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Vendredi 28 juin 2024, SMART ÉDUCATION reçoit Najat Vallaud-Belkacem (Présidente, France terre d'asile)

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00:00Générique
00:08Bonjour à toutes et à tous, je suis ravie de vous retrouver dans votre rendez-vous hebdomadaire Smart Education, un magazine, vous le savez, dédié aux nouvelles formations,
00:16nouveaux métiers, nouvelles pédagogies, également nouvelles technologies de l'éducation.
00:20Nous recevons aujourd'hui quelqu'un que vous connaissez bien, Najat Vallaud-Belkacem, elle a été ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche de 2014 à 2017.
00:29Je constate que ce sujet est encore aujourd'hui au cœur de ses travaux puisqu'elle vient nous parler d'un livre, le ghetto scolaire, co-écrit avec le sociologue François Dubé,
00:37une sorte de plaidoyer à deux voix pour la mixité à l'école.
00:40Najat Vallaud-Belkacem, bonjour.
00:41Bonjour.
00:42Je rappelle aussi que vous êtes actuellement présidente de l'ONG France Terre d'asile.
00:46Najat Vallaud-Belkacem, je le disais, l'éducation c'est un sujet qui vous a jamais quitté en fait.
00:50Non, c'est vrai, c'est un sujet de passion et puis surtout de réelle conviction.
00:54Je pense qu'on ne peut pas changer la société ou la faire aller mieux si on occulte le sujet de l'éducation.
01:01Pourquoi ce sujet alors de la mixité sociale particulièrement à l'école ?
01:05Parce que précisément si on cherche à ce que la société aille bien, il faut s'intéresser à l'esprit dans lequel on fait grandir nos enfants,
01:15en plus de ce qu'ils apprennent à l'école, mais dans quel esprit on les fait grandir.
01:19Et l'absence de mixité sociale aujourd'hui avérée de notre système scolaire les fait grandir dans des mondes séparés en fait,
01:26où ils ne se croisent pas, ne se connaissent pas, ne se fréquentent pas, ont évidemment des destins qui sont foncièrement inégaux à la fin
01:35et surtout posent un vrai problème à la cohésion sociale finalement puisque comment peuvent-ils vivre ensemble à la fin
01:43s'ils n'ont pas grandi ensemble sur les bancs des écoles ?
01:45Vous, vous parlez de séparatisme social, est-ce que vous pouvez nous expliquer exactement ce que vous entendez par là ?
01:50Deux choses, la première c'est qu'au fil des ans on a vu quand même se développer une recherche d'entre-soi en haut de l'échelle sociale
02:01et notamment par la recherche soit de l'enseignement privé, soit de classe à part dans l'enseignement public,
02:09soit le développement d'enseignements publics extrêmement élitaires, élitistes et en fait qui ne profitent en réalité qu'à des enfants de catégories sociales aisées
02:19et puis c'est la résultante, le développement d'établissements complètement ségrégés dans l'enseignement public,
02:27beaucoup dans les quartiers populaires évidemment mais on en trouve aussi étonnamment dans une ville comme Paris par exemple,
02:35vous pouvez avoir un quart d'heure de différence à pied, deux établissements, l'un qui sera très ségrégé socialement vers le bas
02:45et l'autre qui sera au contraire dans l'entre-soi, donc en fait il y a eu petit à petit et les pouvoirs publics ont assisté à ça un peu impuissant,
02:54cette construction d'une école à deux vitesses où on ne se mélange pas.
02:59C'est les établissements scolaires aujourd'hui qui ne jouent pas le jeu ?
03:02Je pense que les responsabilités elles sont à rechercher d'abord de façon lucide et sans vouloir jeter d'anathème ou d'opprobre.
03:13La facilité j'allais dire, la plus grande des facilités c'est de dire ah mais là là ces familles qui ne jouent pas le jeu de la carte scolaire,
03:19qui contournent et qui mettent leurs enfants dans le privé, c'est un peu trop facile de dire ça,
03:23c'est-à-dire qu'à un moment donné il faut aussi s'intéresser à pourquoi est-ce qu'elles font ça.
