Boualem Sansal est un des écrivains de langue française les plus lus à travers le monde. Nous nous sommes rencontrés un peu par hasard dans une grande maison des Landes. La conversation est aussitôt partie sur les chapeaux de roue : avec un charme inimitable, il raconte son enfance dans un quartier pauvre d’Alger, près de la maison d’Albert Camus dont la mère est une amie de la sienne, l’indépendance vécue par l'adolescent algérien comme un déchirement, la communion de la famille dans les livres, notamment ceux que dévore sa mère, puis de brillantes études scientifiques. Quand, dans les années 90, survient la terreur islamiste et qu’il doit, comme tous les siens, survivre en se faufilant entre les filets de deux dictatures, celle de l’Etat des "généraux gredins" et celle des "barbus", le jeune ingénieur, enseignant à l’école polytechnique d’Alger, veut comprendre : il prend la plume et raconte sans fin, à travers des livres qui sont de véritables "tissus d’émotions", un drame qui, avertit l’écrivain avec un courage de dire et une faconde inimitables, pourrait bien être celui de la France. De part et d'autre de cette Méditerranée ensanglantée qui doit redevenir le centre du monde civilisé, ou qui nous engloutira, parviendrons-nous à renverser ensemble le cours des choses ?
Category
📚
ÉducationTranscription
00:00:00 [Musique]
00:00:24 Alors il n'est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir et dit plus simplement et plus aimablement,
00:00:32 il est très difficile d'être le contemporain de notre propre histoire.
00:00:37 C'est ce que nous avons fait par exemple au Nouveau Conservateur,
00:00:42 après avoir consacré un des deux dossiers du dernier numéro, celui qui vient de paraître,
00:00:50 à la question européenne, à l'engloutissement des nations par l'Europe,
00:00:58 par la destruction de l'Europe, par la prétendue construction de l'Europe.
00:01:04 Alors on a évolué au point que beaucoup d'entre nous, pas tous,
00:01:07 sont arrivés à l'exigence numéro un, c'est-à-dire ce qu'on appelle le Frexit,
00:01:13 c'est-à-dire la libération de la France.
00:01:19 Nous l'avons fait notamment avec François Asselineau qui nous a accordé un grand entretien,
00:01:24 on le verra, assez reboratif, avec Édouard Balladur même, d'une certaine façon,
00:01:32 qui accumule ces temps-ci les repentirs, ce qui montre bien que la destruction de l'Europe
00:01:38 a déçu et même couroussé, y compris ses architectes.
00:01:44 Et nous montrerons aussi qu'il y a un contre-exemple, la Suisse,
00:01:49 à laquelle nous consacrons plusieurs articles, et à une Europe telle que l'avait définie
00:01:56 il y a bien longtemps le futur pape Benoît XVI, c'est-à-dire Cardinal Ratzinger,
00:02:00 lors d'une conférence à Munich dans les années 70, à l'époque où il était cardinal.
00:02:04 Les extraits de cette conférence, je crois, peuvent pas mal décoiffer, si on peut dire.
00:02:10 Voilà. Et nous avons aussi un autre dossier consacré au travail,
00:02:16 dirigé par Jean-Frédéric Poisson, qui est lui aussi candidat,
00:02:22 et lui sur la liste de, hélas, concurrent, mais les choses sont comme ça, de François Philippot.
00:02:30 Nous avons aussi un article de Laurence Trochu, qui est, elle, sur la liste de,
00:02:37 on peut dire Marion Zemmour.
00:02:40 Et aussi, on découvrira une esquisse de manifeste écologiste,
00:02:45 due à François de Voyez d'Argenson, et bien d'autres articles,
00:02:49 notamment un de, je ne peux pas ne pas citer, d'Henri Adam de Villiers,
00:02:53 qui montre que l'esprit conservateur, qui est avant tout un esprit,
00:02:56 est aussi une esthétique. Henri Adam de Villiers étant lui maître de chapelle,
00:03:02 il nous explique, il nous montrera ce que c'est un maître de chapelle,
00:03:06 comment la beauté, comment l'art est une introduction à la foi,
00:03:11 et à travers la foi, à la vérité.
00:03:15 Voilà, on n'en finira pas de découvrir ce numéro.
00:03:18 Et un petit clou, c'est un long commentaire, d'une part, du traité de Maastricht,
00:03:23 sur lequel nous revenons, pour montrer que, ben non, le oui n'a pas gagné à Maastricht.
00:03:27 Il a vraiment perdu en 2005, lors du référendum sur la Constitution,
00:03:31 mais déjà, la majorité des requises n'étaient pas atteintes,
00:03:37 lors du traité de Maastricht, nous revenons là-dessus.
00:03:39 Et nous revenons aussi sur l'affaire du débarquement des alliés,
00:03:44 en fait des anglo-saxons, dont de Gaulle dit que c'était le prélude
00:03:48 à une nouvelle occupation du pays, raison pour laquelle il s'est refusé
00:03:51 d'aller aux commémorations du débarquement,
00:03:54 ce que ne manquera pas de faire, hélas, hélas, trois fois hélas,
00:03:57 Emmanuel Macron et la clique des macroniens.
00:04:02 Ce que dit de Gaulle est assez raide sur l'occupation américaine, vous verrez.
00:04:06 Voilà pour ce numéro, je tiens à l'exposer,
00:04:10 parce que vous savez, les revues, c'est quelque chose qui reste,
00:04:13 c'est très bien, les vidéos, on en a beaucoup, c'est plus attirant,
00:04:17 et quelque part, d'ailleurs, plus agréable à voir.
00:04:19 Mais lire va certainement plus loin, et surtout, par des revues,
00:04:24 comme le nouveau conservateur, nous savons que nous gardons en archive
00:04:29 des textes que nous pouvons retrouver très facilement.
00:04:32 Pour l'heure, un nouveau numéro de ces conversations.
00:04:35 Merci à tous ceux qui les suivent désormais très régulièrement,
00:04:38 nos conversations, et cette fois, nous allons innover.
00:04:41 Nous ne sommes pas à Paris, nous sommes dans une grande propriété des Landes,
00:04:45 et nous avons saisi l'occasion que nous offrait un de nos amis,
00:04:50 Éric Médieux, un ami de longue date,
00:04:53 qui est aussi ami du grand écrivain Boilem Sansal,
00:04:57 certainement l'un des écrivains francophones les plus lus dans le monde,
00:05:00 et les plus recherchés, y compris par les grands de ce monde,
00:05:03 bien qu'ils disent des choses terribles.
00:05:05 Je ne connaissais pas Boilem Sansal,
00:05:08 je savais simplement qu'il senait le toxin en disant
00:05:11 "Mais que fait la France, que font les Français ? Ils se laissent envahir
00:05:14 par des gens que je connais très bien, dit Boilem,
00:05:17 c'est-à-dire les barbus, les intégristes musulmans,
00:05:20 ils nous secouent le cocotier, on peut dire.
00:05:23 Bon, ben, c'est fait pour ça la réflexion, secouer le cocotier,
00:05:26 et lui, il y va fort, et pour autant,
00:05:30 il a d'autres choses encore à raconter, passionnantes, stupéfiantes.
00:05:36 Je l'ai découvert, on est tombé dans les bras l'un de l'autre,
00:05:38 dans cette propriété, on était réunis pour un dîner,
00:05:40 puis finalement, on a prolongé, on a parlé pendant 24 heures,
00:05:43 on a même parlé lors des déjeuners, des dîners, ça, vous ne le verrez pas,
00:05:46 mais lors de promenades dans un jardin,
00:05:49 d'un beau parc landais, pas un matin de printemps,
00:05:53 et puis, il m'a dit, quand il m'a rencontré, vous savez,
00:05:58 "La France me manque", et je lui ai répondu, "Ben, moi aussi,
00:06:03 je ne suis pas algérien, vous êtes algérien, la France vous manque,
00:06:06 je suis français, et moi aussi, comme beaucoup de Français, la France me manque".
00:06:10 Voilà, et peut-être aussi que l'Algérie nous manque,
00:06:12 on verra par quel détour.
00:06:14 Alors, voilà, ce nouvel entretien, cette nouvelle conversation,
00:06:18 qui est vraiment une conversation un peu à bâton rompu,
00:06:20 on verra dans différents cadres, dans un cadre entièrement neuf,
00:06:23 une belle maison landaise, je vous invite à la suivre.
00:06:27 Je vous invite aussi à faire tous ces gestes cabalistiques,
00:06:31 je ne sais pas ce qu'il faut faire, pour dire qu'on aime ou qu'on n'aime pas,
00:06:35 et en tous les cas, pour suivre, avec, je crois, beaucoup d'intérêt,
00:06:39 la conversation d'un homme absolument stupéfiant, Boilem Sansal,
00:06:43 que nous allons suivre maintenant.
00:06:46 À bientôt, à bientôt, chers amis.
00:06:48 Boilem Sansal, je suis très heureux de vous rencontrer.
00:07:01 - Merci.
00:07:02 - Parce que nous nous connaissons depuis hier, depuis quelques heures,
00:07:08 à la différence de la plupart de mes invités,
00:07:11 un hasard merveilleux, une providence a voulu que nous nous retrouvions
00:07:17 chez un ami, dans une grande maison des Landes,
00:07:20 par un joli temps d'avril, et nous avons fait connaissance à table, hier,
00:07:28 et j'en savais déjà long sur vous, parce que tout le monde vous connaît,
00:07:32 vous écrivez à plusieurs reprises que l'homme algérien,
00:07:37 cela l'homme entre deux autorités intraitables, l'état algérien,
00:07:44 et l'institution religieuse, il est un peu assommé par ces deux pouvoirs,
00:07:54 et vous les avez défiés tous les deux, et vous allez beaucoup plus loin,
00:07:58 vous mettez la France, que vous aimez beaucoup,
00:08:01 vous aimez beaucoup la France, ça se voit partout.
00:08:03 - Je vous l'avoue.
00:08:05 - Et moi aussi, mais c'est un aveu à ne pas trop faire,
00:08:08 parce que les Français n'aiment plus beaucoup la France,
00:08:11 mais de toute façon, vous, vous l'aimez, et c'est très émouvant,
00:08:15 et vous l'aimez assez pour la secouer,
00:08:19 et enfin, les Français, qu'est-ce que vous faites ?
00:08:22 Vous vous laissez islamiser ?
00:08:25 Alors, pour nous, c'est formidable de vous entendre dire ça,
00:08:30 il faut un courage extraordinaire.
00:08:32 - Oui, alors...
00:08:33 - Vous n'avez jamais peur ?
00:08:36 - La peur, on commence à la sentir après coup,
00:08:41 c'est-à-dire qu'une fois qu'on l'est, déjà exposé.
00:08:44 Avant, moi, j'ai passé toute la première partie de ma vie,
00:08:50 jusqu'à l'âge de, on va dire, 40 ans,
00:08:53 une vie hyper tranquille, paisible, j'étais ignorant de tout,
00:08:58 même si j'avais une grande culture dans beaucoup de domaines,
00:09:01 sur ces questions-là, l'islam, l'État, le fonctionnement de l'État,
00:09:05 c'était pour moi absolument indifférent.
00:09:07 Moi, j'étais un scientifique, je passais mon temps dans des laboratoires,
00:09:12 à faire des expériences de physique, et puis ensuite, j'étudiais l'économie,
00:09:17 et j'enseignais l'économie à l'université,
00:09:21 donc j'étais dans une bulle...
00:09:24 - Docteur en économie, ancien de l'école polytechnique d'Alger,
00:09:29 vous avez écrit un ou deux livres, mais très techniques,
00:09:32 - Oui, un truc sur les turbo-réacteurs,
00:09:35 - Oui, vous avez commencé par les turbo-réacteurs.
00:09:37 - Les turbo-réacteurs, c'était pour le compte de la NASA,
00:09:41 qui avait financé les expériences que je voulais faire,
00:09:46 et puis un jour, patatras, la guerre civile,
00:09:50 et du coup, je me trouvais face à des catégories
00:09:54 auxquelles je n'avais jamais pensé, c'était pas mon souci,
00:09:57 - Les amis noirs, c'est ce qu'on a appelé les amis noirs.
