Accident de Beaune : le pire drame routier français

  • il y a 2 mois
Le documentaire "Accident de Beaune : le pire drame routier français" retrace l'accident tragique survenu le 31 juillet 1982 sur l'autoroute A6 près de Beaune, en Côte-d'Or. Voici les principaux éléments à retenir :

L'accident est considéré comme le plus meurtrier de l'histoire routière française, ayant causé 53 morts, dont 46 enfants et adolescents âgés de 5 à 14 ans

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L'accident a impliqué deux autocars et deux voitures dans un carambolage
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La plupart des victimes se trouvaient à bord d'un autocar qui a pris feu à la suite de l'accident
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Les victimes étaient principalement originaires de la commune de Crépy-en-Valois dans l'Oise
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Chaque année, la ville de Crépy-en-Valois commémore l'accident au cimetière où reposent les victimes
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Une plaque commémorative a été posée sur le lieu de l'accident, au PK 313 sur le territoire de la commune de Merceuil
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Les obsèques ont eu lieu en présence du président François Mitterrand et du Premier ministre Pierre Mauroy
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Suite au procès, le transporteur a été condamné à 18 mois de prison avec sursis et à une amende, le véhicule présentant un système de freinage gravement défectueux

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Ce documentaire, réalisé avec les experts à l'origine du rapport d'enquête, vise à éclairer tous les aspects de cette tragédie qui a profondément marqué la France.
Transcript
00:00On entend une explosion et on voit s'enflammer un véhicule.
00:09Il y a des voitures à droite, à gauche qui brûlent, qui sont déformées.
00:16Il y avait une inconscience, il n'y avait pas une culture de la sécurité routière.
00:23Il s'agit du plus grave accident de la route jamais vu en France et la plupart des victimes
00:31sont des enfants.
00:32C'est encore aujourd'hui l'accident le plus meurtrier des routes de France.
00:44Dans la nuit du 31 juillet 1982, un carambolage impliquant dix véhicules fait 53 morts.
00:55Les images de l'accident sont insoutenables.
00:58La douleur des familles déchire le coeur de millions de Français.
01:05Très vite, ce drame que les médias surnomment l'accident de Beaune interroge.
01:11Qui avait tapé qui ? Comment ? Pourquoi ? Dans quelles circonstances ?
01:15Pendant toute la nuit, ça a été le grand flou.
01:17Dans 22% des cas, les accidents mortels sont liés à la semaine d'annonce.
01:20Comment un simple ralentissement sur l'autoroute a-t-il pu conduire à une telle tragédie ?
01:27Condition météorologique, conduite à risque, quel est l'élément déclencheur ?
01:34Le fait de s'intercaler alors qu'il y a déjà un ralentissement, c'est la catastrophe.
01:39Le freinage est une question clé dans la catastrophe de Beaune.
01:45Comment un véhicule réputé pour sa sécurité s'est-il embrasé si rapidement ?
01:51Scellant le destin des passagers restés à bord.
01:54Les températures montent en une minute à plus de 200 degrés.
01:58Au bout de trois minutes, on est à 800 degrés.
02:00Grâce aux témoignages des gendarmes et des patrouilleurs présents le soir du drame,
02:07à l'analyse des experts techniques qui ont travaillé sur le rapport d'enquête et à la
02:13parole d'une rescapée du bus en flamme, nous vous révélerons les causes de cet accident
02:19pour mieux comprendre l'enchaînement des événements qui a conduit cette nuit-là
02:23à une catastrophe hors de contrôle.
02:26J'étais la dernière à sortir, je me dis mais qu'est-ce que je vais dire à ma famille.
02:32On est parti à 12 et je suis revenue toute seule.
02:36Vendredi 30 juillet 1982, c'est par une coïncidence fortuite que l'accident
03:06le plus meurtrier des routes de France va être immortalisé à jamais sur pellicule.
03:10Pluie, orages et bouchons, tel est le cocktail vacances de cette fin de semaine.
03:21Nous écouterons évidemment Jacques Kessler, M. Météo et nos correspondants sur les routes.
03:25Les bagages étaient prêts, on partait pour Saint-Tropez,
03:29on dîne très vite le soir et on prend la route.
03:34Des bouchons certes, il y en a eu aujourd'hui pour le classique chassé-croisé des vacanciers
03:39de juillet et août mais pas plus que l'année dernière et apparemment ce soir c'est presque
03:43le retour au calme.
03:44Et tout roule, il n'y a pas de problème, jusqu'à la hauteur de Beaune.
03:50On voit au loin un bouchon qui se forme.
03:57Et immédiatement on entend une explosion et on voit s'enflammer un véhicule.
04:06Et on voit des gamins qui sortent et qui courent dans tous les sens.
04:14En 1982, Roger Piccard est reporter photographe à Radio France.
04:22Il pense que tous les occupants du véhicule sont déjà en sécurité.
04:27Son professionnalisme reprend le dessus.
04:29Je vais dans mon coffre, je sors les appareils photo et je commence à faire des photos.
04:36Des flammes gigantesques, des débris de véhicules, des marques de freinage au sol, ces clichés
04:46témoignent de la violence de l'accident.
04:48Mais ce que Roger et sa femme sont sur le point de découvrir va changer la portée de
04:54ces photos.
04:55Nous, on a fait monter deux gamins auxquels on a posé la question, est-ce qu'il y a
05:03encore des gens dans le car ? Et ils me répondent oui, il y en a un qui me dit oui, j'ai mes
05:09deux frères et l'autre me dit j'ai mes cousines.
05:11Là, on comprend tout de suite que c'est un drame, c'est un drame.
05:19Les passagers de l'autocar sont en grande majorité des enfants.
05:24Si quelques-uns ont pu s'échapper, 44 sont encore à l'intérieur.
05:28Aucun secours à l'horizon, la situation est désespérée.
