Formatrice contre les violences sexistes et sexuelles.
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00:00Isabelle Meyer, bonjour. Vous êtes formatrice chez Greenworking, c'est-à-dire que vous allez donc dans les entreprises pour
00:08faire des formations, des formations théâtralisées, pour sensibiliser sur le sujet. Est-ce que vous êtes bien accueillie ?
00:15Alors effectivement on intervient sur un sujet qui est assez brûlant, sensible, complexe.
00:20Donc on intervient dans tout type de structures, donc vous parliez par exemple du monde de la santé, effectivement on intervient dans des grandes
00:26organisations comme dans des plus petites structures.
00:28Et c'est vrai que c'est un sujet sur lequel on sent que les mentalités évoluent.
00:31Je pense que vous le voyez bien d'ailleurs, comme vous êtes au coeur de l'actualité, donc on en parle de plus en plus, la
00:35sensibilisation du grand public évolue.
00:37Mais on voit que dans les chiffres, en tout cas, les taux de violence restent quand même stables depuis des années.
00:41C'est ce que les rapports, les études nous disent, 8 femmes sur 10 qui disent être victime de propos de comportements sexistes au travail.
00:47Ce qui veut dire que souvent on nous dit, chez nous ça n'existe pas.
00:50Pourtant statistiquement on voit que 8 femmes sur 10 qui le disent, ça veut dire que dans une équipe de 80 personnes,
00:55si vous avez par exemple une cinquantaine de femmes, ça veut dire que 40 femmes sur 50 sont concernées.
01:00Donc effectivement on voit qu'il y a quand même des freins encore à lever et que le sujet en tout cas mérite d'être
01:05investiguée de manière effectivement apaisée et constructive.
01:07Et comment vous expliquez ces freins et surtout comment vous les levez ? Est-ce que vous arrivez à le faire avec vos formations ?
01:12Alors effectivement les freins, on le voit, on intervient sur un sujet qui
01:16effectivement en tout cas est au coeur de l'actualité aujourd'hui mais est perpétué quand même depuis un
01:20certain nombre d'années. Donc effectivement les principaux freins, nous qu'on peut voir en tout cas dans les contextes différents dans lesquels on intervient,
01:26c'est parfois une culture d'entreprise qui reste assez permissive, c'est-à-dire un peu ce côté on est une famille,
01:31on est amis au travail, etc. Et donc du coup derrière ça peut être plus compliqué de réagir quand il y a par exemple des blagues
01:37à caractère sexiste, des propos effectivement, des comportements qui peuvent être on va dire plus à risque parce qu'on se dit on veut pas être
01:43ostracisé du groupe familial.
01:44Il y a également parfois aussi le manque d'incarnation,
01:47par exemple au niveau de la direction, du top management. C'est vrai que si le management ne suit pas,
01:52c'est difficile après de faire évoluer les équipes en pratique.
01:55Donc voilà, il y a des freins encore à lever. Alors comment on le fait en pratique ? Est-ce qu'on y arrive ?
01:59En tout cas c'est tout l'enjeu et c'est ce qu'on s'évertue à faire on va dire au quotidien avec notamment ces formations théâtralisées.
02:05Si je suis face à un manager qui a un regard peut-être un petit peu déplacé ou une remarque un petit peu
02:13sexiste, voire ce ton condescendant ou paternaliste des fois qu'on peut avoir, comment je réagis ?
02:19Alors effectivement c'est ce qu'on voit nous dans le quotidien, c'est à dire c'est des remarques effectivement qui n'ont l'air de rien mais c'est
02:24parfois insidieux, c'est parfois sur le ton de la blague et donc c'est plus difficile de réagir
02:29parce qu'effectivement c'est cet humour de dénigrement qui fait qu'on
02:32on a plus de mal à voir effectivement au quotidien comment est-ce qu'on va réagir face au manager. Donc il peut y avoir plusieurs pistes.
02:38Effectivement la première c'est déjà d'ouvrir le dialogue avec des personnes en interne,
02:41c'est à dire on peut en parler à des collègues, on peut aussi en parler aux référents.
02:44Depuis 2019 le code du travail a évolué donc il y a maintenant des référents sur le sujet du sexisme au travail dans les
02:49organisations. Faut alerter tout de suite ? L'idée c'est effectivement d'alerter. Alors après la question de l'alerte elle pose aussi la question de la confiance,
02:55c'est à dire vers qui on peut se tourner en pratique, en qui est-ce qu'on a confiance.