00:09:59 - Ça ne m'intéressait pas, l'état algérien,
00:10:02 je savais que c'était une dictature, mais ça me suffisait,
00:10:04 je ne voulais pas savoir plus sur ces gens-là,
00:10:06 je ne les fréquentais pas,
00:10:08 ni même les Algériens, que je ne connais que de manière distante,
00:10:14 je vous dis, ma vie, c'est les laboratoires,
00:10:18 et des amphithéâtres où il y a des étudiants,
00:10:21 et là, on est interpellé, qu'est-ce qu'on fait,
00:10:25 et tout le monde, tout le monde, tout le monde,
00:10:27 et là, tout le monde, tout le monde,
00:10:29 tout le monde, tout le monde, tout le monde,
00:10:31 et à partir de problèmes dont je ne savais rien,
00:10:34 l'islam, qu'est-ce qu'on fait ?
00:10:37 Pendant plusieurs années, je suis resté comme ça,
00:10:40 dans l'expectative, je me documentais, voilà,
00:10:43 l'islam, c'est quoi ?
00:10:46 J'ai été lire le courant, puis j'ai trouvé que c'était un livre creux,
00:10:49 il n'y a rien, il faut chercher plus loin,
00:10:52 il y a des thèses faites par les Français, les Allemands,
00:10:55 les musulmans eux-mêmes,
00:10:58 je me suis intéressé au fonctionnement de l'État algérien,
00:11:01 et je voyais bien que c'était un État corrompu,
00:11:04 donc, par sa corruption, il gêne de la violence et des injustices.
00:11:08 – Vous le saviez avant, mais vous ne vouliez pas le voir.
00:11:10 – Mais que je ne voyais pas, et là, tout d'un coup,
00:11:13 une vue comme ça, à 180 degrés,
00:11:16 et je voyais tout ça, et comme je suis quelqu'un
00:11:19 qui aime étudier les choses jusqu'au fond, à fond,
00:11:22 donc j'ai, pendant des années, mais quand même,
00:11:25 il me manquait quelque chose, qu'est-ce qu'on fait ?
00:11:28 Alors, j'ai été tenté comme beaucoup d'Algériens,
00:11:31 ils disaient "c'est simple, on prend l'avion, on va à Paris,
00:11:34 j'ai des frères à Paris, j'ai des cousins, j'ai beaucoup d'amis,
00:11:37 – Toute votre famille a quitté l'Algérie.
00:11:39 – Et puis bon, je suis assez bien formé pour trouver un emploi rapidement,
00:11:43 je connaissais beaucoup d'entreprises, de chers d'entreprises, etc.
00:11:47 Et puis là, j'ai été à un moment donné appelé par un ami écrivain,
00:11:53 Rachid Memouni, qui a été un grand écrivain,
00:11:56 qui est là, c'est mort en 94.
00:12:02 Et il y avait un autre écrivain qui s'appelle Taher Djawoud,
00:12:09 ils ont tous été assassinés.
00:12:11 Et il s'était constitué autour de Memouni et Taher Djawoud,
00:12:14 deux grands écrivains, une cellule, un groupe d'amis,
00:12:18 comprenant des journalistes, des avocats spécialisants
00:12:22 dans la question des droits de l'homme.
00:12:24 Et ils militaient, ils étaient partis sur l'idée suivante,
00:12:29 c'est que nous, on ne peut pas lutter contre les islamistes,
00:12:33 on est un groupe intellectuel, point, on ne peut pas lutter contre l'État.
00:12:37 En revanche, ce qu'on peut faire, c'est alerter l'opinion mondiale.
00:12:41 Faites attention, ce qui se passe en Algérie n'est pas purement algérien.
00:12:45 - Aura des conséquences partout. - Aura des conséquences partout.
00:12:48 Des conséquences directes et des conséquences lointaines,
00:12:51 qui vont être pires chez vous qu'elles ne l'ont en France,
00:12:55 que chez nous en Algérie.
00:12:58 - Pourtant l'Algérie était dans un chaos dans les années 90,
00:13:02 c'est l'époque du fiste, de l'Algérie-Arc.
00:13:04 - On était en pleine guerre civile, donc j'ai rejoint ce groupe,
00:13:07 qui ont fait appel à moi en tant qu'économiste.
00:13:11 Parce qu'ils avaient Rachid Memouni, Tahar Jaout,
00:13:16 des spécialistes de la littérature, il y avait des avocats,
00:13:19 il y avait des spécialistes des droits de l'homme,
00:13:21 il y avait 2-3 psychiatres.
00:13:23 Donc ils étaient capables d'analyser la société sur beaucoup d'angles.
00:13:26 Ils leur manquaient un angle, c'était l'économie.
00:13:29 L'économie structure la société, c'est important.
00:13:33 Et donc j'étais venu développer avec eux,
00:13:38 il faut pousser, il faut réformer l'économie
00:13:43 pour qu'elle soit plus juste, plus efficace,
00:13:45 il faut mettre en place des dispositifs de soutien aux pauvres.
00:13:51 Si on les abandonne, ils vont à la mosquée.
00:13:54 Donc il faut pousser l'État...
00:13:57 - Ou alors ils prennent le bateau, ou le radeau.
00:13:59 Comment on les appelle ? Vous avez écrit un livre...
00:14:02 - Il y a un ragard.
00:14:04 - Il y a un ragard.
00:14:06 N'importe quel bateau pour partir coûte que coûte.
00:14:08 - Brûler ses papiers et partir.
00:14:10 - Brûler ses papiers.
00:14:12 - Oui, pour ne pas être...
00:14:14 Parce que l'Europe est tellement bête,
00:14:17 c'est qu'elle ne peut pas expulser quelqu'un
00:14:19 qui n'a pas de nom et elle ne sait pas où l'expulser.
00:14:22 Alors on le garde.
00:14:24 - On pourrait l'envoyer au Gouin de Langlis.
00:14:26 - L'idée qui vient tout de suite après, si on le garde, qu'est-ce qu'on en fait ?
00:14:28 Il faut d'abord le soigner,
00:14:30 lui apprendre le français, lui donner un peu d'argent, un téléphone.
00:14:33 Et donc finalement on en fait un assisté.
00:14:35 La France, l'Europe a fabriqué des assistés
00:14:39 qui venaient évidemment eux,
00:14:41 ils sont sauvés, par sécurité.
00:14:44 C'est très bien d'ailleurs qu'ils aient fait ça.
00:14:46 Et il fallait le faire parce qu'en tant que jeunes,
00:14:48 ils étaient menacés et par l'armée,
00:14:50 qui les soupçonne d'appartenir à des réseaux de soutien islamiste
00:14:56 ou même membre des commandos islamistes.
00:14:59 Les islamistes qui veulent les récupérer.
00:15:02 Donc les parents poussaient leurs enfants à partir.
00:15:05 Les parents, le papa, le maman disaient à son fils,
00:15:08 "t'as 18 ans, à toi..."
00:15:10 Et le pauvre, comme ils se font contrôler au faciès,
00:15:13 dans la rue, un policier voit un jeune de 18 ans,
00:15:16 "Hop, viens ici."
00:15:17 Il l'a fouillé au corps.
00:15:19 - Pas de papier.
00:15:20 - On l'embarque au commissariat, "qu'est-ce que tu faisais là ?"
00:15:22 "Où tu travailles ?" "Je ne travaille pas."
00:15:24 "Qu'est-ce que tu fais ?" etc.
00:15:26 Les islamistes c'est la même chose,
00:15:27 ils l'emmènent et ils l'emmènent au maquis.
00:15:29 Qu'est-ce qu'il fait ? Il va s'évader ?
00:15:31 Alors quand ils arrivent ici, c'est formidable.
00:15:33 On le met dans un centre, il a une douche tous les jours.
00:15:36 On lui donne des vêtements,
00:15:38 on lui donne un téléphone pour qu'il puisse appeler sa famille.
00:15:40 On lui donne un PQ tous les mois,
00:15:42 puis après on dit, "bon, on a fait ça, premier secours."
00:15:45 Et ensuite, il faut lui donner une formation,
00:15:48 et puis il faut le régulariser.
00:15:50 Et donc la machine, qui au départ part sur de bons principes,
00:15:55 elle a commencé par jouer contre elle-même.
00:15:58 Et là, qu'est-ce qu'il faut faire ?
00:16:00 Là, il y a des choses qu'il faut d'abord comprendre.
00:16:02 Il faut commencer par étudier.
00:16:04 Il ne faut surtout pas commencer à faire avant d'avoir compris.
00:16:08 Parce qu'alors on fait des catastrophes.
00:16:09 C'est ce qui s'est déjà passé.
00:16:11 C'est ce qui se passe.
00:16:12 Avant de réfléchir, on l'accueille, on l'accueille.
00:16:15 Et puis après...
00:16:16 Les conséquences, on ne les voit pas.
00:16:18 Moi, je rappelle souvent ce proverbe perse qui dit,
00:16:21 "N'ouvrez jamais une porte que vous ne saurez pas faire refermer."
00:16:26 C'est fait.
00:16:28 Oui, c'est un proverbe persan.
00:16:31 C'est ce qu'on a fait.
00:16:32 Et c'est ce qu'on a fait.
00:16:33 Donc on l'accueille, on l'accueille.
00:16:35 Maintenant, la porte est grande ouverte,
00:16:37 et on ne sait pas la refermer.
00:16:38 On ne peut pas.
00:16:39 Ce n'est plus possible.
00:16:42 Alors, je vous coupe encore une fois.
00:16:43 La porte est grande ouverte,
00:16:45 mais on peut penser que le gros de l'afflux d'immigration,
00:16:52 émigration de l'Algérie,
00:16:54 immigration pour les Français,
00:16:55 est encore à venir.
00:16:57 Oui, oui.
00:16:58 C'est là le problème.
00:17:00 C'est ce à quoi on assiste depuis une trentaine d'années.
00:17:05 Le flux, la feuille qu'on remontait, qu'on remontait.
00:17:08 Alors même qu'en face, on a mis en place des dispositifs
00:17:13 de réduction des visas, de délivrance de visas,
00:17:17 le contrôle aux frontières, etc.
00:17:20 Mais ça n'arrête rien.
00:17:23 Les haragas, les émigrés,
00:17:26 trouveront toujours un chemin,
00:17:30 y compris les chemins de contrebandiers.
00:17:32 On passe par la montagne avec des passeurs.
00:17:36 Autour de cette migration,
00:17:39 se sont créés des tas de dispositifs.
00:17:42 D'abord, en France, il y a une sorte d'appel
00:17:45 de ces émigrés clandestins,
00:17:48 parce qu'ils travaillent, on les utilise.
00:17:50 À la fois le patronat et la gauche.
00:17:52 Exactement.
00:17:53 C'est terrible.
00:17:54 Ils ont joué cette carte en disant
00:17:56 c'est une main d'œuvre jeune, on a besoin, etc.
00:18:01 Surtout que la France était dans une perte de compétitivité extraordinaire.
00:18:06 Donc pour regagner des parts de marché,
00:18:08 il faut retrouver la compétitivité.
00:18:10 En payant des salaires français
00:18:13 qui sont vraiment trop élevés
00:18:15 par rapport aux charges qui pèsent sur les entreprises,
00:18:18 on sait que ce n'est pas possible.
00:18:20 La France est condamnée à perdre toutes ses parts de marché.
00:18:23 C'est déjà le cas, au moins dans l'industrie.
00:18:26 Et maintenant de plus en plus dans l'agriculture.
00:18:29 D'où vont venir les ressources ?
00:18:35 La France n'a pas de pétrole.
00:18:37 Il faut qu'elle se crée sa propre source de résolus.
00:18:42 Il y a quand même des solutions politiques.
00:18:44 On va y venir.
00:18:45 Je pense qu'il y a des solutions politiques.
00:18:48 Mais ne brûlons pas les étapes.
00:18:50 J'ai un peu anticipé.
00:18:52 Revenons dans les années 90.
00:18:54 Vous êtes scientifique, professeur.
00:18:57 Vous aimez vos laboratoires.
00:19:00 Vous avez une vie tranquille.
00:19:03 Enfin tranquille, perturbée par le fait
00:19:05 que votre famille est très dispersée.
00:19:07 Oui.
00:19:08 Il faut aller en France souvent pour se faire soigner.
00:19:13 Votre mère meurt en France, par exemple.
00:19:16 Un livre qui me guidera beaucoup
00:19:18 s'appelle "La rue d'Arvine".
00:19:20 C'est un merveilleux livre.
00:19:22 C'est très touchant, un peu bouleversant.
00:19:27 Votre mère va à la salle pétrière pour se faire soigner.
00:19:33 Il n'est pas question de se soigner convenablement en Algérie.
00:19:37 Ça coûte cher.
00:19:38 Il faut faire venir les frères et les sœurs
00:19:40 qui sont quits au Canada, quits un peu partout,
00:19:44 pour voir leur mère une dernière fois.