05:32Comment un tel accident a-t-il pu se produire ? Pour comprendre, il faut remonter huit heures
05:42en arrière.
05:43Alors qu'a lieu un départ en vacances, tout ce qu'il y a de plus insouciant.
05:48Crépy en Valois dans l'Oise, à 70 kilomètres au nord de Paris.
06:02En cette fin de journée du 30 juillet 1982, plusieurs enfants d'un quartier populaire
06:07de la ville trépignent d'impatience.
06:09Dans quelques heures, ils partent pour un mois en vacances à la montagne.
06:15C'est le cas de Sylvie Martin, qui avait 15 ans à l'époque.
06:20On était hyper contents de partir en commun une vacances.
06:25Pour nous, c'était la joie, c'était un bonheur de partir en vacances seules, faire
06:30nos expériences avec nos copains et nos copines, surtout que c'était des enfants
06:34de quartier.
06:35On se connaissait déjà tous.
06:36La jeune adolescente ne partira pas seule, elle sera accompagnée de ses deux frères,
06:43Bruno et Frédéric, âgés respectivement de 13 et 11 ans, et de Florence, sa petite
06:50soeur de 9 ans.
06:51Pour leur mère, Marie-Andrée, c'est la première fois que quatre de ses enfants partent
06:56en vacances tous ensemble.
06:57A l'époque, on partait pas trop en vacances puisque mon mari était maçon et il travaillait
07:04beaucoup l'été.
07:05Dans les années 80, comme pour Sylvie et ses frères et soeurs, la caisse d'allocations
07:14familiales permet à 2 millions de ces enfants de quartier de bénéficier de ces jours de
07:18vacances à petit prix.
07:19Ce vendredi 30 juillet 1982, Sylvie et sa famille, comme une soixantaine d'autres enfants
07:28de crépits en Valois, en sont des heureux bénéficiaires.
07:30Pour transporter cette joyeuse marmaille, ce n'est pas le train qui a été choisi,
07:39mais l'autocar.
07:40La colonie de vacances a affrété deux bus d'une compagnie savoyarde, semblable à celui-ci,
07:49filmé peu de temps après le drame.
07:50Ce sont des modèles standards qui fonctionnent très bien, du moins, le pense-t-on à l'époque.
07:56On a un Mercedes O303, le modèle est apparu en 1974, et l'autre, c'est un Cetra issu
08:05de la série 100.
08:06Cette série apparaît en 1967, c'est un véhicule un petit peu plus ancien dont la
08:10technologie remonte à 15 ans, mais ce n'est pas choquant dans le contexte de l'époque.
08:14Le Cetra a été contrôlé au mois de mai 1982, donc quelques mois avant, les essais
08:23de freins ont été concluants, on est parti en toute confiance.
08:27Avec un contrôle technique obligatoire tous les six mois, cet autocar, comme tous les
08:35autres, est l'un des véhicules terrestres les plus sûrs et les plus pratiques pour
08:38transporter des enfants.
08:39L'autocar permet en fait un service en porte-à-porte, les enfants partent de Crépy-en-Vallois,
08:46ils sont déposés à la porte de la colonie de vacances, donc c'est extrêmement simple.
08:50A l'époque, tous les accidents, c'était surtout les atolls froissés.
08:54Pour un milliard de personnes transportées au kilomètre, en moto, on comptabilise 61
09:00morts, en voiture, 5 morts, en autocar, 0,02 morts.
09:06Donc l'autocar était quand même un moyen très sûr.
09:12En 1982, Francis Mikorski est responsable des homologations de mise sur le marché des
09:17nouveaux autocars.
09:21A l'instar des véhicules de sa catégorie, le car de la marque Cetra présente peu de
09:25risques grâce à son ossature dite autoportante.
09:28C'est-à-dire qu'il n'y a pas de châssis, c'est une structure entièrement métallique,
09:39des tubes qui sont posés sur des gabarits, soudés et assemblés.
09:44Tout est autoportant.
09:46Et sur cette structure, viennent se poser des tôles tendues, soudées, et puis tous
09:52les éléments mécaniques sont fixés dessus.
09:54Preuve de son efficacité, cette structure est encore largement répandue dans la conception
10:02d'autocars.
10:03Elle présente le double avantage d'alléger le poids total, tout en garantissant une meilleure
10:08résistance en cas de choc frontal.
10:09Exemple avec ce crash test spectaculaire.
10:20On se rend compte que, bien sûr, il y a des dégâts importants, mais la structure
10:29du véhicule va se déformer et cette déformation va effectivement emmagasiner toute l'énergie
10:34du choc.
10:35Pourtant, malgré la fiabilité des tests, il arrive que cette conception ne suffise
10:41pas à garantir la sécurité des passagers.
10:43Et conjuguée à d'autres phénomènes, elle peut même se révéler totalement inefficace.
10:5018h45, les deux autocars arrivent à Crépy-en-Vallois.
11:02Le premier est attribué à un groupe d'enfants originaire de Creil, la ville voisine.
11:07Sylvie, ses deux frères et sa sœur sont rejoints par leurs huit cousins.
11:13Ils se dirigent tous vers le deuxième car.
11:16On nous fait mettre en ligne, appelle un parrain à monter dans les bus et on monte à la
11:27porte avant du bus.
11:29On était supposés tous descendre par l'avant pour être comptés, comme tout voyage d'école.
11:38On ne prend pas conscience qu'il y a une porte à l'arrière.
11:42À l'époque, on a pour la plupart l'écart, la porte principale à l'avant, une double
11:50porte hydraulique ou pneumatique qui fait généralement 90 centimètres de large et
11:57puis à l'arrière, une autre sortie un peu plus étroite, encombrée par des sièges
12:03arrière qu'il faut soulever pour pouvoir atteindre cette porte, qui est vraiment une
12:09sortie accessoire.
12:10Seuls les enfants placés à l'arrière du bus peuvent voir la sortie de secours.
