Il est ministre de la Justice depuis presque 4 ans. Il est l’une des voix fortes du gouvernement, un personnage tonitruant et clivant. Attachant pour certains, horripilant pour d’autres… En tous cas, il laisse rarement indifférent. Avocat pendant plusieurs décennies, Éric Dupond-Moretti est un ministre pas comme les autres.
Mais au-delà de la forme, au-delà des prises de parole, au-delà des mots, quels sont les résultats de son action au gouvernement ? Quelle est la situation de la Justice en France après 4 ans d’action ? Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat.
Année de Production : 2023
Mais au-delà de la forme, au-delà des prises de parole, au-delà des mots, quels sont les résultats de son action au gouvernement ? Quelle est la situation de la Justice en France après 4 ans d’action ? Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat.
Année de Production : 2023
Category
📺
TVTranscription
00:00 [Musique]
00:02 Le ministre qui ne devait pas l'être, signé Alex Darmond et Mathieu Marès Savelli.
00:06 Un film qui dit quelque chose de l'homme Éric Dupond-Moretti, de son tempérament, de la façon dont il fonctionne.
00:12 Ce qui va aussi nous intéresser dans cette émission, ce sont ses résultats.
00:15 Sont-ils à la hauteur ? Quel bilan ?
00:17 Après bientôt 4 ans au ministère de la Justice, on va en parler avec nos invités.
00:20 Françoise Noël Buffet, bienvenue.
00:22 Vous êtes sénateur LR du Rhône, président de la Commission des lois au Sénat et avocat de profession.
00:27 C'est utile comme précision.
00:28 Abel Mestre, bienvenue à vous également.
00:30 Vous êtes journaliste au Monde, chargé de la Justice.
00:33 Didier Paris, député Renaissance de la Côte d'Or, membre de la Commission des lois à l'Assemblée nationale
00:38 et magistrat de profession, là aussi c'est utile.
00:40 Laurent Deguy, bienvenue à vous également.
00:42 Vous êtes magistrat, vice-président placé à la Cour d'appel de Grenoble
00:46 et vous êtes secrétaire nationale du syndicat de la magistrature.
00:49 Merci beaucoup à tous les quatre d'être ici.
00:51 Avant d'aller sur le fond, je voudrais votre regard sur l'homme que l'on découvre,
00:55 en tout cas que beaucoup découvrent dans ce documentaire.
00:58 Il y apparaît plutôt sympathique avec ses équipes, déterminé, avec plein de valeur.
01:02 Abel Mestre, puisque vous êtes un journaliste de terrain,
01:04 est-ce que ça correspond à la réalité que vous connaissez du personnage ?
01:08 Oui, dans les grandes lignes, c'est l'homme qu'on voit quand on le rencontre,
01:13 il est comme ça, il est entouré de jeunes.
01:15 C'est vrai, on le voit d'ailleurs dans le documentaire
01:17 que les différentes équipes de son cabinet sont plutôt jeunes.
01:21 Après, c'est vrai qu'il n'y a que lui qui parle de lui à la caméra,
01:24 donc il n'y a pas énormément de contradictions.
01:28 Mais oui, c'est plutôt fidèle à la réalité, en tout cas.
01:31 Moi, je n'ai pas été témoin de ces fameux coups de gueule,
01:35 comme on peut dire, ou ces colères qui sont légendaires,
01:38 mais moi, je n'ai jamais été témoin.
01:40 Mais voilà, il paraît que c'est souvent que ça arrive.
01:43 Laurent Déguis, vous avez été aussi à son contact,
01:47 lors de réunions peut-être un petit peu plus tendues.
01:50 Ce que vous voyez dans ce film,
01:51 est-ce que ça correspond au Éric Dupond-Moretti que vous connaissez ?
01:54 Alors, le reportage qui était proposé, le documentaire qui était proposé,
01:57 oui, est assez fidèle à l'image qu'on peut s'en faire,
02:00 à l'image qu'on peut se faire du personnage, ancien avocat,
02:04 personne avec une faconde, toute particulière, une présence.
02:10 Effectivement, le fait qu'il soit aussi entouré de jeunes collaborateurs,
02:15 c'est quelque chose qui l'amène
02:17 vers une sensibilité de communication bien particulière
02:20 et qui certainement, alimente ces facilités
02:24 qu'il a d'expression.
02:27 Je pense que ce documentaire, oui, nous dit beaucoup de choses de l'homme,
02:30 peut-être un petit peu moins du ministre,
02:32 mais en tout cas, l'image que l'on peut se faire de l'homme,
02:35 un peu agéographique, là, est assez, je pense, malgré tout fidèle.
02:40 – En présentation, je disais, ministre Tony Truant, Clivent,
02:44 dans le documentaire, on entend même "cogneur",
02:46 François-Noël Buffet, je vous vois faire l'amour.
02:49 – Non, non, non, je partage ce qu'il a dit.
02:53 L'image donnée par le reportage est assez fidèle, effectivement, à la réalité.
02:58 Moi, quand je l'ai rencontré pour la première fois,
03:00 je présidais déjà la commission des lois, du Sénat,
03:03 et le contact est assez direct,
03:07 pour ne pas dire assez fluide, tout de suite.
03:11 Évidemment qu'il a du caractère,
03:14 mais il ne serait peut-être pas là s'il n'avait pas de caractère.
03:17 C'est un exercice professionnel,
03:21 il l'a marqué comme étant quelqu'un qui, à l'audience de la cour d'assise,
03:25 occupait sa place à la défense.
03:28 Il a gardé cette attitude qui est la sienne,
03:30 mais qui, je crois, lui, est assez naturelle.
03:33 Donc oui, de temps en temps, ça doit sans doute un peu monter en pression.
03:36 – Secouer.
03:37 – Mais ce n'est pas anormal non plus.
03:40 – Ça secoue parfois, Didier Paris, avec Éric Dupond-Moretti ?
03:42 – Écoutez, moi, j'ai trouvé le documentaire qui montre l'homme
03:47 et qui montre le ministre, et il n'y a pas de hiatus entre les deux,
03:49 c'est-à-dire il est comme ça, je commence à bien le connaître,
03:52 pour beaucoup travailler avec lui, il est comme ça,
03:54 c'est un homme entier, c'est un ministre entier, un ministre plein.