02:58Donc c'est pour ça que l'idée c'est d'avoir plusieurs relais en interne
03:01et effectivement
03:02si le manager est impliqué on peut pas forcément en parler au manager direct mais il peut y avoir d'autres personnes dans l'encadrement aussi.
03:07Donc l'idée c'est de pouvoir alerter vis-à-vis d'une personne de confiance
03:10et aussi de pouvoir sensibiliser le reste du groupe, le reste de l'équipe pour éviter de se retrouver entre guillemets être le mouton noir
03:16qui est seul à réagir et de pouvoir avoir une vraie sensibilisation collective aussi. Mais est-ce que je peux
03:21moi dire à mon manager ou mon collègue qui me fait cette remarque
03:26tu n'as pas le droit,
03:27je vais en référer
03:30à mon supérieur ou au supérieur au dessus,
03:33enfin le remettre en place. Est-ce que ça se fait ? Est-ce que c'est facile à faire ?
03:38Alors déjà on peut le faire et je vous dirais même on en a le droit, c'est-à-dire ça c'est très important, la loi
03:43encadre maintenant aussi ce type de propos de comportement comme des agissements sexistes par exemple.
03:47Donc déjà le premier levier c'est de connaître effectivement la loi, c'est ce qu'on fait par exemple dans les formations, de pouvoir qualifier les situations.
03:53C'est déjà une première étape pour pouvoir réagir.
03:56Après est-ce que c'est facile de le faire ? Ça c'est effectivement une autre question, ça dépend bien sûr des contextes. On a toujours peur
04:01ensuite que ça nous retombe dessus. Voilà il peut y avoir peur effectivement des conséquences, des représailles etc.
04:07Donc effectivement c'est pour ça que l'idée c'est de pouvoir alerter vis-à-vis d'une personne de confiance.
04:11Peut-être de pouvoir en parler effectivement à une autre personne de l'encadrement.
04:15C'est tout à fait possible d'alerter par exemple le n plus 1 si on se sent en tout cas en situation de le faire.
04:20Mais effectivement voilà il y a différents leviers qu'on peut activer, on peut aussi tenir une sorte de carnet de bord, c'est-à-dire de se dire
04:24au quotidien là il y a une remarque qui était déplacée, est-ce que c'est répété ?
04:28Ça permet aussi de le factualiser donc derrière de pouvoir donner plus de force aussi à la remontée.
04:32Et tous ces conseils que vous donnez à travers vos formations, est-ce que c'est suivi ? Est-ce qu'il y a une véritable
04:40amélioration ensuite dans les entreprises et dans les
04:43rapports entre les hommes et les femmes dans le monde d'entreprise ? Ou alors c'est bon on m'a dit de faire la formation, je l'ai faite,
04:48ça c'est fait, maintenant c'est bon je suis immunisé et ça roule comme avant et il n'y a pas vraiment de changement ?
04:55Alors bien sûr une formation ne suffit pas pour faire évoluer en profondeur.
04:59Mais la bonne nouvelle c'est qu'on voit qu'il y a un vrai impact.
05:01C'est-à-dire on voit qu'effectivement la sensibilisation déjà évolue, c'est-à-dire il y a de plus en plus de personnes, y compris des hommes,
05:07qui viennent nous voir, qui nous disent effectivement c'est un sujet dont j'entends de plus en plus parler, sur lequel j'ai envie d'être plus
05:12témoin actif. Des hommes jeunes plutôt ou de tout âge ?
05:16Ce qui est intéressant c'est qu'on parle souvent des générations, donc on se dit les jeunes générations
05:20effectivement il va y avoir un vrai renouvellement des mentalités. Nous ce qu'on voit quand même dans les chiffres, dans la pratique,
05:24c'est qu'effectivement les jeunes générations sont plus sensibilisées, c'est-à-dire on en parle plus effectivement qu'il y a quelques années.
05:30Mais en fait si on regarde la proportion, par exemple dans les dernières études qui sont sorties, de personnes par exemple de 25-34 ans qui
05:36ont des propos des comportements sexistes parmi les jeunes hommes,
05:38en fait on en a encore un quart qui déclarent en tout cas le faire dans le quotidien de travail par exemple.
05:43Donc on voit qu'il y a une sensibilisation plus forte, mais en fait les personnes qui réagissent,
05:47souvent on va peut-être avoir plutôt des femmes jeunes qui vont prendre la parole, parfois des hommes jeunes, mais il peut y avoir aussi des femmes
05:52plus âgées ou des hommes plus âgés. Donc on voit qu'en fait il y a un enjeu de déconstruire un peu ces stéréotypes derrière aussi les actions.