12:16Un détail qui aura une importance décisive dans quelques heures.
12:24Il est 19 heures, les chauffeurs mettent en marche les autocars, pressés de prendre
12:35la route.
12:36Un trajet de 800 kilomètres les attend jusqu'à Aussois en Savoie.
12:43Ce long voyage de 13 heures se fera de nuit pour éviter le monde prévu sur la route
12:47le lendemain, samedi 31 juillet.
12:50La date n'est pas du tout anodine.
12:52Il s'agit du grand chassé croisé entre les Juilletistes qui rentrent de vacances et
12:57les Aoussiens qui partent.
13:00C'est sans doute la pire journée, mais c'est la journée où les gens partent.
13:03On peut aller jusqu'à 600, 800, 1000 kilomètres de bouchons cumulés sur une journée.
13:12On savait qu'en partant, on allait rencontrer des bouchons.
13:14C'est pour ça que certains partaient plutôt le matin très tôt ou en soirée.
13:20Mieux vaut ne pas traîner.
13:23La monitrice et le moniteur nous recontent un par un et le chauffeur de bus démarre
13:31et nous faisons au revoir à nos parents à travers la vitre.
13:35On a un passement au coeur.
13:36Comme d'habitude, tous les parents font des signes au carreau et les cars sont partis.
13:41Ça s'est fait un petit peu dans la précipitation, en fait.
13:47Si la séparation est déchirante pour les enfants, les vacances commencent enfin.
13:53Placé au milieu du car, Sylvie s'amuse entourée de ses frères et sa sœur.
13:59J'étais à côté de ma sœur et mes deux frères étaient placés devant moi.
14:04Bruno et Frédéric étaient ensemble et moi, j'étais avec Florence.
14:07On commence à faire connaissance avec les moniteurs et tout.
14:10Et puis, machinalement, certains changements se font dans le bus.
14:18Ma sœur voulait être avec sa copine.
14:19Je lui ai dit oui, il n'y a pas de souci.
14:23J'ai laissé la petite avec ma sœur et je suis allée dans le fond avec les grands.
14:37À cet instant, rien ne laisse présager d'un quelconque problème.
14:42Pourtant, Sylvie, comme le reste des enfants du car, file droit vers une situation catastrophique.
14:49J'aurais dû rester avec ma sœur.
15:01Samedi 31 juillet, 1h30 du matin.
15:05Cela fait bientôt six heures que les autocars ont quitté Crépy-en-Vallois.
15:09Ils en sont à la moitié du chemin.
15:13Les chauffeurs restent vigilants.
15:17Ils s'apprêtent à traverser une zone sensible du parcours au point kilométrique 305 de l'autoroute A6, l'entonnoir de Beaune.
15:25Beaune est le point de jonction de l'A6 qui arrive de Paris et de l'A31 qui vient du nord-est de la France.
15:36A31 sur laquelle se plug un petit peu plus au nord.
15:39L'A36.
15:41De l'A36 arrivent notamment les Allemands.
15:44Trois autoroutes donc.
15:46C'est pourquoi, dans cette zone là, l'autoroute A6 est équipée de trois autoroutes.
15:51Dans cette zone là, l'autoroute A6 est équipée de trois voies et puis, quelques kilomètres plus loin, elle revient à deux voies.
16:02Cette zone où se conjugue un fort trafic et un rétrécissement de chaussée est extrêmement surveillée par les professionnels de l'autoroute.
16:11Comme le raconte Virginie Perrin, ancienne journaliste d'Autoroute Info.
16:15La peur principale, quand on est à la gestion du trafic, c'est de voir combien de véhicules par heure il y a et ça donne une idée de la saturation d'une autoroute.
16:27Quand le flux est léger, ça passe sans problème. Quand le flux est important, ça déborde.
16:32Le débordement sur autoroute, c'est les bouchons.
16:36Si, dans ce bouchon, il y a un accident, ça peut faire des drames.
16:44Quelques semaines avant, à cet endroit là, à l'entonnoir de Beaune, il y avait eu un accident avec un car.
16:51Pour éviter ce type de problème, les autorités publiques ont déployé, pour la toute première fois ce week-end de juillet 82, plusieurs dispositifs visant la sécurité routière dans le secteur.
17:03Prises de vue aériennes, caméras de surveillance et augmentation des effectifs de patrouilleurs.
17:11Fernand Mercet est l'un d'entre eux.
17:15Sa mission ? Traquer la moindre anomalie qui pourrait perturber la circulation et avertir les automobilistes en cas d'accident ou de ralentissement.
17:25À ce moment là, on activait les feux éclats. C'est un panneau triangulaire qui est sur le véhicule et on mettait le message.
17:33Soit c'est un ralentissement, soit c'est un bouchon, soit c'est un accident.
17:37Un dispositif préventif indispensable, particulièrement dans cette zone à risque.
17:461h35 du matin. Les deux autocars pénètrent donc cette zone sensible.
17:52Ils roulent en convoi sur la voie centrale. Une deux chevaux vient tout juste de s'insérer entre les deux véhicules.
18:00Devant eux se trouve un car transportant des touristes allemands. Sur la voie rapide, à gauche, six voitures.
18:10Il y a deux choses qui étaient surprenantes, c'est le fait que les trois cars roulaient sur la voie du milieu alors qu'il n'y avait personne à droite.
18:16Ça c'est surprenant et les interdistances entre les véhicules.
18:20Les interdistances, c'est l'intervalle qui sépare deux véhicules.
18:24Sur autoroute, pour une vitesse de 130 km heure, la distance de sécurité réglementaire est de 73 mètres.
18:32Mais ce soir-là, aucun des véhicules ne la respecte.
18:37Je crois que dans les années 80, on n'avait pas conscience de la dangerosité de rouler à 130 sur les autoroutes.
18:44L'autoroute est sûre, mais votre sécurité dépend aussi de vous.