03:58 C'est-à-dire quand il a des convictions, il les exprime,
04:00 il ne tourne pas autour du pot, comme on dit, il a des convictions.
04:04 Son équipe est là pour, peut-être, un peu tempérer.
04:08 Le ministre a tendance, et c'est son rôle politique,
04:11 au sens noble du terme, d'aller dans des directions,
04:14 puis après de voir comment on peut les adapter aux circonstances,
04:18 les adapter au contexte, à la réalité,
04:21 mais c'est fidèle, et c'est fidèle de l'homme et du ministre.
04:26 – Dans le film, on le voit aussi s'écharper
04:29 avec un représentant du Rassemblement National
04:31 en pleine campagne électorale, dans la rue,
04:34 d'ailleurs il exprime des regrets dans le film, sur cet instant-là.
04:37 Là aussi, est-ce que c'est son rôle ?
04:39 Vous parliez de son rôle, est-ce que c'est son rôle, d'après vous, Abel Mestre,
04:41 de monter au créneau comme ça, en tout cas contre un parti politique
04:43 qui est le Rassemblement National ?
04:45 – Oui, à partir du moment où on considère que le Rassemblement National
04:47 est le principal opposant de la majorité présidentielle,
04:50 c'est le rôle d'un ministre de son importance,
04:52 on l'a vu d'ailleurs dans les derniers sondages
04:55 que c'est un des poids lourds du gouvernement,
04:57 donc il représente le gouvernement,
04:59 et par ailleurs, il a une vraie conviction
05:04 de la nécessité de combattre l'extrême droite et le Rassemblement National,
05:09 c'est quelque chose, dès qu'on lui parle du sujet,
05:12 on voit que c'est naturel, que ça vient, qu'il a du mal même à retenir ses coups,
05:17 l'extrait avec Damien Rieu, parce que c'est comme ça que le militant s'appelle,
05:24 on voit qu'il n'aurait peut-être pas dû, en fait,
05:26 parce que quand on rentre dans ce jeu-là avec un groupe de militants,
05:32 on est toujours perdant, qu'on soit Éric du Mauritier ou pas,
05:35 et on voit qu'il se rend compte très vite de son erreur,
05:39 mais c'est quelque chose, voilà, il ne peut pas s'en empêcher.
05:42 – Et il ne le fait pas qu'avec le Rassemblement National,
05:43 depuis peu de temps, il le fait aussi avec la France Insoumise,
05:46 on voit de sacrés échanges à la France.
05:48 – Si je peux me permettre, il y a une forme d'ambiguïté,
05:51 parce que traditionnellement, on attend d'un ministre de la Justice,
05:54 d'abord des éléments de tempérance, de calme, de pondération,
05:58 parce que c'est son rôle naturel, il les garde des sceaux,
06:01 et beaucoup d'anciens ministres de la Justice ont eu cette attitude.
06:04 Éric Dupond-Mauritier réussit un tour de force quelque part,
06:07 ce n'est pas si facile que ça à faire, à garder cette partie-là de lui-même,
06:11 mais en même temps, il est clairement devenu une bête politique.
06:15 – C'est un poids lourd du gouvernement, vous l'avez dit,
06:19 et le président lui accorde une grande confiance,
06:21 d'ailleurs il a été renouvelé encore récemment,
06:24 et Éric Dupond-Mauritier, que ce soit dans l'hémicycle ou ailleurs,
06:28 n'attend qu'assez rarement l'occasion d'aller à l'affrontement.
06:34 Alors c'est vrai, singulièrement, plutôt l'affrontement visé du RN,
06:37 parce que c'est ce qu'il ressent, et je le rejoins pleinement là-dessus,
06:42 c'est ce qu'il ressent comme étant le danger pour la France.
06:45 – Parfois, le dérapage du bras d'honneur,
06:47 qu'il dit regretter en interview dans ce documentaire,
06:50 il y a quelque chose qui vous dérange dans ces méthodes, Laurent Dégouy ?
06:52 – Il y a quelque chose, effectivement,
06:54 je rejoins l'idée selon laquelle, qui vient d'être exprimée,
06:57 l'idée selon laquelle, effectivement, il y a au fond,
07:00 peut-être pas deux Éric Dupond-Mauritier,
07:02 mais deux facettes qui ne sont pas incomplémentaires,
07:06 l'homme politique et le garde des Sceaux,
07:07 qui lui, peut-être, dans l'exercice des fonctions qui lui sont confiées,
07:12 renouvelées, puisqu'il est là depuis maintenant bientôt 4 ans,
07:18 eh bien, le sentiment, c'est que parfois,
07:23 il y a un peu de porosité entre ces deux facettes,
07:27 et peut-être quelque chose qui relèverait de comportements
07:32 qui manquent un petit peu de retenue.
07:33 Alors dans le reportage, on voit ce fameux bras d'honneur,
07:36 il s'en explique, il explique les raisons pour lesquelles il a fait ça,
07:42 que ce n'était pas dirigé contre la personnalité en question,
07:45 mais plus généralement contre la bêtise.
07:47 Ça reste quand même un peu gênant,
07:49 parce que le Éric Dupond-Mauritier, le brêteur, l'homme politique,
07:52 il est aussi garde des Sceaux, il est surtout garde des Sceaux pour nous,
07:57 et il devrait avoir peut-être cette…
08:03 – Réserve, cette retenue.
08:04 – Ou cette retenue dans les hémicycles,
08:06 parce que chacun de ses gestes, forcément, infusent
08:09 sur un certain nombre de choses, et là, toute la question est de savoir
08:11 est-ce que ça met l'autorité judiciaire dans de bonnes dispositions.
08:16 – Oui, François Noël Buffet ?
08:17 – Je crois qu'il ne faut pas oublier qu'il vient de la société civile,
08:20 il n'avait jamais occupé antérieurement de fonction élective ou de responsabilité,
08:25 et quand il rentre en politique, il prend un poste,
08:27 tout de suite, un des postes majeurs de la République,
08:29 comme ça vient d'être appelé,
08:31 et donc son caractère naturel est très présent,
08:36 ses convictions sont là à l'égard du FN et à l'égard de la FI aujourd'hui,
08:42 donc pour lui, la logique c'est les exprimer,
08:45 mais la logique politique c'est la tempérance du garde des Sceaux
08:49 qui doit prendre de la hauteur,
08:51 donc est-ce qu'il doit y avoir une forme d'apprentissage ?