03:26Donc en fait comme souvent s'agissant d'un sujet qui est d'intérêt public et d'intérêt général,
03:32il faut d'abord se retourner vers les pouvoirs publics,
03:35parce qu'en fait c'est aux pouvoirs publics qu'on confie la mission de faire en sorte qu'on vive bien et qu'on ne soit pas tiraillé dans nos choix à ce point-là.
03:42Eh bien les pouvoirs publics, est-ce qu'ils ont la même considération pour des établissements qui sont socialement défavorisés
03:50que pour les plus socialement favorisés ? Je n'en suis pas certaine.
03:54Évidemment ça dépend des pouvoirs publics, je ne me mets pas forcément dans le paquet, j'espère que vous l'aurez compris.
03:59Mais quand on voit par exemple la façon dont des lycées en Seine-Saint-Denis se mobilisent,
04:04leurs professeurs, les parents d'élèves, etc. depuis des mois et des mois sans que ça n'aboutisse à rien de la part des pouvoirs publics,
04:10alors même qu'ils vous racontent des établissements qui sont en train de tomber en ruines,
04:15des plafonds qui s'effondrent, des souris qui traversent les salles de classe,
04:21ça, je veux dire, jamais les pouvoirs publics qu'on a en ce moment n'auraient accueilli avec une telle indifférence
04:29des revendications de même nature qui viendraient du 7e arrondissement de Paris.
04:33Donc en fait, en laissant tomber des établissements déjà en difficulté sociale,
04:38on les surségrègue parce que finalement toutes les familles qui peuvent les fuir, les fuiront.
04:43Donc c'est ce type de comportement des pouvoirs publics qui a conduit en effet à la cristallisation de deux types d'établissements,
04:50ceux qui font peur et ceux qui sont désirés.
04:52Et donc là-dessus s'est ajouté aussi, il y a eu un grand débat sur l'enseignement privé et le rôle qu'il joue dans tout ça,
05:00une espèce de marketing de l'enseignement privé qui s'est développé ces dernières années visant à attirer les classes les plus aisées.
05:08Et entre les lignes, même s'il ne le dit pas de façon toujours claire,
05:13mais la réalité c'est qu'entre les lignes, ce qui est promis à ces classes les plus aisées,
05:18c'est que les enfants seront dans cet entre-soi et ne se mélangeront pas avec d'autres.
05:23Donc si vous voulez, il y a plusieurs acteurs dont il faut donner à voir le rôle.
05:27Et en fait, ce que raconte le livre, c'est que contre toute attente, même si ça a l'air très compliqué,
05:33il y a des choses qui peuvent être faites pour lutter contre cette ségrégation.
05:37C'est ce que vous faites dans cet ouvrage évidemment, vous donnez des solutions.
05:40J'aimerais vous parler des pouvoirs publics.
05:43Quand vous avez été ministre, vous avez piloté des réformes, des expérimentations en faveur de la mixité.
05:48Qu'est-ce qui est difficile aujourd'hui quand on veut aborder ce problème ?
05:51Il y avait des difficultés à l'époque, il y en a toujours aujourd'hui.
05:54C'est pour défendre personne, mais on a l'impression qu'il y a quand même un problème pour aborder ce sujet-là.
05:59Oui, je suis d'accord. Ce n'est pas du tout un sujet facile.
06:03Ce qui est complexe, c'est qu'il met en jeu des dimensions qui ne relèvent pas forcément toutes du ministère de l'Éducation nationale.
06:12Il met en jeu évidemment la question territoriale.
06:14Parce que l'argument le plus évident, c'est de dire que s'il y a des établissements qui ne se ressemblent pas,
06:20c'est parce que les territoires ne se ressemblent pas.
06:22Beaucoup de gens vous diront que c'est d'abord une question d'aménagement du territoire, de politique de la ville, etc.
06:28Sauf qu'il ne faut pas s'arrêter là.
06:30Parce que sinon, dans ce cas-là, on n'a qu'à repousser à 25 ans le fait de faire quelque chose.
06:34Et puis en plus, ce n'est pas vrai.
