L'épargne des Français _ le scandale de l'argent caché - Enquête - Documentaire

  • il y a 4 mois
Une enquête essentielle révèle comment certains assureurs et caisses de retraite s'approprient les milliards d'euros censés financer l'avenir des épargnants. Alors que 6 foyers sur 10 ont souscrit une assurance-vie, de nombreux contrats disparaissent dans l'oubli, l'argent étant gardé par les compagnies. Pire, des millions manquent dans les caisses de retraite complémentaire des fonctionnaires, pourtant alimentées par leurs cotisations. Grâce à ce document choc, découvrez comment votre épargne peut être détournée de son objectif initial au profit de certains acteurs financiers peu scrupuleux.
Titre : A qui profite votre épargne ?
Un film de Jean-Christophe Portes
Une production Dreamway
Transcript
00:00 [Musique]
00:07 Il y a dix ans, Jérôme Brugère était courtier en assurance.
00:11 Il vendait à tour de bras des contrats d'assurance vie, le placement préféré des Français.
00:17 Aujourd'hui, l'assureur est devenu un repenti.
00:21 Il dénonce une machination des compagnies pour détourner une partie de notre épargne.
00:28 Tel que le système fonctionne aujourd'hui dans l'assurance vie, c'est un système de spoliation organisée.
00:33 C'est ce qu'on appellerait... Alors le vol ne serait impropre juridiquement, parce que vous avez confié votre argent.
00:39 Ce serait une escroquerie en mode organisée avec... astucieuse, hein, une délinquance astucieuse, mais d'abord, bien sûr.
00:48 Selon Jérôme Brugère, un million de Français seraient privés de l'argent dont ils doivent bénéficier depuis la mort d'un proche.
00:55 Dans le plus grand secret, les grandes compagnies d'assurance garderaient ce qu'il aurait dû dans leur coffre.
01:01 — Le contrat n'a pas prévu, simplement, d'identifier déjà clairement votre bénéficiaire,
01:06 et 2, l'assureur ne vous a jamais informé qu'il n'était pas tenu de rechercher le bénéficiaire.
01:11 Et quand bien même les gens sont en mesure de réclamer, vous êtes face à une opacité totale de l'assureur
01:17 qui refuse de communiquer sous couvert d'une fausse confidentialité les éléments du contrat
01:23 pour lesquels, par exemple, vous pourriez être bénéficiaire.
01:27 Selon les chiffres de 2014 du gendarme des assurances, 4,6 milliards d'euros ont été dissimulés par cette délinquance en col blanc.
01:37 Car beaucoup de Français ignorent qu'ils sont les héritiers d'une assurance vie.
01:41 Et les géants de ce secteur florissant se sont souvent gardés de leur faire savoir.
01:46 — Le bénéficiaire qui n'est pas au courant qu'il l'est, puisqu'on ne l'a pas prévenu,
01:50 quand viendra-t-il se plaindre puisqu'il ne sait pas qui est le bénéficiaire ? C'est aussi simple que ça, hein ?
01:55 2/3 des familles françaises ont placé leur confiance dans l'assurance vie,
02:00 un trésor de plus de 1 500 milliards d'euros qui génère de gros intérêts
02:05 que certaines grandes compagnies ont souvent empochés au lieu de chercher leur bénéficiaire.
02:11 — Effectivement, c'est plus facile de ne pas faire de recherche et de garder l'argent pour soi.
02:16 Mais ce qu'on attend, c'est que les bénéficiaires d'un contrat d'assurance vie puissent en bénéficier le moment venu.
02:21 C'est aussi simple que ça.
02:23 L'épargne retraite non plus ne tient pas toujours ses promesses.
02:27 Cet argent, investi pour percevoir une meilleure retraite, a parfois disparu des caisses de mutuelle.
02:34 — On me promettait un complément de retraite de 3 020 €.
02:39 Et à l'arrivée, cette rente se réduit à 2 224 €. Et puis voilà.
02:48 Certains ont gardé l'argent mis de côté pour nos vieux jours ou pour nos proches après notre mort.
02:54 D'autres ont sabordé nos complémentaires retraites.
02:58 Malgré les condamnations, des compagnies d'assurance ou des mutuelles contourneraient parfois les lois
03:03 et détourneraient notre épargne avec la complicité de l'État.
03:07 (Générique)
03:19 Patrick Mansat fait partie de ce million de Français qui n'ont pas été informés
03:24 qu'ils sont bénéficiaires d'une assurance vie.
03:27 Ce matin, il vient à Lyon pour demander conseil à l'ancien assureur repenti.
03:32 — Bonjour, M. Roger. Bonjour, M. Mansat. Vous allez bien ? — Très bien, merci.
03:36 — Est-ce que vous avez eu des nouvelles pour votre dossier ? Est-ce que l'assureur vous a bien écrit ?
03:40 — Alors, pour le moment, j'ai rien.
03:43 Jérôme Brugère a créé une association qui défend les particuliers floués par les compagnies d'assurance.
03:49 Patrick Mansat a besoin de son aide pour un vieux contrat
03:52 qu'il a retrouvé dans les affaires de sa mère après son décès il y a 8 ans.
03:59 — Au cours de divers rangements, j'ai découvert une enveloppe qui contenait une assurance vie.
04:06 Cette assurance vie avait été contactée par mes parents dans les années 53.
04:11 Et j'ai découvert les versements des sommes astronomiques, ce qui m'a vraiment surpris.
04:17 Cette assurance décès contractée par son père promettait 2 millions de francs à sa famille
04:24 en cas de mort accidentelle, une fortune pour l'époque.
04:29 Et justement, le père de M. Mansat a disparu dans un accident en 1975.
04:35 Mais pendant 40 ans, l'assurance ne s'est jamais manifestée.
04:40 — À partir de là, j'ai donc étudié tout ça. J'ai pris contact avec mon assurance.
04:47 Et alors, je lui ai demandé ce qu'elle comptait faire pour la suite à donner.
04:52 Et quelques temps après, j'ai eu un coup de fil de cette personne
04:56 me proposant une somme pour 2 millions d'anciens francs, une somme de 4,72 €.
05:06 Vous entendez bien, 4,72 € pour toute indemnisation.
05:11 Et comme j'ai deux frères, nous avions cette somme à diviser en trois.
05:15 — Aujourd'hui, ce que vit M. Mansat – et là, je comprends, je me mets sur l'aspect humain –
05:20 l'assurance vie, c'est aussi un sacrifice.
05:23 Ce sont des gens qui se sacrifient. Ils veulent transmettre, ils veulent donner.
05:26 Donc c'est quelque chose dont eux ne jouissent pas de leur vivant,
05:29 mais qu'ils veulent transmettre à d'autres.
05:31 Donc ça, c'est un aspect déjà important, puisqu'on, là, on parle que d'argent.
05:34 On est bien clair. Donc pour revenir sur l'aspect argent,
05:36 car c'est qu'une question d'argent, tout ça,
05:38 l'assureur a proposé effectivement des sommes dérisoires,
05:41 espérant qu'effectivement, le consommateur accepte ce type de somme.