08:54 C'était un peu une forme d'apprentissage,
08:55 cette campagne électorale aux élections régionales,
08:58 et il n'a pas recommis…
09:00 - C'est l'erreur là.
09:01 - Il n'a pas refait ça, donc l'homme est intelligent,
09:04 donc il a tout de suite appris,
09:05 donc il est aussi un peu en phase d'apprentissage,
09:07 donc ça va beaucoup mieux, évidemment, il progresse très très bien.
09:10 - Après, je pense qu'on ne peut pas mettre sur le même plan
09:13 ce qui s'est passé pendant la campagne,
09:16 qui a un échange un peu vif, mais bon,
09:18 et les doigts d'honneur…
09:21 - Dans l'hémicycle.
09:22 - Dans l'hémicycle, juste après la prise de parole du président du groupe LR,
09:28 alors les explications, ce n'était pas à M. Marrec
09:31 que c'est adressé, mais à la présomption d'innocence.
09:36 On peut quand même émettre une certaine…
09:38 - Des doutes sur la justification.
09:40 - Des interrogations sur la justification.
09:42 En tout cas, voilà, un ministre de la Justice ne devrait pas faire ça,
09:45 ça c'est évident.
09:46 - Alors je voudrais maintenant…
09:47 - Vous êtes d'accord.
09:48 - M. Ledis, il l'a lui-même reconnu.
09:51 - Oui, oui.
09:52 - J'étais dans l'hémicycle ce jour-là,
09:54 il faut aussi que les spectateurs comprennent à quel point c'est…
10:01 - C'est tendu.
10:02 - Oui, ça peut être tendu.
10:03 - Pendant la retraite en plus.
10:04 - Après, il y a une question d'exemplarité quand même.
10:07 - Donc à lui, mais c'est sa personnalité aussi, plutôt de calmer.
10:11 Là, il se trouve qu'effectivement, il a donné cette explication,
10:14 il s'est ensuite excusé, il a eu conscience, mais au fond, il fait l'objet,
10:19 j'ai quand même le souvenir d'attaques à Dominem à son égard,
10:24 qui étaient tout à fait scandaleuses, qui étaient permanentes,
10:27 et qui font qu'à un moment, un ministre de la Justice
10:31 doit aussi bénéficier d'un respect et d'une compréhension
10:34 quand il explique des choses.
10:36 Quand vous êtes dans l'hémicycle et que le ministre s'exprime
10:39 sur des gros sujets, on va y venir, et qu'il a le sentiment
10:42 de parler dans le vide, parce que de toute façon,
10:44 sa parole n'est même pas écoutée, il y a un moment
10:47 où on peut comprendre qu'il réagisse, et moi, je l'ai compris.
10:50 - Alors allons sur le fond, effectivement, Joachim,
10:52 on se rapproche sur les résultats de l'action d'Eric Dupond-Moretti,
10:54 après tout, c'est ce qui compte peut-être le plus.
10:56 Avant de vous demander votre avis, on va revoir ensemble
10:58 une séquence assez forte du documentaire, qui dit quelque chose
11:00 de l'humeur des Français, dans un contexte de violence
11:04 et de délinquance qu'il est assez difficile de nier.
11:06 La séquence date de 2022, vous me direz si elle vous semble
11:09 encore d'actualité. Regardez.
11:11 - C'est vous que j'ai vu à la télé hier, de la justice ?
11:14 - C'est possible. - Oui, c'est honteux, hein.
11:16 - Qu'est-ce qui est honteux, madame ?
11:18 - Qu'on laisse le massacre, que les gens brûlent comme ça,
11:20 la justice, elle est mal faite. On doit remettre la peine de mort.
11:23 Pour tout ça. - Ah oui ?
11:25 - Voilà. - D'accord.
11:27 - Parce que ça serait votre enfant. On tue, on viole.
11:29 Qu'est-ce que vous ferez ?
11:31 Ça serait votre enfant, vous. Alors ?
11:34 Dites-le ! - Mais alors quoi, madame ?
11:36 Moi, je suis un être humain comme vous.
11:38 - Ah ben oui ! - Si ça touche ma famille,
11:40 si ça touche mes enfants, c'est une véritable catastrophe.
11:42 - Il doit être condamné. Il doit être puni.
11:44 On doit... Ils tuent, on le tue aussi.
11:46 - Mais madame, les gens comprennent, ils sont punis.
11:48 - Vous savez, vous avez le droit de vous arranger.
11:50 - Ah mais madame... - Vous savez aller, oui.
11:52 - Non mais ça, c'est de la caricature, madame.
11:54 - De toute façon, la justice, elle est pourrie.
11:56 - La justice, elle est pourrie. François-Noël Buffet,
11:58 que dit cet échange pour vous ?
12:00 Est-ce que c'est aussi un échec d'Éric Dupond-Moretti ?
12:02 - Non, parce que...
12:06 beaucoup de nos concitoyens,
12:10 par des questions de réflexes,
12:12 ou par des propos d'ailleurs qui peuvent être tenus
12:14 par un certain nombre de personnes,
12:16 que tout le système est pourri,
12:18 que les élus sont pourris, les juges sont pourris,
12:20 les policiers sont pourris.
12:22 C'est une sorte de lieu commun abominable,
12:24 mais tout le monde sait très bien que c'est pas le cas.
12:26 Heureusement d'ailleurs.
12:28 On est dans un pays où la justice est rendue
12:30 par des gens sérieux,
12:32 qui font leur travail sérieusement.
12:34 Je dis pas ça parce qu'il y a des magistrats ici,
12:36 mais j'ai été avocat,
12:38 j'ai plaidé. On n'a jamais eu de difficulté
12:40 aucune, pas plus que
12:42 dans d'autres professions, pas plus que les politiques.
12:44 C'est la même chose.
12:46 Toujours des exceptions, mais c'est pas la question.
12:48 Mais c'est à l'esprit en fait. Ce qui est intéressant,
12:50 c'est le message qui est envoyé par cette personne,
12:52 qui considère qu'il y en a assez
12:54 d'un certain nombre d'actes de violence,
12:56 de criminalité,
12:58 qu'ils ne supportent plus,
13:00 et qu'ils ne voient plus qu'une seule solution,
13:02 qui est le rétablissement de la peine de mort.