05:56Est-ce qu'il y a beaucoup de réflexions, c'est quoi les réflexions auxquelles vous êtes le plus confrontés dans ces formations ?
06:02Alors j'ai la réflexion collector, c'est-à-dire celle qu'on entend le plus souvent, c'est on ne peut plus rien dire aujourd'hui,
06:07on va être dans un environnement aseptisé, on ne peut plus se faire de blagues.
06:10Et c'est vrai qu'on l'entend même nous, autour de nous aujourd'hui, et comment on répond à ça ?
06:15Ça veut dire que le message est mal passé, mal compris ?
06:18Alors ce qui est intéressant dans les formations, c'est que le but c'est vraiment de libérer la parole, c'est-à-dire on n'arrive pas avec une posture
06:23dogmatique en disant voilà ce qu'il faut faire et ne pas faire.
06:25L'idée c'est quand même que ce type de remarques puisse s'exprimer, puisque c'est important de le faire.
06:29Effectivement comment on réagit ?
06:31En fait quand on dit on ne peut plus rien dire, tu casses l'ambiance, etc., en fait on s'appuie sur un mécanisme qui est l'humour.
06:37Sauf que ce n'est pas l'humour général, c'est l'humour de dénigrement, c'est-à-dire on va avoir des propos à caractère sexiste puis on va essayer
06:42de faire passer ça sous couvert de la blague.
06:44Donc comment on y réagit en pratique ? Effectivement c'est déjà de reconnaître ce type de propos.
06:48On peut réagir sur le ton de l'humour aussi pour faire comprendre le message à l'autre personne, on peut interpeller aussi des personnes autour de
06:54nous et l'idée c'est de montrer qu'il y a un impact sur la personne qui est visée.
06:58Même si il n'y a pas une intention derrière la blague en fait c'est l'impact qui compte et c'est aussi de sensibiliser le reste du
07:02collectif.
07:02Si on est dans un environnement où il y a ce type de propos, de blagues à caractère sexiste répétées, qu'est-ce que ça constitue en pratique ?
07:08Un environnement qui n'est plus respectueux et là on est dans le cadre aussi de la légalité.
07:12Alors ces formations c'est très bien quand elles sont données en entreprise. D'ailleurs c'est des entreprises qui viennent vers vous, vous cherchez ?
07:18Beaucoup, oui beaucoup. Mais il y a aussi beaucoup d'entreprises, beaucoup de secteurs où il n'y a pas ces formations. Est-ce qu'il faut les rendre
07:24obligatoires ces formations ?
07:25Je vous dirais effectivement c'est important de le rendre obligatoire.
07:28Pourquoi ? Parce que c'est un peu comme pour tout type d'action de formation mais encore plus je dirais sur ce sujet là.
07:34Si on ne le rend pas obligatoire, le risque c'est qu'on sensibilise que les personnes qui sont déjà sensibilisées,
07:39qui vont venir sur la base du volontariat parce qu'elles sont intéressées par le sujet alors qu'en fait c'est un vrai enjeu
07:44de toucher tout le monde, y compris les personnes qui sont peut-être moins sensibles de base au sujet, qui sont peut-être moins intéressées,
07:49qui en voient peut-être moins l'intérêt aussi.
07:51Donc je vous dirais c'est important effectivement de rendre les formations obligatoires.
07:53Il y a des secteurs en priorité où il faudrait agir, où l'OMERTA est très forte ?
07:59Alors on intervient dans tout type de secteur, donc
08:02ce qu'on peut voir c'est qu'effectivement par exemple dans le secteur du bâtiment, dans l'industrie parfois, donc des milieux qui peuvent être plus masculinisés.
08:08Sans encore une fois que ce soit forcément intentionnel mais il peut y avoir une ambiance de travail qui peut être parfois
08:13voilà plus sur des propos sexistes du quotidien, sur des blagues entre guillemets un peu lourdes, donc on retombe dans cet humour là.
08:19Après finalement ce qui est intéressant c'est que quand on regarde encore une fois pour
08:22aller au-delà de la surface, on voit que tout type de secteur finalement est concerné, c'est-à-dire les stéréotypes qu'on peut avoir sur des milieux plus
08:28masculinisés ou même de se dire chez nous ça n'existe pas, parce qu'on travaille par exemple dans les médias etc, en fait on voit qu'en
08:34pratique encore une fois huit femmes sur dix, ça veut dire que statistiquement ça existe dans toutes les organisations.