05:46 Les sommes sont tellement dérisoires qu'elles ne sollicitent pas,
05:49 d'une certaine façon, l'engagement d'une procédure.
05:52 - Généralement, la statistique veut que sur 100 personnes,
05:55 peut-être que 5 iront en procédure,
05:57 que sur les 5, 2 ou 3 continueront parce que les frais coûtent cher.
06:01 Et au final, si l'assureur se doit de contenter de payer
06:04 une, deux ou cinq personnes sur 100, écoutez, faites le calcul,
06:07 la décision est très juteuse.
06:09 Selon Jérôme Brugère, certains assureurs miseraient
06:15 sur l'ignorance des bénéficiaires des assurances vie.
06:18 Pourtant, la loi prévoit qu'ils en soient informés.
06:22 Dès la signature du contrat, l'assureur doit demander à l'assuré
06:27 de désigner un bénéficiaire.
06:30 Au terme du contrat, l'assuré peut récupérer son épargne
06:36 pour ses vieux jours.
06:38 En cas de décès, l'assureur doit trouver le bénéficiaire
06:43 pour lui verser son argent.
06:46 Mais ça, c'est de la théorie, dans un monde de gentils assureurs
06:50 désintéressés et bienveillants.
06:52 - Ah, comme assurance vie.
06:55 - Les amis, c'est le moment de préparer la transmission
06:57 de notre patrimoine.
06:58 - Le problème, c'est qu'on sait ce qu'on a,
07:00 mais pas ce qu'on laissera.
07:01 - Dans la pratique, certains ont un peu trop souvent oublié
07:05 de chercher les héritiers.
07:07 - T'entends ça, Pamela ?
07:09 - S'il reste vraiment quelque chose.
07:11 - Il en reste si peu parfois pour les bénéficiaires
07:13 que l'ACPR, le gendarme des assurances,
07:16 a infligé de lourdes amendes à 4 des 7 plus grosses compagnies
07:21 sur le marché français.
07:23 3 millions d'euros pour Groupama,
07:28 10 millions pour BNP Cardiff,
07:31 40 millions pour la CNP,
07:34 50 millions pour Allianz.
07:36 Pierre-Grégoire Marly est conseiller auprès de l'organisme
07:42 qui a infligé ces sanctions en 2013 et 2014.
07:46 - Cette mauvaise volonté, une fois de plus,
07:50 elle a été officiellement mise à jour.
07:52 Donc c'est pas une vue de l'esprit,
07:54 c'est pas une pétition de principe que de dire
07:56 qu'effectivement, il y a eu des négligences très volontaires
07:59 de la part des assureurs.
08:01 Mais il ne faudrait pas non plus sombrer dans la caricature.
08:05 Une fois de plus, c'est un exercice
08:08 qui est techniquement, humainement très coûteux
08:11 et très compliqué.
08:13 Mais ce qui est certain, c'est qu'on ne peut pas nier
08:15 qu'il y a eu de la mauvaise volonté de la part des assureurs.
08:19 Pour contrer cette mauvaise volonté,
08:23 l'Etat avait pourtant cherché à aider les bénéficiaires
08:26 à retrouver leur argent.
08:28 C'était il y a 10 ans.
08:30 Depuis 2005, l'Agira est chargée de chercher
08:33 les assurances-vie dissimulées dans les tiroirs des assureurs.
08:39 C'est une belle intention.
08:41 Et voilà comment ça marche.
08:43 Tous les matins, le facteur amène une avalanche de courriers.
08:47 Ce sont des Français qui viennent de perdre un proche
08:50 et qui se demandent si par hasard,
08:52 les assureurs ne leur devraient pas un petit quelque chose.
08:56 Chaque jour, nous recevons les courriers
08:59 de tous les particuliers ou les notaires
09:01 ou tous les organismes qui peuvent être
09:03 à la recherche d'un contrat de chirurgie.
09:05 On reçoit entre 200 et 300 courriers par jour.
09:07 Il est trié ici et ensuite, il va aller vers les services
09:10 qui sont chargés de gérer ces demandes.
09:13 Je vais vous indiquer l'endroit
09:16 où les gestionnaires traitent l'ensemble des courriers.
09:20 C'est parti pour une petite visite guidée.
09:24 Dans ce bureau, 5 personnes vérifient d'abord
09:28 que les dossiers sont bien complets.
09:31 Ça commence par l'état civil du demandeur.
09:36 Nous avons reçu un courrier d'une dame
09:40 dont l'époux est décédé.
09:42 Elle souhaite savoir si elle est bénéficiaire
09:44 d'un contrat d'assurance-vie.
09:46 Nous allons traiter sa demande.
09:49 Pour ce faire, nous allons remplir
09:52 l'essentiel, c'est le bénéficiaire, l'épouse,
09:55 qui nous a contactés.
09:57 Ce qui est important, c'est le nom d'épouse,
10:00 mais également son nom de jeune fille,
10:02 pour permettre de l'identifier.
10:04 Ensuite, nous allons rentrer les informations
10:07 de son époux décédé, sa date de décès,
10:10 son lieu de décès.
10:13 Nous avons bien l'acte de décès de cette personne.
10:16 Notre dossier est complet.
10:18 -Ce travail de fourmi sert-il à quelque chose ?
10:22 Car la Gira n'a pas accès aux fichiers des assureurs.
10:26 Après la mort d'un proche,
10:28 les demandes de recherche d'une assurance-vie
10:31 sont directement transmises aux compagnies.
10:34 La Gira n'est donc qu'une boîte aux lettres,
10:37 un simple intermédiaire.
10:39 -Notre rôle s'arrête à la centralisation
10:42 des demandes et à l'envoi.
10:44 Le fait de vérifier ou de contrôler,
10:46 ça n'est pas dans la mission de la Gira.
10:49 Ce n'est pas une faille dans le système de recherche.
10:52 Tout est bien organisé pour recevoir
10:54 le début de la recherche.
10:56 Après, ce qui se passe derrière,
10:58 c'est de chercher au bon vouloir de l'assureur.
11:01 -Oui, c'est à lui de gérer et de s'organiser en conséquence.
11:05 Mais notre rôle, il est de faire en sorte
11:08 que les assureurs puissent répondre le mieux possible
11:11 et le plus rapidement possible à leurs obligations.
11:14 -Sans moyens de pression sur l'ensemble de la Gira ?
11:17 -On n'exerce pas d'activité de moyens de pression
11:20 sur les assureurs.
11:22 -Pour aider les bénéficiaires
11:24 qui recherchent une assurance-vie,
11:26 l'Etat parie donc sur la bonne volonté de compagnie,
11:29 dont plusieurs viennent d'être condamnées
11:32 pour leur mauvaise volonté.
11:34 Mais alors, que font-elles pour donner suite
11:37 aux demandes d'informations de la Gira ?
