• il y a 5 mois
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Les soldats de la 2e division blindée ont libéré Vittel, Baccarat, Strasbourg et Colmar. Ils sont allés jusqu'en Bavière, pour hisser le drapeau tricolore.

Ils l'ont fait en suivant un chef charismatique : le général Leclerc, véritable meneur d'hommes réputé pour ses coups de poker tactiques et ses batailles éclairs victorieuses.

Ils replongent dans ce passé glorieux, se découvrent parfois au détour d'une archive dont ils n'avaient pas connaissance et témoignent, pour la première fois, de ce que fut la formidable aventure de la mythique 2e DB.

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Transcription
00:00Les passions naissent curieusement.
00:19Pour moi, cela s'est produit d'un jour en explorant les tiroirs du bureau de mon père.
00:25Plus exactement, en tombant sur une boîte qui portait une curieuse inscription.
00:31Et dans cette boîte, d'autres boîtes plus petites qui parlaient d'une épopée de Leclerc.
00:38À l'intérieur, des bouts de celluloïdes sur lesquels ce Leclerc semblait être un soldat de légende.
00:46Mais sans projecteur, impossible de connaître la suite. Et surtout, personne à qui en parler.
00:52À cette époque, je m'introduisais en cachette dans les pièces interdites de la maison.
00:59Bien des années plus tard, en ouvrant de nouveau cette boîte, je découvrais une incroyable histoire.
01:06L'épopée de Leclerc était relatée sous la forme d'une bande dessinée que l'on projetait aux enfants dans les années 50.
01:13On leur expliquait l'engagement du soldat Leclerc auprès du général de Gaulle,
01:18sa campagne victorieuse en Afrique, le débarquement de Normandie et l'apothéose avec la libération de Paris.
01:26En visionnant la suite, je découvrais des batailles meurtrières comme Domperre, Châtel-sur-Moselle, Baccarat, injustement oubliées.
01:34L'histoire de la DB continuait après la libération de Paris.
01:37Elle se poursuivait au-delà des Vosges, en direction de Strasbourg et plus tard en Bavière, jusqu'au nid d'Aigle d'Hitler.
01:44Pourquoi s'être oublié ?
01:48L'histoire de la DB
01:56A l'origine de cette épopée méconnue, un serment, prononcé en 1941 à Koufra, au cœur même de la Libye.
02:04Le serment de Koufra, c'est « Nous ne déposerons les armes que lorsque Strasbourg sera libérée ».
02:12Mais ce n'est pas la deuxième DB. C'est une poignée de gardes et d'héros.
02:19Des premiers qui venaient peut-être de Syrie, de Bir Hakeim.
02:28A Koufra, ces héros n'étaient que 300.
02:31Trois ans plus tard, c'est une armée de 16 000 hommes qui stationne sur le sol anglais, la 2e division blindée.
02:40Ces vétérans se souviennent d'avoir attendu avec impatience l'ordre d'embarquer du général Leclerc pour aller libérer la France.
02:49« Enfin voici l'heure tant attendue. Nous remettons le pied sur le sol de la patrie.
02:56Il est difficile d'exprimer l'émotion de nos officiers, sous-officiers et soldats en un pareil moment.
03:05Nous voulons d'abord battre le boss, des ennemis maudits.
03:09Cette fois, nous avons des armes et nous nous en servirons. »
03:14Août 1944. La 2e division blindée du général Leclerc avance à marche forcée.
03:21A peine trois semaines après avoir débarqué sur les plages de Normandie, elle est au cœur de la capitale.
03:28Les combats sont meurtriers. Mais en quelques jours, les soldats de Leclerc seront maîtres de la situation.
03:35Les Allemands signent leur reddition. Paris est libéré.
03:47La présence de l'ADB provoque dans la population un élan de patriotisme sans précédent.
03:58« Depuis le début de la guerre, je voulais y prendre part. »
04:06À 19 ans, Georges Mailleux quitte sa picardie natale à bicyclette.
04:12« J'arrive dans Paris. Paris est en pleine ébullition, en pleine révolution disons. Boulevard Saint-Michel.
04:21J'invise un officier qui est en train de casser la croûte, il est midi.
04:26Je m'approche de lui, c'est un commandant et je lui demande pour m'engager.
04:32Il me dit il n'y a pas de problème, on va bivouaquer dans la forêt de Vincennes.
04:37T'as qu'à te précipiter là et tu pourras t'engager.
04:41Et j'ai su juste après que ce commandant était le commandant Massu. »
04:46Le commandant Massu s'est illustré dès la première heure aux côtés de Leclerc.
04:51Dans le combat, les deux hommes partagent les mêmes convictions.
04:54Culture du secret et rapidité dans l'action.
04:57« On nous a dit un matin on s'en va et on a préparé les chars et on est partis.
05:02On ne savait pas du tout dans quel sens nous allions partir ni ce que nous allions faire. »
05:07En 1943, Robert Vellu s'engage à Oran sous les ordres de Leclerc.
05:12Il a 19 ans. À Paris, il pilote un char de combat.
05:17« Je me suis rendu compte tout de suite que nous allions à la quête des engins
05:21qui avaient laissé de si belles traces de chenilles sur les goudrons des routes parisiennes.
05:27Et nous étions impressionnés quand même par ce qui nous attendait,
05:31compte tenu de ce que les chenilles des chars allemands étaient le double de l'argeur des nôtres à peu près. »
05:37Le 8 septembre 1944, la 2e DB, rattachée à l'armée américaine, fonce en direction de l'Est.
05:45« J'étais donc sur une automitrailleuse, M8. J'étais radio-tireur. »
05:53Roger Leneures a 20 ans en 1943 lorsqu'il rejoint le général Leclerc en Tunisie.
05:59« Ça fait un beau branle-bas de combat, c'est certain.
06:02Ça fait quand même pas mal de véhicules.
06:04Mais comme il y a des axes différents, on n'est pas tous sur la même nationale si on peut dire. »
06:15La 2e DB progresse à un train d'enfer.
06:19Le 11 septembre, elle est aux portes de la Lorraine, autour de Vittel et de Contrexéville.
06:35« On a été vers Contrexéville et Vittel.
06:39Et là, avec, je dois dire, des combats assez importants, notamment autour de Vittel. »
06:47Gérard de Chaunac-Lanzac a rejoint la DB au Maroc en 1943.
06:52À 26 ans, il est chef de char.
06:56« Le général Leclerc avait, avec ses groupements tactiques, fait un encerclement de Vittel.
07:02Et Vittel est tombé le 13 septembre.
07:05Il n'y a pas de temps, vous voyez, il n'y a pas de temps pour quitter Paris. »
07:09« À Vittel, on a fait pas mal de prisonniers.