00:19:47 Quelque chose m'a frappé.
00:19:49 Ensuite, il faut de toute façon
00:19:51 que la mise en terre se fasse au pays.
00:19:56 Ce qui a fait que finalement,
00:20:00 ils ont fini par s'installer en France,
00:20:04 c'est la loi sur le rassemblement familial.
00:20:08 Le patron français a fait pression
00:20:12 sur le gouvernement français pour les ouvriers.
00:20:15 Il faut qu'il les informe.
00:20:17 Il faut qu'il les garde.
00:20:18 Les 75 sous Giscard.
00:20:20 Effectivement.
00:20:21 Mais ils sont restés algériens.
00:20:23 Ils n'ont pas été nativralisés.
00:20:25 Ils ont pu faire venir leurs familles et leurs enfants.
00:20:29 Quand ils décédaient,
00:20:31 ils se faisaient rapatrier au pays,
00:20:34 enterrer au pays.
00:20:35 Mais les deuxième, troisième génération,
00:20:37 ils sont français,
00:20:38 ils sont enterrés dans les cimetières musulmans.
00:20:41 Maintenant, il y en a beaucoup.
00:20:43 Quasiment maintenant, dans toutes les villes,
00:20:45 il y a le cimetière chrétien, le cimetière juif,
00:20:48 le cimetière musulman,
00:20:49 peut-être aussi des cimetières asiatiques.
00:20:52 Encore qu'eux, carrément, rapatrient les corps.
00:20:57 Oui, oui.
00:20:59 Alors, donc, vie paisible malgré tout,
00:21:02 malgré cette dispersion et ce sentiment quand même
00:21:04 que tout le monde autour de vous,
00:21:06 les jeunes en particulier,
00:21:07 n'ont qu'une envie, c'est d'éguerpir.
00:21:10 Et alors, ça devient très frappant et massif
00:21:14 dans les années 90,
00:21:16 à cause des attentats
00:21:19 et de la poussée islamique.
00:21:24 Et c'est là que vous prenez votre plume ?
00:21:27 En pleine guerre civile, vraiment.
00:21:30 Avec le serment des barbares ?
00:21:32 C'est ça.
00:21:33 Tout à fait à la fin du XXe siècle.
00:21:36 Vous avez déjà plus de 40 ans ?
00:21:38 Au passé, oui, j'approchais de la cinquantaine même.
00:21:41 Eh oui.
00:21:42 J'avais écrit dans la période 96, 98,
00:21:46 mais il a été publié en 99.
00:21:48 Oui, c'est ça.
00:21:49 Moi, j'ai mis 4 ans pour l'écrire,
00:21:51 mais je n'avais nullement l'intention de le publier.
00:21:55 J'écrivais pour moi,
00:21:56 en tant que quelqu'un qui aime fouiller,
00:22:01 examiner les problèmes et aller au fond des choses.
00:22:05 Et comprendre ce qui se passe.
00:22:06 J'écrivais pour moi.
00:22:07 Et comprendre ce qui se passe.
00:22:08 Oui, j'ai besoin d'écrire pour comprendre.
00:22:11 Ah !
00:22:12 La réflexion comme ça, en l'air,
00:22:16 on ne va pas très loin.
00:22:17 Vous savez ce que disait Emmanuel Berle ?
00:22:19 « Je n'écris pas pour dire ce que je pense,
00:22:21 mais pour le savoir. »
00:22:22 Exactement.
00:22:23 C'est ça ?
00:22:24 C'est exactement ça.
00:22:25 Vous avez eu besoin d'écrire.
00:22:26 J'ai besoin d'écrire,
00:22:27 parce que là, je cale à la chateline,
00:22:28 je dis « mais ça, je ne sais pas ce que c'est ».
00:22:30 Alors, je vais voir le dictionnaire.
00:22:31 Je reviens, et puis truc,
00:22:33 et puis je dis « j'ai pas compris tel problème. »
00:22:35 Parce qu'effectivement...
00:22:37 Et puis au fur et à mesure,
00:22:39 on se pose des questions.
00:22:41 À un moment donné,
00:22:43 j'ai buté sur une question terrible
00:22:45 qui m'a pris des mois et des mois.
00:22:47 Est-ce que la violence ou la guerre,
00:22:49 enfin ce qui se passe en Algérie,
00:22:51 est-ce qu'il est le résultat de l'histoire
00:22:54 ou d'événements actuels ?
00:22:57 Il me semble,
00:23:01 ma réflexion m'a amené à penser
00:23:03 que ce qui se passe aujourd'hui
00:23:05 est un héritage de l'histoire.
00:23:07 De l'histoire.
00:23:08 Évidemment, il y a des éléments nouveaux
00:23:10 qui viennent s'ajouter,
00:23:12 donner une couleur particulière
00:23:14 à l'événement.
00:23:16 Mais on se dit,
00:23:18 ok, ce qui se passe là,
00:23:20 l'islamisme, le truc, l'État,
00:23:22 à quelle période de l'histoire ?
00:23:24 - Où ça vient ?
00:23:26 - En cherchant, en cherchant,
00:23:28 ça m'a ramené à la guerre de libération.
00:23:32 Le mouvement de libération
00:23:34 né au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale,
00:23:38 première manifestation,
00:23:40 1er novembre 1954,
00:23:42 les Algériens prennent les armes.
00:23:44 C'est le début de ce qu'on appelle,
00:23:46 les Algériens appellent ça la révolution.
00:23:49 Les Français ne lui ont pas donné de nom.
00:23:51 C'était les événements...
00:23:53 - Au début. Maintenant on dit guerre d'Algérie.
00:23:55 - Quasiment, même après l'indépendance.
00:23:57 C'était les événements d'Algérie.
00:23:59 Ils ne voulaient pas parce que
00:24:01 le gouvernement français
00:24:03 refusait de dire que c'est une guerre.
00:24:05 Parce que l'Algérie française,
00:24:07 ça veut dire que c'est une guerre civile.
00:24:09 Si à l'époque, le gouvernement français
00:24:11 avait dit, il y a la guerre en Algérie.
00:24:13 Mais l'Algérie c'est comme le Doubs,
00:24:15 c'est comme la Picardie.
00:24:17 Donc c'est une guerre civile.
00:24:19 Si on dit que c'est une guerre
00:24:22 contre un ennemi,
00:24:24 mais il est où cet ennemi ?
00:24:26 Ce sont des Français.
00:24:28 Les Aléens sont des Français.
00:24:30 Donc du coup,
00:24:32 et puis guerre
00:24:34 oblige
00:24:36 à respecter les conventions de Genève.
00:24:39 Or là, on est dans une guerre
00:24:42 bizarre.
00:24:44 De terreur, de coups de main.
00:24:46 Est-ce que quelqu'un qui a des armes
00:24:48 et qui vient comme
00:24:50 égorgé, une fois, violé,
00:24:52 est-ce que je le traite comme un soldat ?
00:24:54 Donc si j'arrête,
00:24:56 est-ce que je le mets en prison ?
00:24:58 En tant que civil, en tant que voyou,
00:25:00 en ce moment, ça peut être la peine de mort.
00:25:02 La guillotine.
00:25:04 Ou je le traite comme soldat,
00:25:06 et en ce moment, c'est le respect dû aux soldats.
00:25:08 Et donc, on a joué
00:25:10 le silence
00:25:12 jusqu'à...
00:25:14 et longtemps après l'indépendance.
00:25:16 Parce que si, après l'indépendance,
00:25:18 dans les années, on va dire, 70, 80,
00:25:20 si le gouvernement français avait reconnu
00:25:22 l'état de guerre,
00:25:24 et les pensions maintenant.
00:25:26 Tout le monde va se présenter pour dire
00:25:28 "je veux une pension de guerre".
00:25:30 Et du côté algérien,
00:25:32 nous, le problème était simple.
00:25:34 Ils étaient considérés comme des soldats.
00:25:36 Les moudjahidines, c'est des soldats.
00:25:38 Donc à l'indépendance,
00:25:40 au ministère des anciens combattants,
00:25:42 ils perçoivent une pension
00:25:44 en fonction de leur degré
00:25:46 de...
00:25:48 de validité,
00:25:50 de truc. Mais en France,
00:25:52 le gouvernement français ne voulait pas.
00:25:54 "Je vais donner une pension à qui ? Et au nom de quoi ?"
00:25:56 Voilà.
00:25:58 Et donc, qu'est-ce qui s'est passé ?
00:26:00 C'est que quand,
00:26:02 en 1954, les Algériens,
00:26:04 comme ça, de manière assez unanime,
00:26:06 ont décidé de passer à l'action,
00:26:08 et se...
00:26:10 ils se sont réunis.
00:26:12 Des réunions comme ça, secrètes.
00:26:14 "On va faire la guerre à la France,
00:26:16 au nom de quoi ?"
00:26:18 Certains ont dit "au nom de l'islam".
00:26:20 Nous, l'état...
00:26:22 - Ah, c'est la question que j'allais vous poser.
00:26:24 Au nom de l'Algérie, qui était fictive
00:26:26 un peu à ce moment-là, parce que l'Algérie n'existait pas
00:26:28 avant la création française.
00:26:30 Il y avait des petits bouts de...
00:26:32 - Des tribus, c'était.
00:26:34 - Les deux pays, en plus, n'avaient pas la même langue.
00:26:36 - Rien de commun, souvent.
00:26:38 - Et peu de routes. - Des alliés héréditaires,
00:26:40 souvent. - Oui, qui se faisaient la guerre en train.
00:26:42 - Entre Arabes et Kabiles, par exemple.
00:26:44 - Entre Arabes et Kabiles, par exemple,
00:26:46 mais même à plus petite échelle, je crois.
00:26:48 - Absolument. - Et peu de routes.
00:26:50 Par exemple, pour aller d'Algérie à Oran, il fallait prendre le bateau.
00:26:52 Il n'y avait pas de route pendant très longtemps.
00:26:54 Donc, il n'y avait pas de pays à proprement parler.
00:26:56 Donc, la question est de savoir si ce soulèvement
00:26:58 est, comme on l'a cru longtemps,
00:27:00 uniquement un soulèvement de type nationaliste,
00:27:02 comme s'il existait auparavant une nation algérienne,
00:27:04 très fictif,
00:27:06 ou déjà, au nom de Dieu,
00:27:08 au nom d'Allah, au nom de l'Islam.
00:27:10 - Exactement, c'est vrai.
00:27:12 Là, vous avez parfaitement résumé le problème.
00:27:14 C'est ça. C'est qu'on se bat
00:27:16 au nom de contre qui, d'abord,
00:27:18 et au nom de quoi ?
00:27:20 Alors, certains disaient, on se bat
00:27:22 au nom de l'Islam.
00:27:24 La France est un pays chrétien,
00:27:26 et il nous a colonisés, et donc...
00:27:28 Voilà. C'est libérer
00:27:30 l'Islam de...
00:27:32 - Des chrétiens. - Des chrétiens.
00:27:34 Voilà. C'est pas l'État français. C'est des chrétiens.
00:27:36 - On n'avait pas vu, nous, qu'il y avait
00:27:38 de guerre religieuse, de guerre indépendante.
00:27:40 - C'est des questions que j'ignorais totalement.
00:27:42 Et puis d'autres qui, pour des tas
00:27:44 de raisons, parce qu'ils étaient plus évolués,
00:27:46 ils ont été ouvriers en France,
00:27:48 ils ont même fait des études,
00:27:50 certains même étaient médecins, ingénieurs, et tout ça,
00:27:52 ils voulaient se battre
00:27:54 au nom de catégories nouvelles.
00:27:56 On se bat pour libérer un territoire.
00:27:58 Notre territoire, notre terre.
00:28:00 Et construire un État.
00:28:02 Déjà, on disait
00:28:04 l'État algérien, alors qu'il n'a jamais existé.
00:28:06 - Une fiction.
00:28:08 - C'est une fiction, donc...
00:28:10 Et c'était une démarche.
00:28:12 Et puis d'autres
00:28:14 disaient
00:28:16 "On se bat en tant que
00:28:18 nation arabe."
00:28:20 C'est pas un combat
00:28:22 propre aux Algériens.
00:28:24 C'est les Arabes qui se battent
00:28:26 pour leur identité.
00:28:28 Donc on s'est trouvé
00:28:30 à plusieurs courants.
00:28:32 - Il y avait un peu une revanche.
00:28:34 - Et qui se sont affrontés.