06:35Quand on s'intéresse vraiment au sujet, on se rend compte que j'étais par exemple récemment à Nanterre,
06:40dans une commune comme Nanterre, où vous avez des efforts monstrueux qui ont été réalisés
06:44pour justement redorer le blason de certains quartiers, investir à fond dedans,
06:48en faire des quartiers beaucoup plus mixtes socialement, avec une forme de classe moyenne et de bourgeoisie qui s'y réinstalle.
06:55Eh bien, quand vous allez voir les écoles, en revanche, on ne retrouve pas les enfants de ces derniers dans les écoles,
07:00parce qu'ils continuent, les parents, à les envoyer ailleurs.
07:03Donc même quand un territoire est mieux loti, en fait, ça ne suffit pas.
07:07Donc je disais, dans les dimensions, il y a cette dimension aménagement du territoire.
07:12Il y a la dimension très psychologique des familles, des parents.
07:16Oh là là, mais jamais vous n'arriverez à convaincre un parent qu'il faut faire un autre choix
07:19que celui qu'il pense être le meilleur pour son enfant.
07:21Et on est des parents et on le comprend.
07:24Et puis après, il y a la dimension aussi, j'allais dire polémique du sujet,
07:30puisque vous avez aussi aujourd'hui des gens qui vous disent dans les débats publics, etc.
07:36Mais non, la mixité n'est pas forcément une bonne chose, car elle va tirer vers le bas les meilleurs, etc.
07:41Donc c'est à ça que sont confrontés les pouvoirs publics.
07:45Et donc pour pouvoir, malgré tout, l'emporter, quand on est convaincu du sujet,
07:50il faut mener un travail à la fois extrêmement coopératif avec les collectivités locales
07:55sur cette dimension aménagement du territoire.
07:57C'est ce que j'ai fait dans les expérimentations qui sont racontées dans le livre en 2016.
08:01C'est qu'en fait, je suis allée voir les départements, puisque c'était les collèges que je voulais mieux mélanger.
08:06Et je leur ai dit, travaillons ensemble là-dessus.
08:09C'est vous qui avez par exemple la compétence transport en commun.
08:13Et donc du coup, si on veut mélanger les populations de deux collèges qui sont éloignés,
08:18il faut faciliter le transport.
08:21Ensuite, il faut travailler avec les parents.
08:25C'est ce que nous avons fait en organisant des dizaines et des dizaines de réunions publiques avec des parents
08:30pour leur expliquer les bienfaits que ça allait apporter à leurs enfants,
08:34qu'ils soient de bons niveaux, de moins bons niveaux, socialement aisés ou défavorisés,
08:38que de se mélanger, parce qu'en fait, c'est quelque chose qu'on ne dit pas assez dans l'espace public.
08:42Je veux dire, à l'école, vous n'apprenez pas que des disciplines.
08:46Vous apprenez aussi des compétences, une façon d'être au monde.
08:49C'est ce qu'on voit dans votre livre, c'est ce qui est intéressant aussi,
08:52puisque c'est le sujet, l'intérêt de cette mixité sociale.
08:56Il y a des études qui prouvent que d'être entouré d'un groupe plus hétérogène, on progresse mieux.
09:02C'est ça, c'est pour la réussite scolaire aussi des élèves.
09:06Mais absolument, je le disais, c'est en fait ce qu'on doit apprendre.
09:10Non mais c'est bien de le rappeler, l'intérêt de cette mixité sociale.
09:13Absolument, ce qu'on doit apprendre, c'est en effet être au monde.
09:16Et être au monde, je vous assure que ce n'est pas que du bachotage.
09:20Enfin, je ne sais pas si vous avez des enfants, mais vous vous rendez bien compte.
09:23En fait, ce qui fait l'épanouissement des enfants, leur curiosité, leur esprit de coopération,
09:29leur ouverture sur le monde, leur envie d'en découvrir plus, donc de continuer à apprendre,
09:34c'est le fait d'être entouré d'hétérogénéité.
09:38S'ils ne sont que dans une bulle, avec que des enfants qui leur ressemblent,
09:42avec un chemin tout tracé, c'est un tu la créativité, c'est un tu la curiosité.
09:47Et donc, voilà, c'est évident.
09:49Et les études qui ont été menées sur les expérimentations qu'on a conduites en 2016,
09:53puisque je le rappelle pour vos téléspectateurs, en réalité,
09:57dans quatre vingtaines de territoires différents à ce moment-là,
10:01on a lancé des fusions de collèges, des rapprochements d'établissements,
10:04enfin bref, des élèves qui se sont mélangés.