07:12Et surtout, on a ouvert le camp où il y avait les Anglaises et les Américaines
07:21que les Allemands avaient mis dans cet hôtel qui existe toujours. »
07:28Dans ce camp d'internement improvisé par les Nazis,
07:313000 ressortissants, Anglais et Américains, coincés par l'invasion allemande,
07:35sont retenus prisonniers depuis le début de la guerre.
07:38Leclerc, en se faisant ouvrir les grilles, leur adresse ce discours.
07:42« L'Angleterre nous a offert l'hospitalité en 1940 et nous a soutenus.
07:47L'Amérique nous a donné des armes et combat sur notre sol.
07:50Je suis heureux qu'il soit donné à un général français de vous rendre votre liberté. »
07:57« Il y avait deux foules qui s'assemblaient.
08:00On ne savait ni l'un ni l'autre du deux.
08:03Et quand ils nous ont dit qu'ils étaient des prisonniers, il y en avait des Anglais, des Américains.
08:07Puis nous on était français, ça paraissait bizarre.
08:10Nous on était habillés comme des Américains, puis eux comme des Français.
08:14Mais ils étaient contents de nous voir aussi. »
08:19À 20 ans, Lucien Matron a rejoint Leclerc en Tunisie en 1943.
08:24À Vittel, il pilote un Sherman M4, un char de combat fourni par l'armée américaine.
08:30Vittel libéré, les habitants signalent aux soldats de la DB
08:34une concentration importante de chars allemands autour du village de Domperre.
08:39De toute évidence, l'ennemi s'organise pour une contre-offensive.
08:43La DB va tomber en plein dedans.
08:46« Les Allemands sortaient de Domperre et nous on allait rentrer dans Domperre.
08:50Alors ils se sont tirés les premiers.
08:54Là ça va vite, parce qu'on était tranquilles sur la route pour rouler.
08:59Le Provence, inutilisable dans les médias.
09:04Il y a eu le deuxième char, l'Esterelle,
09:08il a pris un obus sous les chenilles et s'est resté figé sur place.
09:15Gustave nous a dit, « Eh bien les gars,
09:19il y en a devant nous. » Un truc comme ça.
09:23Le chef d'escadron Gustave ne s'est pas trompé.
09:26L'adversaire est de taille.
09:28La 112e Panzerbrigade est équipée de 90 chars de combat les plus puissants du moment.
09:34La journée du lendemain s'annonce incertaine pour les hommes de Leclerc.
09:38Elle sera la plus importante bataille de chars de la campagne de France.
09:42Massu, il a téléphoné à l'aviation.
09:45Ils sont menés immédiatement, les deux fuselages.
09:50Ils ont bombardé.
09:52Tout ce qui bougeait aux alentours de Dompère,
09:56qui n'avait pas les feuillons de l'ADB,
09:58le panneau orangé derrière, était systématiquement détruit.
10:04Il y a eu deux fois une escadrille de typhon
10:08et une escadrille de Thunderbolt
10:10qui ont aidé à la destruction des chars allemands qui étaient à Dompère.
10:17Un balai, un ressemblable d'avion américain,
10:20qui n'avait pas les feuillons de l'ADB,
10:22qui n'avait pas les feuillons de l'ADB,
10:24qui n'avait pas les feuillons de l'ADB,
10:26qui n'avait pas les feuillons de l'ADB,
10:28qui n'avait pas les feuillons de l'ADB,
10:30un balai, un ressemblable d'avion américain,
10:33qui pilonnait ces chars.
10:38C'est magnifique à voir.
10:40C'est dégueulasse de dire ça, mais c'est comme ça.
10:43Ils piquaient, carrément.
10:48Et quand ils partaient,
10:50ils avaient détruit un char,
10:52ils nous faisaient des battements d'ailes.
10:54Ça voulait dire, allez-y les gars.
11:01Comme on est déjà, par rapport à eux, en haut,
11:04Comme on est déjà, par rapport à eux, en haut,
11:06on les voit, ils essayent de se débiner,
11:08on les voit, ils essayent de se débiner,
11:10ils sont dans un piège,
11:12ils sont dans un traquenard épouvantable.
11:14Nous, on est au-dessus,
11:16nous, on est au-dessus,
11:18on attend que l'ordre de les finir.
11:20on attend que l'ordre de les finir.
11:22Au sol, entre Dompère, Ville-sur-Ylon et Damas,
11:24Au sol, entre Dompère, Ville-sur-Ylon et Damas,
11:26va se livrer une bataille de proxies.
11:28va se livrer une bataille de proximités meurtrières
11:30va se livrer une bataille de proximités meurtrières
11:32pour les Allemands, comme pour les hommes de l'ADP.
11:36Ça a été une très, très violente bataille.
11:38Ça a été une très, très violente bataille.
11:40Sur les 90 chars de la 112e Panzer,
11:42Sur les 90 chars de la 112e Panzer,
11:44il y en a eu 60 qui ont été anéantis.
11:46il y en a eu 60 qui ont été anéantis.
11:50Dans les Sonderbolts, il n'y aurait pas eu
11:52une bataille de Dompère victorieuse, je pense.
11:54parce qu'il y avait, j'imagine,
11:56plus d'une centaine de chars Allemands,
11:58alors que nous, il nous restait environ 35 ou 40 chars
12:00alors que nous, il nous restait environ 35 ou 40 chars
12:02des rescapés de ceux qui avaient débarqué en Normandie
12:04quelques semaines plus tôt.
12:06Et c'était des chars qui n'avaient pas de quoi surpasser
12:08les chars Allemands, qui étaient bien meilleurs.
12:10les chars Allemands, qui étaient bien meilleurs.
12:12A 2000 mètres, ils nous perçaient, de part en part,
12:14traversaient le char.
12:16Il fallait approcher à 1000 mètres,
12:18autrement, on n'avait pas un char.
12:26Ça, c'est un truc Allemand, là.
12:28Des panthères, ça.
12:32Ah ben, c'est une grosse perte, hein.
12:34Ils perdent toute l'armée, là.
12:44On a fait des prisonniers, bien sûr.
12:46On a fait des prisonniers, bien sûr.
12:48On a fait des prisonniers, bien sûr.
12:50On a fait des prisonniers, bien sûr.
12:52On a fait des prisonniers, bien sûr.
12:54On a fait des prisonniers, bien sûr.
12:56Ils étaient très jeunes.
12:58Ils manquaient nullement de formation.
13:12Les prisonniers Allemands enterrent leurs morts
13:14dans une fosse commune, creusée à la hâte
13:16dans le petit cimetière de Dompère.
13:24Un peu plus tard, les hommes de l'ADB
13:26assistent à un service funéraire
13:28en l'honneur des 44 compagnons
13:30tombés pendant la bataille.