18:56Dépasser à droite, un acte dangereux. Y avez-vous pensé ? L'autoroute est sûre, prenez-la encore plus sûre.
19:08Il faut dire que les campagnes de sensibilisation à la sécurité routière sont relativement récentes.
19:14Personne, pas même les professionnels des transports, ne mesure vraiment la dangerosité de l'autoroute.
19:21Des gens qui prennent l'autoroute à contresens, des gens qui reculent parce qu'ils ont loupé la sortie. Ils vont reculer sur l'autoroute.
19:29On pouvait rouler à 150, 160, à faire des queues de poissons. Il n'y avait pas du tout la peur du gendarme à l'époque.
19:37Je m'appelle Jean Lemire. J'étais pilote de voiture rapide sur l'autoroute au sein d'une unité qui s'appelle la brigade rapide intervention.
19:49Une fois, on dépasse une voiture, puis on ne voit pas de gars qui tient le volant.
19:56Qu'est-ce qui se passe ? On l'arrête. Malgré qu'il n'y avait pas de volant sur cette voiture, il tenait l'écrou de l'axe avec une clé à molette et il tournait comme ça.
20:06Il y avait une inconscience. Il n'y avait pas une culture de la sécurité routière.
20:12Il y aurait pourtant de quoi être vigilant. Cette année de 1982, la route fera 12 030 victimes, dont celle de l'accident qui va bientôt se produire.
20:24Mais les distances de sécurité entre les véhicules et la configuration du site ne sont pas les seuls éléments qui menacent le bon déroulé du voyage.
20:32La météo joue également contre les chauffeurs qui roulent depuis 6 heures dans des conditions difficiles.
20:39Au cours de la journée du 30 juillet 1982, il a plu quasiment toute la journée. Ce qui fait que les patrouilleurs d'autoroute ont passé leur journée à traiter des accidents.
20:49Il y a eu des tas de petits accrochages, des glissades sur la route.
20:53Par beau temps, par temps sec normal, classique, l'autoroute est très sécurisante.
20:58Dès que les conditions climatiques se dégradent, dès qu'il y a un vent anormal, dès qu'il y a de la pluie, dès qu'il y a de la neige ou du verglas, l'autoroute devient extrêmement dangereuse.
21:09À cette époque-là, la vitesse n'est pas limitée sur l'autoroute en cas de pluie.
21:15Sur une chaussée humide, la distance totale d'arrêt est multipliée par deux par rapport à une chaussée sèche.
21:23Freinage altéré, conduites à risque et goulots d'étranglement, les prémices du drame entourent déjà les deux autocars.
21:32Donc certains patrouilleurs d'autoroute se sont dit quand même, s'il continue de pleuvoir, cette nuit on risque d'avoir un gros problème.
21:40Là, on a tout ce qu'il faut pour créer une situation dangereuse.
21:45Mais personne n'en a réellement conscience car pour l'heure, aucune difficulté n'est signalée devant eux.
21:59Il est 1h39. Les autocars se trouvent à présent au point kilométrique 312 à 4 km du rétrécissement de chaussée.
22:09À l'intérieur, le calme règne.
22:11Mes deux frères et ma sœur commencent à s'assoupir tranquillement.
22:16Nous les grands, en étant au fond, on est ensemble, on discute et on commence à s'assoupir aussi.
22:25Dehors, la pluie s'est calmée et il n'y a plus de bouchons.
22:32C'était une circulation dense qui pouvait monter à 2500, 2800 véhicules heure.
22:38Le trafic était important mais pas hyper bouchonnant.
22:46Devant la relative fluidité du trafic, les patrouilleurs postés au kilomètre 313 viennent tout juste de baisser leur signalisation pour rentrer au centre de commandement.
22:57Ce départ des équipes de l'autoroute va s'avérer dramatique.
23:01Ce qu'elles ne savent pas, c'est qu'il y a un véhicule qui tracte une caravane et qui a un problème d'attelage et que ce problème d'attelage avec ce véhicule tractant une caravane va provoquer un nouveau bouchon.
23:19La création d'un bouchon fonctionne comme une onde. Il se déplace avec une certaine vitesse de propagation.
23:26Un bouchon remonte sur autoroute à la moitié de la vitesse moyenne de circulation.
23:32C'est-à-dire que si votre circulation moyenne est de 220, votre bouchon remonte à la vitesse de 60 km heure divisé par le nombre de voies que vous avez à ce moment-là.
23:44Sur l'autoroute A6, le bouchon créé par le problème d'attelage se propage à une vitesse de 20 km heure.
23:52La confrontation entre les deux autocars et le ralentissement va se faire au point kilométrique 313.
24:03Il est 1h40, tout bascule.
24:08Le car allemand constate un fort ralentissement devant lui, constate l'embouteillage et freine tout à fait naturellement.
24:15Le chauffeur du premier bus de colonie a un léger temps de retard avant de freiner.
24:23Le Mercedes, surpris, fait un freinage d'urgence assez brusque. Surpris, il vient taper dedans.
24:36Si le chauffeur du premier quart de la colonie tarde à réagir, c'est sans doute lié à son état de fatigue.
24:43Comme le révélera le rapport d'enquête, lui et ses confrères viennent d'enchaîner deux voyages successifs de nuit.
24:52Nos chauffeurs étaient arrivés le matin même dans l'Oise avec d'autres enfants et s'apprêtaient à repartir le soir même.
24:59Certes, une chambre d'hôtel avait été prévue pour qu'ils se reposent, mais ils ne vont dormir que 3h30.
25:04La somnolence peut aller jusqu'à ce qu'un conducteur ferme les paupières quelques fractions de secondes. Le temps d'érection peut être extrêmement allongé.
25:15Dans 22% des cas, les accidents mortels sont liés à la somnolence.
25:22Le pire est donc à craindre quand le premier bus de la colonie heurte l'arrière du car allemand.