13:04 On est un peu dans une position, je vais presque dire,
13:06 irrationnelle. Bon, alors le ministre,
13:08 il doit faire face, il doit expliquer,
13:10 c'est des situations difficiles.
13:12 Il doit se mettre dessus. Et c'est là qu'il doit
13:14 prendre le recul suffisant. – Sauf que c'était en 2022.
13:16 – Bien sûr. – Je vais vous citer le dernier
13:18 sondage, novembre dernier.
13:20 Les Français qui ne sont pas du tout contents
13:22 de leur justice, c'est pas si anecdotique que ça,
13:24 ce genre d'échange et de déclaration de cette femme.
13:26 87% des sondés considèrent
13:28 que la justice est trop laxiste.
13:30 58% estiment que la violence
13:32 se répand dans toute la société.
13:34 – Oui, c'est vrai.
13:36 La violence se répand dans toute la société, on le voit.
13:38 Mais la justice est trop laxiste,
13:40 si vous regardez objectivement
13:42 les peines qui sont prononcées depuis de nombreuses années,
13:44 elles sont croissantes.
13:46 Et ça pose en fait une autre question
13:48 qui est la question de l'exécution des peines en matière pénale.
13:50 Et la justice, elle a besoin de moyens,
13:52 on va peut-être y revenir, pour rendre des décisions rapidement,
13:54 y compris au plan civil. On discute toujours du pénal,
13:56 mais aussi du civil.
13:58 Donc tout ça doit être modéré,
14:00 naturellement. Mais ces lieux
14:02 de discussion ne sont pas les lieux qui favorisent
14:04 cette modération, en tout cas cette explication.
14:06 Les tensions sont trop fortes.
14:08 – Oui, ces chiffres que je viens de donner,
14:10 cette séquence qu'on vient de voir,
14:12 qui n'est pas anecdotique,
14:14 qu'est-ce qu'elle dit du travail du ministre de la Justice
14:16 et de la Justice aujourd'hui ?
14:18 – Je crois que c'était le ministre Dupond-Moretti
14:22 qui avait parlé de sentiments d'impunité,
14:24 pour décaler un petit peu, effectivement,
14:26 la réalité des chiffres, avec des peines d'emprisonnement
14:28 qui sont prononcées avec des procédures
14:30 aujourd'hui accélérées,
14:32 la comparution immédiate, si on en reste
14:34 au niveau pénal, et puis des peines
14:36 d'emprisonnement de plus en plus lourdes,
14:38 et puis ce sentiment de décalage avec
14:40 cette expression d'une justice laxiste,
14:42 et c'est vrai que face à ce type
14:44 d'expression, dont il n'est pas question
14:46 de remettre en cause l'authenticité,
14:48 ce n'est pas ça l'objet,
14:50 il y a quand même un effort, je pense,
14:52 de pédagogie très important à fournir,
14:54 – Qui n'a pas encore été fait.
14:56 – Il y a peut-être quelque chose,
15:00 une carence à ce niveau-là,
15:02 qui au fond, accentue
15:04 peut-être ce décalage
15:06 qui est certainement malheureux.
15:08 Alors, le président Buffet parlait
15:10 de la rapidité des décisions,
15:12 c'est vrai que la rapidité des décisions,
15:14 c'est certainement quelque chose
15:16 qui participe de la qualité de la justice,
15:18 c'est un indicateur fort,
15:20 et puis c'est une inspiration
15:22 auquel on doit rendre compte
15:24 légitimement auprès des justiciables,
15:26 mais la célérité doit pas être
15:28 au détriment de la qualité,
15:30 et peut-être que c'est une des raisons
15:32 pour lesquelles on a une célérité,
15:34 et peut-être que ces sondages
15:36 ne traduisent pas fondamentalement
15:38 l'autre jambe sur laquelle doit marcher la justice,
15:40 qui est la cérélité,
15:42 et l'autre partie de la qualité,
15:44 c'est-à-dire le temps d'écoute,
15:46 le temps de l'audience,
15:48 de l'investissement dans les dossiers
15:50 qui est peut-être aujourd'hui,
15:52 malheureusement, trop raboté.
15:54 Et lorsqu'il y a eu une expression,
15:56 je pense au 15 décembre 2021,
15:58 où dans la rue sont descendus
16:00 plusieurs centaines de magistrats
16:02 pour expliquer quelque chose.
16:04 Alors il y avait une revendication en termes de moyens,
16:06 ça c'est incontextable, mais il n'y avait pas que ça.
16:08 Il y avait aussi une perte de sens,
16:10 une revendication de la perte de sens,
16:12 et si, peut-être qu'on aura l'occasion
16:14 d'en discuter aujourd'hui,
16:16 si la question des moyens,
16:18 on voit quand même quelque chose émerger,
16:20 je ne vais pas vous dire que les magistrats
16:22 ne sont pas soulagés des annonces
16:24 qui ont été faites, notamment début 2023,
16:26 même si on peut les poursuivre.
16:28 - C'est vrai, c'est vrai,
16:30 Eric Dupond-Moretti, c'est à mettre à son crédit,
16:32 a obtenu +8% pendant 3 ans du budget de la justice,
16:34 et encore 5,3% pour 2024,
16:36 ce sont les bons chiffres.
16:38 - Sous réserve des plus rabots,
16:40 mais des milliards, il faut aussi parler.
16:42 - On va frôler les 11 milliards d'euros en 2027.
16:44 Donc on a des moyens, on a encore des Français
16:46 très mécontents de leur justice, Abel Mestre.
16:48 - Oui, pour Eric Dupond-Moretti,
16:50 il y a une sorte de contradiction,
16:52 de paradoxe, c'est que quand on voit
16:54 la philosophie générale qui porte sa politique pénale,
16:56 notamment, c'est tout sauf laxiste.
16:58 C'est même assez répressif.
17:00 Quand on lit toutes ces circulaires
17:02 à chaque fois, c'est une réponse pénale
17:04 ferme, rapide et systématique.
17:06 Par ailleurs, quand on voit les chiffres
17:08 de surpopulation pénale,
17:10 on voit que la justice n'est pas laxiste.