13:40Dès 1941,
13:42les exploits des hommes de Leclerc
13:44en Afrique ont réveillé l'espoir
13:46chez de nombreux Français.
13:48Pour fuir le joug de l'occupant
13:50et continuer le combat, des volontaires
13:52rallient clandestinement les troupes
13:54de la France libre, stationnées en Afrique du Nord.
13:56Animées par le serment de Koufra,
13:58l'armée de Leclerc
14:00commence à prendre forme.
14:02J'ai pris un train de troupes.
14:04J'étais la seule femme
14:06d'ailleurs dans ce train de troupes.
14:08On a bien mis 5 jours pour
14:10arriver au Maroc.
14:12Vers cette époque,
14:14Raymonde Jean Mougin s'engage
14:16comme infirmière.
14:18Elle ne connaît pas encore son affectation.
14:20Quand je suis arrivée à Casablanca,
14:22un policier m'a dit
14:24le 13ème bataillon médical,
14:26c'est le bataillon médical
14:28de l'armée Leclerc. Dans le temps, on ne disait pas
14:30la division Leclerc, on disait l'armée Leclerc.
14:32Je l'aurai embrassée.
14:40En 1944,
14:42l'armée de Leclerc,
14:44devenue entre temps 2ème division blindée,
14:46s'apprête à embarquer en direction
14:48des côtes normandes.
14:50Parmi les 16 000 soldats,
14:52une poignée de femmes,
14:54toutes infirmières.
14:56C'est avant d'embarquer,
14:58tout le groupe.
15:00C'était la guerre en cravate.
15:02Même les soldats
15:04avaient des cravates.
15:06Voilà, là,
15:08c'est Geneviève Rolland
15:10à gauche, Liliane Walter
15:12à droite.
15:14Liliane Walter est toujours
15:16en vie, elle.
15:18Lucie, c'était notre titi parisien.
15:20Elle avait toujours quelque chose
15:22à raconter, elle.
15:24Là, elle est en train de chanter quelque chose,
15:26j'ai l'impression.
15:28On s'entendait très bien.
15:30Moi, j'ai eu de la chance
15:32d'avoir comme
15:34coéquipière Madame Massu,
15:36c'est là.
15:38C'était comment son surnom ?
15:40Toto.
15:42Suzanne Thorez,
15:44dite Toto,
15:46deviendra par la suite l'épouse du commandant Massu.
15:48Toto,
15:50Raymond de Jean Mougin, ainsi que toutes les infirmières
15:52sont rattachées au groupement
15:54tactique Rochambeau,
15:56ce qui leur vaut un surnom,
15:58les Rochambelles.
16:00La présence de femmes dans l'armée Leclerc
16:02est due à la persévérance d'une américaine
16:04francophile, Madame Conrad.
16:06En achetant sur ses
16:08deniers personnels des ambulances,
16:10cette femme va imposer le corps
16:12d'infirmière au général Leclerc.
16:14Le général Leclerc
16:16avait
16:18reçu Madame Conrad,
16:20qui venait des Etats-Unis
16:22avec Madame Thorez,
16:24et 19 ambulances.
16:26Et le général Leclerc
16:28leur a dit, je veux bien
16:30prendre les ambulances, mais je veux pas de femmes
16:32dans ma division.
16:34Et Madame Conrad a dit,
16:36eh bien, général, vous n'aurez
16:38ni ambulances, ni femmes.
16:40Leclerc
16:42ne regrettera pas d'avoir engagé des femmes.
16:44Admirées pour leur courage et leur
16:46bravoure, les infirmières suivront
16:48la DB durant toute la campagne de France.
16:54À la mi-septembre,
16:56les Rochambelles se retrouvent
16:58avec les soldats à Nomexi,
17:00en face de Châtel-sur-Moselle.
17:02Le passage de la rivière est
17:04stratégique pour Leclerc.
17:10À Châtel,
17:12il y avait un pont de bois qui n'était pas
17:14en très bon état pour pouvoir passer.
17:16Donc on a reconnu le gaie.
17:18La Moselle n'était pas encrue
17:20à l'époque, il y avait environ un mètre d'eau.
17:22Et on a pu passer
17:24à gaie sur la gauche
17:26de ce pont, vers Laval,
17:28pour atteindre
17:30la rive droite de la Moselle.
17:32On est arrivés à Châtel
17:34la première fois
17:36le 15 septembre.
17:40C'est dur,
17:42parce que les Spahis,
17:44qui avaient l'habitude
17:46de se combattre en véhicule,
17:48ont dû combattre à pied,
17:50comme de l'infanterie.
17:52Là, c'était vraiment, oui,
17:54c'était sérieux.
17:56À Châtel-sur-Moselle,
17:58les soldats de la DB sont
18:00face aux éléments de la 111e Panzerdivision
18:02du général von Montefel.
18:04Les Allemands tiennent
18:06solidement leur position.
18:10Ils avaient installé un
18:12je sais pas, un canon
18:14dans le clocher de l'église.
18:16Et alors, ils tiraient
18:18sur les soldats qui étaient
18:20qui étaient pris comme des lapins.
18:24Tant que le clocher
18:26n'a pas été démoli,
18:28c'était assez dur.
18:32Châtel-sur-Moselle,
18:34moi, ça m'a beaucoup marquée.
18:36Notre rôle,
18:38c'était le ramassage
18:40des blessés sur place.
18:42Si on rencontrait un hôpital
18:44en route, un hôpital de campagne,
18:46on évacuait nos blessés
18:48sur cet hôpital.
18:50Mais notre rôle, c'était de se dépêcher
18:52et d'emmener les blessés
18:54au bataillon médical.
18:56C'était le triage.
18:58Savoir qu'on pouvait être tué
19:00d'une minute à l'autre,
19:02c'était évidemment quelque chose
19:04qui remplit votre esprit.
19:06Mais on s'y habitue.
19:08On s'y habitue très vite.
19:10Et puis, je sais pas,
19:12il y a une espèce de grâce
19:14qui s'empare de vous
19:16et qui vous permet de vivre
19:18presque normalement.
19:20On se voit le matin,
19:22on se voit le matin,
19:24on se voit le matin,
19:26on se voit le matin.
19:28Moi, j'avais un bon copain,
19:30Michel Moreau.
19:32C'était,
19:34disons, mon frère.
19:38On s'était dit mutuellement,
19:40si on se fait tuer,
19:42on a nos...
19:46nos affaires personnelles
19:48à nos parents.
19:50Vous voyez, on était
19:52vraiment copains.
19:54Le matin, on se voyait,
19:56on s'embrassait,
19:58et le soir, on était encore plus contents de soi,
20:00parce qu'on vivait.
20:08Aux abords de Châtel,
20:10la défense allemande s'avère particulièrement coriace.
20:12Les soldats de la DB
20:14reçoivent l'ordre inhabituel
20:16de se replier de l'autre côté de la Moselle.