25:28D'autant plus qu'à l'époque, il n'y a pas de ceinture de sécurité dans les autocars scolaires.
25:34Elles ne deviendront obligatoires que 30 ans plus tard.
25:39Malgré un temps de réaction trop long, le freinage d'urgence est efficace et permet à l'autocar français de réduire son différentiel de vitesse avec le car allemand.
25:49On a un choc qui est minime entre les deux cars puisque là tout se passe bien.
25:54Le drame semble éviter. En réalité, il ne fait que commencer.
26:00Car ce violent coup de frein du premier car va entraîner derrière lui une réaction en chaîne dévastatrice.
26:10L'autocar numéro 2 voit très bien que le véhicule devant lui freine et il fait la même chose.
26:18Mais le bus ne va pas réagir comme prévu.
26:22Lorsque le chauffeur du car s'étreint déclenchera un freinage d'urgence, à ce moment là, il constatera, mais ce sera trop tard, que son freinage est asymétrique.
26:31Pourquoi ? Parce qu'il y a eu un défaut d'entretien de son freinage.
26:35Un freinage est dit asymétrique quand les quatre freins ne freinent pas avec la même force et intensité.
26:42Il y a quatre freins à tambour, hydro-pneumatiques.
26:46On a une pédale de frein qui envoie de l'air dans des mèles-cylindres hydrauliques.
26:52L'air pousse l'huile dans les cylindres de frein qui écartent les garnitures sur les tambours.
26:59On s'est aperçu qu'il y avait une usure disproportionnée entre la droite et la gauche.
27:0520% du côté gauche et 70% d'usure de l'autre côté.
27:08Ce qui donne forcément un déséquilibre.
27:11Ce déséquilibre n'a pas été constaté lors du contrôle technique du mois de mai, parce qu'autrement il aurait été refusé.
27:22Comment expliquer une telle usure en seulement trois mois ?
27:26Un premier élément de réponse serait l'utilisation en haute montagne de ce car savoyard.
27:32Les freins avant sont généralement mis à rude épreuve dans les descentes à fort dénivelé.
27:37Mais cela ne serait pas la seule explication.
27:42Il s'agit de véhicules rachetés en Allemagne que les Allemands ne veulent plus faire rouler.
27:47Les Allemands ont considéré qu'ils étaient trop vieux et qu'il fallait les remiser.
27:52Qu'ils n'étaient plus en état et qu'ils plaisaient de transporter des enfants.
27:57On va parler d'un véhicule qui a déjà 600 000 km au compteur.
28:01Pour un autocar, ça n'est pas anormal.
28:03Ce type de véhicule est conçu pour vivre à peu près un million de kilomètres.
28:07Mais il ne peut le faire en sécurité que s'il est correctement entretenu.
28:12Quelle qu'en soit la raison, le dysfonctionnement asymétrique des freins avant est totalement méconnu du chauffeur du deuxième autocar.
28:21Et cela va s'avérer catastrophique.
28:25Quand il freine, le véhicule se déporte sur la voie de gauche.
28:30Le frein gauche étant moins usé que celui de droite.
28:34Le car heurte une première voiture qui s'encastre dans une autre, puis une deuxième.
28:39Malgré tout, le chauffeur de l'autocar arrive à revenir sur la voie centrale.
28:44C'est alors qu'un autre problème surgit devant lui.
28:48A la 2 chevaux qui s'étaient insérées un peu plus tôt, se rajoute au dernier moment une Citroën GS.
28:54La GS roulait sur la file la plus à gauche.
28:57Elle devait être confrontée à un ralentissement et sont déportées sur la file du milieu.
29:01Et se seraient donc trouvées devant la 2 chevaux.
29:05La Citroën GS se rabat de la file de gauche pour se placer donc devant la 2 chevaux.
29:11Elle se rabat sans doute en position dangereuse.
29:15Un point qui mérite d'être souligné, c'est l'absence de rétroviseur sur le côté droit des voitures.
29:22On conduit avec un énorme angle mort.
29:25L'angle mort désigne toutes les zones que le conducteur ne peut pas voir avec ses rétroviseurs.
29:32Ce sont les zones rouges.
29:34Mais l'absence du rétroviseur à droite augmente de 25 degrés l'angle mort de ce côté.
29:40Le côté droit devient totalement aveugle pour le conducteur.
29:46Autant sur la route, ça n'avait pas une grosse importance.
29:48Mais sur l'autoroute, dès que vous étiez sur la file de gauche et que vous vouliez vous rabattre au centre,
29:54vous aviez un angle mort qui faisait que si quelqu'un vous doublait par la droite, il y avait un risque d'accident.
30:00Sur l'autoroute A6, à 1h45 du matin, quand la GS se rabat brusquement,
30:07elle ne fait pas attention à ce qu'il y a sur la voie centrale.
30:11Elle ne tape pas la 2 chevaux, mais réduit encore plus les interdistances entre les véhicules.
30:18Et le fait de s'intercaler alors qu'il y a déjà un ralentissement, c'est la catastrophe.
30:25Le fait que les deux voitures s'intercalent empêche le deuxième autocar de pouvoir s'arrêter normalement,
30:31de pouvoir freiner et de s'arrêter normalement.
30:33Il n'a plus la distance suffisante.
30:38Conclusion, il percute les deux voitures qui se trouvent écrasées entre l'avant d'un autocar et l'arrière de l'autre.
30:44Le choc est terrible.
30:45La différence de masse entre un autocar de 15 tonnes et des voitures pesant moins d'une tonne chacune est dramatique.
30:56L'énergie cinétique, en fait, si on prend l'exemple d'un car qui roule à 110 km heure avec un poids à peu près de 15 tonnes,
31:04sur un choc frontal, ça représente à peu près 6 500 000 joules.
31:10On peut comparer à jeter un car de 40 mètres, c'est-à-dire d'un immeuble de 10 étages, donc c'est quand même énorme.