17:12 - Je peux donner les chiffres ?
17:14 Nouveau record atteint au 1er avril,
17:16 77 450 détenus.
17:18 Dans certains établissements,
17:20 on est à 200% de taux d'occupation.
17:22 - Après, ça a été dit,
17:24 il y a un devoir de pédagogie.
17:26 Ce n'est pas que pour le ministre de la Justice.
17:28 Tous les ministres doivent faire la pédagogie de leur politique.
17:30 C'est vrai qu'avant que ce sentiment
17:32 de laxisme, parce qu'on parle de sentiment d'insécurité,
17:34 mais oui, ce sentiment de laxisme de la justice
17:36 qui est dans les chiffres pas fondés
17:38 disparaisse, il va falloir
17:40 reprendre du temps, de l'explication,
17:42 etc. Les effets des augmentations budgétaires
17:44 qui sont réelles,
17:46 qui sont historiques,
17:48 sans comparaison avec ses prédécesseurs,
17:50 le temps que ça se met en place, ça va prendre du temps.
17:52 Rien que pour les recrutements, il faut former des magistrats,
17:54 il faut recruter aussi les agents pénitentiaires
17:56 qui passent en...
17:58 - Globalement, vous êtes tous assez indulgents
18:00 avec Eric Dupond-Moretti,
18:02 sur sa politique, sur les résultats,
18:04 sur ce sentiment d'injustice des Français.
18:06 Vous dites, finalement, il a mis en route quelque chose
18:08 qui va porter ses fruits.
18:10 - On parle des moyens distribués.
18:12 - La prison, par exemple.
18:14 - Didier Paris ?
18:16 - Objectivement, est-ce que la justice
18:18 est dans un parfait état ? Non.
18:20 Personne ne le conteste.
18:22 Sans faire de comparaison avec d'autres pays,
18:24 parce que comparaison vaut pas raison,
18:26 c'est pas les mêmes règles, etc.
18:28 Mais quand même.
18:30 Et je crois que depuis quelques années,
18:32 déjà avec Nicole Belloubet,
18:34 la conscience de ce qu'on peut pas garder une justice
18:36 dans cet état de délabrement,
18:38 c'est Jean-Marc Sauvé qui présidait
18:40 les Etats généraux de la justice,
18:42 qui le dit, c'est pas Didier Paris.
18:44 Et réellement, il y a eu une prise de conscience
18:46 sous l'impulsion du président de la République,
18:48 que vous donnez, y compris
18:50 1 500 magistrats, de plus.
18:52 1 800 greffiers, de plus.
18:54 2 000 et quelques attachés de justice,
18:56 de plus que toutes les juridictions demandaient.
18:58 Maintenant, ça suffit pas.
19:00 Déjà, là, on parle de justice pénale,
19:02 il n'y a pas que la justice pénale,
19:04 il y a beaucoup d'autres pans.
19:06 Et finalement, les Français,
19:08 ils ont tout autant en contact
19:10 avec un juge pour l'exécution d'une peine
19:12 ou que sais-je.
19:14 Et donc, il y a eu une grande évolution
19:16 de fond de la part d'Eric Dupond-Moretti,
19:18 notamment sur la médiation.
19:20 Dispositif très fort
19:22 de la loi d'orientation, dernière loi d'orientation.
19:24 Et comme a dit M. le secrétaire
19:26 de National, tout ça est
19:28 très nouveau, donc il va falloir en attendre
19:30 des résultats, mais au niveau pénal,
19:32 vous avez cité des chiffres, moi, j'ai
19:34 absolument pas le sentiment d'un laxisme.
19:36 Le sentiment que j'ai, par contre,
19:38 c'est qu'on est encore,
19:40 est-ce que c'est de la pédagogie, est-ce que c'est finalement
19:42 un état d'esprit général ? Trop dans la situation
19:44 où les Français ne
19:46 voient qu'une seule réponse de la justice pénale,
19:48 c'est renfermement. Point barre.
19:50 Et il n'y a pas de gradation.
19:52 Donc, vous avez un sentiment
19:54 que quels que soient les faits, il faut de la prison.
19:56 Or, vous avez dit
19:58 77 000 détenus.
20:00 Et on a recalibré
20:02 l'échelle des peines pour redonner
20:04 de la valeur aux brassées
20:06 de sécurité, au travail d'intérêt général,
20:08 tout ce que vous voulez, ce que les Français ont
20:10 sans doute un peu de mal à percevoir.
20:12 Mais le fin du fin,
20:14 c'est pas une gravité de la peine,
20:16 c'est la certitude de la peine.
20:18 C'est le fait qu'il y ait de moins en moins
20:20 ou de moins possible
20:22 de, finalement, de...
20:24 -D'impunité. -Oui, d'impunité.
20:26 Et c'est toute la stratégie
20:28 d'Éric Dupond-Moretti à travers les textes
20:30 très nombreux que nous avons. Je peux vous dire
20:32 qu'à la Commission des lois, que ce soit au Sénat ou à l'Assemblée nationale,
20:34 on ne chôme pas en matière
20:36 de justice. Mais c'est aussi un état
20:38 circulaire, c'est aussi un état d'esprit,
20:40 c'est enfin aussi une sorte de continuum
20:42 de sécurité avec
20:44 police, gendarmerie nationale, justice,
20:46 qu'on oppose trop souvent de manière
20:48 inadaptée. -François Noël-Buffet ?
20:50 -Oui. Il y a eu le rapport de Jean-Marc Sauvé
20:52 sur l'état généraux.
20:54 Il y avait eu un rapport de la Commission des lois du Sénat en 2017
20:56 qui avait déjà fait
20:58 un état des lieux extrêmement
21:00 large, mais qui a été repris
21:02 en réalité et amélioré
21:04 par l'état généraux de la justice.
21:06 Et en fait, le travail qui est mené,
21:08 c'est un travail de fond, c'est-à-dire c'est une remise
21:10 à niveau de notre système.
21:12 Et ça va prendre du temps. Il faut former
21:14 les magistrats, il faut former
21:16 les greffiers, donc ça va prendre un peu de temps.