08:38Et notamment aussi dans le milieu de la santé puisque
08:41le monde de la santé se mobilise ce soir, manifestation à 18h justement, pour alerter, pour lutter contre ces violences sexistes
08:48et sexuelles dans le monde de la médecine, avec encore ces fresques pornographiques qui existent dans les salles
08:53de garde notamment, et on se dit c'est plutôt un public averti parce qu'ils sont confrontés
08:57eux à ces violences sexistes et sexuelles via les patients. Comment ça se fait qu'on en arrive là encore aujourd'hui en 2024 ?
09:04Effectivement ça montre bien que finalement même dans les secteurs où on pense que la sensibilisation est plus forte, en fait il y a quand même un vrai sujet.
09:11Parce que souvent ce qu'on nous dit c'est aussi finalement nous on travaille sur ces sujets, ou alors nous on y est confrontés au quotidien, donc
09:16finalement on est déjà sensibilisés, on n'a pas besoin entre guillemets de formation. C'est une soupape quelque part pour
09:21enlever le stress et en rigoler.
09:24Exactement.
09:25Voilà, le secteur de la santé on sait ça peut être assez prenant au quotidien, assez pressurisant, donc en fait il y a aussi cette
09:31manière effectivement de se dire on décompresse avec ce type de propos, ce type de dessin pornographique, etc. Alors qu'en fait effectivement
09:38là on rentre encore une fois dans le cadre de l'illégalité si on vise aussi le regard de la loi. Est-ce qu'on va pas
09:44Isabelle Meyer vers une société
09:46cloisonnée, quand on voit que finalement il y a de plus en plus de femmes qui demandent des activités entre femmes, des salles de sport
09:53entre femmes, des bars entre femmes, dans certains pays c'est même des rames de métro réservées
09:57aux femmes. Est-ce que le risque, le danger c'est d'aller vers cette société là ? Est-ce que c'est pas un mauvais signal ?
10:04Alors effectivement c'est un point important que vous soulevez là, c'est-à-dire on se dit souvent c'est un sujet qui ne concerne que les femmes.
10:10Alors si on prend la réalité des chiffres, le fait est qu'il y a une très grande majorité de femmes qui sont victimes de propos
10:16sexistes, voire de harcèlement sexuel, beaucoup plus que les hommes.
10:19Mais on nous dit parfois voilà les hommes sont réticents sur le sujet, ne sont pas proactifs.
10:23C'est pas forcément qu'ils sont plus réticents par le sujet, c'est qu'effectivement ils sont moins directement visés par ce type de propos et de remarques.
10:29Donc ça c'est le premier point. Certains par leur sexualité. Par exemple, tout à fait.
10:33Et donc effectivement ce qui est important c'est de ne pas voir ce
10:36entre guillemets ce combat comme un combat entre hommes et femmes, donc c'est bien les hommes et les femmes ensemble en tout cas pour faire évoluer
10:41les mentalités. Donc il y a un vrai enjeu effectivement d'éviter qu'on arrive dans un cloisonnement où effectivement
10:46on se retrouve avec des activités qu'entre femmes ou qu'entre hommes.
10:49Après ce qui est important c'est de comprendre les raisons pour lesquelles les femmes demandent ce type d'activité.
10:53Souvent c'est effectivement parce qu'elles ont peur au sein de l'environnement de travail.
10:57Et parfois c'est une peur qui peut être effectivement réelle parce qu'il y a une ambiance de travail sexiste et c'est là où effectivement il faut
11:01agir en sensibilisant aussi les hommes et en montrant qu'effectivement les hommes peuvent aussi être très proactifs sur le sujet.
11:07Quel regard vous portez sur l'avenir Isabelle Meyer ?
11:10J'espère un regard optimiste. En tout cas c'est la volonté qu'on a au sein du cabinet. C'est la volonté à titre personnel.
11:16On voit que les choses avancent. On voit qu'on en parle de plus en plus.
11:20Voilà notamment depuis l'affaire MeToo. Puis on le voit dans l'actualité. On voit qu'en pratique
11:24même si des chiffres restent stables sur les violences, il y a quand même une vraie évolution des mentalités qui est en train de s'enclencher.
11:29Donc après l'idée c'est de continuer les actions au quotidien aussi.
11:32Merci beaucoup Isabelle Meyer d'avoir été avec nous
11:36ce matin sur France Bleu Paris. Je voulais rappeler quand même le numéro
11:39à appeler pour obtenir de l'aide si on est victime témoin de violences sexistes ou sexuelles. C'est le 39 19 numéro
11:46gratuit 7 jours sur 7 24 sur 24. Merci beaucoup et très bonne journée à vous. Merci bonne journée.