20:20On n'avait pas l'habitude de se replier.
20:22D'ailleurs, dans notre hymne de la DB,
20:24c'est
20:26« Division Leclerc, toujours en avant ».
20:28Donc, le repli,
20:30non, c'est pas dans notre...
20:32Mais là, on est obligé d'obliger aux ordres.
20:36Le maire de Châtel, M. Seyer,
20:38on lui a proposé, avec sa famille,
20:40de repasser
20:42sur la rive gauche de la Moselle.
20:44Le maire a refusé,
20:46il est resté,
20:48et quand les Allemands
20:50sont revenus à Châtel,
20:52eh bien, le maire a été
20:54pris.
20:56On l'a rendu responsable
20:58des combats qui avaient eu des morts,
21:00et ils ont fusillé
21:02le maire de Châtel.
21:04Le 17 au matin,
21:06les hommes de Leclerc franchissent de nouveau
21:08la Moselle. L'ennemi
21:10est contraint de décrocher.
21:12Châtel est libéré le 19 septembre.
21:16Du côté allemand, la bataille a fait plus de 100 morts
21:18et 80 prisonniers.
21:20Beaucoup de matériel est abandonné sur le terrain.
21:22Grâce au travail héroïque du génie
21:24qui a construit un pont flottant
21:26sous le tir de l'ennemi,
21:28les soldats de Leclerc peuvent enfin franchir la Moselle
21:30pour partir à la poursuite des troupes allemandes.
21:34On est arrivé au village de Glanville,
21:36qui était la position prévue devant la meurtre.
21:38C'est la meurtre qui nous sépare, donc, de Baccarat,
21:40de la mort des Moselles.
21:42Mais dans ce village, l'arrêt était prévu.
21:44On ne devait pas dépasser la meurtre,
21:46comme le faisaient les Américains.
21:48Il ne fallait pas aller trop vite,
21:50parce que ça ne suivait pas derrière.
21:52La logistique d'une armée en campagne
21:54comme celle de Leclerc est difficile à assurer
21:56dans une France complètement désorganisée.
21:58L'armée américaine,
22:00qui a la charge de l'approvisionnement,
22:02doit fournir quotidiennement aux troupes de l'ADB
22:04250 000 litres de carburant,
22:06ainsi que des dizaines de tonnes
22:08de munitions et de rations alimentaires.
22:10On était dépendants des Américains
22:12pour tout le ravitaillement,
22:14en essence ou même en matériel à remplacer.
22:16La guerre d'opposition,
22:18on va la connaître au mois d'octobre.
22:20On peut dire que le mois d'octobre
22:22a été un mois statique
22:24pour la 2e DB.
22:26On avait recruté 1500 personnes à Paris
22:28et qu'il fallait tout de même les former.
22:30Vous ne devenez pas militaires du jour au lendemain.
22:32En même temps,
22:34depuis le débarquement d'Ormandie,
22:36on n'avait pas eu le temps
22:38de beaucoup soigner les véhicules.
22:44On a nos rations tous les jours.
22:46On les a d'avance,
22:48c'est-à-dire pour une semaine, souvent.
22:50Quelquefois, on s'arrêtait
22:52et puis, chez les gens,
22:54on faisait un peu de popote
22:56parce que c'était plus agréable.
22:58Les officiers mangeaient
23:00à la même gamelle que les soldats.
23:02Donc on touchait notre ravitaillement
23:04et on mangeait ensemble.
23:06Le clerc mangeait avec ses hommes.
23:08Il n'y avait pas une popote
23:10du général.
23:12Il n'y avait pas une popote du général
23:14ou une popote des officiers.
23:16Ça n'existait pas, c'était le terrain.
23:18Il y avait une discipline quand même,
23:20il y avait un respect.
23:22Il y avait surtout une grande confiance
23:24des hommes envers nos officiers
23:26parce que c'était des gars
23:28qui étaient sur le terrain avec nous.
23:30Ils n'étaient pas derrière.
23:32Quand on donne un ordre d'aller se faire tuer,
23:34c'est facile quand on est à 50 km.
23:36Mais quand on est sur le terrain
23:38avec les bonhommes,
23:40c'est plus facile.
23:48On tient des positions
23:50qui sont assez dures
23:52parce que la journée,
23:54on ne voit pas d'Allemands.
23:56Mais ils sont sur la crête des Vosges
23:58et ils observent quand même
24:00toutes nos positions.
24:02Tous les soirs,
24:04quand on prend les cantonnements
24:06où on a la garde,
24:08il y a des copieusement.
24:10Alors là,
24:12je vous garantis qu'ils vous arrosent.
24:16Stoppée dans sa progression,
24:18la DB prépare ses futures offensives.
24:20Pour cela, elle dispose
24:22de deux avions d'observation.
24:24Sur les premiers contreforts des Vosges,
24:26Gérard de Chaunac-Lanzac,
24:28jusqu'alors chef de char,
24:30est promu observateur sur Piper Cub.
24:34Le Piper
24:36est un avion à deux places,
24:38un pilote et un observateur.
24:42Le Piper est un avion lent,
24:46mais très maniable
24:48et qui peut donc voler
24:50à 30 mètres
24:52comme à 200 mètres de haut.
24:56Voilà les Piper Cub.
24:58Je suis à côté
25:00du capitaine Rousselier
25:02à sa gauche.
25:06Là, on fait le plein du Piper.
25:08Là, il y a notre insigne
25:10de la deuxième DB.
25:12Et je monte dans l'avion.
25:14C'est vous ?
25:16C'est moi qui monte dans l'avion
25:18comme observateur.
25:20Je ne sais pas où on va,
25:22mais on y va.
25:26L'observateur
25:28est derrière le pilote
25:30et au fond,
25:32il n'a qu'une carte sur ses genoux
25:34et un paire de jumelles.
25:36Mais il est relié par radio
25:38directement au capitaine
25:40qui commandait une batterie
25:42pour diriger les tirs.
25:44Il pouvait donc signaler
25:46soit des rassemblements de chars
25:48soit même des lignes mitrailleuses individuelles
25:50puisque, comme je vous ai dit,
25:52il volait à ses bas.
25:56Naturellement,
25:58on a toujours un peu la peur,
26:00mais on ne vit pas
26:02les opérations qu'on a faites
26:04avec la peur au vent.
26:12Un élément humain est décisif
26:14dans cette bataille de France.
26:16L'engagement des combattants FFI.
26:20Ces soldats, issus des forces françaises
26:22de l'intérieur,
26:24viennent constamment grossir les rangs
26:26au passage de la DB.
26:28Je ne pouvais pas aller à Baccarat
26:30qui avait la gestapo
26:32qui avait tous les renseignements
26:34pour m'arrêter et tout ça,
26:36j'étais réfractaire.