10:07Et des scientifiques ont regardé ce que ça produisait sur plusieurs années.
10:11Et ce que ça a produit, c'est que, contrairement à ce que disaient les polémistes,
10:14le niveau scolaire n'a pas baissé, au contraire.
10:17Il n'a pas baissé pour les meilleurs et il a augmenté pour les moins bons.
10:21Deuxièmement, s'agissant du climat scolaire,
10:25le climat scolaire dans les établissements s'est largement amélioré.
10:29Parce qu'en fait, quand vous laissiez des élèves en difficulté entre eux,
10:32il y avait une espèce de contre-culture scolaire qui se développait.
10:35Et on se tire vers le bas.
10:36Exactement.
10:37Donc le climat scolaire, la discipline, le fait de respecter l'institution scolaire, ça va mieux.
10:42Et la troisième chose, en effet, c'est ses compétences psychosociales,
10:46c'est-à-dire une façon, encore une fois, de s'intéresser à ce qui nous entoure,
10:52d'être plus solidaire, d'être plus coopérative.
10:54Donc ce livre, c'est une manière de donner des solutions à toutes ces parties prenantes, vous le disiez,
10:58que ce soit au département, au pouvoir public, aux écoles.
11:01C'est leur donner des solutions.
11:03Le temps passe vite, Najat Vallaud-Belkacem.
11:05Je suis quand même obligée de vous poser la question dans le contexte actuel.
11:09Vous, est-ce que ça vous inquiète ? J'imagine que oui.
11:12Quelle pourrait être la politique d'un ministre de l'Éducation nationale étiqueté RN demain ?
11:16Je crois qu'on sait que ce qui transpire depuis des années maintenant,
11:24parce qu'il faut regarder les programmes présidentiels, notamment de Marine Le Pen,
11:28en matière d'éducation, c'est au fond sous couvert d'autorité, une espèce d'autoritarisme,
11:37une moindre liberté pédagogique laissée aux établissements ou aux professeurs,
11:42une espèce de mise au pas des élèves au détriment de l'esprit critique, de la réflexion critique.
11:51Et puis malheureusement, puisque ça a été redit récemment par Jordan Bardella,
11:57une continuation et une aggravation de ce que ce gouvernement avait déjà lancé,
12:02c'est-à-dire les groupes de niveau, le fait d'envoyer relativement jeunes,
12:07des 14 ans en apprentissage, les élèves.
12:10En fait, une espèce de malthusianisme qui consiste à penser que faire des études,
12:16faire des études supérieures, ça n'est pas fait pour tout le monde,
12:19que dans cette société, il y a des gens qui sont faits pour ça et d'autres qui sont faits pour être à leur service.
12:26Et donc surtout, cette espèce de tri sélectif extrêmement précoce qui coince les destins,
12:35qui brise les destins et qui les bride.
12:37Donc moi, c'est ça qui m'inquiète chez l'ERN.
12:40Puis évidemment, comme la question des étrangers est toujours centrale chez l'ERN,
12:45il y a cette idée que les étrangers n'auraient plus forcément,
12:51en fonction de leur situation et de leur statut, accès à l'école gratuite.
12:55On aurait pu faire un sujet avec vous, c'est vrai, aujourd'hui, sur les étudiants étrangers et l'accès à l'école.
13:01Merci beaucoup Najat Vallaud-Parcasseur d'être venue nous voir aujourd'hui dans Smart Education.
13:04Je rappelle, vous venez de le dire, vous êtes présidente de l'OED France Terre d'Asile,
13:07c'est pour ça que ces sujets vous intéressent.
13:09Vous avez co-écrit, on va le voir s'afficher à l'écran peut-être,
13:12co-écrit le ghetto scolaire avec le sociologue François Dubé.
13:15Merci beaucoup d'avoir été avec nous.
13:17Merci à vous évidemment de nous avoir suivis.
13:19On se retrouve très vite pour un nouveau numéro de Smart Education.
13:21A très vite, salut.
13:25❤️ par SousTitreur.com

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