21:18 C'est vrai qu'entre le moment où on annonce
21:20 les chiffres du budget, tout le monde croit que c'est déjà
21:22 dans les jeux d'addiction. C'est pas vrai,
21:24 c'est compliqué. Donc c'est en train
21:26 de se faire, et ça c'est un point important.
21:28 On oublie, quand on parle beaucoup des personnels,
21:30 on oublie beaucoup de parler du numérique,
21:32 où le ministère de la justice
21:34 a été en très grande difficulté
21:36 depuis de nombreuses années. Il faut vraiment se remettre
21:38 à niveau de ce point de vue-là. Et une fois
21:40 qu'on aura fait tout ça, tout ça
21:42 se remplace, ça va prendre un peu de temps,
21:44 il y aura sans doute encore à améliorer d'autres choses.
21:46 Mais ça viendra après.
21:48 Le point particulier que moi je souhaite
21:50 relever,
21:52 c'est que c'est vrai
21:54 qu'il y a une absence de pédagogie.
21:56 - Auprès de qui ? Des Français ou des magistrats ?
21:58 - Auprès des Français, d'une façon générale, pour expliquer
22:00 ce qu'est la justice. Ce n'est pas que
22:02 simplement l'infraction pénale.
22:04 La justice civile représente
22:06 trois fois plus de décisions à rendre
22:08 que le pénal.
22:10 Il y a des délais qui sont inacceptables aujourd'hui.
22:12 Lorsque vous avez un procès de droit du travail,
22:14 ou un procès de droit de la construction,
22:16 ça prend des mois,
22:18 pour ne pas dire des années, c'est juste inacceptable.
22:20 - Et est-ce que ça, ça s'est amélioré depuis l'arrivée d'Eric Dupond-Moretti,
22:22 par exemple ?
22:24 - Pas tout à fait encore.
22:26 Sensiblement, sur le prud'homme,
22:28 ça a été notamment
22:30 par la conciliation,
22:32 par le dossier, mais pas suffisamment.
22:34 Ça viendra, parce que les magistrats arrivent,
22:36 parce que les auxiliaires de justice sont arrivés,
22:38 parce qu'on attend des greffiers.
22:40 Il y a un niveau de latence qui est très important.
22:42 Donc ça, ça compte. Après,
22:44 il y aura une deuxième étape,
22:46 pour finir notre conversation,
22:48 c'est la certitude de la peine et la certitude de son exécution
22:50 en matière pénale. Ça, c'est le sujet.
22:52 Mais l'aspect pédagogique me paraît essentiel.
22:54 - En préparant cette émission, juste un mot,
22:56 j'ai eu pas mal d'avocats pénalistes au téléphone
22:58 qui, eux, sont très remontés.
23:00 Ils ont dit que la justice allait très mal,
23:02 et encore plus mal depuis qu'Éric Dupond-Moretti
23:04 était arrivé au ministère de la Justice.
23:06 Je voudrais l'avis du magistrat et du syndicat
23:08 de la magistrature que vous représentez ici.
23:10 - Il y a quelque chose, si vous voulez, qui relève de l'inquiétude.
23:12 Lorsque Éric Dupond-Moretti
23:16 a été nommé pour la première fois
23:18 ministre de la Justice, il y a eu des réactions,
23:20 des expressions syndicales
23:22 au sein de la magistrature, diverses.
23:24 Il y a eu des expressions
23:26 qui ont quand même relevé
23:28 qu'on se souvient toujours de la déclaration de guerre,
23:30 tout ça. Bon, si je mets ça de côté,
23:32 il y a eu aussi des expressions
23:34 qui ont dit "Ah, ça peut être
23:36 un homme intéressant parce que c'est un homme
23:38 qui, par ses combats personnels
23:40 et puis sa pratique judiciaire,
23:42 était un peu anticorporatiste.
23:44 Donc ça peut donner
23:46 une forme de souffle,
23:48 de bol d'air sur la magistrature.
23:50 - Et ça a fait pchit ou pas ?
23:52 - Il y a des points d'inquiétude quand même.
23:54 - Lesquels, précisément ?
23:56 - Très précisément.
23:58 Vous voyez, on parlait tout à l'heure de l'homme politique
24:00 qui va, parce que je ne remets pas en cause
24:02 l'authenticité de sa conviction, contre
24:04 les idées du Front National.
24:06 Mais en courant derrière les idées du Front National,
24:08 lui-même est dans une posture dont on ne pouvait pas
24:10 se douter du temps
24:12 de sa carrière d'avocat,
24:14 qu'il était un petit peu dans ce sillon.
24:16 On est un peu sur du tout répressif.
24:18 On est un peu,
24:20 de manière systématique,
24:22 prenons l'expression des
24:24 propositions qui ont été faites
24:26 à l'occasion
24:28 pour
24:30 la justice des mineurs. Rappelons quand même que
24:32 le code de justice des mineurs vient d'être révisé.
24:34 Là, on en remet une couche.
24:36 On a l'impression qu'il y a une espèce de course
24:38 en disant "mais je ne suis pas laxiste,
24:40 je viens un petit peu sur ce terrain-là".
24:42 Je pense qu'il y a d'autres inquiétudes, je ne vais pas vous prendre plus de temps,
24:44 il y a d'autres inquiétudes. Il y a aussi
24:46 des mesures phares qui ont donné
24:48 un peu l'étonnement par rapport
24:50 au positionnement d'Éric Dupond-Moretti.
24:52 On a l'impression que c'est des renoncements.
24:54 La Cour Criminelle Départementale,
24:56 lui qui a plaidé pendant longtemps pour les cours d'assises,
24:58 il est l'administrateur
25:00 funéraire un peu
25:02 de ces cours d'assises.
25:04 Ça peut donner aussi ce sentiment de dire
25:06 qu'il y a une forme de déception.
25:08 – De là que viennent les critiques et les déceptions.
25:10 – Sur la tendance à vouloir faire
25:12 une politique répressive parce que
25:14 devant il y a le Rassemblement National,
25:16 et puis aussi la pression de LR
25:18 qui est assez importante sur le sujet.
25:20 On le voit très bien sur les prisons,
25:22 sur le problème de la régulation carcérale
25:24 qui est refusée par Éric Dupond-Moretti
25:26 en disant que si on fait de la régulation carcérale,
25:28 c'est 14 000,
25:30 en fait comme les chiffres augmentent tous les mois,
25:32 là aujourd'hui c'est 14 000 ou un peu plus
25:34 d'étenus qui vont aller dans la rue,
25:36 et je ne peux pas le faire avec 30% d'intention de vote
25:38 pour le Rassemblement National.