26:38Alors c'est là que j'ai décidé
26:40de partir, de passer les lignes.
26:42Pierre Serruti et son camarade
26:44Albert Duchesne, FFI de la première heure,
26:46ont combattu l'ennemi
26:48dans le Maktivogien.
26:50Mon chérien frangin,
26:52je l'avais tué à 40 déjà,
26:54un demi-frère.
26:56J'ai dit, si on pourra s'engager,
26:58on s'engage.
27:00On a fait partie des FFI.
27:02On a été libérés tout de suite.
27:04On a dit, on va vouloir s'engager.
27:06J'avais 20 ans, lui il avait 22.
27:08À 22 toi, à 44.
27:10Tu es né à 22.
27:12J'ai eu après.
27:14Donc vous étiez des gamins.
27:16Ah non, à 20 ans on n'est plus un gamin.
27:18À l'époque là on était des gamins.
27:20À l'époque là on était comme des évolués.
27:26Face à Baccarat,
27:28Leclerc va se révéler un stratège hors pair.
27:34Il choisissait toujours l'endroit
27:36où il supposait que l'ennemi ne nous attendrait pas.
27:38Les grands axes étaient évidemment descendus,
27:40donc c'était la voie naturelle
27:42de pénétration dans le dispositif.
27:44Mais Leclerc avait toujours
27:46ce sens
27:48de la tactique,
27:50c'est d'attaquer
27:52là où l'ennemi dit,
27:54c'est par là, avec une division blindée.
27:58Ainsi Leclerc donne l'ordre
28:00au colonel Gravier
28:02de traverser la forêt de Mondon
28:04pour prendre les allemands à revers.
28:06Difficulté majeure de cette mission,
28:08l'accessibilité de la forêt
28:10aux engins motorisés.
28:14Le colonel Gravier
28:16a fait donc abattre des arbres,
28:18a construit
28:20avec les moyens de l'ADB,
28:22une route pour pouvoir
28:24sortir de la forêt
28:26et débusquer l'ennemi à revers.
28:28Et pour faire passer
28:30des chars,
28:32cette route a été pavée
28:34avec des blocs de granit,
28:36des maisons qui avaient été
28:38détruites à Ruincourt.
28:42Ruincourt, village martyrisé
28:44lors du repli des allemands,
28:46n'est plus alors qu'un champ de ruines.
28:49Dans la forêt de Baccarat,
28:51on est tombé sur des gamins
28:53de 16-17 ans avec des armes.
28:55Guy Merle a rejoint l'ADB
28:57lors du débarquement de Normandie.
28:59A 19 ans, il est tireur de grenade
29:01sur Halftrack.
29:03Ils avaient peur.
29:05C'est pour ça que dans la forêt
29:07de Baccarat, on n'a pas eu
29:09à se battre terriblement
29:11parce qu'ils se rendaient.
29:13Une organisation minutieuse
29:15de l'attaque,
29:17le déplacement des sous-groupements
29:19organisés comme un ballet,
29:21des pertes très limitées,
29:23la bataille de Baccarat
29:25sera comparée à un menuet.
29:27Baccarat a été pris rapidement
29:29sans trop de pertes.
29:31Le menuet de Baccarat,
29:33c'est ma meilleure réussite
29:35qu'il a pu faire.
29:37Il n'y a pas eu de casse.
29:39Le pont devait sauter
29:41et j'arrivais à le protéger.
29:43Si le pont de Baccarat sautait,
29:45je n'allais plus y aller.
29:47J'avais mis des bombes d'avion,
29:49des tonnes d'explosifs.
29:51Dans la cristallerie de Baccarat,
29:53épargnée miraculeusement,
29:55Leclerc va sabler le champagne
29:57dans un service
29:59qu'avait commandé le maréchal Guering.
30:01Avec les Vosges désormais
30:03en ligne de mire,
30:05Leclerc n'a jamais été aussi proche
30:07de réaliser son serment prononcé à Koufra.
30:09Faire flotter nos trois couleurs
30:11sur la flèche de la cathédrale
30:13Mais l'occupant a mis en place
30:15une ligne de défense
30:17qui s'appuie sur le relief des Vosges.
30:19La deuxième débaie est contrainte
30:21de temporiser.
30:23Leclerc est toujours à l'affût
30:25de la moindre petite chose
30:27qui permettrait d'avancer
30:29ou d'attaquer
30:31et de gagner du terrain.
30:33C'est son tempérament
30:35et il est toujours là.
30:37Et puis il tutoie tout le monde.
30:39Il dit, qu'est-ce que tu fais ici ?
30:41On s'avance, on s'avance.
30:43Un impatient chronique, oui.
30:45Et il nous l'a toujours prouvé
30:47depuis la Normandie.
30:49Leclerc, c'est un homme
30:51qui est près de ses troupes
30:53et on sent qu'il veut la victoire
30:55à tout prix, lui.
30:57On peut dire qu'il a eu la baraka, lui.
30:59Comme on disait.
31:01Parce que Leclerc, pour aller plus vite,
31:03il était au milieu du quatre-fours
31:05sur un bombardement allemand
31:07avec la canne et il disait,
31:09moi je conduisais,
31:11j'avais la pédale à fond.
31:13Il fallait tout le temps avancer.
31:15La dixième DBJ, elle n'a jamais reculé.
31:17Jamais.
31:19Le général Leclerc, il était en première ligne
31:21tout le temps, partout.
31:23Surtout qu'il y avait des oeufs qui tombaient,
31:25tout le monde à plat bord de mon père Leclerc,
31:27debout, il ne s'accouchait jamais devant les oeufs.
31:29Mais non, c'était exceptionnel.
31:31La première fois que j'ai vu le général Leclerc
31:33en Normandie,
31:35le général Leclerc est arrivé avec sa Jeep
31:37et nous a demandé
31:39ce qu'on faisait là.
31:41Alors ma coéquipière lui a dit,
31:43mon général, on ramasse un blessé.
31:45Alors il lui a donné un coup de canne
31:47et après, ma coéquipière disait,
31:49pourvu que j'ai un bleu et que je le garde
31:51toute ma vie, c'était
31:53sorcier.
31:55C'est-à-dire que j'ai un bleu
31:57et que je le garde toute ma vie.
31:59Ça aurait été
32:01un souvenir
32:03du général Leclerc.
32:05Pour attaquer
32:07Strasbourg, Leclerc imagine
32:09une tactique en plusieurs temps.
32:11Quand on est en Lorraine,
32:13il y a eu un simulage
32:15réel
32:17de départ en permission
32:19des plus anciens, qui étaient
32:21largement ventilés dans l'armée,
32:23les Allemands.
32:25Ils ont dû dire, l'attaque de Strasbourg
32:27n'aura pas lieu avant le printemps.