00:28:36 Les gens pensent que
00:28:38 les Algériens ont fait la guerre
00:28:40 à 100% à la France.
00:28:42 En fait, ils n'ont fait la guerre,
00:28:44 les Algériens n'ont fait la guerre à la France
00:28:46 qu'à 20%. Les 80%
00:28:48 c'était entre eux. Le FNN contre
00:28:50 le MNA.
00:28:52 - Le FNN.
00:28:54 - Entre Thué
00:28:56 et en Algérie et en France,
00:28:58 puisqu'ils sont entre
00:29:00 Arabes et Berbères.
00:29:02 Le fameux...
00:29:04 La Kabili avait été accusée
00:29:06 par les Arabes de...
00:29:08 ce qu'ils ont appelé le complot berbère.
00:29:10 - Le complot française.
00:29:12 - Les Berbères sont très malins.
00:29:14 Ils nous poussent à la guerre et tout ça,
00:29:16 mais ils sont en accord avec la France.
00:29:18 Et donc du coup,
00:29:20 personne ne pouvait
00:29:22 répondre aux questions
00:29:24 qui se posaient à cette époque.
00:29:26 On se bat contre qui ? Pourquoi ?
00:29:28 Et quelle perspective ?
00:29:30 Quel objet de la guerre ?
00:29:32 Le terme
00:29:34 qu'on utilise beaucoup dans ce moment-là.
00:29:36 - Le but de guerre.
00:29:38 - Le but de guerre.
00:29:40 Et donc ils se sont entre Thué.
00:29:42 Bon. Ils ont
00:29:44 à un moment donné,
00:29:46 la nécessité faisant loi,
00:29:48 ils disent "Bon, taisons
00:29:50 nos différents et
00:29:52 organisons-nous un front".
00:29:54 - Et attaquons la France. - Un front. Chacun garde ses idées.
00:29:56 Mais on travaille dans le cadre...
00:29:58 - Mais en commun. - Voilà.
00:30:00 Et quand l'indépendance arrive,
00:30:02 on verra. On va discuter.
00:30:04 - Et c'est là le problème.
00:30:06 Parce que la préparation
00:30:08 est totale à ce moment-là.
00:30:10 Il a fallu une dictature pour appeler.
00:30:12 - L'indépendance arrive. Ils commencent donc
00:30:14 à fûter chaque partie,
00:30:16 ces couteaux. Mais ils ont oublié
00:30:18 une chose.
00:30:20 Il y a quelque chose qu'ils n'ont pas vue.
00:30:22 C'est qu'ils s'étaient créés...
00:30:24 Alors, il y a les Algériens qui se battaient
00:30:26 en Algérie, dans les maquis.
00:30:28 C'est comme les résistants en France
00:30:30 dans les années
00:30:32 40. Ils n'ont pas de statut.
00:30:34 Ils ne sont pas soldats.
00:30:36 Ils sont des maquisards.
00:30:38 Et qui reçoivent des orientations
00:30:40 politiques, qui donnent du cœur, de trucs,
00:30:42 etc. Mais c'est qu'ils s'étaient
00:30:44 créés quand même une véritable armée.
00:30:46 L'armée de libération nationale
00:30:48 stationnée au Maroc,
00:30:50 dont le patron était Boumediene.
00:30:52 Et lui,
00:30:54 c'est un militaire.
00:30:56 Donc il a
00:30:58 créé une véritable armée de 10 000 ou 15 000
00:31:00 hommes, bien équipés, fournis
00:31:02 par les yourouslavs, les russes.
00:31:04 Ils avaient des camions. - Les russes, beaucoup.
00:31:06 Les soviétiques. - Voilà.
00:31:08 Avec une école. Ils ont formé leurs officiers.
00:31:10 Il a formé ses officiers un peu partout.
00:31:12 Donc une véritable armée moderne.
00:31:14 Et à l'indépendance,
00:31:16 il a coiffé tout le monde.
00:31:18 Pendant que les islamistes disaient
00:31:20 "Bon voilà ce qu'on va faire. On va relancer
00:31:22 la construction des églises, des mosquées.
00:31:24 On va reprendre l'enseignement
00:31:26 mais quel islam ? Bah c'est une discussion
00:31:28 entre eux."
00:31:30 Les arabes disaient "Il faut commencer
00:31:32 tout de suite l'arabisation parce que la langue
00:31:34 c'est l'identité." Les berbères disaient
00:31:36 "Mais pas du tout. Nous on a 4 000 ans
00:31:38 d'histoire. Ce pays nous appartient."
00:31:40 - Il fallait une dictature pour aplatir toutes ces dictatures.
00:31:42 - Exactement. Et Boulmédienne, du coup,
00:31:44 ces gens-là, faute de pouvoir s'entendre,
00:31:46 ont offert l'Algérie
00:31:48 sur un plateau d'argent à Boulmédienne
00:31:50 qui avait 15 000 hommes, des camions, des trucs.
00:31:52 Et le 5 juillet, ils
00:31:54 prennent la route, convoi. - 1962.
00:31:56 - 1962.
00:31:58 L'indépendance venait d'être
00:32:00 officiellement proclamée.
00:32:02 Ils prennent leurs camions.
00:32:04 Je sais pas, 2 000 camions chargés
00:32:06 de soldats avec leurs trucs.
00:32:08 "Alger, Alger, Alger."
00:32:10 - Et là, ils prennent tout. - Ils arrivent à Alger.
00:32:12 Ils montent au siège du gouvernement.
00:32:14 Ils s'installent. - C'est le début.
00:32:16 - Ils installent Bembela qui était un
00:32:18 footballeur à Marseille
00:32:20 qui n'a jamais tiré une balle.
00:32:22 Qui était,
00:32:24 on va dire, presque un voyou sur les bords.
00:32:26 C'était un
00:32:28 footballeur, aussi un petit
00:32:30 traficant. - Oui.
00:32:32 - Et donc, j'avais mon explication. Ce qui
00:32:34 se passe aujourd'hui en 1990,
00:32:36 la guerre civile, j'ai retrouvé tous les
00:32:38 ingrédients dont je viens de parler.
00:32:40 - Voilà. - Berber à
00:32:42 Arabes, Islam et qu'est l'Islam ?
00:32:44 On se bat contre qui ? Toutes ces questions. - Et là, vous comprenez.
00:32:46 - Et là, j'avais besoin d'écrire
00:32:48 et de beaucoup, beaucoup me documenter
00:32:50 parce qu'on peut pas dire n'importe quoi, aussi.
00:32:52 - Alors, là, il se passe un miracle.
00:32:54 Pour moi, c'est un miracle parce
00:32:56 qu'on vous connaît pour les sujets
00:32:58 dont vous nous parlez.
00:33:00 L'Algérie, l'Islam,
00:33:02 la guerre
00:33:06 religieuse,
00:33:08 le chagrin que vous
00:33:10 faites, le constat
00:33:12 que cette guerre arrive en Europe,
00:33:14 que les
00:33:16 Européens et les Français spécialement
00:33:18 réagissent mal, et
00:33:20 vous avez le courage, c'est-à-dire l'amitié
00:33:22 courageuse de nous dire
00:33:24 "Oh là, qu'est-ce que vous faites ? Vous vous rendez pas compte où vous allez ?"
00:33:26 Mais,
00:33:28 le miracle,
00:33:30 derrière,
00:33:32 et c'est comme ça que je vous ai connus,
00:33:34 c'est
00:33:36 l'incroyable
00:33:38 inné,
00:33:40 peut-être, je ne sais pas,
00:33:42 talent d'écrivain que vous révélez.
00:33:44 Vous avez une plume,
00:33:46 alors je le dis pour ceux de nos
00:33:48 amis de TV Liberté
00:33:50 qui ne vous
00:33:52 ont pas encore lu, les pauvres,
00:33:54 vous,
00:33:56 vous, vous, vous, non,
00:33:58 vous faites des livres adorables, magnifiques.
00:34:00 C'est pas du tout
00:34:02 des descriptions, vous avez vraiment
00:34:04 votre plume bien à vous, qui est née
00:34:06 comme ça, surgit, vous allez nous dire comment,
00:34:08 avec des émotions, et
00:34:10 des émotions, et des émotions.
00:34:12 C'est haletant parce que
00:34:14 vous allez au drame humain
00:34:16 à chaque paragraphe.
00:34:18 Ça devient universel en réalité.
00:34:20 Avec un fond de misère,
00:34:22 enfin, de misère humaine,
00:34:24 la misère humaine est sans cesse étalée,
00:34:26 et en scientifique, vous allez
00:34:28 droit à l'expression
00:34:30 de la pauvreté humaine.
00:34:32 Ça fait des livres absolument bouleversants.
00:34:34 Vraiment bouleversants.
00:34:36 Je voudrais qu'on parle de certains,
00:34:38 et je voudrais d'abord que vous nous disiez
00:34:40 comment est née cette plume.
00:34:42 Parce que vous étiez un scientifique,
00:34:44 vous vouliez comprendre, vous avez pris la plume
00:34:46 pour comprendre, mais comment se fait-il que
00:34:48 cette plume s'est révélée être
00:34:50 - On ne sait pas.
00:34:52 - Magnifique et bouleversante.
00:34:54 - On ne sait pas les éléments.
00:34:56 Bon, moi,
00:34:58 d'abord que je suis né dans la langue française.
00:35:00 J'ai eu une famille francophone
00:35:02 qui ne parlait que français.
00:35:04 - Une famille assez riche.
00:35:06 Du rift ?
00:35:08 - Oui, alors, dans mon histoire,
00:35:10 à un moment donné, effectivement,
00:35:12 élevée par
00:35:14 ce qu'on appelait grand-mère,
00:35:16 mais ce n'était pas du tout notre grand-mère.
00:35:18 C'était une femme qui...
00:35:20 - Qui était une chef d'entreprise,
00:35:22 une chef de réseau.
00:35:24 - Oui, cette femme est très riche.
00:35:26 Elle a une soeur.
00:35:28 Sa soeur décède.
00:35:30 Et donc, cette...
00:35:32 cette femme,
00:35:34 cette grand-mère...
00:35:36 - Vous racontez ça dans "Rue d'Harville".
00:35:38 - Voilà, récupère l'enfant de sa soeur
00:35:40 morte en couche.
00:35:42 Donc, elle élève. Et il se trouve que cet enfant
00:35:44 qu'elle a élevé, c'est mon père.
00:35:46 - Caderre. - Ce sera mon père.
00:35:48 - Caderre. - Voilà.
00:35:50 - Alors, on peut dire un mot
00:35:52 de votre grand-mère.
00:35:54 - Elle a fait fortune
00:35:56 en gérant magnifiquement,
00:35:58 avec beaucoup d'autorité.
00:36:00 - Ah oui, c'était...
00:36:02 - C'était une maîtresse-femme.
00:36:04 Des biens, des terres.
00:36:06 - Un pouvoir colossal.
00:36:08 - Un petit réseau, on peut dire aussi...
00:36:10 - Rien de petit, tout était grand chez elle.
00:36:12 (rires)
00:36:14 - De femmes, on peut dire aussi.
00:36:16 C'était un réseau de prostitution.
00:36:18 - Entre autres.
00:36:20 - Entre autres.
00:36:22 - C'est une...
00:36:24 Cette femme-là...
00:36:26 Il faut...
00:36:28 Juste une petite digression.
00:36:30 - Allez-y. - L'histoire de la prostitution
00:36:32 en Algérie. - Ah oui.
00:36:34 - Il y a la prostitution des femmes
00:36:36 qui se prostituent, je veux dire, c'est individuel,
00:36:38 ou des petits réseaux de prostitution.
00:36:40 En Algérie, c'était pas du tout
00:36:42 le cas. C'est que quand
00:36:44 la France arrive et colonise
00:36:46 le pays, en avançant,
00:36:48 elle a détruit les structures
00:36:50 sur l'économie qu'elle a trouvées.
00:36:52 C'est des gens, des tribus,
00:36:54 qui vivaient de leur...
00:36:56 de leur cheptel,
00:36:58 leur mouton, la transhumance,
00:37:00 le petit artisanat,
00:37:02 c'était ça.
00:37:04 L'armée française arrive,
00:37:06 ces structures disparaissent,
00:37:08 et ils sont tombés
00:37:10 dans une misère effroyable.
00:37:12 Donc beaucoup de tribus,
00:37:14 de beaucoup de régions
00:37:16 n'ont pas su se reconstituer
00:37:18 ou constituer une base
00:37:20 économique nouvelle.
00:37:22 - N'ayant gardé les réseaux traditionnels.
