Charlotte d'Ornellas, journaliste, explique la progression du Rassemblement national dans l'ouest de la France.
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00:00 - Comment expliquer cette évolution malgré les dénonciations médiatiques de la classe politique assez unanime du monde culturel
00:07 qui est une condamnation assez ferme quand même ?
00:09 - C'est vrai, en fait là où vous avez raison c'est que c'est unanime.
00:12 Alors dans le monde culturel on comprend bien que de toute façon celui qui se tait est déjà suspect
00:17 parce qu'il faut le proclamer. Dans le monde médiatique on en parle assez régulièrement
00:22 et dans le monde politique même c'est devenu un réflexe.
00:24 Vous savez, il y a certaines personnes qui disent objectivement exactement la même chose deux minutes après Marine Le Pen
00:29 un sujet extrêmement précis mais il faut quand même qu'ils précisent qu'ils n'ont rien à voir avec le Rassemblement National
00:33 donc c'est vraiment un réflexe. Donc là où vous avez raison c'est que c'est permanent, ce réflexe est permanent
00:38 et pourtant le vote progresse. La condamnation elle est toujours morale
00:42 c'est-à-dire que ce réflexe là il est toujours moral et le ressort est la dégradation bien réelle du pays.
00:49 Or personne ne l'émet jamais, en tout cas ceux qui le dénoncent, quand vous avez sur certains sujets
00:55 on dénonce le Rassemblement National et on dit par exemple sur le terrain de l'immigration
00:59 mais quand vous voyez, quand vous déclinez ce sujet et que dans tous les sondages
01:04 7 Français, c'est les fameux 7 Français sur 10 qui répondent qui sont inquiets sur la délinquance
01:08 inquiets sur l'insécurité, inquiets sur les proportions d'immigration
01:12 qu'ils veulent une réduction du nombre d'immigration, qu'ils veulent favoriser les expulsions
01:17 c'est toujours 7 Français sur 10. Or c'est précisément sur ce terrain là
01:21 que l'on reproche moralement son positionnement au Rassemblement National.
01:24 Alors évidemment le Rassemblement National ne prend pas 7 Français sur 10
01:27 il n'empêche que vous avez une réserve de gens d'accord dans ce pays
01:33 avec les raisons pour lesquelles on dénonce le Rassemblement National
01:36 qui dessine un fossé abyssal, c'est-à-dire qu'on pourrait au minimum
01:40 traiter la réponse de ce parti comme on traite la réponse de tous les partis
01:43 c'est-à-dire de manière rationnelle. Ça n'est toujours pas le cas.
01:47 Or les trois ressorts du vote, ils sont évidemment en permanence dans les débats
01:52 l'insécurité économique, je vous en parle pas, on en parle en permanence
01:55 l'insécurité tout court, eh bien on reproche précisément...
01:59 C'est ça, l'insécurité physique, on reproche précisément à CNews
02:03 de s'être intéressé à cette question dans un récit médiatique qui voulait l'invisibiliser
02:08 c'est donc bien qu'elle existe puisqu'on ne reproche pas à CNews de s'y intéresser sur le fond
02:12 on ne conteste pas les faits qui sont sortis par CNews
02:15 on explique juste qu'il ne faudrait pas en parler.
02:17 J'ai toujours pas compris l'argument mais c'est pas grave.
02:19 Et la question évidemment de l'insécurité culturelle
02:22 qui est là en permanence dans nos débats.
02:24 Or l'addition de ces trois insécurités explique la progression de ce vote.
02:29 L'addition, et c'est ce que disait Mathieu tout à l'heure,
02:31 à force de vouloir le sectionner on a l'impression que les gens dans leur vie
02:34 il y a un sujet qui doit les intéresser au moment d'aller voter
02:36 mais nos vies elles sont faites évidemment de beaucoup de préoccupations en même temps.
02:40 On peut évidemment le comprendre, cela se retrouve d'ailleurs dans l'hétérogénéité
02:45 des électeurs du Rassemblement National
02:47 sinon on ne comprend pas, s'il y a une seule raison pour laquelle vous allez voter
02:50 en effet il devrait y avoir une uniformité absolue des électeurs.
02:53 C'est pas vrai dans les autres parties, il y a évidemment des classes qui se dessinent
02:56 mais c'est pas vrai complètement, c'est pas vrai là non plus.
02:59 Et on a évidemment des électeurs qui ont plusieurs préoccupations en même temps
03:04 et simplement pour le faire, même si, prenons l'exemple,
03:07 parce que Mathieu vous évoquiez tout à l'heure le sondage
03:10 qui place l'immigration en première préoccupation.
03:12 Mais prenons la situation au moment de l'élection présidentielle.
03:16 Le pouvoir d'achat était présenté comme la première préoccupation.
03:19 Mais quand vous allez voter, votre première préoccupation c'est le pouvoir d'achat
03:23 mais vous avez d'autres préoccupations.
03:24 Donc vous vous dites le pouvoir d'achat, d'accord c'est important,
03:26 il y a tel, tel, tel parti qui me donne une réponse qui me satisfait là-dessus.
03:30 Et vous ajoutez, mais par exemple, l'immigration c'est aussi une préoccupation.
03:33 Donc vous ajoutez celle-là et là il y a certains partis
03:36 qui ne correspondent plus du tout à ce que vous vouliez.
03:38 Donc même là, l'immigration est évidemment un ressort important
03:41 si vous choisissez le Rassemblement National plutôt que quelqu'un d'autre.
03:45 Et la préoccupation dans ces trois domaines augmente partout dans le pays
03:50 et également dans l'Ouest, pour reprendre votre première question.
03:54 Évidemment, la question du déclassement économique de l'Ouest a été très longtemps préservée.
03:59 Aujourd'hui il y a des usines qui ferment, des gens au chômage, etc.
04:01 La question de la délinquance Nantes étant l'exemple absolument parfait.
04:05 On a beaucoup parlé de cette dégradation hallucinante de la ville de Nantes
04:09 où il faisait extrêmement bon vivre il y a encore peu de temps.
04:12 Et souvenez-vous de la question de la répartition des migrants
04:15 qui s'est invitée dans beaucoup de villages en Bretagne.
04:17 Il est absolument évident que tous ces sujets préoccupent les Bretons
04:21 comme ils préoccupent tout le reste des Français.
04:23 [Musique]
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