31:19Une des choses, c'est de la tôle boulonnée.
31:22Moi, je suis amateur de voitures anciennes, c'est merveilleux, c'est un vrai plaisir cette voiture.
31:26Mais aujourd'hui, c'est même plus homologable.
31:30Premier crash test, elle explose.
31:33Au niveau de sa structure métallique, c'est une voiture qui n'a pas de toit,
31:36son toit est formé, en fait, par une capote qu'on peut enrouler.
31:40Ce qui veut dire qu'en cas de choc latéral, les deux parois latérales ne demandent qu'à se replier sur les occupants du véhicule.
31:56Les images prises quelques heures après le drame témoigneront de la violence du choc.
32:01Les passagers des deux voitures sont tués sur le coup.
32:08A l'intérieur du deuxième car, le carambolage sème la panique parmi les enfants endormis.
32:14On est réveillés par les coups de frein brusquement, et le choc entre les deux voitures,
32:21c'est vraiment un choc, c'est vraiment un choc.
32:24On est réveillés par les coups de frein brusquement, et le choc entre les deux bus.
32:32Il y avait un des animateurs qui était au bout du car, qui dormait dans le couloir.
32:36Quand il y a eu le choc, il est parti vers l'avant.
32:40Et là, la grosse panique.
32:42On se cherche l'un à l'autre, on est à moitié endormis.
32:48Tout le monde crie, tout le monde pleure.
32:51La situation est déjà traumatisante pour les 64 passagers du deuxième car.
32:56En une seconde, elle va virer au cauchemar.
33:02Après la prise en sandwich des deux voitures entre les autocars, on aurait pu en rester là,
33:07mais les réservoirs des voitures ont été écrasés par le choc.
33:14Si on comprime un volume de manière violente, il y a une surpression qui est créée,
33:18et cette surpression va provoquer l'éjection du contenu des réservoirs.
33:25Au moins 20 litres d'essence se répandent au sol, aidés par la fine pellicule d'eau à la surface de la chaussée.
33:32Il faut savoir que l'essence a une densité de 0,7 par rapport à l'eau.
33:36Ça veut dire que le film d'essence court à une vitesse incroyable à la surface de la pellicule de l'eau.
33:45Et là, la machine infernale se met en route.
33:49Quand le carburant des voitures glisse sur la chaussée, il y a un risque d'auto-inflammation.
34:02À 400 degrés, une nappe d'essence prend feu sans avoir besoin d'une flamme.
34:07Il faut rechercher ce qui pouvait être à une température supérieure à 400 degrés.
34:13Qu'est-ce qu'on a dans ce cas-là ? On a les collecteurs d'échappement des moteurs,
34:18on peut avoir des courts-circuits électriques.
34:21Quand on sait qu'un court-circuit électrique nous fait dépasser très facilement 3000 degrés,
34:26en fait, l'énergie d'activation est vraisemblablement sur des points qui étaient très chauds sur les véhicules.
34:34À partir de là, le feu va gagner les deux voitures et se propager à l'arrière d'un autocar et à l'avant de l'autre.
34:44La puissance de l'incendie est phénoménale.
34:48Et comme si cela ne suffisait pas, de nouvelles conditions météorologiques influent sur la propagation du feu.
35:00Le vent qui souffle rabat les flammes vers le car qui est derrière.
35:04Donc, dans une certaine mesure, le vent protège le premier car de la colonie de vacances,
35:10mais condamne le deuxième.
35:21Ce qui va prendre feu en premier, c'est le pneumatique avant droit, le plancher,
35:26ce sont les structures basses, très rapidement, très vite.
35:30Et avec un plancher en bois, ça brûle encore plus vite.
35:36Le feu rentre dans le véhicule.
35:39À l'intérieur du car, les deux conducteurs, les trois moniteurs et les 59 enfants sont dans un état de sidération face à ce qui leur arrive.
35:50On cherche à sortir, puisque tout de suite, on s'aperçoit qu'il y a des flammes et c'est la panique complète.
35:58Personne n'a la moindre connaissance des manœuvres de sécurité dans un autocar,
36:03et encore moins en cas d'incendie.
36:05C'est-à-dire que ni le chauffeur, ni les moniteurs, encore moins les enfants,
36:10n'ont la moindre idée de ce qu'il faut faire en cas d'urgence.
36:15On n'entend pas de consignes des moniteurs, ils sont aussi paniqués que nous.
36:21Pour les 64 passagers de l'autocar, une course contre la montre commence.
36:26Lorsqu'on va être devant l'incendie d'un autocar,
36:29on sait qu'il faut impérativement faire sortir la totalité des passagers en moins de deux minutes.
36:48Le téléphone sonne, c'est le planton qui m'appelle en me disant voilà, tiens Fernand, il y a un accident.
36:54Rien de plus si vous voulez.
36:57Au cours de la nuit, j'étais de permanence à mon domicile.
37:00J'en reçois un appel téléphonique, gendarme Lemire, vous venez me chercher tout de suite à mon domicile,
37:05il y a un grave accident sur l'autoroute, dépêchez-vous.
37:11Quand les gendarmes, patrouilleurs et pompiers sont prévenus,
37:14ils ne connaissent pas la gravité de la situation.
37:18Ils tentent de rejoindre l'accident,
37:20mais l'accès au kilomètre 313 est très difficile.
37:26Les pompiers ont du mal dans la mesure où il semblerait qu'il y avait des gens arrêtés,
37:30y compris sur la bande d'arrêt d'urgence.
37:32Des voitures dans tous les sens, c'est tout, je peux vous dire qu'il a fallu jongler.
37:37Toutes les voies de circulation sont prises,
37:39et donc pour les secours, c'est impossible d'arriver sur place.
37:44Or, le temps presse.
37:46Depuis le carambolage, le feu ne cesse de grossir à l'intérieur du deuxième car.