00:37:24 - Certains ont compris,
00:37:26 on peut tirer profit de la présence
00:37:28 de ces soldats.
00:37:30 - Ah, les femmes.
00:37:32 - Qu'est-ce qu'on fait ?
00:37:34 Les tribus, par exemple,
00:37:36 se sont spécialisés dans la chose.
00:37:38 Ils prostituent leurs filles.
00:37:40 Mais en fait,
00:37:42 c'était pas une prostitution,
00:37:44 c'était organiser
00:37:46 le repos du guerrier.
00:37:48 Les soldats sont là, dans les maquis,
00:37:50 le soir ils sont rentrés en caserne,
00:37:52 ces filles venaient,
00:37:54 très tatouées,
00:37:56 avec leurs colliers, leurs trucs,
00:37:58 et puis la danse.
00:38:00 Et puis ça a évolué.
00:38:02 - De la danse au...
00:38:04 - Voilà, et puis du coup,
00:38:06 et donc ils se sont spécialisés.
00:38:08 La tribu des Ouled Nahil,
00:38:10 son économie,
00:38:12 c'était ça.
00:38:14 Ils ne travaillent que pour ça.
00:38:16 - C'est tellement humain tout ça.
00:38:18 - Voilà.
00:38:20 Bon, alors,
00:38:22 cette fille-là, cette grand-mère-là,
00:38:24 c'était la...
00:38:26 la fille
00:38:28 aînée d'un chef de tribu,
00:38:30 dont l'économie
00:38:32 a été cassée par l'armée.
00:38:34 - Vous parlez de votre grand-mère, là.
00:38:36 - Oui.
00:38:38 Son père meurt,
00:38:40 elle se retrouve, elle,
00:38:42 dans la tribu. - Très jeune.
00:38:44 - Oui, elle était assez jeune, peut-être
00:38:46 22, 23 ans.
00:38:48 Le papa est mort,
00:38:50 elle se retrouve... Il n'y a pas d'économie.
00:38:52 Les moutons ont été
00:38:54 rasiés, il n'y a plus rien.
00:38:56 Il faut bien vivre.
00:38:58 Et elle s'est avérée
00:39:00 une femme d'affaires
00:39:02 internationale, parce que
00:39:04 ce qu'elle avait en famille, c'est Pinot.
00:39:06 - Il y a le Maroc.
00:39:08 - Ça a commencé au Maroc.
00:39:10 Elle a eu une fortune colossale,
00:39:12 des hôtels, des champs, des trucs, des machins.
00:39:14 Et puis en France, la boitier de Vichy
00:39:16 lui appartenait.
00:39:18 Mon grand-père, Matanelle,
00:39:20 dit à sa fille, si tu t'y épouses
00:39:22 machin fils de...
00:39:24 - Oui.
00:39:26 - De l'origine de la...
00:39:28 Parmi ses affaires,
00:39:30 elle avait quelques petits machins,
00:39:32 des bouts de nuit, quelques bordels,
00:39:34 quelques cinémas, quelques...
00:39:36 Tu n'es plus ma fille.
00:39:38 Il se marie.
00:39:40 Très vite, accident de voiture,
00:39:42 sous l'effet de la drogue,
00:39:44 il meurt. Mon père meurt.
00:39:46 - C'est lui qui conduisait
00:39:48 votre grand-mère.
00:39:50 En réalité, il était un peu le secrétaire.
00:39:52 Il lui servait aussi
00:39:54 d'adjoint. Et il meurt
00:39:56 dans un endroit très tortueux,
00:39:58 dites-vous, où il y a beaucoup d'accidents
00:40:00 toujours aujourd'hui.
00:40:02 Il a 35 ans, quelque chose comme ça.
00:40:04 - Oui, voilà, c'est ça.
00:40:06 - Et donc,
00:40:08 dès que mon père meurt,
00:40:10 sa... la grand-mère,
00:40:12 la chasse. Et ma mère se retrouve
00:40:14 rue Darwin. - Et voilà.
00:40:16 - Elle arrive à Alger, normal, personne.
00:40:18 Son mari vient de mourir.
00:40:20 Elle a trois enfants. Elle ne sait pas quoi faire.
00:40:22 Elle dort dans la rue sur un carton.
00:40:24 Alors que la veille, elle dormait dans un palais
00:40:26 là-bas. - La chute.
00:40:28 - Et donc...
00:40:30 Et...
00:40:32 On lui indique un endroit.
00:40:34 On lui dit "qu'est-ce que tu veux ? Je cherche un truc
00:40:36 pour dormir, mes enfants, un truc".
00:40:38 Il y a quelqu'un qui lui dit "écoute,
00:40:40 à la synagogue, ils ont une pièce là-bas. Va voir
00:40:42 le rabbin".
00:40:44 Et donc, elle va voir le rabbin. Le rabbin, super
00:40:46 gentil. Cette
00:40:48 synagogue ne fonctionnait pratiquement
00:40:50 plus. Les juifs
00:40:52 d'Algérie n'ont jamais été très pratiquants.
00:40:54 Et donc, il lui dit "Ah, madame,
00:40:56 y a pas de problème. Je vous donne cette pièce là-bas.
00:40:58 Vous l'occupez".
00:41:00 Et c'est comme ça que je me suis trouvé.
00:41:02 Mon meilleur copain, c'était le rabbin.
00:41:04 Il avait 75 ans. Il s'est
00:41:06 occupé de moi. Donc, je me suis
00:41:08 formé. Il m'a fait...
00:41:10 Il m'a fait lire. Il a commencé
00:41:12 à m'apprendre. - Alors, c'est ça. Il vous a fait lire.
00:41:14 Alors, là, on est dans un petit...
00:41:16 Enfin, dans un quartier de Bellecour.
00:41:18 C'est ça, le fameux quartier Bellecour, quartier populaire
00:41:20 qui grimpe.
00:41:22 Alors, la rue d'Harvine est un peu haut.
00:41:24 - Oui. - Qui se trouve être très
00:41:26 près de la rue où est
00:41:28 née Albert Camus, d'ailleurs.
00:41:30 - Oui, oui.
00:41:32 - Et vous le rencontrez, d'ailleurs,
00:41:34 Albert Camus. - Oui, oui.
00:41:36 - Vous, très jeune.
00:41:38 - Pour nous, c'était un footballeur. Donc, on l'adorait.
00:41:40 - C'était un footballeur, Albert Camus. - C'est tout.
00:41:42 - Vous ne pensiez pas que ce serait un prénom
00:41:44 même de la littérature. - Je pensais jamais à ces choses-là.
00:41:46 - Et vos mères se fréquentaient, puisqu'elles étaient voisines.
00:41:48 - Ah oui, ma mère était
00:41:50 s'occuper de...
00:41:52 Albert l'avait...
00:41:54 Elle était malade et toujours souffrante.
00:41:56 Elle avait toujours vécu dans la maladie.
00:41:58 - Madame Saintes, comme on l'appelait.
00:42:00 On ne l'appelait pas Madame Camus. Je ne sais pas pourquoi, d'ailleurs.
00:42:02 Les gens ne l'appelaient que Madame Saintes.
00:42:04 C'est son nom de jeune fille.
00:42:06 Espagnol. Donc,
00:42:08 un accent espagnol et tout.
00:42:10 Et donc, il avait
00:42:12 dit à ma mère et à Madame Sainte-Salle,
00:42:14 "Vous passez de temps en temps
00:42:16 pour les faire ces piqures."
00:42:18 Et quelque chose
00:42:20 s'est passé entre eux, parce que
00:42:22 ma mère, chassée de sa maison,
00:42:24 la rue... - Entre les deux mères,
00:42:26 on va les dire. - Oui, oui. Ma mère avec...
00:42:28 - La mère de Camus. - Et Madame...
00:42:30 Et la maman de Camus un peu abandonnée,
00:42:32 parce que son fils,
00:42:34 son mythe est mondial. - Il vivait
00:42:36 à Paris. - Voilà.
00:42:38 Il avait grand amour partout dans le monde.
00:42:40 Et sa
00:42:42 famille...
00:42:44 Elle avait des frères et des machins, mais ils ne s'occupaient
00:42:46 pas vraiment d'elle.
00:42:48 Et donc, il y a eu quelque chose avec...
00:42:50 Donc, ma mère allait lui faire sa piqure.
00:42:52 Et puis, elle lui fait un peu de ménage en passant.
00:42:54 Et puis,
00:42:56 "Vous n'avez rien à manger ? Ah oui, je vous fais une petite soupe."
00:42:58 Elle est hop, tac, tac, tac. Elle lui fait une petite soupe.
00:43:00 - Mais alors, il y avait quelque chose,
00:43:02 Boualém Sanssarl, au-dessus
00:43:04 de tout ça, qui explique
00:43:06 tout, qui explique que
00:43:08 vous soyez devenu celui que vous êtes.
00:43:10 On peut dire un des plus grands
00:43:12 écrivains et plus fameux écrivain
00:43:14 de langue française dans le monde.
00:43:16 Ce qu'il y a au-dessus de tout ça,
00:43:18 ce sont les livres.
00:43:20 Et vous m'avez dit, ce matin, au petit déjeuner,
00:43:22 dans mon premier petit déjeuner en France,
00:43:24 vous m'avez dit quelque chose qui m'a estomaqué.
00:43:26 Vous avez toujours
00:43:28 beaucoup lu, très jeune, et votre mère
00:43:30 lisait presque un livre par jour.
00:43:32 - Oui, j'allais rectifier tout à l'heure,
00:43:34 mais à un moment donné,
00:43:36 elle était passée sur
00:43:38 les Polards, Gata Christi,
00:43:40 - Oui, oui, des livres.
00:43:42 - Des livres qui se lisent rapidement.
00:43:44 Au début, elle avait quand même le souci de la...
00:43:46 Parce que ma mère a quand même été
00:43:50 jusqu'à la terminale,
00:43:52 donc elle lisait des livres sérieux.
00:43:54 - Il y a 10 ans,
00:43:56 vous avez commencé à lire beaucoup.
00:43:58 - Moi, j'ai commencé à lire, oui.
00:44:00 Mais à l'époque, c'était, je dirais, presque obligatoire.
00:44:02 - Oh !
00:44:04 - Si, si, quand même.
00:44:06 - À ce rythme-là ?
00:44:08 - Non, il y avait quand même une sorte de culte de...
00:44:10 - De la langue.
00:44:12 - Il faut voir quand même que nous sommes en Afrique.
00:44:14 On n'est pas en France.
00:44:16 Alors, on est en Afrique,
00:44:18 on a des communautés particulières.
00:44:20 Et...
00:44:22 Le français, c'est la promotion.
00:44:24 On est éduqué.
00:44:26 - Édouquerré, c'est-à-dire
00:44:28 monté vers le haut,
00:44:30 aspiré vers le haut par la langue, par le livre.
00:44:32 - Nous, on ne regarde pas la France
00:44:34 comme un pays touristique, c'est-à-dire,
00:44:36 c'est un pays particulier.
00:44:38 La France, ce n'est pas l'Angleterre, ce n'est pas l'Allemagne,
00:44:40 pour nous, ce n'est pas des pays...
00:44:42 - D'où le fameux rôle de l'instituteur chez Camus.
00:44:44 - La France, oui, la France,
00:44:46 en Afrique, on a des colonies.
00:44:48 C'est une...
00:44:50 Pfff...
00:44:52 C'est, on dirait aujourd'hui,
00:44:54 la Mecque pour les musulmans.
00:44:56 - C'est ça.
00:44:58 - C'est l'anti-Mecque.
00:45:00 C'est l'inverse de la Mecque, en fait.
00:45:02 - Exactement.
00:45:04 Et donc, on a été éduqué.
00:45:06 Il faut lire les grands auteurs,
00:45:08 il faut lire Victor Hugo, il faut lire Rousseau,
00:45:10 même si on ne comprend pas...
00:45:12 On lit.
00:45:14 - C'est sacré, en fait.
00:45:16 - Et puis, bon, ensuite, on s'affranchit.
00:45:18 Donc, voilà.
00:45:20 Après, je suis passé à la lecture
00:45:22 à ma période sud-américaine,
00:45:24 ma période américaine, ma période russe.
00:45:26 Je ne lisais que du russe,
00:45:28 Tolstoy, Madovtsev, qui est compagnie,
00:45:30 Gogol,
00:45:32 etc.
00:45:34 Il y a un truc qu'on n'a jamais lu,
00:45:36 c'est le monde arabe
00:45:38 qui ne produit pas de littérature,
00:45:40 il ne produit que des livres savants.
