes les conséquences économiques des crises multiples qui se sont accumulées.
01:28Et c'est vrai qu'on a l'impression, en tout cas c'est l'impression que les électeurs
01:32ont, que c'est un pays qui pourrait aller mieux s'il y avait davantage d'investissements,
01:36mais qu'aujourd'hui les conditions ne sont pas réunies pour que l'économie se porte
01:41bien ou que les services publics soient maintenus à flot.
01:43Les services publics sont au plus mal en Angleterre, en Écosse, au Pays de Galles, en Irlande ?
01:48L'exemple qu'on me donne par-dessus tout, c'est l'exemple du système de santé britannique
01:52qui a évidemment été au centre de l'attention pendant la crise du Covid.
01:56Il y a eu énormément de promesses pour renouveler ce service public qui est extrêmement important
02:00depuis la Seconde Guerre mondiale.
02:02Et aujourd'hui, on voit que ce système se délide, qu'il y a des listes d'attente
02:07très longues, notamment pour être opéré, par exemple.
02:09Et ça, c'est quelque chose que les Britanniques voient au quotidien.
02:11Après, il y a d'autres services publics qui sont aussi touchés, comme le système
02:15d'éducation, par exemple.
02:16Et c'est une multiplication de crises autour de ces services publics.
02:21Alors, je l'ai dit, ce sont des législatives anticipées.
02:23Pourquoi le Premier ministre Richy Sunak a-t-il décidé de forcer le calendrier ?
02:27Alors, ça, c'est une question qui est en réalité un peu un mystère.
02:31On ne sait pas pourquoi il a fallu organiser absolument ces élections en juillet,
02:36alors qu'il avait jusqu'à la fin de l'année pour les organiser.
02:39Tout le monde s'attendait puisque d'habitude, on a des élections plutôt au printemps.
02:43Puisque le printemps se terminait, on s'attendait à ce que les élections aient plutôt lieu
02:46à l'automne.
02:47Et cette décision est venue un peu par surprise.
02:50Alors, peut-être une exaspération de la part de Richy Sunak, c'est ce que certains
02:54ont suggéré.
02:56L'idée que, de toute façon, le Parti conservateur n'allait pas pouvoir se réorganiser avant
03:00la fin de l'année.
03:01Mais il y a peut-être aussi la volonté de profiter de quelques chiffres économiques
03:05un petit peu positifs qui ont été annoncés au courant du printemps.
03:08Et peut-être que Sunak avait parié sur un rebond dans l'opinion publique, mais qui
03:12finalement n'a pas eu lieu.
03:13En face, donc, il y a les travaillistes, incarnés par Kerr Starber.
03:17Alors, déjà, petite parenthèse, les travaillistes au Royaume-Uni, c'est pas la gauche comme
03:20on l'entend chez nous en France ?
03:21Voilà, ça dépend quelle gauche on associe avec le Parti travailliste.
03:25Disons que c'est le grand parti, tout de même, sur la gauche de l'échiquier politique
03:30si on veut utiliser ces termes-là.
03:31Mais c'est un parti très large qui va en réalité d'un centre qu'on pourrait presque
03:36appeler un centre droit, si on pense à Tony Blair à l'époque, jusqu'à une gauche
03:40qui est peut-être qualifiée chez nous d'extrême.
03:43Si on pense à l'ancien leader du Parti travailliste, Jeremy Corbyn, c'est en réalité très vaste
03:47comme choix politique.
03:48Et puis j'ai regardé le programme, il promet la discipline budgétaire, il refuse d'augmenter
03:52l'impôt sur le revenu, il veut limiter les investissements dans les services publics,
03:56il insiste sur son patriotisme, sur la sécurité.
03:59C'est quoi la différence finalement entre les conservateurs et les travaillistes ?
04:01Il y en a finalement assez peu, en tout cas dans ces élections.
04:04Ce qui est mis en avant de la part de Kerr Starber, son leader du Parti travailliste,
04:12c'est le fait que c'est un parti qui aujourd'hui est sérieux, qui est prêt à gouverner et
04:15qui en effet ne va pas faire des choix politiques très très différents de ceux des conservateurs
04:19ces dernières années, mais assumer un tournant un peu plus social malgré tout, une attention
04:25aux droits des travailleurs en particulier et aux services publics dont on vient de parler.
04:30Mais c'est vrai qu'il n'y a pas une énorme différence entre les deux partis.
04:33Et est-ce que comme en France, il y a une poussée de l'extrême droite au Royaume-Uni ?
04:36Alors je ne sais pas si on pourrait vraiment parler d'extrême droite au Royaume-Uni,
04:40même si c'est vrai qu'il y a une montée d'un petit parti qui s'appelle Reform UK
04:44qui fait pression sur le Parti conservateur en le tirant sur sa droite et en adoptant
04:48des codes qu'on dirait plutôt populistes et dans une certaine mesure malgré tout xénophobes,
04:54ce qui pourrait le qualifier d'extrême droite.
04:57Mais il n'y a pas une montée comme on peut le voir en France avec le Rassemblement National par exemple.
05:02Un parti incarné par Nigel Farage, qui était le premier à avoir réclamé le Brexit au Royaume-Uni.
05:07C'est ça, Nigel Farage qui est le leader historique de ce Brexit et qui aujourd'hui fait pression
05:13sur les conservateurs avec Reform UK.
05:15Dernière question justement à propos du Brexit.
05:17Est-ce que l'Union européenne, ça a été un thème de campagne ?
05:19Pas vraiment cette fois-ci.
05:21On a l'impression que le Royaume-Uni cherche à tourner la page de cette séquence du Brexit
05:25qui dure depuis 2016.
05:27Les conservateurs comme les travaillistes ont essayé d'éviter la question,
05:31même si on peut s'attendre à ce que ça revienne sur la table dans les années à venir malgré tout.
05:36Merci beaucoup, merci d'être venu en studio ce matin sur France Inter.
05:38Vous êtes maître de conférence en civilisation britannique à l'Université Sorbonne-Nouvelle.