11:40 En principe, les compagnies ont des services spécialisés
11:43 dans ces recherches.
11:45 Nous en avons contacté plusieurs,
11:47 mais aucune n'a accepté de nous montrer son travail.
11:50 Les excuses sont parfois très bidons,
11:53 comme à la CNP, l'assurance qui a écopé
11:56 de 40 millions d'euros d'amende.
11:59 Sa réponse est un chef-d'oeuvre de mauvaise volonté.
12:03 -Nous avons essayé de chercher et de trouver
12:06 des porte-parole susceptibles de témoigner
12:09 pour votre reportage.
12:11 Malheureusement, nous sommes en pleine période de rentrée
12:14 et les emplois du temps et les disponibilités
12:17 de nos porte-parole sont très minces.
12:19 Malheureusement, nous allons être obligés
12:22 de décliner cette proposition pour des raisons d'agenda.
12:25 -On a compris qu'ils nous prenaient pour des pigeons.
12:28 Ils nous prennent aussi pour des couillons.
12:31 -D'accord. Et à quel moment ils auront un petit peu de temps,
12:34 vos porte-parole ?
12:36 -Nous avons des plannings qui sont fous jusqu'à...
12:39 Je dirais jusqu'au mois de décembre, pas avant.
12:43 -Avec les assurances, on n'a pas de chance.
12:46 Elles sont censées nous protéger des intempéries de la vie,
12:50 mais ce sont toujours elles qui se mettent à l'abri.
12:53 -Celles qui protègent le mieux l'avenir de chacun.
12:56 CNP Assurance, assurez tous les avenirs.
12:59 -Bon, restons positifs.
13:02 Parfois, les assurances se penchent sur notre avenir.
13:05 Ils leur arrivent de contacter
13:08 des bénéficiaires de contrats d'assurance-vie.
13:11 A Angoulême, c'est ce qui est arrivé à Edith.
13:15 Au printemps 2015,
13:18 cette retraitée a reçu un courrier de la MMA.
13:21 L'assurance a décidé de l'informer
13:24 qu'elle allait revenir à la maison.
13:27 Elle avait décidé de l'informer
13:30 qu'elle allait recevoir de l'argent
13:33 29 ans après la mort de son mari.
13:36 -29 ans après, j'ai eu la surprise
13:39 d'être bénéficiaire d'une assurance-vie
13:42 que mon mari avait contactée à la société MMA.
13:45 "Qu'est-ce que vous voulez que je ressente ?"
13:48 J'étais étonnée, parce que je ne savais pas
13:51 que je devais toucher quelque chose.
13:54 Donc je les ai contactées par téléphone.
13:57 Et puis, une dame m'a répondu,
14:00 qui m'a dit "oui", elle a dit "Madame,
14:03 "vous allez toucher un gros capital
14:06 "plus les intérêts."
14:09 Donc je lui ai fait répéter,
14:12 elle m'a dit "oui, oui, vous allez toucher
14:15 "une grosse somme avec des intérêts."
14:18 -Cette grosse somme, Edith l'a attendue
14:21 pendant 2 mois.
14:24 Sans nouvelles de la MMA,
14:27 elle a alerté la presse locale.
14:30 A peine 5 jours plus tard,
14:33 elle a reçu un chèque pour règlement
14:36 de la fameuse fortune.
14:39 -Nous vous informons d'avoir procédé
14:42 au règlement du capital d'essai
14:45 du chèque d'un montant de 1167 euros.
14:48 Et le contrat, ils ont jamais voulu me l'envoyer.
14:51 Tant que j'aurais pas vu le contrat,
14:54 signé de la main, je ne toucherais pas le chèque.
14:57 -Pourquoi la MMA refuserait-elle
15:03 de transmettre ce contrat,
15:06 qui n'a pourtant rien de confidentiel ?
15:09 -On sait rien du tout sur cette assurance-vie.
15:12 On n'a aucun document.
15:15 Il n'y avait que cette somme qui l'ont sois-disant versée.
15:18 Même s'il y avait quelques milliers d'euros,
15:21 je sais pas, même si c'est 2-3 000 euros,
15:24 ça peut toujours lui servir.
15:27 Mais c'est pas une histoire d'argent.
15:30 C'est une histoire d'être honnête.
15:33 On aurait pu se mettre là, mais ça remplace rien.
15:36 -Avec sa fille, Edith va se rendre
15:39 pour la 1re fois dans l'agence
15:42 de la police de Paris.
15:45 Nous les accompagnons en caméra cachée.
15:48 -On a dit que c'était ici qu'il fallait une base
15:51 pour la suite de ce somme de M. Bac.
15:54 -Il l'avait signée, là.
15:57 -Il faut voir avec notre agenda.
16:00 -Mais on peut pas avoir le contrat de cette assurance-vie ?
16:03 -Il faut voir avec mon agent.
16:06 -Ca veut dire que vous, vous conservez pas
16:09 quand est-ce qu'il a été signé ?
16:12 -Je serai morte avant que je touche mes...
16:15 -Plus de 6 mois après cette visite,
16:18 Edith galère toujours pour récupérer son contrat.
16:21 Pourtant, la MMA nous bassine depuis des années
16:24 avec son célèbre slogan.
16:27 -# 021K, 0 blabla,
16:30 # MMA.
16:33 -Ca tombe bien. Nous non plus,
16:36 on aime pas les blablas.
16:39 On a téléphoné au directeur de l'agence
16:42 pour lui demander pourquoi il a mis 29 ans
16:45 à retrouver Edith pour lui donner son argent.
16:48 -On n'a pas le moyen, on peut pas aller voir
16:51 un généalogiste pour aller pêcher les gens.
16:54 On aimerait bien que les journalistes le disent.
16:57 Nous, on a un nom. Comment voulez-vous retrouver...
17:00 -C'est son épouse, c'est pas des recherches ébouriffantes.
17:03 -C'est son épouse ?
17:06 -Oui, c'est son mari qui est décédé.
17:09 Retrouver l'épouse d'une personne, c'est pas...
17:12 -Ca paraît pas. Je suis pas au courant du dossier.
17:15 -Elle nous dit aussi qu'elle arrive pas
17:18 à obtenir le contrat. On lui donne des chiffres.
17:21 Y a pas de décompte. Elle sait absolument pas
17:24 à quoi correspond cette somme. -Oui, oui.
17:27 Moi, je peux pas vous renseigner plus avant.
17:30 Il faudrait que vous appeliez Angoulême et que vous voyez.
17:33 -L'assureur nous renvoie vers l'agence
17:36 qui nous avait conseillé de le contacter
17:39 et qu'il dirige avec sa femme.
17:42 A ce stade-là, ce n'est pas que de la mauvaise volonté,
17:45 c'est aussi une sacrée dose de mauvaise foi.
17:48 ...
17:51 C'est toujours la même ritornelle avec les assureurs.
17:54 Quand il s'agit de retrouver les bénéficiaires,
17:57 les recherches seraient difficiles,
18:00 presque impossibles à mener.