32:29L'intox
32:31semble fonctionner. Le 20 novembre
32:331944, le général
32:35donne l'ordre aux troupes de Massus
32:37de traverser les Vosges.
32:39L'itinéraire semble invraisemblable.
32:41Et c'est là
32:43où il a été décidé de faire
32:45passer Massus
32:47par le Dabot,
32:49ce qui était invraisemblable, de se dire
32:51qu'on va faire passer des chars
32:53par le Dabot.
32:55Je survolais.
32:57J'étais en liaison directe avec Massus.
33:01Je pense que nous avons été
33:03tirés par un industrieux,
33:05je n'en sais rien. Les commandes n'ont plus répondu.
33:07Rien n'a répondu.
33:09Mon pilote a été
33:11blessé.
33:13Nous avons atterri en catastrophe.
33:15Je me suis retrouvé la tête en bas,
33:17les jambes en l'air.
33:19Il y avait une ambulance qui est venue
33:21assez vite. Le chargé est venu.
33:23Il m'a dit que j'avais peu de choses.
33:25Enfin, il faut rester une huitaine de jours
33:27à l'hôpital.
33:29L'après-midi, j'ai taillé la route.
33:31Je me suis évanoui de l'hôpital.
33:33Je me suis dit que ça va.
33:35Je ne vais pas rester à l'hôpital.
33:39Privés d'avions d'observation,
33:41les troupes continuent la difficile ascension
33:43du col du Dabot.
33:45La DB va tomber sur un ennemi en pleine déroute.
33:49On s'est retrouvés avec
33:51des colonnes allemandes.
33:53Des colonnes allemandes
33:55qui se repliaient, bien sûr,
33:57mais qui se repliaient
33:59comme nous on se repliait en 1940.
34:01C'est-à-dire dans la pagaille la plus
34:03invraisemblable.
34:05L'armée allemande qui se
34:07flattait d'avoir beaucoup de blindés
34:09et des éléments modernes
34:11ont rencontré surtout
34:13beaucoup de charrettes avec des chevaux
34:15mélangées avec des Allemands à bicyclette.
34:17Les charrettes,
34:19j'allais pas dire presque en brouette,
34:21mais presque.
34:23Pour dégager la route,
34:25on n'hésitait pas
34:27à harponner les charrettes avec les chevaux
34:29qu'on balançait dans les ravins.
34:31On doublait les voitures hippo-mobiles.
34:33Il y avait tout le matériel qu'ils avaient volé.
34:35Les chars, il y avait un petit coup de...
34:37Les chars disaient, tenez-vous bien.
34:39Hop, un coup de cul du char,
34:41les chevaux...
34:43Les chevaux, les bonhommes, tout.
34:45Le clair a dit,
34:47on m'a su foncer
34:49comme des brutes.
34:51Arrivée au Dabo,
34:53c'est la descente sur la plaine d'Alsace.
34:55Strasbourg n'a jamais été aussi proche.
34:57Saverne est libérée
34:59le 21 novembre.
35:01Falsbourg, le 22.
35:03Comme dans une course,
35:05et pour ne pas laisser le temps à l'ennemi de se réorganiser,
35:07le 23 novembre,
35:09l'ordre est donné à tous les groupements
35:11de foncer sur Strasbourg.
35:13L'armée d'Alsace est traversée d'une seule traite.
35:15Les premiers accrochages
35:17ont lieu devant les forts de défense
35:19qui ceinturent la capitale alsacienne.
35:23Quand vous engagez le combat,
35:25l'ennemi s'accroche,
35:27on n'a plus peur du tout.
35:29Vous ne vous pensez
35:31à rien.
35:33Dans le char,
35:35c'est une chaleur épouvantable.
35:37Les douilles
35:39du canon tiré
35:41sont bouillantes.
35:43Les douilles
35:45de mitrailleuse,
35:47c'est la même chose.
35:49C'est terrible,
35:51parce que tirer au canon 75,
35:53ça fait du bruit.
35:55C'est pas large.
35:57Elle fait un mètre, la tourelle.
35:59Il fallait dégager les douilles
36:01très vite. Il fallait faire un tas de choses très vite.
36:03Et remplacer les bandes de mitrailleuses
36:05très vite aussi.
36:07Au premier combat que l'on avait,
36:09on tombait sur des gens
36:11qui avaient l'habitude du combat
36:13ou ceux qui ne l'avaient pas.
36:15Quand ce n'était pas des troupes aguerries,
36:17on voyait un ou deux gars
36:19qui se rendaient.
36:21S'ils se rendaient eux-mêmes,
36:23ça voulait dire que finalement,
36:25la formation n'était pas là.
36:27Nous sommes les premiers à entrer
36:29à la Porte de Pierre,
36:31et Rouvillois envoie ce message
36:33à Leclerc.
36:35« Tissus et dans l'iode »,
36:37ça voulait dire que Rouvillois
36:39est dans Strasbourg.
36:41Les ordres que l'on recevait,
36:43« Foncez, foncez, foncez, foncez ! »
36:45Alors, on entendait
36:47que ce mot « foncez ».
36:49C'était l'ordre d'aller à Strasbourg.
36:51C'était l'ordre d'aller à Strasbourg.
36:53C'était l'ordre d'aller à Strasbourg.
36:55Et pour aller vers le pont de Caille,
36:57il fallait traverser
36:59toute la ville de Strasbourg, bien sûr.
37:01Il n'y a pas eu d'Allemands,
37:03de batailles de chars de rue,
37:05ni rien, voyez ?
37:07Moins qu'à Paris.
37:09Strasbourg est tombé
37:11comme un petit village.
37:13Une boulangerie avec une queue,
37:15pas possible,
37:17et une porte qui s'ouvre,
37:19et un officier qui sort,
37:21un officier avec une bande rouge,
37:23avec une bande rouge, là.
37:24Je lui ai demandé ses papiers, c'était un colonel.
37:27Ils y croyaient pas, d'abord, les Allemands.
37:29Ils baratinaient, hein.
37:31Les Français sont loin, ils sont à 100 km.
37:35Oui, on était là.
37:36La ville, elle s'est réveillée.
37:38Les Allemands sortaient des maisons avec leurs femmes au bras, etc.
37:42On était tous surpris de voir que, finalement,
37:44y avait pas de troupe devant nous.
37:46Y avait pas de troupe devant nous.
37:47Les combats, on les a à proximité du pont de Kehl.
37:51L'importance du pont de Kehl, c'était l'entrée en Allemagne.
37:54Leclerc avait demandé, justement, de franchir Kehl
37:58et de faire une tête de pont en Allemagne.
38:02Mais, malheureusement, le pont de Kehl a été éliminé
38:05et il a sauté devant nous.
38:12Les combats sont concentrés le long du Rhin.
