Regardez Lenglet-Co avec François Lenglet du 10 juin 2024
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00:00 - Bonjour François Langlais. - Bonjour Yves.
00:02 - Vous nous dites ce matin que la véritable raison de la dissolution de l'Assemblée nationale, c'est le budget impossible pour la France en 2025.
00:09 - Oui, vous vous souvenez du budget 2024 qui n'avait été adopté qu'avec le recours, le secours de l'article 49.3,
00:16 c'est-à-dire la procédure du vote bloqué où le gouvernement met en jeu sa responsabilité.
00:22 Dans cette procédure, on vote pour ou contre le gouvernement et si ce dernier remporte l'affaire,
00:28 le texte est réputé adopté.
00:30 Le budget 2025, examiné bien sûr après les Jeux Olympiques, n'aurait pu être adopté qu'avec cette même procédure.
00:37 - Dites-nous, c'était possible de l'utiliser ?
00:39 - Techniquement oui, mais politiquement non. L'année dernière, le recours à l'article 49.3 justement a été utilisé une quinzaine de fois pour le budget,
00:48 et aussi pour la réforme des retraites d'ailleurs.
00:50 Ça a scié les pattes du gouvernement Borne.
00:52 Ça a été, disons, le signe de son impuissance.
00:56 - Et ça aurait pu fragiliser le gouvernement Attal ?
00:58 - Ça l'aurait tué. Ça l'aurait tué et le président avec lui, parce que la situation politique s'est durcie depuis l'année dernière,
01:05 et la situation budgétaire s'est détériorée.
01:07 Le risque était très élevé de rencontrer une motion de censure,
01:10 c'est-à-dire que le gouvernement soit renversé par un vote de défiance à l'occasion du budget.
01:15 Macron devance l'appel en quelque sorte, en choisissant le moment de l'épreuve plutôt qu'en le subissant.
01:21 C'est la dernière cartouche de quelqu'un qui ne peut plus gouverner.
01:25 - Et en quoi la situation budgétaire s'est-elle détériorée ?
01:28 - Jamais la France a été dans une situation si préoccupante.
01:32 Depuis probablement le début de la Ve République, 5% du PIB de déficit au moins,
01:38 et plus de 110% de dettes publiques.
01:40 C'est maintenant l'un des pays d'Europe où les finances publiques sont les plus abîmées,
01:44 par les dépenses très importantes qui ont été faites.
01:47 Ça exige un redressement vigoureux avec au moins 20 milliards d'euros d'économie.
01:52 Gabriel Attal et Bruno Le Maire, ministres des finances, n'ont pas les moyens de faire passer un tel programme.
01:58 C'était l'explosion assurée à l'Assemblée Nationale.
02:01 - Même si le président gagne son pari, aura-t-il les moyens de faire voter un tel budget ?
02:06 - Non, non. La journée d'hier a fait au moins un mort, c'est le redressement budgétaire français,
02:10 qui n'aura pas lieu sous présidence Macron.
02:13 Parce qu'en effet, c'est implicite dans votre question,
02:16 s'il existe une possibilité pour le président de bloquer l'accès au pouvoir du RN,
02:21 cela ne peut être qu'avec une coalition brûlante, hétéroclite,
02:26 avec une partie de la droite et de la gauche,
02:28 qui jamais ne s'accorderont sur autre chose, en matière économique, que de nouvelles dépenses.
02:34 - Ce serait donc une victoire très chèrement payée ?
02:36 - Oui, elle est d'abord très incertaine, vous savez, cette dissolution décidée hier me fait penser à la phrase de Bismarck,
02:42 "Faire la guerre préventive, c'est comme se suicider par peur de la mort".
02:46 Et elle n'a guère de chance de rendre le pays plus gouvernable,
02:49 vu le rapport de force politique, parce que Macron n'a pas vraiment d'interlocuteur dans l'opposition,
02:53 qu'il appelle "républicaine".
02:55 Et si même elle advenait, elle a toute chance de se traduire par une politique réduite
03:00 au tout petit dénominateur commun des partis dits "traditionnels".
03:04 Il est possible que ce second quinquennat mal né,
03:07 se soit en réalité terminé hier soir.
03:09 La première défaite électorale, c'était les législatives de juin 2022,
03:13 l'avait blessée gravement.
03:15 La seconde défaite, hier, l'a interrompue, et une troisième épreuve se profile,
03:19 où c'est désormais le mandat présidentiel qui est en jeu.
03:22 - Merci beaucoup François Langley.