18:03 Pourtant, quand ils le veulent vraiment,
18:06 ça n'a pas l'air si compliqué.
18:09 Patrice Lebec est détective privé à Paris.
18:12 Depuis 2 ans, il travaille pour une grosse compagnie
18:15 d'assurance dont nous avons promis de taire le nom.
18:18 Son agence est chargée de retrouver
18:21 des bénéficiaires d'assurance-vie dont les coordonnées
18:24 sont incomplètes, parfois même inexistantes.
18:27 Chaque mois, il en recherche une trentaine.
18:30 - La journée commence par l'ouverture d'un tableau
18:33 qui m'est envoyé par la compagnie d'assurance
18:36 qui va reprendre l'ensemble des assurés
18:39 qui ont contracté un jour un contrat d'assurance-vie
18:42 qui est en déshérence.
18:45 On a globalement leur identité.
18:48 Il y a une clause bénéficiaire qui indique, par exemple,
18:51 la personne désignée. Ça change à chaque fois.
18:54 On va commencer par l'analyse de ce tableau
18:57 qui est très important pour le début des recherches.
19:00 - Ce matin, l'enquêteur doit retrouver
19:03 une bénéficiaire prénommée Martine.
19:06 Problème, elle ne porte pas le même nom
19:09 que le signataire du contrat.
19:12 - Donc là, le bénéficiaire, c'est juste un nom...
19:15 - Un nom et un prénom sans date de naissance.
19:18 Donc il ne faut pas hésiter à poser des questions
19:21 dans le voisinage, si on a une adresse, etc.,
19:24 ou auprès du secrétariat de la mairie.
19:27 On ne désigne pas quelqu'un dans un contrat d'assurance-vie
19:30 si on n'a pas un lien affectif, familial ou autre.
19:33 Donc il y a certainement un lien dans l'environnement de vie
19:36 de la personne assurée au départ.
19:39 - Pour trouver Martine, l'enquêteur contacte la mairie
19:42 de la commune où vivait le souscripteur décédé.
19:45 - Bonjour, madame, je suis Patrice Lebec.
19:48 On est à la cabine d'enquête.
19:51 Nous cherchons des bénéficiaires de contrat d'assurance-vie.
19:54 Il y a une personne qui est décédée chez vous.
19:57 Elle s'appelle M. Robert...
20:00 - Et qu'est-ce que vous voulez savoir, madame?
20:03 - Savoir si vous connaissez déjà, parce que c'est une petite commune.
20:06 - Vous pouvez nous adresser une demande par mail.
20:09 Et on vous donnera une réponse après.
20:12 - Bon, bah...
20:15 - C'est quoi l'objet de la prochaine étape? C'est quoi?
20:18 - C'est par écrit. On va respecter ce que l'agent administratif a voulu.
20:21 Une demande par écrit. Et je vais vous demander
20:24 si cette personne avait des enfants, si vous connaissiez dans l'entourage
20:27 cette personne. Et je pense qu'elle va nous apporter une information.
20:30 - Une semaine après l'envoi de ce mail, la réponse est tombée.
20:33 Dans la petite mairie, on connaît bien Martine et son lien
20:36 avec le souscripteur du contrat.
20:39 - Apparemment, il s'agirait, d'après les informations recueillies,
20:44 d'une personne qui avait vécu maritalement avec l'assuré.
20:49 - Avec une pincée de politesse et un brin de bon sens,
20:54 Patrice Lebec résout 95% des recherches qui lui sont confiées.
20:59 Ce n'est donc pas sorcier de trouver ces fameux bénéficiaires.
21:03 Mais sur la centaine d'agences spécialisées dans ces recherches en France,
21:08 5 d'entre elles seulement travaillent régulièrement
21:11 pour des compagnies d'assurance.
21:14 Pendant ce temps-là, 1 million de Français n'ont toujours pas
21:17 récupéré leur argent.
21:20 Tout porte à croire que les compagnies se refuseraient parfois à le rendre.
21:24 Voici l'histoire de Médecins du Monde, une association qui reçoit
21:28 souvent des dons sous forme d'assurance-vie.
21:32 Pour trouver les coordonnées de cette institution,
21:35 pas besoin d'un diplôme.
21:38 Mais pour beaucoup de multinationales de l'assurance,
21:41 cela paraît parfois très compliqué.
21:44 Catherine Bienvenue reçoit une soixantaine de donations
21:47 d'assurance-vie par an.
21:49 Le plus souvent, les assurances ont mis plusieurs années
21:52 à retrouver son association.
21:55 - Par exemple, on va prendre celui-ci complètement au hasard.
21:59 Donc là, c'est la CNP, un organisme que tout le monde connaît,
22:02 qui nous a saisi, nous précisons que nous avions un contrat
22:05 d'assurance-vie à notre profit.
22:08 Cette personne, elle, elle est décédée en 2011.
22:11 Alors là, le décès est relativement ancien, parce que la CNP,
22:15 alors que nous sommes nommément désignés dans le contrat,
22:18 ne nous a pas saisis au moment du décès.
22:21 Maintenant, la compagnie n'a peut-être pas eu l'information du décès.
22:24 - La CNP n'a pas fait son travail pour savoir si la personne
22:27 qui avait souci le contrat était vivante ou pas,
22:30 et donc, elle a 5 ans à s'en apercevoir.
22:33 - Tout à fait. Là, ils n'ont pas cherché, ou c'est un dossier
22:36 parmi des milliers de dossiers, et effectivement, après,
22:39 c'est un problème de ressources humaines et d'énergie
22:42 très importante à développer.
22:45 Il est vrai que quand c'est une association comme Médecins du Monde
22:48 qui est bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie,
22:51 c'est très facile de nous retrouver.
22:54 Aujourd'hui, j'ai beaucoup de décès qui remontent à 2002,
22:57 et 2009.
23:00 - Chez l'enquêteur privé, Patrice Lebec,
23:03 nous avons fait le même constat en filmant discrètement
23:06 la liste des bénéficiaires qu'il était chargé de retrouver.
23:09 Ses recherches portaient sur des contrats dont les assurés
23:12 sont parfois décédés depuis plus de 20 ans.
23:15 De nombreux assureurs semblent jouer la montre
23:18 avant de rendre l'argent.
23:21 Et quand ils se décident enfin,
23:24 ils oublient souvent de justifier des sommes qu'ils nous doivent.
23:27 - Les sommes qui nous sont versées,
23:30 on les prend, bien entendu, nettes.
23:33 Malheureusement, on ne peut pas vérifier si c'est exactement
23:36 la somme qui nous est due, car nous n'avons jamais
23:39 les contrats d'origine. On prend pour argent comptant,
23:42 si je peux me permettre, ce que nous dit la compagnie d'assurance.
23:45 C'est vrai qu'on ne peut pas vérifier.
23:48 - Selon Médecins du Monde, les compagnies ne communiquent
23:51 jamais les contrats d'assurance.