25:40 Ça va trop leur donner
25:42 du vent dans les voiles.
25:44 – Il fait trop de politique en fait.
25:46 – En même temps c'est son rôle,
25:48 pas que ça, mais c'est aussi son rôle
25:50 et ce qu'on pourrait lui opposer
25:52 c'est gouverner, c'est choisir.
25:54 Et parfois il faut prendre des mesures impopulaires,
25:56 même aller à l'encontre de l'opinion publique.
25:58 On a souvent l'exemple,
26:00 et parce que c'est un sujet
26:02 qui lui tient à cœur, l'exemple de Mitterrand
26:04 avec la peine de mort,
26:06 les Français étaient majoritairement contre,
26:08 bon il a quand même aboli la peine de mort,
26:10 voilà, et ils sont restés au gouvernement,
26:12 ce n'est pas pour ça que l'opposition
26:14 a gagné quelques années après.
26:16 Donc voilà, c'est quelque chose aussi,
26:18 il faut s'habituer, il faut prendre des risques,
26:20 il faut faire de la politique.
26:22 – Didier Paes ?
26:24 – Pour avoir beaucoup de contact avec des avocats
26:26 et pour m'être rendu à nombreuses reprises
26:28 avec le ministre ou sans
26:30 dans des juridictions, je ne ressens pas
26:32 cette difficulté majeure que vous soulevez,
26:34 il y a des avocats.
26:36 En dehors peut-être du fait qu'ils le trouvent
26:38 contre-corporatiste,
26:40 mais ce n'est pas la réalité des choses.
26:42 Par contre il y a une caractéristique forte,
26:44 c'est le pragmatisme.
26:46 Pourquoi Éric Dupond-Moretti change-t-il d'opinion ?
26:48 Réellement il a changé d'opinion
26:50 sur les cours criminels départementaux.
26:52 Par pragmatisme, parce que nous avons fait
26:54 plusieurs missions pour démontrer
26:56 qu'en réalité le système fonctionnait
26:58 et que beaucoup ne souhaitaient pas
27:00 revenir en arrière. Donc à un moment,
27:02 le ministre, il est obligé aussi,
27:04 de quoi ? D'être efficace.
27:06 Il est obligé de tenir compte
27:08 de réalités qui s'imposent
27:10 à tout le monde. Dernier point,
27:12 c'est sans doute répressif,
27:14 mais est-ce que ce n'est pas la réalité
27:16 que de supprimer les remises de peine automatique
27:18 en détention ?
27:20 - Ça on l'entend beaucoup dans le documentaire.
27:22 C'est vraiment l'argument qui l'avance.
27:24 - C'est un des éléments. On pourrait
27:26 faire trois heures de réunion, mais ça correspond
27:28 aussi à une réalité
27:30 concrète de ce que les Français veulent,
27:32 de la sécurité, ils ont raison,
27:34 dans l'équilibre
27:36 de la démocratie qui est la nôtre
27:38 et de l'équilibre avec la liberté individuelle.
27:40 Et je ne crois en aucune façon
27:42 que le ministre de la Justice, le gouvernement
27:44 et nous-mêmes en tant que parlementaires,
27:46 nous ayons oublié cet objectif fondamental.
27:48 - Alors il y a la délinquance des mineurs
27:50 dont vous avez parlé, il y a aussi le narcotrafic
27:52 et on est bien placé pour en parler au Sénat.
27:54 Nous sommes en train de perdre la guerre
27:56 contre les trafiquants à Marseille,
27:58 ont déclaré les magistrats sous serment
28:00 devant les sénateurs de la commission d'enquête
28:02 qui ont rendu leur conclusion la semaine dernière
28:04 sur le narcotrafic. Est-ce que la situation
28:06 est en train de nous échapper ?
28:08 D'échapper à la justice, d'échapper à Eric Dupond-Moretti
28:10 sur ce point précis, par exemple,
28:12 François-Noël Buffet ?
28:14 - La situation sur le narcotrafic est en train d'exploser,
28:16 est explosive et elle est partout.
28:18 Le rapport qui a été rendu par le Sénat
28:20 est de ce point de vue-là éloquent.
28:22 Donc on a un sujet qui dépasse largement
28:24 le ministre, qui est un sujet de société,
28:26 qui est un sujet fondamental.
28:28 La question maintenant, c'est la capacité
28:30 de répondre à cette problématique.
28:32 Donc il est clair que parmi les propositions
28:34 qui ont été formulées, un certain nombre
28:36 concernent l'organisation de notre système
28:38 répressif, y compris un parquet
28:40 national qui pourrait être dédié.
28:42 Donc pourquoi pas, il faut
28:44 simplement réfléchir à la mise en œuvre
28:46 d'un dispositif de cette nature. Je dis
28:48 il faut y réfléchir, on verra s'il y a un texte
28:50 un jour qui vient, mais une fois de plus,
28:52 il faudra des moyens. Donc l'enjeu,
28:54 c'est pas d'évoluer ou de s'adapter, il le faut,
28:56 c'est nécessaire. Mais ça va être de se donner
28:58 les moyens de pouvoir faire fonctionner
29:00 ce dispositif. Donc en attendant
29:02 dans quelques temps... - Un problème global,
29:04 dites-vous. - Oui, bien sûr.
29:06 - Les phrases ont été fortes, on commence à avoir de plus en plus
29:08 de problèmes de corruption de fonctionnaires de police,
29:10 des soupçons de corruption pèsent également sur des fonctionnaires
29:12 de justice. C'est une guerre de tranchées,
29:14 une guerre asymétrique, un narco-banditisme
29:16 qui agit comme une sorte de gangrène et qui
29:18 abîme le tissu social. Ce sont les propos
29:20 qui ont été tenus en commission. - Oui, c'est la réalité.
29:22 C'est la réalité.
29:24 Pas plus tard qu'il y a quelque temps, on a fait
29:26 un déplacement avec la commission des lois,
29:28 dans un lieu primatif de liberté,
29:30 il y avait deux fonctionnaires
29:32 qui venaient d'être placés en détention
29:34 par les magistrats pour ces raisons-là.