00:45:42 L'histoire, la sociologie...
00:45:44 - La théologie...
00:45:46 - La fiction, mal vue.
00:45:48 C'est même péché.
00:45:50 - Il y a quelques écrivains egyptiens, quand même.
00:45:52 - Oui, mais ça, c'est nouveau.
00:45:54 Je veux dire qu'à cette époque-là...
00:45:56 - De guerre...
00:45:58 - Ce n'est pas bon. Il n'y a que Dieu qui crée des personnages.
00:46:00 Même si c'est un personnage fictif,
00:46:02 la photographie était interdite.
00:46:04 - Ah, les Libanais,
00:46:06 tout ça, vous ne lisiez pas, ça ?
00:46:08 - Ils ont commencé un peu avant,
00:46:10 mais c'était pareil, aussi.
00:46:12 Dans le monde musulman,
00:46:14 on ne représente pas le prophète,
00:46:16 on ne le représente pas.
00:46:18 Il a fallu des débats,
00:46:20 mais extraordinaires, dans le monde musulman,
00:46:22 pour qu'on accepte la photographie,
00:46:24 pour des besoins administratifs.
00:46:26 - C'est interdit.
00:46:28 - Encore aujourd'hui, en Algérie,
00:46:30 tous les jours, le problème se pose.
00:46:32 Une femme se présente pour avoir
00:46:34 une carte d'identité ou un passeport,
00:46:36 il lui dit "il faut ramener des photos".
00:46:38 Elle lui dit "non, madame,
00:46:40 vous ramenez deux photos, visage découvert".
00:46:42 "Ah, jamais, parce que le mari est à côté".
00:46:44 "Comment, boum !
00:46:46 Ma femme, elle va enlever le truc ?"
00:46:48 "C'est ça, une carte d'identité."
00:46:50 "Moi, je peux vous le faire."
00:46:52 "Vous allez en France,
00:46:54 on ne vous laissera pas entrer."
00:46:56 "Oh là là, dis donc."
00:46:58 "Alors on demande aux photographes,
00:47:00 ils vont chez le photographe,
00:47:02 et le photographe, il doit faire ça, hein."
00:47:04 Voilà, ça y est.
00:47:06 C'est ça les problèmes
00:47:08 de ces pays-là.
00:47:10 - Oui, je vous le dois.
00:47:12 - Et donc, voilà.
00:47:14 Mais c'était pour nous,
00:47:16 les citadins qui
00:47:18 tient déjà
00:47:20 dans l'espace français,
00:47:22 l'école, parce qu'on était à l'école et tout,
00:47:24 la véritable promotion,
00:47:26 c'est la maîtrise des français.
00:47:28 C'est la culture générale.
00:47:30 Voilà.
00:47:32 Et ma mère nous a inculqués ça,
00:47:34 un coup de gifle,
00:47:36 un coup de...
00:47:38 Ah oui, elle était vraiment très dure.
00:47:40 Elle lisait beaucoup.
00:47:42 Et puis avec l'âge,
00:47:44 elle lisait des choses simples,
00:47:46 le polar,
00:47:48 que j'allais acheter au kilo
00:47:50 chez le bouquiniste du coin.
00:47:52 - Si elle lisait tant que ça, il leur fallait...
00:47:54 - Je lui ramenais trois paniers,
00:47:56 et puis à la fin de la semaine, elle me dit
00:47:58 "Voilà, achète-moi encore."
00:48:00 "Tu as lu tout ça ?" "Oui, j'ai lu."
00:48:02 Elle ne dort pas, elle lit, elle lit,
00:48:04 elle était à la retraite,
00:48:06 malade,
00:48:08 elle lisait, elle lisait,
00:48:10 c'est extraordinaire.
00:48:12 - Et pendant ce temps, la langue vous imbibait.
00:48:14 - Et l'Algérie indépendante a été
00:48:16 vraiment aussi...
00:48:18 de ce côté-là, il y a eu
00:48:20 les premières années,
00:48:22 franchement, un engouement
00:48:24 pour la culture française,
00:48:26 pour le cinéma français.
00:48:28 - Parce que vous avez 13 ans au moment de l'indépendance,
00:48:30 c'est un bon souvenir, le jour de l'indépendance ?
00:48:32 Les fêtes de l'indépendance,
00:48:34 tout le monde était en fête.
00:48:36 - Oui, complètement. Alors on est passé
00:48:38 des périodes un peu avant,
00:48:40 trois mois avant,
00:48:42 qui ont été des périodes très dures.
00:48:44 - La guerre. - L'OAS était là,
00:48:46 les attentats,
00:48:48 tous les jours, pour traverser la rue,
00:48:50 c'est les snipers, partout.
00:48:52 - Il faut serrer les fesses.
00:48:54 - Mais aussi, il y avait le FLN qui tirait sur les peignoirs,
00:48:56 donc c'était absolument...
00:48:58 on ne bougeait pas.
00:49:00 C'était vraiment terrible,
00:49:02 des tueries, des massacres,
00:49:04 un peu le massacre d'Oran.
00:49:06 C'est un peu le 7 octobre à...
00:49:08 - À Moscou ? Ah, pardon,
00:49:10 à Palestine. - En Israël.
00:49:12 - C'est tous les gros attentats
00:49:14 comme le Bataclan et autres.
00:49:16 - Absolument. - Mais c'était tous les jours.
00:49:18 - Absolument terrible. Puis il y a eu
00:49:20 ce moment très, très, très émouvant
00:49:22 où on a vu des milliers
00:49:24 de peignoirs, femmes et enfants,
00:49:26 entrer dans un petit ballon,
00:49:28 le bébé, l'enfant tenu par la main,
00:49:30 le ballon courait vers le port.
00:49:32 Et nous, on a vu nos voisins
00:49:34 descendre. - Pour partir.
00:49:36 - "Madame Sansa, s'il vous plaît,
00:49:38 "on va vite, vite, parce que le bateau
00:49:40 "va partir sur nous.
00:49:42 "Alors, je vous laisse, gardez-moi ça."
00:49:44 Alors, des trucs, parce qu'ils ne pouvaient pas...
00:49:46 Dans le bateau, on leur disait, "Pas plus de 5 kilos."
00:49:48 - Et ils pensaient revenir.
00:49:50 - Voilà, "Madame Sansa, je vous laisse ça.
00:49:52 "Et gardez-le."
00:49:54 Voilà. Certaines même ont laissé
00:49:56 leurs enfants.
00:49:58 Donc, c'était
00:50:00 très émouvant. Moi, j'y courais
00:50:02 avec mes copains.
00:50:04 Ils descendaient de l'immeuble,
00:50:06 on habitait dans une cité comme ça,
00:50:08 ils descendent, ils couraient.
00:50:10 Et je courais avec eux. Puis on arrivait au port.
00:50:12 - Au port. Les bateaux prit d'assaut.
00:50:14 - La police du FLN,
00:50:16 etc.,
00:50:18 les machins, les trucs, le papier.
00:50:20 Et puis,
00:50:22 les dépouillés, là, sur place, souvent.
00:50:24 "Madame, un kilo,
00:50:26 juste une valise." Hop, le ballon.
00:50:28 - Le reste, on prend le reste.
00:50:30 - Les enfants qui pleurent,
00:50:32 les femmes qui hurlent.
00:50:34 Et puis, on arrive à l'entrée.
00:50:36 Eux, passaient, et nous, on était repoussés.
00:50:38 On tenait les barreaux comme ça.
00:50:40 Et puis, vous voyez, les pauvres.
00:50:42 Et puis, le bateau qui part.
00:50:44 C'était déchirant. Ma mère a perdu
00:50:46 toutes ses copines. On habitait dans un immeuble...
00:50:48 - Vide.
00:50:50 - Entièrement de pieds noirs.
00:50:52 Et ils sont tous partis. - Vide.
00:50:54 - A la fin de la journée,
00:50:56 ils ont laissé même les portes ouvertes.
00:50:58 On pouvait rentrer, prendre les meubles, les statues.
00:51:00 - Certains Français, certains pieds noirs,
00:51:02 ont tenté de rester quelques mois,
00:51:04 quelques années, mais ça n'a pas marché.
00:51:06 - Beaucoup sont restés, même.
00:51:08 Mais ils n'ont pas tenu longtemps.
00:51:10 Ils n'ont pas tenu...
00:51:12 Alors,
00:51:14 le paradoxe, c'est que,
00:51:16 dans le même temps, s'est installée
00:51:18 une assemblée constituante
00:51:20 où il y avait
00:51:22 des pieds noirs,
00:51:24 ceux qui sont restés,
00:51:26 députés de la constituante,
00:51:28 des Algériens, des Juifs.
00:51:30 C'était ce qu'avaient prévu
00:51:32 les accords d'Evian.
00:51:34 Donc, la constituante
00:51:36 a commencé à travailler
00:51:38 pour rédiger une constitution.
00:51:40 Boumediene et Bembella
00:51:42 rédigent une constitution
00:51:44 dans leur bureau, sur le coin de la table.
00:51:46 Ils vont dans un cinéma
00:51:48 et ramassent 500 personnes
00:51:50 dans la rue.
00:51:52 Et ils leur disent "Voilà la constitution
00:51:54 de l'Algérie".
00:51:56 Et les 500 personnes, ils appaudissent.
00:51:58 Et là,
00:52:00 ils envoient
00:52:02 5-6 policiers
00:52:04 à l'assemblée constituante, la vraie.
00:52:06 Ils disent "C'est fini, vous pouvez partir.
00:52:08 La constitution, la vraie."
00:52:10 - Ce qui nous aide à comprendre
00:52:12 les hésitations, les difficultés
00:52:14 du général de Gaulle,
00:52:16 en 1958.
00:52:18 Vous m'avez choqué hier
00:52:20 en disant "De Gaulle voulait se débarrasser
00:52:22 de l'Algérie".
00:52:24 Par courtoisie, je ne vous ai pas
00:52:26 gourmandé ce mot "débarrasser".
00:52:28 Je crois
00:52:30 qu'il y avait chez de Gaulle une conception
00:52:32 au fond assez ancienne,
00:52:34 assez monarchiste,
00:52:36 capétienne
00:52:38 de l'histoire,
00:52:40 qui a refusé au fond
00:52:42 une colonisation
00:52:44 qui a été le fait de la République.
00:52:46 Les monarchistes étaient opposés
00:52:48 à la colonisation, vous le savez.
00:52:50 Au fond, ce qu'a fait
00:52:52 en 1830
00:52:54 le duc d'Aumale
00:52:56 et dans ces dernières semaines
00:52:58 Charles X,
00:53:00 c'était
00:53:02 apaiser
00:53:04 des foyers,
00:53:06 des ports d'où partaient
00:53:08 des...
00:53:10 comment peut-on dire ?
00:53:12 Des raids ? - Des pirates.
00:53:14 - Des pirates qui allaient piller
00:53:16 la Provence.
00:53:18 Et ramener des femmes.
00:53:20 - Ils sont allés jusqu'en Angleterre.
00:53:22 - Et ramener des femmes.
00:53:24 Donc le but, ce n'était pas la colonisation.
00:53:26 C'est ensuite la République.
00:53:28 Napoléon III, etc.
00:53:30 Je pense que de Gaulle...
00:53:32 Je n'ai pas osé vous le dire hier,
00:53:34 mais je vous le dis maintenant.
00:53:36 De Gaulle considérait au fond
00:53:38 que...
00:53:40 Non, c'était faux. L'Algérie, ce n'était pas la Picardie.
00:53:42 Pour reprendre le mot que vous avez utilisé.
00:53:44 Et qu'il avait
00:53:46 une logique très nationale.
00:53:48 C'est-à-dire qu'il ne fallait pas aller
00:53:50 au-delà
00:53:52 de ce qui était nous.
00:53:54 Et je crois qu'il avait cette conception
00:53:56 nationale,
00:53:58 nationaliste, on peut dire,
00:54:00 au bon sens du terme,
00:54:02 un peu morassien.
00:54:04 Parce qu'on se trompe
00:54:06 sur le mot nationaliste.
00:54:08 Le nationalisme inspire
00:54:10 un monde en ordre parce que les nations
00:54:12 sont indépendantes.
00:54:14 Et donc on n'avait rien à faire en Algérie.
00:54:16 C'est ce qu'il se disait.
00:54:18 Mais alors là,
00:54:20 vous m'avez fait comprendre ça hier,
00:54:22 une grande difficulté à trouver des interlocuteurs.