23:54 Une pratique totalement illégale
23:57 qui n'a pas échappé à l'autorité de contrôle
24:00 des compagnies d'assurance.
24:03 - Est-ce qu'on peut dire "moi, j'ai pas le contrat"
24:06 ou "moi, je veux pas vous communiquer le contrat"?
24:09 - Non, parce que vous êtes débiteur d'une obligation
24:12 avec un certain montant qui a été convenu
24:15 avec le souscripteur à l'époque où il était vivant.
24:18 Et donc, bien entendu, vous devez être au courant
24:21 du montant de votre obligation à partir du moment
24:24 où le créancier, en l'occurrence le bénéficiaire,
24:27 vient vous demander.
24:30 - Mais là, ça va pas être... - C'est un vrai problème.
24:33 - Moi, ce que j'ai vu, c'est qu'il n'y a aucun assureur
24:36 qui communique le contrat. Est-ce qu'il n'y a pas une espèce de vide, quand même?
24:39 - Si, je pense que c'est un problème qui risque de se poser
24:42 de manière récurrente sur tout ce stock de contrats
24:45 qui doit être géré actuellement par les assureurs.
24:48 S'ils n'ont pas conservé la trace de ces contrats,
24:51 le contenu de ces contrats, alors, effectivement,
24:54 on va se trouver en présence de contentieux
24:57 sur la responsabilité des assureurs et sur la détermination,
25:00 in fine, du montant qui était dû aux assurés.
25:03 Ça, c'est un véritable problème.
25:06 - En nous cachant les contrats,
25:09 ils dissimulent les montants qu'ils nous doivent,
25:12 mais aussi les intérêts que cet argent génère.
25:15 Au Sénat, un parlementaire se bat depuis des années
25:20 pour empêcher les compagnies d'empocher ses intérêts.
25:23 Avant 2008, les assureurs pouvaient les encaisser à leur profit
25:28 après la mort des souscripteurs.
25:31 Voilà pourquoi, selon Hervé Moret,
25:34 il ne serait pas pressé de retrouver les bénéficiaires.
25:37 - Ça montre très clairement que c'est un effort
25:41 que les sociétés d'assurance n'ont pas envie de faire.
25:44 Parce que c'est du travail, et du travail pour quoi ?
25:47 Du travail pour se séparer de sommes que sans ça, on pourrait garder.
25:50 Donc, la nature humaine étant ce qu'elle est,
25:53 on peut comprendre que les assureurs préfèrent ne pas faire d'efforts
25:56 pour rendre de l'argent que sans ça, ils le garderaient.
25:59 Mais c'est pas pour autant que c'est recevable et acceptable.
26:02 - Fin 2008, la loi s'est durcie.
26:05 Mais de nombreuses compagnies ont rusé
26:08 pour détourner encore et toujours ces précieux intérêts.
26:11 - En 2008, on leur a dit "si vous devez prévoir dans le contrat
26:18 les modalités de revalorisation du capital garanti
26:21 entre le moment où vous êtes décédé
26:24 et le moment où l'assureur est en mesure de verser le capital garanti".
26:30 Et là encore, c'est vrai que les pouvoirs publics,
26:33 la Cour des comptes notamment, a pointé du doigt des négligences.
26:37 D'abord des clauses de revalorisation qui n'étaient pas claires
26:40 ou alors qui décidaient que finalement la revalorisation
26:43 n'interviendrait qu'au bout d'un an après le décès.
26:46 Non. Là, le législateur est intervenu en 2014
26:50 pour décider que cette revalorisation du capital garanti,
26:54 elle doit avoir lieu dès le jour du décès.
26:57 - À partir de 2016, les compagnies devraient donc rendre
27:01 à leurs bénéficiaires les intérêts des contrats d'assurance vie
27:05 dès le décès de leurs proches.
27:08 Enfin, normalement, si elles respectent les nouvelles règles
27:12 en vérifiant par exemple si leurs clients sont toujours vivants
27:16 d'un simple clic sur un fichier de l'AGIRA.
27:20 - Les assureurs ont l'obligation maintenant d'interroger
27:23 systématiquement au moins une fois par an le fichier
27:26 qui est mis à disposition par l'AGIRA,
27:29 donc les personnes décédées, pour l'ensemble de leur portefeuille,
27:32 donc de tous leurs assurés.
27:34 On va par exemple prendre un cas un peu générique.
27:37 On a une personne qui s'appelle Dupont, avec un prénom Jacques,
27:41 et puis par exemple qui est née en 1950.
27:44 Là, par exemple, en ayant interrogé sur Dupont-Jacques,
27:47 né en 1950, vous voyez qu'on a quatre personnes décédées
27:51 qui correspondent à ces critères-là.
27:55 Et donc on peut informatiquement interroger le fichier
27:58 pour vérifier si le souscripteur d'un contrat d'assurance vie
28:01 est décédé ou est encore en vie.
28:03 Mais de la même façon, c'est aussi la possibilité de vérifier
28:06 qu'un bénéficiaire d'un contrat d'assurance vie est en vie
28:09 ou au contraire décédé, et donc on a engagé les recherches
28:12 en conséquence.
28:14 - Cette fois-ci, les assureurs vont-ils jouer le jeu ?
28:19 Et l'Etat les y contraindre ?
28:21 Rien n'est moins sûr.
28:23 Car voyez-vous, le ministère de l'Economie a des petits problèmes
28:27 d'argent en ce moment.
28:29 - Il y a 2000 milliards de dettes que l'épargne de l'assurance vie
28:33 finance à hauteur de 20%.
28:36 En 2011, Bernard Spitz, le grand manitou du syndicat
28:40 des sociétés d'assurance, l'a d'ailleurs rappelé à l'Etat,
28:44 histoire de mettre les points sur les i.
28:47 - Notre message est simple.
28:50 Quel est le premier pilier de l'épargne longue en France ?
28:53 Vous le savez tous, c'est l'assurance vie.
28:55 Mais ce que vous ne savez peut-être pas, pas tous,
28:58 c'est la place primordiale que cette assurance vie représente
29:02 dans le financement de l'économie française.
29:05 Et que de ce point de vue, l'assurance vie, oui,
29:07 est le poumon de l'économie française.
29:09 - À mots feutrés, le patron du syndicat des assureurs
29:13 rappelle à l'Etat que personne n'a intérêt à rendre l'argent.
29:17 Quand les assureurs ne trouvent pas les bénéficiaires,
29:21 la totalité de la mise tombe en effet dans les caisses de l'Etat.
29:26 Avant, c'était au bout de 30 ans.
29:28 Avec la nouvelle loi, c'est au bout de 10 ans seulement.
29:32 - Ce qui a été choisi en 2014, et c'est pour ça que je dis
29:35 qu'il faut toujours continuer à améliorer les textes,
29:38 c'est de dire, au bout de 10 ans, les sommes non réclamées,
29:40 elles partent à la caisse des dépôts.