38:15L'ennemi verrouille l'accès vers l'Allemagne.
38:18Une garnison allemande, recluse dans le fort Ney,
38:22est encerclée par des éléments de l'ADB.
38:24Nous avons pris position autour des sorties du fort Ney,
38:29où nous savions qu'était cantonné le général Vaterhut,
38:32qui commandait Strasbourg.
38:34Mais Vaterhut ne voulait pas se rendre tout de suite
38:36parce qu'il avait des personnels SS avec lui
38:39qui voulaient se battre.
38:41Au petit jour,
38:42nous avons reçu l'assistance d'une batterie américaine de 155
38:46qui a dû lâcher une bordée d'obus de 155 dans la cour du fort,
38:50qui ont décidé Vaterhut à se rendre, finalement.
38:53Et si bien que nos pelotons ont reçu la reddition de Vaterhut
38:57et de ses 600 hommes,
38:58600 Allemands, il y avait une pile de pistolets
39:01qui avait 1,52 mètre de haut, presque.
39:05C'était fantastique.
39:10Musique de bataille
39:12...
39:25C'était l'apothéose,
39:26parce que c'était la réalisation du serment de Koufra
39:29qui avait été fait trois ans plus tôt.
39:31Et en même temps, c'était pour Leclerc
39:34le summum de ce qui pouvait lui arriver
39:36au point de vue victoire.
39:38Applaudissements
39:39Et après la prise de Strasbourg, c'était le lendemain ou le surlendemain,
39:43Leclerc se retourne vers Dio et dit,
39:45« Mon vieux Dio, maintenant, on peut crever tous les deux. »
39:48Musique de bataille
39:50...
39:56Vous auriez vu à Strasbourg,
39:58les dégâts qu'on a fait à l'imposte,
40:00il y avait les grandes photos d'Hitler.
40:02Il avait pris tous les enchaines.
40:04Rires
40:05Et alors ?
40:06Des fous, quoi.
40:08Le serment de Koufra tenu,
40:10d'autres batailles attendent ceux de la DB,
40:13notamment plus au sud, autour de Colmar,
40:15où les Allemands sont concentrés.
40:17C'est alors qu'un fait nouveau se produit.
40:19L'état-major, soucieux d'unifier les forces françaises,
40:23impose à la 2e DB
40:24de passer sous les ordres du général Delattre de Tassigny.
40:28Le général commande la 1re armée, déjà forte de 260 000 hommes.
40:33Une situation redoutée par Leclerc.
40:35Il pouvait pas se voir.
40:37Il pouvait pas se voir.
40:38Leclerc considérait Delattre comme un organisateur,
40:41un comptable,
40:43pour compter les chemises, les chaussettes, les...
40:47Vous voyez ? Pas un tacticien de guerre.
40:50Delattre, il reprochait à Leclerc d'être un chanceux
40:54et d'avoir eu une promotion trop rapide.
40:58C'est vrai.
40:59Il était capitaine, et il sort tout le général
41:02en 1 an et demi.
41:04Ben oui, mais c'est la guerre, ça.
41:07Vous débarquez en Normandie, les privilégiés des Américains.
41:11On est l'armée à De Gaulle.
41:14On libère Paris.
41:16On libère Strasbourg.
41:20La différence était flagrante.
41:22Leclerc a travaillé comme un cavalier.
41:25Il a envoyé des troupes en tête, lourdes ventes, disait-il.
41:29Et après, il n'y avait plus qu'à ramasser les restes.
41:33Delattre, lui, il parlait des blindés en disant la blindaille.
41:37Il ne savait pas s'en servir, apparemment.
41:39Ce n'est pas un pouce caillou de mon espèce
41:42qui peut se permettre de critiquer le général Delattre.
41:45Mais ça ressortait avec évidence de toutes ces manœuvres
41:49et ces commentaires déplaisants qui ont été faits sur nous.
41:55La DB a pour mission de faire la jonction avec la 1re armée
41:59afin de vider la poche de Colmar des occupants.
42:02La rudesse de l'hiver va considérablement ralentir la progression.
42:11En Libye, on dormait,
42:13où la journée faisait 50 degrés.
42:17Au début de la campagne d'Alsace, on dormait, il faisait moins 5, moins 10.
42:21On dormait sous les chars ou sous les véhicules.
42:25Quand on pouvait dormir dans les maisons, on dormait dans les maisons.
42:30On trouvait une tendance qui n'était pas du tout celle que nous avions avec les Américains,
42:34parce que Delattre nous négligeait
42:39pour donner la faveur de nos approvisionnements
42:42à ses troupes, à lui et pas à nous.
42:44Ce qui a amené le fait que nous avons attaqué
42:47les derniers villages d'Alsace jusqu'à Fessenheim,
42:51que nous n'avons pas pu prendre, puisque nous étions dépourvus de munitions,
42:54desquelles Delattre avait demandé qu'on les livre
42:58à ses troupes qui montaient du sud,
43:01mais qui n'étaient pas encore arrivées à Fessenheim, alors que nous étions dessus.
43:04Les soldats de la 2e DB vivent mal les dissensions dans le commandement.
43:09Delattre semble vouloir faire de la libération de Colmar une affaire personnelle.
43:13Cette percée majestueuse de Strasbourg
43:17avait irrité Delattre, qui était jaloux,
43:20et il a dit que pour avoir le même panache, il faut que je descende des Vosges
43:24avec comme une ruée sur Colmar,
43:26moyennant quoi il a simplement perdu 2 à 3 mois
43:30et 3 000 hommes de plus que ce qu'il fallait.
43:34Quoi qu'il en soit, Delattre va savourer sa victoire.
43:37Colmar est libéré le 9 février 1945.
43:41Pour les hommes de la 2e DB,
43:42tous les regards sont désormais tournés vers l'Allemagne.
43:45L'objectif ultime est de prendre une part active
43:48dans l'anéantissement final du Reich.
43:51Vers la fin du mois d'avril,
43:52les hommes de Leclerc repassent sous commandement américain.
43:55L'épopée continue.
43:57Un beau jour, on reçoit l'ordre de repartir vers l'Allemagne.
44:01Et alors là, on franchit le Rhin sur un pont de bateau
44:04qui est au nord de Strasbourg.
44:06Oui, on a traversé le pont du Rhin.
44:08J'ai encore une photo de ce qu'on a traversé sur le côté de Rastatt, là-bas.
44:11Sur les bateaux, sur un pont de bateau.
44:14Un pont de bateau.
44:15Nous avons traversé le Rhin,
44:16nous avons traversé le même jour le Rhin et le Danube.
44:19Pour un soldat, je pense qu'avoir traversé le Rhin et le Danube le même jour,
44:23c'est...
44:24À la guerre, ça éveille quelque chose.