00:54:24 Comment faire ?
00:54:26 - C'est toujours difficile.
00:54:28 - Vous disiez que quand on trouve des interlocuteurs
00:54:30 raisonnables,
00:54:32 ils se faisaient zigouiller par
00:54:34 le FNN.
00:54:36 - Non, je maintiens quand même
00:54:40 l'idée que De Gaulle
00:54:42 est arrivé et
00:54:44 il s'était...
00:54:46 Il a bien regardé des notions
00:54:48 importantes
00:54:50 auxquelles on fait référence souvent
00:54:54 sans trop les définir.
00:54:56 C'est l'intégration, l'assimilation.
00:54:58 - L'assimilation.
00:55:00 - La France est un pays qui assimile.
00:55:02 - Oui.
00:55:04 - C'est une preuve vivante.
00:55:06 - Vous allez aux Etats-Unis,
00:55:08 personne ne vous le demandera jamais.
00:55:10 - Les Anglais, c'est pareil.
00:55:12 - La France, c'est une autre construction
00:55:14 tout à fait à part
00:55:16 qu'on ne trouve qu'en France.
00:55:18 C'est la nation,
00:55:20 l'humilité culturelle,
00:55:22 linguistique.
00:55:24 - Pourquoi le pays n'est pas raciste du tout ?
00:55:26 - Un peu de tolérance dans la religion.
00:55:28 La France a toujours quand même...
00:55:30 Très tôt,
00:55:32 elle s'est définie comme étant laïque.
00:55:34 Donc à la limite, on s'en fout qu'ils soient
00:55:36 musulmans, juifs, cathos, protestants.
00:55:38 Ce n'est pas notre affaire.
00:55:40 - L'affaire, c'est la langue.
00:55:42 - Oui. Vraiment basé sur la langue.
00:55:44 - L'assimilation, c'est la langue.
00:55:46 Ce n'est pas la religion.
00:55:48 - Il le dit lui-même dans ses mémoires
00:55:50 et dans les écrits publiés
00:55:52 par d'autres, notamment...
00:55:58 - Vous parlez d'un livre de Général De Gaulle ?
00:56:00 - Oui.
00:56:02 - Les mémoires, j'imagine.
00:56:04 - Non.
00:56:06 Ses mémoires.
00:56:08 Et puis, il y a des gens qui ont écrit sur lui.
00:56:10 Comme Perfit, par exemple.
00:56:12 - Ce qu'il dit à Perfit, c'est très net.
00:56:14 Il dit "chaque nation
00:56:16 chez elle". En réalité, les nations sont immortelles.
00:56:18 C'est comme
00:56:20 une commode
00:56:22 qui est recouverte de poussière.
00:56:24 On enlève la poussière, elle est intacte.
00:56:26 Quelle que soit ce qu'il a recouvert.
00:56:28 Comme la Russie est restée intacte
00:56:30 sous la couverture marxiste et soviétique.
00:56:32 Les nations restent
00:56:34 des nations imperturbables.
00:56:36 - Et donc, il avait cette...
00:56:38 Pour lui, il fallait...
00:56:42 Evidemment, il voulait se débarrasser
00:56:44 de l'Algérie, mais selon un timing
00:56:46 à lui.
00:56:48 Parce que...
00:56:50 - Il a voulu garder le Sahara, un moment.
00:56:52 - Voilà.
00:56:54 Ça a été d'ailleurs un point
00:56:56 sur lequel les négociations ont échoppé.
00:56:58 - Le Sahara et le pétrole.
00:57:00 - Le Sahara, ce qu'il a...
00:57:02 Le Sahara n'a jamais fait partie du Nord.
00:57:04 Parce que...
00:57:06 Les Romains n'ont colonisé
00:57:08 que la côte.
00:57:10 Les Arabes, quand ils sont venus, pareil.
00:57:12 Les Turcs, pareil.
00:57:14 Il n'y a que les Français qui ont été...
00:57:16 - Au fond. - Aussi loin que possible.
00:57:20 - Les Katamarazès.
00:57:22 - Les Sihoulés.
00:57:24 Et puis, il savait,
00:57:26 évidemment, que le Sahara...
00:57:28 Stratégiquement, c'est très important.
00:57:30 Vraiment, c'est un...
00:57:32 Et donc, il y tenait.
00:57:34 Ensuite, il a compris que, finalement,
00:57:36 la propriété, c'est pas important.
00:57:38 On peut développer
00:57:40 des partenariats autour du pétrole.
00:57:42 Et puis, il y avait
00:57:44 ce dossier secret auquel les Algériens
00:57:46 n'étaient pas au courant
00:57:48 de l'existence de ce dossier.
00:57:50 C'était les essais nucléaires.
00:57:52 C'est là que
00:57:54 la bombe atomique française est née.
00:57:56 - Oui, oui. - À Régane,
00:57:58 à Bidon 5.
00:58:00 Donc, c'est des terres
00:58:02 d'immenses territoires
00:58:04 où se passaient des choses bizarres.
00:58:06 On expérimentait.
00:58:08 Et donc,
00:58:10 il voulait garder le Sahara
00:58:12 encore un certain temps.
00:58:14 Et on venait de découvrir
00:58:16 le pétrole.
00:58:18 - Enjeu. - Énorme enjeu.
00:58:20 - Ah oui, c'était tout reste.
00:58:22 - Parce que pour nous, il s'agissait de sortir
00:58:24 de l'hégémonie anglo-saxonne,
00:58:26 anglaise et américaine,
00:58:28 qui avait fait base sur le pétrole.
00:58:30 Donc, il fallait conquérir un peu d'indépendance.
00:58:32 - Non, non. Au départ,
00:58:34 le pétrole était français. - Dans notre esprit, c'est ça.
00:58:36 Parce qu'il fallait nos propres
00:58:38 approvisionnements pétroliers.
00:58:40 - C'est ça. Et puis,
00:58:42 au fur et à mesure,
00:58:44 en 1971,
00:58:46 l'Algérie nationalise les compagnies
00:58:48 pétrolières françaises
00:58:50 opérant au Sahara.
00:58:52 Et fait appel
00:58:54 à vendre
00:58:56 des concessions partout.
00:58:58 Mais ce sont surtout les Américains qui sont
00:59:00 venus extraire le pétrole.
00:59:02 Du coup, ils se sont
00:59:04 imposés. - Ensuite, oui.
00:59:06 Évidemment. - Voilà.
00:59:08 - Les Américains étaient très partisans
00:59:10 de l'indépendance.
00:59:12 Ils avaient une idée derrière la tête.
00:59:14 - Alors, on revient à ces négociations
00:59:16 parce que c'est assez touchant
00:59:18 ce que vous nous racontiez hier. On peut dire
00:59:20 où vous habitez ? Je ne sais pas si...
00:59:22 - Oui, bien sûr. - Une ville très spéciale.
00:59:24 Enfin, qui a toute une histoire.
00:59:26 - Oui, c'est ça. - À une quarantaine de
00:59:28 kilomètres... - À l'est d'Alger.
00:59:30 À l'est...
00:59:32 - À l'est d'Alger, au bord de la mer,
00:59:34 qui s'appelle... J'oublie toujours son nom.
00:59:36 - À cette époque, ça s'appelait...
00:59:38 Ça n'avait pas de nom. Il y avait un petit truc...
00:59:40 - D'Organe. - Rocher noir.
00:59:42 - Parce qu'il y avait un petit truc
00:59:44 où il y avait 3-4 pêcheurs,
00:59:46 une maison de pêcheurs
00:59:48 qui pêchait.
00:59:50 Et puis, tout le reste, c'était
00:59:52 du maquis.
00:59:54 Un pénétrate, il fourrait
00:59:56 jusqu'à la mer.
00:59:58 Et donc,
01:00:00 là, De Gaulle avait...
01:00:02 - Et maintenant, il s'appelle Boumardès.
01:00:04 - On a appelé ça Boumardès à l'indépendance.
01:00:06 - À l'indépendance, après.
01:00:08 - Parce qu'on dirait Rocher noir. C'est français.
01:00:10 Donc,
01:00:12 ils ont cherché.
01:00:14 Puis, ils ont découvert, pas loin,
01:00:16 10-15 km, qu'il y avait
01:00:18 une sorte de marabout.
01:00:20 Donc, c'est un aquarelle, des gens qui
01:00:24 vivent comme ça dans les nuages,
01:00:26 tout seuls.
01:00:28 Qui s'appelait Boumardès.
01:00:30 - On lui a donné ce nom.
01:00:32 - Il s'est dit "Tiens, c'est pas mal, Boumardès".
01:00:34 Et donc, on a nommé ça Boumardès.
01:00:36 - Alors, Rocher noir, c'est un lieu important stratégiquement
01:00:38 qui est le premier,
01:00:40 éviant, on peut dire,
01:00:42 le premier lieu de rencontre.
01:00:44 Puisque la difficulté étant de trouver des interlocuteurs,
01:00:46 il fallait presque un lieu protégé
01:00:48 pour trouver des interlocuteurs.
01:00:50 Pour qu'ils ne se fassent pas zigouiller.
01:00:52 - Oui, quand De Gaulle
01:00:54 avait donc, après Moutessé,
01:00:56 trouvé des interlocuteurs
01:00:58 pour commencer
01:01:00 à négocier
01:01:02 l'avenir des relations
01:01:04 entre l'Algérie et la France,
01:01:06 et puis les passations, les modalités à mettre en place
01:01:08 pour réaliser cela.
01:01:10 Donc, ils ont identifié ce site.
01:01:12 Et qu'ils ont aménagé.
01:01:14 Donc, ils ont construit
01:01:16 ce qu'il faut pour abriter
01:01:18 les deux délégations
01:01:20 pendant six mois,
01:01:22 peut-être plus, peut-être une année.
01:01:24 Qu'ils trouvent suffisamment de confort
01:01:26 pour, donc,
01:01:28 des maisons, des petits
01:01:30 terrains de tennis.
01:01:32 Puis, on a aménagé une petite marina
01:01:34 où ils peuvent aller faire du voilier.
01:01:36 Voilà pour les...
01:01:38 Et puis, les délégations ont commencé
01:01:40 à arriver. Les délégations
01:01:42 algériennes venaient de Tunisie.
01:01:44 - Du Caire.
01:01:46 - Ils étaient une quinzaine.
01:01:48 Ils viennent avec aussi leurs secrétaires,
01:01:50 leurs gardes de corps, etc.
01:01:52 Donc, ça faisait à peu près une centaine de personnes.
01:01:54 Ils avaient
01:01:56 où loger leurs
01:01:58 logements. - Et oui, à l'abri.
01:02:00 - À l'abri, de tout. Et puis,
01:02:02 la partie française, la délégation française,
01:02:04 est arrivée. - À l'abri, il y a eu...
01:02:06 - Donc, c'est de hauts fonctionnaires de l'État français.
01:02:08 Il y avait parmi eux Claude Chesson.
01:02:10 - Jox. - Jox,
01:02:12 etc. Tout ça. Et aussi,
01:02:14 ils avaient leur villa, leur truc,
01:02:16 leur terrain de tennis.
01:02:18 Et puis, au milieu, ils se réunissaient
01:02:20 au milieu, tous les matins, aux heures de bureau.
01:02:22 Et ils sortaient les dossiers
01:02:24 sur la question
01:02:26 de l'échange des prisonniers.
01:02:28 Nous, on attend de prisonniers, des discussions.
01:02:30 J'ai retrouvé plein de trucs.
01:02:32 J'adore lire ça.
01:02:34 Mais qu'est-ce que c'est qu'un prisonnier ?
01:02:36 Les gens qu'on mettait en prison,
01:02:38 on ne disait jamais
01:02:40 que c'était un
01:02:42 militant.
01:02:44 Non, on disait un voyou.
01:02:46 On l'a attrapé.
01:02:48 Comment identifier
01:02:50 qui est...
01:02:52 - Qui est soldat.
01:02:54 - Prisonnier.
01:02:56 - Qui est soldat, qui est prisonnier.
01:02:58 - Il n'a nulle part été emprisonné pour des faits
01:03:00 de droit commun.
01:03:02 Il n'a pas été arrêté, même s'il a posé
01:03:04 des bombes et qu'on l'a attrapé
01:03:06 sur le fait, il n'est pas traité comme un...
01:03:08 Et donc, c'était très, très difficile.
01:03:10 Alors, les Algériens venaient avec des listes.
01:03:12 Et
01:03:14 beaucoup en profitaient pour faire libérer
01:03:16 des prisonniers de droit commun.