29:42 Et donc on voit bien qu'il y a quelque part une volonté de l'Etat,
29:46 certes que ces fonds ne restent pas forcément
29:48 dans les sociétés d'assurance,
29:50 mais pas forcément qu'elles aillent à leurs bénéficiaires.
29:52 Alors effectivement, on peut dire que la caisse des dépôts
29:54 se servira de ces fonds pour des motifs d'intérêt général.
29:58 Mais voilà, le jour où vous allez souscrire un contrat d'assurance-vie
30:02 pour M. X ou Mme Y, ce que vous souhaitez,
30:05 c'est que le moment venu, la somme que vous aurez souscrite,
30:08 elle aille à cette personne et qu'elle n'aille pas à la caisse des dépôts
30:11 ni qu'elle reste dans la société où vous avez souscrit votre contrat.
30:14 - Comme dit la célèbre chanson, on nous cache tout, on nous dit rien.
30:22 Mais alors le ministère des Finances va-t-il demander aux assureurs
30:26 de rendre l'argent avant ce délai fatidique de 10 ans ?
30:30 Franchement, on aimerait bien y croire,
30:34 mais on n'y mettra pas notre main à couper.
30:37 Car nous allons vous raconter une autre histoire
30:40 qui nous rappelle ces fameuses paroles.
30:43 On nous informe vraiment sur rien.
30:50 C'est l'histoire d'une autre grande promesse,
30:53 l'autre placement préféré des Français, l'épargne-retraite.
30:57 - C'était un énorme marché.
31:00 La génération des années 70, des millions de salariés nourris au plein emploi
31:05 avaient les moyens d'épargner pour assurer leur vieux jour.
31:09 José Riveau fait partie de cela.
31:12 En 1993, ce professeur de français a souscrit
31:16 à un produit financier nommé Crèf.
31:19 Une complémentaire retraite rassurante
31:22 réservée au personnel de l'Education nationale.
31:26 - C'était un produit, j'allais dire, maison, Education nationale.
31:30 Et donc, par exemple, sur un tableau en salle des professeurs,
31:34 on pouvait trouver, on avait connaissance de ce produit.
31:38 De même, la presse syndicale faisait aussi état
31:42 de ce complément de retraite complémentaire.
31:46 - La Mutuelle promettait de bons résultats et une gestion rigoureuse.
31:51 - Si vous voulez, tout était géré par le bénévolat.
31:55 Il n'y avait pas, effectivement, d'intermédiaire à rétribuer.
31:59 Il n'y avait pas de dividendes à verser.
32:02 Ça semblait offrir un maximum de garantie.
32:06 - Avec son offre désintéressée, cette société à but non lucratif
32:10 devait offrir à l'enseignante un joli complément
32:14 pour sa retraite à 60 ans.
32:17 Pendant 10 ans, elle a versé 249 euros par mois en moyenne.
32:22 Cette somme devait lui assurer une rente de 251 euros par mois,
32:27 quelle que soit la durée de sa retraite.
32:30 C'est le principe de la solidarité avec les Mutuelles.
32:34 Les retraités qui vivent longtemps perçoivent plus qu'ils n'ont versé
32:38 grâce à l'argent de ceux qui meurent plus jeunes.
32:41 Enfin, ça, c'est sur le papier.
32:44 - On me promettait un complément de retraite
32:48 quand j'ai souscrit, par rapport à la somme que j'avais investie,
32:53 un complément de retraite de 3020 euros.
32:57 - Par an ? - Par an.
33:00 Et puis, au fil du temps,
33:04 les versements effectués ont augmenté de façon substantielle
33:10 j'ai noté sur 10 ans une augmentation d'environ 40%.
33:16 En revanche, la rente qui m'était promise,
33:21 elle baissait de 25%.
33:26 Et à l'arrivée, cette rente se réduit à 2224 euros.
33:33 Et puis voilà.
33:35 - Depuis 2004, José perçoit donc une rente de 185 euros par mois
33:41 au lieu des 251 euros promis.
33:45 - Je me suis sentie trahie et j'ai perdu confiance dans la mutualité.
33:51 Puisque ce qui était présenté comme une gestion rigoureuse
34:00 ne l'était pas et ensuite, pour certains, c'était un bénévolat
34:06 qui était sacrément lucratif.
34:09 - Les dirigeants de cette mutuale désintéressée
34:16 s'intéressaient bien plus à leur train de vie
34:19 qu'à la santé financière de leur société.
34:22 C'est ce qu'a découvert un ancien magistrat de la Cour des comptes.
34:26 En 1990, Guillaume Prache se penche sur les relevés de comptes
34:30 de sa mère qui cotise pour la retraite complémentaire Crèfes.
34:34 - Quand on a regardé de plus près le fonctionnement de ce régime,
34:39 en regardant les règlements et les documents
34:42 qu'on avait à notre disposition et en interrogeant les dirigeants du Crèfes,
34:46 puisqu'ils nous avaient aimablement reçus,
34:49 on s'est aperçu qu'en fait, ils n'avaient pas en caisse
34:55 de quoi répondre à cette promesse, à cet engagement
34:59 de fournir une retraite à vie et en plus,
35:02 indexer sur les traitements des fonctionnaires.
35:05 Notre première réaction face au dossier du Crèfes,
35:09 ça a été de mettre en garde tout de suite d'abord tous les épargnants,
35:13 en disant "Attention, ne mettez pas de l'argent dans un régime
35:16 qui n'a pas les moyens de ces engagements".
35:20 450 000 fonctionnaires ne le savent pas encore,
35:25 mais ils vont bientôt perdre 30 à 60% de leur épargne
35:29 ou des rentes qui leur étaient promises.
35:32 Ils vont d'abord découvrir que leur argent finançait des dépenses fastueuses,
35:37 comme dans cet immeuble d'un quartier huppé de la capitale
35:41 où deux dirigeants bénéficiaient gratuitement de vastes appartements.
35:45 La plupart des dirigeants avaient des appartements de fonction
35:49 entièrement payés par les adhérents du Crèfes et à leur insu,
35:52 ainsi que d'autres avantages, des voitures de fonction,
35:55 des frais de séjour, des frais de transport,
35:58 des indemnités diverses et variées, des souscriptions à des assurances, etc.
36:04 Ça a été tenu entièrement à l'insu, effectivement, des adhérents
36:10 et c'est seulement lorsque un groupe d'adhérents
36:13 qui se sont constitués en association ont pu obtenir des copies
36:17 par la bande de ce rapport, puisqu'ils n'ont jamais voulu le rendre public,
36:22 que l'on a pu porter plainte là-dessus.
36:25 Dans le courant de l'année 2000, l'ancien magistrat a mis la main
36:30 sur un rapport tenu secret de l'IGAS, le gendarme de l'État
36:34 qui contrôle la bonne gestion des dépenses sociales.
36:39 Guillaume Prache réalise alors que la mutuelle
36:42 dissimule un gouffre abyssal dans ses caisses.
36:45 Ce rapport est catastrophique, c'est-à-dire qu'il met à jour
36:54 peut-être le plus grave scandale de l'épargne qu'il y ait jamais eu en France.