37:51Et pour cause.
37:55Quand on examine l'équipement intérieur de l'autocar,
37:59on s'aperçoit que les sièges sont en velours,
38:02matériaux évidemment non classés,
38:05et qu'il n'y a pas d'accès à l'intérieur de l'autocar.
38:09Des rideaux, des rideaux souples, là, aux fenêtres,
38:12qui sont des matériaux thermiquement fins,
38:14qui vont s'enflammer très rapidement.
38:21Tous ces matériaux, à l'époque, n'étaient pas soumis à homologation.
38:27Il n'existait pas de normes.
38:30Ces matériaux, à l'époque,
38:32n'étaient pas soumis à homologation.
38:35Il n'existait pas de normes.
38:38Ces matériaux étaient extrêmement dangereux.
38:41Leur tenue au feu était lamentable,
38:44et la combustion entraînait des vapeurs toxiques hautement toxiques.
38:56Sylvie Martin, placée au fond du car,
38:59est tétanisée par ce qu'elle voit quand soudain.
39:03On regarde à droite, à gauche.
39:05La première des choses qu'on voit, c'est la porte arrière ouverte,
39:08et on sort.
39:09On ne cherche pas à savoir ce qui s'est passé.
39:13C'est l'instinct, on sort.
39:17Et on voit énormément de voitures partout.
39:20On entend des cris, des gens qui se posent des questions.
39:24Tout le monde est là ? Tout le monde n'est pas là ?
39:27Vous étiez combien ?
39:33Dehors, la jeune adolescente aperçoit les enfants du 1er autocar.
39:37Ils sont tous sains et saufs.
39:41Elle se retourne alors vers le 2e car,
39:43à la recherche de ses 2 frères et de sa soeur.
39:48C'est là où j'ai réalisé que mes 2 frères et ma soeur n'étaient pas là.
39:54La 1re tentation, c'est de retourner et d'aller les chercher.
39:57Sauf que les moniteurs et les monitrices qui restaient
40:01ne voulaient pas qu'on approche le bus du tout.
40:04Ça a été une angoisse terrible pour moi
40:08parce que mes 2 frères et ma soeur étaient encore restés dedans.
40:15Les flammes empêchent Sylvie de s'approcher.
40:18Pourtant, à l'intérieur du car, il reste encore 44 enfants,
40:22dont ses 2 frères et sa soeur, ainsi que ses 8 cousins.
40:26Pourquoi ne sortent-ils pas ?
40:29Ce que les rescapés ignorent à ce moment-là,
40:32c'est qu'il y a un problème au niveau de la porte avant.
40:42L'une des voitures qui l'a écrasée est venue coincer sa porte avant.
40:50Il s'agit de la 2CV qui s'est décalée sur la droite du car au moment de l'impact.
40:55Impossible donc d'ouvrir la porte principale.
40:59C'est là que l'issue devient tragique pour les passagers à l'intérieur.
41:04Ils veulent tous descendre par là.
41:08La seule et unique raison, ce que nous appelons le mécanisme lésionnel,
41:13c'est qu'à partir du moment où on est dans une situation d'urgence,
41:17instinctivement, on veut sortir par où on est monté.
41:22On a pu faire, à une certaine époque, des exercices d'évacuation
41:26dans des salles de cinéma par exemple.
41:28On crée un événement, les gens sortent par là où ils sont arrivés.
41:33Si on bloque ces portes-là, on les bloque mécaniquement,
41:38là il y a une phase de désorientation qui est sensible
41:44avant cette prise de conscience d'aller utiliser une sortie
41:48qui n'est pas connue.
41:52C'est malheureusement ce qu'il se passe pour les 48 passagers
41:55coincés dans le car en flamme.
41:58Totalement désorientés, ils essayent tous de sortir par la porte avant,
42:02ne sachant pas qu'il existe une porte ouverte à l'arrière du car.
42:08Leur sort est scellé.
42:11On va très rapidement entraîner l'asphyxie de la personne
42:15On va très rapidement entraîner l'asphyxie des enfants,
42:19des moniteurs et du chauffeur.
42:26Les températures montent à plus de 200 degrés.
42:29Au bout de trois minutes, on est à 800 degrés au niveau de la porte avant droite.
42:33On ne peut plus rien faire, c'est fini.
42:42Derrière moi, plus personne n'est sorti du bus.
42:44J'étais la dernière à sortir.
42:49Quand les vitres finissent par exploser sous l'effet de la chaleur,
42:52l'appel d'air généré enflamme l'intégralité du car.
42:57C'est ce moment tragique que capture avec son appareil
43:00le photographe Roger Picard.
43:04Cette photo-là, le car en flamme,
43:07c'est certainement le reportage le plus douloureux
43:10que j'ai effectué dans ma carrière.
43:15Il est 2h12, quand les secours arrivent enfin au point kilométrique 313.
43:21Il est déjà trop tard.
43:26Les bus étaient en feu déjà,
43:28et vous ne pouvez pas approcher.
43:30C'est tellement important, vous ne pouvez rien faire.
43:33Vous êtes impuissant.
43:35À moins d'être là dans la minute,
43:38vous n'avez pas l'intention d'y aller.
43:41À moins d'être là dans la minute,
43:44il n'y a rien à faire.
43:46Il est impossible pour les pompiers d'apporter un secours quelconque,
43:50et c'est évidemment physiquement impossible.
44:00Je m'appelle Philippe Léglise.
44:02J'ai été le premier journaliste arrivé sur l'accident de Beaune
44:07sur les coups de 2h20, 2h25 du matin.
44:14J'arrive sur place, et là, je tombe sur les pompiers
44:18qui sont en train de finir de maîtriser l'incendie.
44:26La situation est un peu ubuesque.
44:28Il y a ces deux bus.
44:30Entre les deux, il semblerait qu'il y ait deux chevaux.