01:03:18 - Des amis. - Oui, parce que...
01:03:20 la relation familiale,
01:03:22 on glissait. Enfin, c'est un peu
01:03:24 la liste de Schindler, quoi.
01:03:26 La liste de Schindler
01:03:28 qui ne faisait que s'allonger. - Et pourtant,
01:03:30 les négociations n'ont pas eu lieu là.
01:03:32 - Oui, parce qu'à un moment donné...
01:03:34 - Parce que les Algériens voulaient rester.
01:03:36 - L'OAS tenait le pays.
01:03:38 Il faut le voir.
01:03:40 L'OAS était développée.
01:03:42 Elle a réussi à mobiliser tous les
01:03:44 pieds noirs. Ils se sont tous
01:03:46 armés.
01:03:48 Et puis, ça prenait...
01:03:50 La France allait vers une
01:03:52 guerre civile qui pouvait
01:03:54 aller très loin.
01:03:56 - Jusqu'à l'assassinat du général de Gaulle, pour commencer.
01:03:58 - Et arriver en France.
01:04:00 Et puis,
01:04:02 je pense qu'ils avaient...
01:04:04 La France, en ce moment, avait quasiment
01:04:06 un million de soldats
01:04:08 en Algérie. Donc,
01:04:10 ils en avaient une peur.
01:04:12 Panique. Donc,
01:04:14 ils vont basculer vers quoi ?
01:04:16 Est-ce qu'ils vont rejoindre l'OAS ?
01:04:18 L'OAS est quand même
01:04:20 dirigée par les grands officiers. C'est salant.
01:04:22 Joule, etc.
01:04:26 Donc, est-ce qu'ils vont
01:04:28 rejoindre l'OAS ?
01:04:30 Un million super équipés,
01:04:32 entraînés. Alors que les soldats en France,
01:04:34 c'était des chichemols.
01:04:36 Ceux-là, ils ont fait 4-5
01:04:38 années de maquilles.
01:04:40 À guérir.
01:04:42 Donc,
01:04:44 il faut aller boulot.
01:04:46 Donc, de Gaulle a aussi
01:04:48 lancé des négociations
01:04:50 envers l'OAS
01:04:52 pour essayer...
01:04:54 Et finalement,
01:04:56 tout déménage à Evian.
01:04:58 L'OAS a envoyé son commando
01:05:00 Delta là-dedans.
01:05:02 Ils ont posé, je ne sais pas,
01:05:04 une séquence de bombes. Ils ont tout détruit.
01:05:06 C'est comme ça qu'ils sont partis à Evian.
01:05:08 Et là, ils étaient
01:05:10 tranquilles. Parce que,
01:05:12 protégés par l'armée française.
01:05:14 Et ça aboutit...
01:05:16 Ça aboutit
01:05:18 sans aboutir.
01:05:20 Parce qu'en réalité, le négociateur
01:05:22 algérien avait un mandat très limité
01:05:24 de la direction
01:05:26 du FLN basée
01:05:28 à Tunis et au Caire.
01:05:30 - Il fallait qu'ils en refaire toujours.
01:05:32 - Donc,
01:05:34 des lignes rouges.
01:05:36 Là, vous pouvez négocier
01:05:38 ce que vous voulez. - C'était très long.
01:05:40 - On s'en fout. Les prisonniers,
01:05:42 les bienvacants,
01:05:44 c'est de la technique.
01:05:46 Mais sur certains aspects, le Sahara,
01:05:48 la propriété sur le Sahara,
01:05:50 la religion, le truc...
01:05:52 - Voilà, il faut que je vous interrompe.
01:05:54 - Et là, juste ce point-là,
01:05:56 la nationalité. Est-ce que les Pinoirs
01:05:58 qui vont rester en Algérie vont avoir la double nationalité ?
01:06:00 Les Algériens disent "non".
01:06:02 Ils restent en Algérie
01:06:04 en tant qu'Algériens. Et peut-être même
01:06:06 ils devront y changer de nom.
01:06:08 Arabiser son nom.
01:06:10 Et les Français ne disent pas qu'ils sont.
01:06:12 S'ils restent, ils auront la double nationalité.
01:06:14 [bruit de vent]
01:06:16 [bruit de vent]
01:06:18 [bruit de vent]
01:06:20 - Oui, Boalem, je sais pas si on ne peut pas rêver un peu.
01:06:22 - Ouais.
01:06:24 - Pendant "Rêvons, rêvons".
01:06:26 Une promenade rêveuse.
01:06:28 Il y a une solution politique.
01:06:30 Parce qu'on ne voit pas cette
01:06:32 immigration qui croit, cette intégration ratée,
01:06:34 le blocage
01:06:36 des institutions
01:06:38 de la dictature
01:06:40 des généraux en Algérie.
01:06:42 Il faut sortir de cette
01:06:44 quadrature du cercle.
01:06:46 La solution, c'est
01:06:48 créer un espace
01:06:50 de coopération avec des complémentarités
01:06:52 toutes trouvées.
01:06:54 Entre au moins une partie de l'Europe
01:06:56 et puis le nord de l'Afrique.
01:06:58 On peut dire
01:07:00 l'union du Maghreb arabe, comme on l'a dit
01:07:02 à un moment, qui n'a pas très bien marché.
01:07:04 C'était du temps de Jaubert.
01:07:06 Non, mais vous savez,
01:07:08 le dialogue 5+5, plus
01:07:10 que l'idée de Sarkozy, l'union
01:07:12 de la Méditerranée. Il faut créer
01:07:14 de nouvelles institutions communes
01:07:16 de part et d'autre de la Méditerranée.
01:07:18 - C'est ce qui manque.
01:07:20 Parce que
01:07:24 le discours politique, ce sont des institutions
01:07:26 qui le traduisent en actes.
01:07:28 On a besoin d'actes. Et tous les jours.
01:07:30 - Et d'un cadre. - Et d'un cadre.
01:07:32 Et qui mobilient. Et puis le cercle s'élargit,
01:07:34 s'élargit, s'élargit.
01:07:36 Et finalement, finit par se rapprocher,
01:07:38 finit par mieux se comprendre et
01:07:40 identifier des projets structurants.
01:07:42 Parce qu'on a aussi besoin de penser à l'avenir.
01:07:44 On ne va pas rester constamment sur la matière.
01:07:46 - L'union pour la Méditerranée de Sarkozy
01:07:48 en 2008, c'est magnifique comme idée.
01:07:50 - Oui, oui, absolument. - Vous connaissez Sarkozy.
01:07:52 - Oui, oui. - Il est très bien connu.
01:07:54 - J'ai suivi ça.
01:07:56 J'ai suivi ça avec passion.
01:07:58 Parce que j'y crois.
01:08:00 Je veux dire qu'auparavant, on avait le procès
01:08:02 de Barcelone, qui a permis beaucoup,
01:08:04 beaucoup de choses. Dans le domaine, par exemple,
01:08:06 la dépollution de l'eau,
01:08:08 la dépollution de la Méditerranée, la formation
01:08:10 des journalistes.
01:08:12 - Ah oui, d'accord. - Absolument.
01:08:14 Des programmes extraordinaires.
01:08:16 - Eh bien, il faut poursuivre. - Voilà.
01:08:18 Tous les journalistes algériens
01:08:20 ont été formés dans ce cadre-là.
01:08:22 Donc, ils venaient faire des stages dans les grands
01:08:24 journaux, télévision française.
01:08:26 Et puis, il y avait,
01:08:28 notamment, des fondations allemandes
01:08:30 qui venaient en Algérie.
01:08:32 Ils ont créé des structures.
01:08:34 L'Algérie,
01:08:36 on pourrait dire du Maroc,
01:08:38 la Tunisie, sont bloquées.
01:08:40 Des dictatures,
01:08:42 la peur de la progression islamiste.
01:08:44 Nous, on est bloqués.
01:08:46 L'Europe ne marche pas.
01:08:48 Notre
01:08:50 puissance dans le monde dépérit.
01:08:52 Pour la France, c'est...
01:08:54 Mais on peut le dire aussi de l'Espagne, de l'Italie.
01:08:56 L'Europe du Sud se porte mal.
01:08:58 Alors que si on créait des structures
01:09:00 de coopération,
01:09:02 avec les complémentarités...
01:09:04 Vous savez ce que nous n'avons pas, etc.
01:09:06 - Oui, c'est vrai.
01:09:08 - On sortirait de l'ornière, tous ?
01:09:10 - Ben oui. - C'est le rêve, ça.
01:09:12 - Je pense que ça avait démarré.
01:09:14 Avec le procès de Parcellat, le 5+5,
01:09:16 - L'Union pour la Méditerranée.
01:09:18 - L'Union pour la Méditerranée.
01:09:20 Ça a été sabordé. Moi, je pense que ça vient
01:09:22 un coup par...
01:09:24 Un coup par de l'Allemagne, un autre des
01:09:26 Etats-Unis.
01:09:28 - Les Etats-Unis via l'Allemagne.
01:09:30 - Via Merkel.
01:09:32 - Ah oui, Merkel était vraiment en debout contre ce projet.
01:09:34 - Oui, mais c'était une manipulation
01:09:36 de Merkel par les Etats-Unis.
01:09:38 Pour bousiller ce qui aurait pu leur échapper.
01:09:40 - Alors que la Méditerranée peut redevenir
01:09:42 le centre du monde, en réalité.
01:09:44 Mais on a un grand ennemi.
01:09:46 On a deux ennemis.
01:09:48 Et on est pris en tenaille.
01:09:50 Ça, c'est ma théorie. Ne la prouvez pas, vous,
01:09:52 elle vous paraît un peu azou.
01:09:54 La tenaille, c'est d'un côté
01:09:56 l'Islam,
01:09:58 de l'autre côté, l'Amérique.
01:10:00 J'ai un ami qui peut être un de vos amis,
01:10:02 Jean-Pierre Pérancé-Lugot.
01:10:04 - Ah oui.
01:10:06 - Vous l'avez dû connaître.
01:10:08 - Oui, j'ai écrit mon contact.
01:10:10 - Il a inventé un concept
01:10:12 islamérique.
01:10:14 - Ah, c'est génial.
01:10:16 - On est pris dans une tenaille, il appelle ça l'islamérique.
01:10:18 - Il ne me l'a jamais dit.
01:10:20 - C'est une belle image.
01:10:22 - Ah oui, c'est une image.
01:10:24 - Mais c'est notre drame.
01:10:26 - Ça, c'est l'intelligence des américains.
01:10:28 Ils s'emparent de tous les instruments qu'ils trouvent.
01:10:30 - C'est l'impérialisme.
01:10:32 - Voilà, c'est l'impérialisme.
01:10:34 Si ça peut le servir, ils l'utilisent.
01:10:36 Et l'islam, dans cet esprit de conquête,
01:10:38 est
01:10:40 de rejet
01:10:42 de l'Europe.
01:10:44 L'histoire coloniale, le truc...
01:10:46 En vrai, l'Europe, il faut un peu se venger
01:10:48 contre ce continent qui nous a colonisés.
01:10:50 - Une sorte de monde sur l'histoire des gens.
01:10:52 - Qui ne nous a pas aidés au moment des indépendances.
01:10:54 Au contraire.
01:10:56 Néo-impérialisme, néo-colonialisme,
01:10:58 etc.
01:11:00 Mais je disais
01:11:02 les armées. Au niveau des armées,
01:11:04 il y a... Parce que eux,
01:11:06 ils travaillent sur des stratégies.
01:11:08 Ils ne font pas de palotes.
01:11:10 Ils travaillent sur des stratégies.
01:11:12 Les écoles d'état-major,
01:11:14 ils sont...
01:11:16 Ils vont venir les dangers.
01:11:18 Les dangers, la fin du pétrole, le bruit de l'eau.
01:11:20 Ils voient ces trucs-là, ils les chiffrent.
01:11:22 Ils ont des modèles.
01:11:24 Mais ils ne sont pas au pouvoir.
01:11:26 - Ils le sont en Algérie.
01:11:28 - Oui, mais c'est pas...
01:11:30 L'Algérie, c'est pas une armée, ça.
01:11:32 - C'est de l'Olympe.
01:11:34 - C'est des gredins.
01:11:36 - Des gredins.
01:11:38 - C'est des gredins qui n'ont plus de pouvoir.
01:11:40 - On est dans le Baudra.
01:11:42 - Les gredins nous ont mis dans le Baudra.
01:11:44 Sous-titrage Société Radio-Canada
01:11:46 (Générique)