37:00 Il est marqué, effectivement, noir sur blanc, dans ce rapport de contrôle,
37:04 que le CREF avait en provision 6 milliards de francs,
37:09 il aurait dû en avoir 17 milliards.
37:12 Il manque donc 11 milliards de francs, excusez du peu,
37:16 c'est-à-dire 1,6 milliard d'euros.
37:18 C'était un système de cavalerie où le régime comptait sur les cotisations futures
37:25 et les adhérents futurs, qu'il essayait toujours de recruter davantage,
37:28 pour payer les adhérents anciens qui partaient à la retraite.
37:32 Alors d'abord, évidemment, s'il n'y avait plus d'adhérents futurs
37:36 ou moins de cotisants futurs, le régime explosait.
37:40 Et en plus, c'était totalement illégal.
37:42 Le Code de la mutualité prévoyait à raison qu'un régime comme celui-là,
37:47 à adhésion totalement facultative et individuelle, soit intégralement provisionné.
37:53 C'est-à-dire que l'argent dû aux adhérents actuels,
37:57 il l'est bien en compte, en portefeuille dans le régime, dans la mutual.
38:03 Pourquoi cette énorme tromperie a-t-elle été dissimulée par l'État ?
38:08 En 2001, des épargnants floués portent plainte.
38:13 La justice découvre que la mutual a acheté plus de 350 appartements
38:18 dans les beaux quartiers de Paris,
38:20 pour y loger entre autres son personnel, soit-disant bénévole.
38:24 Au même moment, Renaud Lecadre enquête lui aussi sur ce splendide parc immobilier.
38:30 Ce journaliste d'investigation apprend qu'il a servi à faire de beaux cadeaux à des amis politiques.
38:39 Alors ce sont des enceintes locaux de la mutual,
38:44 qui ont aujourd'hui été rendues.
38:46 Ils sont constitués d'un beau quartier parisien, à deux pas des Champs-Elysées.
38:49 L'enquête pénale a permis de révéler que certaines associations proches du Parti Socialiste
38:55 étaient hébergées gracieusement dans les locaux de la mutual.
38:58 Comment expliquer ces faveurs octroyées à la galaxie socialiste ?
39:03 Le président de la mutual est un ancien ministre de François Mitterrand.
39:08 Il était aussi le bras droit du député François Hollande.
39:12 Voilà pourquoi René Tollade se serait montré si généreux avec ses copains du PS
39:18 depuis qu'il a pris la tête de la mutual en 1974.
39:22 Alors le premier nom à parier au dossier c'est celui de François Mitterrand en personne.
39:26 Car la mutual hébergée dans ses locaux, est une association intitulée "Avec François Mitterrand".
39:32 On l'a intitulée sur le passe documentaire, on voit bien l'objet social de cette association.
39:35 Deuxième apparition en scène, c'est Daniel Mitterrand,
39:39 en tant que fondatrice de l'association Causes Communes,
39:42 également hébergée gracieusement par la mutual.
39:44 Rien que pour Causes Communes, le manque à gagner pour la mutual était l'équivalent de 24 000 euros de loyer.
39:49 Soit 156 000 francs de l'époque.
39:52 Pendant deux ans, le trésorier de cette association hébergée aux frais des épargnants
39:58 était un certain François Hollande.
40:01 En 2006, les policiers en charge de l'enquête n'ont d'autre choix que de l'interroger.
40:08 Il est alors devenu le patron du parti socialiste, un VIP qu'il convient de ménager.
40:15 L'interrogateur en lui-même, il a duré sept minutes, il fait une page et demie, vous voyez ça.
40:22 Ça commence là, ça tient en deux pages.
40:24 Donc on lui demande quelques précisions sur l'hébergement de Causes Communes, dont il était trésorier.
40:30 Alors Hollande répond que cette association avait peu de moyens, je le savais comme trésorier.
40:35 Que cette association est hébergée dans les hauts coups de la mutuelle, comme d'autres associations, je le savais.
40:40 Mais je n'ai pas connaissance des conditions du bail.
40:42 J'ignorais même s'il y avait un bail ou pas.
40:44 Et justement, il est un trésorier peu impliqué dans le fonctionnement de l'association.
40:49 On lui laisse dire qu'il ignorait tout, que ça ne lui savait même pas s'il y avait un bail.
40:53 On lui fait parler de renétalade uniquement sur le plan de leur relation politique.
40:58 Et ensuite, dernière question, parce qu'il n'y a que trois questions durant cette interrogatoire.
41:02 On lui demande pourquoi y a-t-il une telle compagne contre vous ?
41:05 Voilà la question que se posent les enquêteurs.
41:07 C'est un espèce de simulacre de vision.
41:10 François Hollande et les autres responsables politiques ne seront pas poursuivis par la justice.
41:28 Mais en 2014, le collectif de José Riveau a finalement réussi à faire condamner
41:33 les ex-dirigeants de la mutuelle pour leur train de vie de nabab avec l'argent des épargnants.
41:39 Bonjour Jean-Didier. Bonjour.
41:41 Le combat a duré 13 ans pour les 10 000 plaignants de l'association,
41:47 aujourd'hui présidée par Jean-Didier Mazucat.
41:51 C'est effectivement une mission quasi impossible
41:55 dont nous sommes quand même arrivés à bout
41:58 puisque nous avons pu mener cette action de groupe devant trois juridictions.
42:05 Des juridictions pénales, civiles et administratives.
42:11 Est-ce que vous avez gagné ces procédures ?
42:13 Oui, toutes. Les trois ? Toutes.
42:16 Aux pénales pour les privilèges des dirigeants,
42:20 aux civiles pour les fausses promesses de la mutuelle,
42:23 à l'administratif pour le laxisme de l'Etat.
42:27 Les épargnants floués ont gagné tout leur combat judiciaire.
42:31 Mais ils ont perdu la bataille de l'argent, qu'ils ne récupéreront jamais.
42:36 Ces gens-là, en 2002, ont subi un coût de rabot de 16%.
42:42 En novembre 2014, ils ont encore pris 33% de coût de rabot.
42:50 Et si on additionne l'inflation qui n'a pas été mise en œuvre,
42:56 plus les 16%, plus 73%, en gros, les gens ont perdu,
43:01 par rapport à leur retraite du départ, pratiquement 60%.
43:08 C'est-à-dire que vous auriez dû toucher 100€, vous ne touchez plus que 40€.
43:12 Seulement 20% de ces pertes seront remboursées par l'État.
43:18 Jugez coupable de négligence.
43:21 Car la mutuelle qui a vendu cette complémentaire bancale s'est mise en cessation de paiement.
43:28 Mais elle a fait peau neuve. C'était en 2002.
43:32 - Hé ! - Quoi ?
43:34 - Avec Corem, si t'épargnes dès maintenant, au moment de ta retraite, tu touches une rente à vie.
43:37 - Ah ouais ? Je savais pas.