44:32Vous savez, quand on est en Allemagne, on traverse des villages,
44:36il n'y a pas une fenêtre où il n'y a pas un drapeau blanc.
44:39Ah, ils ne boisaient plus avec la croix gammée, là.
44:42Ah non, c'était tous des drapeaux blancs.
44:43Les Allemands faisaient profil bas.
44:47Et en général, il n'y avait pas beaucoup d'hommes.
44:50On avait affaire à des personnes âgées, souvent.
44:53Dans les chaumières ou dans les maisons allemandes,
44:56c'était comme chez nous.
44:57Sur les buffets, vous aviez des photos de militaires
45:00avec un bout de drap noir.
45:02C'était des fils ou des pères ou des maris qui étaient morts en Russie.
45:10Après avoir traversé l'Allemagne en un temps record,
45:13les soldats de Leclerc arrivent aux portes de Munich.
45:16Certains éléments, dépêchés pour une mission humanitaire,
45:19pénètrent, à la suite des Américains,
45:21dans le camp de concentration de Dachaux.
45:25Le camp de Dachaux avait été libéré la veille.
45:29C'était terrible.
45:31Ma première image, moi, du camp de Dachaux,
45:35c'était ce monceau de cadavres.
45:39Les morts n'avaient pas tous été incinérés, encore.
45:49Au camp de Dachaux, alors là, pour moi,
45:52ça reste dans mes yeux un spectacle inoubliable et désastreux.
45:58De voir tous ces gens décharnés,
46:00ces gens qui étaient sans vie,
46:04pour lesquels on avait fait venir des GMC pour les embarquer,
46:08pour les emmener dans des hôpitaux où ils auraient été soignés.
46:12Ils nous prenaient pour des Allemands parce qu'on avait nos armes
46:16et ils voulaient pas monter dans les camions.
46:18Au même moment, la 2e DB est en vue des Alpes autrichiennes.
46:23L'objectif est de foncer sur Berchtesgaden,
46:25symbole de la grandeur du Reich.
46:29Assez tôt, notre lieutenant nous dit, les gars, dépêchez-vous,
46:33on va chez Hitler.
46:36Le 4 mai, les troupes américaines et françaises
46:39s'emparent de Berchtesgaden.
46:41Sur les hauteurs de la station se trouve le Berghof,
46:44la résidence d'Hitler,
46:46entourée par celle des plus hauts dignitaires nazis.
46:50Nous, nous avons attaqué jusqu'au Berghof,
46:53le Berghof où il y avait encore des unités SS allemandes
46:57qui tenaient le Berghof,
46:59pour éviter qu'on attaque le Nid d'Aigle.
47:04Plus haut, à 1800 m, se trouve le chalet d'altitude du Führer,
47:09le fameux Nid d'Aigle.
47:10Ultime refuge construit sur un pic rocheux,
47:13d'où furent prises tant de décisions qui firent trembler le monde.
47:18Les Américains n'avaient pas du tout pensé qu'il y avait le Nid d'Aigle
47:22et cette enceinte
47:26réservée à Hitler et son entourage.
47:32Sur le Nid d'Aigle, les Français sont les premiers
47:34à hisser le drapeau tricolore.
47:43Pendant ce temps-là, les Alliés investissent le Berghof.
47:46La résidence d'Hitler a été volontairement pillée et incendiée
47:50par le détachement SS qui en assurait la garde.
47:53Pour le Reich, la défaite est complète.
47:56Les Américains sont arrivés très peu de temps après nous.
48:00Le vin a coulé à flanc partout.
48:02J'ai dit, quel gâchis !
48:04Même s'il y a de bonnes bouteilles,
48:06toujours buvées d'un petit moment.
48:09Sous la maison du Führer,
48:11un dédale de souterrain témoigne de la mise à sac volontaire des SS.
48:15Rien n'a été épargné.
48:17Les œuvres d'art pillées s'entassent dans un chaos indescriptible.
48:25Les résidences autour du Berghof ont subi un sort identique.
48:29Miraculeusement, l'une d'elles a été épargnée.
48:32Georges Mailleu est dans les premiers à pénétrer à l'intérieur.
48:36Quand on l'a visitée,
48:38j'ai trouvé ce livret.
48:40Landhaus Hermann Göring, c'est-à-dire, la traduction est facile,
48:45c'est la maison de campagne d'Hermann Göring.
48:49La première photo, c'est ce qu'on avait aperçu.
48:52La villa est exactement comme sur la photo,
48:57c'est-à-dire aucune destruction.
48:59Et puis, quand on rentre dans cette villa,
49:03ici, c'est tout simplement un salon.
49:07Ici, c'est le bureau d'Hermann Göring.
49:11On s'en aperçoit, à ce moment-là,
49:14parce que ce livret est sur son bureau.
49:18Là, c'est à la manger,
49:19avec toute l'argenterie, d'ailleurs,
49:22que j'ai empaquetée pour mon capitaine.
49:26Le lieutenant ne s'en intéressait pas.
49:29Tout le monde s'est servi chez les Görings.
49:32Oui, là où il y avait quelque chose à prendre.
49:37Le 8 mai 1945, dans une petite école de Reims,
49:41les grands chefs alliés reçoivent la capitulation de l'Allemagne.
49:45La guerre est finie.
49:47Dix jours plus tard, sur l'aérodrome d'Augsbourg,
49:50les 4000 véhicules de la DB
49:53défilent une dernière fois pour l'honneur
49:55et en mémoire des 1700 morts et des 3300 blessés
49:59de l'épopée Leclerc.
50:01Là, on se retrouve tous ensemble,
50:03tous ensemble sur cet aérodrome d'Augsbourg,
50:06où tout l'ensemble de la DB est rassemblée
50:09et en rang pour accueillir de beaux hommes.
50:21Le parfait discours est passé de pratiquement d'homme à homme
50:25et avec un mot gentil pour chacun.
50:27On n'a pas servi. On était en Afrique, avec les fusils derrière.
50:31Ah oui, avec les chars et tout.
50:33Augsbourg, c'était la fête de la victoire de la 2e DB.
50:39Parce que notre chef est là.
50:42On ne le voyait pas souvent, de Gaulle, nous.
50:45Alors on savait qu'on allait défiler,
50:49toute la 2e DB.
50:51Et surtout qu'on était un pays allemand.
50:54Ils étaient battus.
50:55Et nous, on allait défiler sur leur sol.
50:57Ils voulaient nous asservir et puis on était les vainqueurs.
51:02Alors c'était formidable, c'est le fond.
51:07Ce n'était pas une fête.
51:08Nous, on était avec un groupe d'amis.
51:11On était même un peu tristes en se disant
51:15qu'on allait se séparer.
51:17C'est une aventure.
51:30L'aventure se terminait.
51:32Heureusement.

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