44:38Il y a dans le premier bus une R16 qui touche le premier bus,
44:45et puis il reste quatre voitures qui sont éparses.
44:50Certaines contre la bande d'urgence,
44:53une autre carrément perpendiculaire à l'axe de circulation,
44:58qui avait tapé qui, comment, pourquoi, dans quelles circonstances.
45:03Pendant toute la nuit, ça a été le grand flou.
45:07Rejoint par une équipe de télévision,
45:10Philippe Léglise suit les opérations de secours.
45:15A ce moment, personne ne sait le bilan exact de l'accident.
45:22C'est la nuit, c'est affreux, on ne sait pas où on est,
45:25on se demande ce qui arrive.
45:27Ce n'est pas possible de voir ça.
45:30On n'a que les éclairages des secours, pour toute lumière.
45:35C'est un peu surréaliste.
45:38Et puis tout d'un coup, le petit jour,
45:41et là, la vision d'apocalypse.
45:46C'est ça le plus dur.
45:48C'est qu'au matin, au petit jour, quand le jour s'est levé,
45:52je me dis que ce n'est pas possible.
45:55Vous savez, quand vous montez dans le car,
45:58et puis vous voyez tous ces gosses qui sont au milieu,
46:01les uns sur les autres.
46:05C'est pas possible.
46:07C'est pas possible.
46:09C'est pas possible.
46:11Les uns sur les autres.
46:21On a toujours ça dans la tête.
46:25Et puis on ne peut pas l'oublier.
46:27Ce n'est pas possible.
46:30Non.
46:34Le bilan est sans précédent.
46:3753 personnes sont mortes dans l'accident.
46:413 enfants, dont 44 dans l'autocar.
46:47Sylvie et les 61 rescapés sont mis en sécurité,
46:50loin de l'autoroute.
46:54Pour la jeune adolescente de 15 ans,
46:56la douleur est incommensurable.
47:02Un vide.
47:03Un vide, un désarroi total.
47:07Parce que je me dis, mais pourquoi c'est arrivé ?
47:10Et qu'est-ce que je vais dire à mes parents ?
47:13Qu'est-ce que je vais leur dire ?
47:16Après, quand on prend conscience que
47:18mes cousins et mes cousines ne sont plus là non plus,
47:22je me dis, mais qu'est-ce que je vais dire à ma famille ?
47:27Pour moi, c'était terrible.
47:31On est partis à 12.
47:33Et je suis revenue toute seule.
47:41La fée.
47:42Le premier jour d'accident.
47:51Alors que s'activent sur l'autoroute
47:53les grues et les dépanneuses pour déplacer
47:55les véhicules et les mettre sous scellé pour expertise,
48:02à 500 kilomètres de là, à Crépy-en-Vallois,
48:06les familles apprennent seulement que les cars
48:08et leurs enfants ont eu un terrible accident.
48:15Nous sommes rendus tous en mairie pour avoir essayé d'avoir les infos
48:19et on a reçu les informations quand on était à la mairie.
48:30C'est à ce moment-là que j'apprends que mes trois enfants sont décédés.
48:33Tout ce que je me souviens, c'est les hurlements de ma sœur qui a perdu connaissance.
48:44Mais après, pour moi, c'est le brouillard, un petit peu le brouillard.
48:48La route tue chaque semaine et on s'y habitue presque.
48:55Cette fois, il s'agit du plus grave accident de la route jamais vu en France
48:59et la plupart des victimes sont des enfants.
49:01L'annonce de la catastrophe bouleverse tous les Français.
49:07Un deuil national est décrété.
49:11Les obsèques se feront en présence du président de la République de l'époque,
49:15François Mitterrand.
49:17Plus rien n'est comme avant.
49:21On nous a enlevé une partie de notre innocence.
49:25Tout simplement, on a déchiré toutes les familles entières.
49:32Une question ne cesse de revenir.
49:37Comment éviter qu'un tel accident se reproduise?
49:40Après deux ans d'enquête et un procès pendant lequel les familles des victimes
49:44apprendront que le deuxième car a été conduit par un chauffeur occasionnel,
49:48plusieurs mesures fortes sont prises par les autorités publiques.
49:52La première conséquence immédiate après Beaune,
49:54c'est de décider que pour le chassé croisé entre Juilletiste et Aoussien
49:58de l'été suivant, il est hors de question d'avoir des transports collectifs d'enfants.
50:03Baisse de la limitation de vitesse par temps de pluie sur toutes les routes.
50:06On perd 20 km heure.
50:10À cela s'ajoute un contrôle plus strict du temps de conduite.
50:14De nouvelles normes concernant la tenue au feu des matériaux
50:17et des éléments de transport.
50:19Vous nehmen en compte des relevés, notamment un processus mobilisé
50:22par le syndicat de distribution des matériaux
50:24et des exercices d'évacuation des cars scolaires.
50:28Mais est ce que cela est suffisant pour garantir la sécurité absolue?
50:31En 2015, un accrochage entre un car et un poids lourd
50:35entraîne un incendie et cause le décès de 43 personnes.
50:38La raison?
50:42Tous les occupants ont voulu sortir par la porte avant.
50:46C'est aujourd'hui, même circonstance, même conséquence, même avec un véhicule moderne.
50:53Même si le risque zéro n'existe pas, certains professionnels appellent aujourd'hui à renforcer
51:00les messages de sensibilisation à destination des passagers des autocars.
51:05Il suffit de faire dans l'autocar ce que l'on fait dans l'avion. Ça peut être aujourd'hui
51:11dans tous les autocars, il y a des vidéos et on leur explique comment, par où il faut sortir,
51:15comment on peut sortir et comment on peut briser une glace. Et là, on divise nos bilans par deux.
51:20Des solutions qui peuvent sauver des vies et éviter à d'autres passagers de se retrouver,
51:28comme pour ce 31 juillet 1982, au cœur d'une situation hors de contrôle.

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