43:45 Adieu le crèf et ses mauvais comptes.
43:48 Bienvenue à sa remplaçante et sa belle parure.
43:51 Une nouvelle mutuelle, une nouvelle rente à vie.
43:55 Ce que la pub ne dit pas, c'est que cette nouvelle complémentaire traîne de vieilles casseroles.
44:01 Elle a hérité des épargnants floués du crèf et de son énorme dette.
44:06 Un détail important qui a échappé à Bertrand Jaquet, comme aux 56 000 nouveaux adhérents de Corem.
44:15 En 2008, cet agent administratif de l'université de Lyon a succombé au charme de ce produit,
44:21 auprès de la mutuelle générale de l'éducation nationale qui le commercialisait.
44:26 - Quand je suis venu dans les bureaux de l'AMGEN, une secrétaire administrative m'a reçu,
44:34 m'a expliqué ce qui était brièvement Corem et ce à quoi je pouvais m'attendre.
44:39 La personne qui m'a vendu ce produit m'a rassuré dans le fait que c'est un produit fiable, stable.
44:47 Je crois que ma retraite va avoisiner les 1 000 euros.
44:53 Je ne sais pas vraiment, je n'ai pas tout à fait calculé, mais je crois que malheureusement ça devrait être le cas.
44:57 Donc c'est pour ça que je tenais vraiment à avoir cette centaine d'euros mensuels de plus.
45:03 Un produit fiable et stable, ça ne vous rappelle pas quelque chose ?
45:08 Pendant 6 ans, cet adhérent de 48 ans a versé 7 500 euros sans se poser de questions.
45:15 Mais en octobre 2014, il a reçu un courrier plutôt désagréable.
45:21 - J'ai mal réagi, j'ai eu un choc, réellement, puisque quand j'ai reçu ce courrier,
45:29 ce courrier donc daté du 9 octobre, ce à quoi je pensais préparer ma retraite de façon sereine,
45:42 cela s'est effondré en fait, parce que deux années supplémentaires m'étaient demandées.
45:48 Au lieu de bénéficier de ma retraite à 60 ans, je devrais attendre 62 ans,
45:53 donc deux années de plus, pour en bénéficier.
45:59 A partir de cette date, Bertrand Jaquet a commencé à découvrir le passif de sa retraite complémentaire.
46:06 Il a déposé plainte contre sa mutuelle, pour tromperie.
46:11 - Je ne savais absolument pas que le crèfe était lié au Corem.
46:15 D'ailleurs, je ne connaissais pas le crèfe.
46:18 On m'a caché la situation réelle financière de Corem, absolument.
46:22 On me l'a caché, je n'étais absolument pas au courant des dérives qui se sont déroulées ces dernières années.
46:29 Pourquoi une institution honorable comme la Mutuelle Générale de l'Éducation Nationale
46:36 n'a-t-elle pas informé ses clients de la mauvaise santé financière de Corem ?
46:41 À l'agence lyonnaise, qui a vendu le produit à Bertrand Jaquet,
46:46 nous allons découvrir en caméra discrète que la MGEN a cessé de vendre
46:51 cette complémentaire retraite.
46:53 - Bonjour, est-ce que vous avez des prospectus sur un produit qui s'appelle Corem ?
47:00 - On ne propose plus, nous, le Corem.
47:02 - Ah bon ? Et ça fait combien de temps que vous proposez plus ?
47:06 Ah, ça fait un an, d'accord.
47:08 - Vous savez qu'on demande aux mutuelles qu'il y ait une solvabilité du titre des fonds.
47:12 La MGEN a préféré se mettre en retraite en attendant de renflouer...
47:18 - Que Corem soit solvable.
47:20 - Voilà, en gros, c'est un peu ça.
47:22 Depuis la métamorphose de la crèfe en Corem,
47:26 le déficit de cette nouvelle complémentaire retraite n'a cessé de croître.
47:31 Il est passé de 1,5 milliard à près de 3 milliards d'euros.
47:36 Voilà peut-être pourquoi les épargnants de Corem doivent désormais cotiser
47:41 jusqu'à 62 ans pour éponger la dette.
47:44 - Bonjour. - Bonjour.
47:45 Même si le président de l'Union des Mutuelles de Retraite prétend le contraire.
47:49 Avec beaucoup d'aplomb.
47:51 - Lorsqu'on est cotisant et que l'âge limite passe de 60 à 62 ans,
47:56 cela sous-entend qu'effectivement, si vous partez avant l'âge de 62 ans,
48:02 vous avez une partie de votre rente qui est diminuée,
48:08 puisque les 100% de rente sont à 62 ans.
48:11 Mais c'est la règle qui a été faite partout,
48:13 qui tient compte de l'allongement de la durée de la vie
48:16 et du fait qu'il nous faut nous adapter sur un produit lent,
48:19 en réalité, actuel.
48:22 En 2010, l'âge minimum de départ à la retraite a été repoussé de 60 à 62 ans.
48:29 Le contrat Corem serait, selon son président, lié à cette nouvelle loi.
48:35 Visiblement, ce patron sûr de lui ne surfe pas beaucoup
48:39 sur le site officiel de Saint-Mutuel,
48:42 qui affirme tout le contraire de ce qu'il nous dit.
48:46 - Le fonctionnement du régime est autonome de la situation légale
48:50 de tout régime de retraite.
48:52 - Voilà qui est bien embêtant pour le président.
48:58 D'autant que l'avocat de Bertrand Jaquet a lu les mêmes informations que nous
49:02 dans le contrat de son client.
49:05 Les 2 années de cotisation supplémentaires ne font pas partie de l'accord initial.
49:11 - Quand on vous dit que c'est le problème en général des retraites,
49:15 c'est la faute à la démographie, on ne peut pas faire autrement,
49:18 il faut décaler l'âge de départ à la retraite qui va être de plus en plus tard.
49:22 Mais ça, c'est un argument qui est valable pour le régime général,
49:25 qui ne concerne absolument pas les régimes privés.
49:28 Or, le crève Corem était un régime privé,
49:31 il a été commercialisé comme n'importe quel produit,
49:34 et une Mutuel qui fait appel public à l'épargne
49:37 a des obligations légales strictes qui doivent être respectées.
49:41 On n'a pas le droit de mentir aux gens quand ils organisent
49:44 leur revenu de fin de vie en fonction d'une épargne
49:48 qu'ils vont constituer et qu'ils ont besoin de sécuriser.
49:52 - Complémentaires retraite ou assurance vie.
49:58 Prenez garde aux bonimenteurs de l'épargne
50:01 et à leur mariage parfois trompeur.
50:04 Ils vous passent la bague au doigt,
50:07 promettent de couler de vieux jours paisibles ensemble,
50:10 puis ils donnent un grand coup de canif dans le contrat.
50:13 Mais dans ces mariages-là, le divorce est impossible.
50:17 Alors on fait avec et on y laisse des plumes.
50:22 Sous-titrage MFP.
50:25 ...

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