29:36 Et bien évidemment
29:38 que ça existe et que le phénomène
29:40 est très important.
29:42 C'est pas tout le constater, maintenant il va falloir lutter contre.
29:44 Il faut se donner les moyens. Mais pour le coup,
29:46 ça devient un sujet majeur
29:48 dans lequel
29:50 le ministre de la Justice aura évidemment
29:52 un rôle plein à jouer parce que
29:54 une grande partie des services dépendent de lui.
29:56 Le service de justice, au sens général du terme,
29:58 et puis il en a des propres services qui dépendent de lui, bien sûr.
30:00 – Un rôle à jouer, aucune responsabilité.
30:02 – Pas que, y compris dans le monde politique.
30:04 – Laurent Dégouy, sur cette situation.
30:06 – Un rôle à jouer, certainement.
30:08 Alors juste, je fais une petite incise.
30:10 Moi j'abonde sur les propos qui viennent d'être tenus par le président Buffet.
30:16 Le narcotrafic, c'est quelque chose de gigantesque.
30:20 À partir de là,
30:22 quelle est la vision
30:24 qu'il faut avoir pour lutter contre ?
30:26 Il n'y a pas de point là-dessus.
30:28 Il y a des propositions
30:30 dans ce rapport, pour l'instant,
30:32 puisqu'on n'a pas encore, évidemment, de texte,
30:34 tout ça est très frais.
30:36 Dans le sens d'un renforcement de moyens,
30:38 très bien,
30:40 avec notamment la création d'un parquet dédié.
30:42 Il y a d'autres choses
30:44 qui peuvent nous interroger.
30:46 C'est-à-dire ne pas limiter
30:48 la mise en œuvre de moyens
30:50 pour lutter contre ce phénomène,
30:52 contre lequel on ne peut pas lutter.
30:54 Il faut absolument être présent
30:56 sur ce sujet.
30:58 Mais ne pas aller vers des considérations
31:00 qui tendraient à une réduction
31:02 de notre patrimoine juridique
31:04 et de nos droits fondamentaux
31:06 en limitant les moyens.
31:08 Il faut maintenir nos droits acquis
31:10 et renforcer les moyens
31:12 pour lutter contre ce narcotrafic.
31:14 Et à titre, peut-être, d'incise,
31:16 je dirais, là,
31:18 on retrouve avec cette séquence
31:20 marseillaise
31:22 un peu toute la personnalité
31:24 d'Éric Dupond-Moratti,
31:26 dont je crois qu'il faut rappeler
31:28 qu'il est venu un petit peu tenser
31:30 les magistrats qui se sont exprimés
31:32 devant la Commission.
31:34 Ils étaient sous serment.
31:36 Il a été un petit peu tensé.
31:38 Il y a aussi ce rapport
31:40 aux acteurs de la justice,
31:42 à la parole qui peut être donnée,
31:44 qui est parfois inadaptée.
31:46 On en revient à ses méthodes.
31:48 Didier Paris ?
31:50 J'ai revu récemment au French Connection.
31:52 Il n'y a aucun doute.
31:54 Comme disait le président Buffet,
31:56 c'est un phénomène international
31:58 qui n'est pas isolé en Europe.
32:00 Il ne faut absolument pas que la France
32:02 soit une plaque tournante de quoi que ce soit.
32:04 Il y a le bas et le haut du spectre.
32:06 Sur le haut du spectre,
32:08 par quel national, j'en sais rien,
32:10 on aura en discuter.
32:12 Il faut le prendre au niveau fiscal,
32:14 au niveau douanier,
32:16 au niveau de la coopération internationale,
32:18 à tout niveau,
32:20 il n'y a aucun doute.
32:22 Sur le bas du spectre,
32:24 je suis de ceux qui pensent
32:26 que les opérations XXL qui ont été menées récemment
32:28 sont des bonnes opérations.
32:30 Il reste à voir quelles suites
32:32 leur seront données.
32:34 Il n'y a aucun doute.
32:36 Il ne faut pas considérer que tout est simple à gérer.
32:38 Il ne faut rien tolérer en matière de stup.
32:40 Je suis très opposé, par exemple,
32:42 à la libéralisation de la détention
32:44 de Hachich ou de choses comme ça.
32:46 On fait des appels d'air.
32:48 C'est un débat de société,
32:50 beaucoup plus large.
32:52 Ce n'est pas un débat uniquement technique,
32:54 uniquement de spécialistes.
32:56 C'est un débat qui doit concerner tout le monde
32:58 parce que c'est aussi un débat
33:00 de politique de la ville,
33:02 mais nouvellement de zone rurale.
33:04 Je suis député dans une zone rurale
33:06 où je vois aussi s'installer des points de deal.
33:08 Dijon a été une des villes
33:10 un peu stigmatisées
33:12 à cet égard,
33:14 peut-être à l'excès,
33:16 mais c'est nouveau.
33:18 Le maître mot,
33:20 celui d'Éric Dupond-Moretti,
33:22 de Gérald Darmanin,
33:24 du président de la République,
33:26 de tous les ministres,
33:28 de la ville, de la santé,
33:30 c'est qu'on ne doit rien laisser passer.
33:32 - Un mot de conclusion ?
33:34 - Non, à part dire que c'est plus large
33:36 que la justice.
33:38 Le ministre de la Justice a un rôle
33:40 extrêmement important à jouer
33:42 dans cette lutte contre le narcotrafic,
33:44 mais c'est beaucoup plus général
33:46 et c'est une question de société.
33:48 Il y a l'éducation aussi,
33:50 il y a la police, évidemment.
33:52 Après, on a vu qu'il faut aussi
33:54 prendre exemple sur ce qui a été fait
33:56 ailleurs et on voit que
33:58 tous les pays qui ont déclaré une guerre
34:00 totale à la drogue
34:02 ont perdu la guerre,
34:04 notamment les Etats-Unis.
34:06 Il y a peut-être aussi une manière d'aborder la question
34:08 d'une manière différente, mais c'est un sujet de société
34:10 et il faut que tout le monde en discute
34:12 mais en effet, c'est quelque chose
34:14 qui est très important et on l'a vu encore
34:16 récemment avec l'évasion
34:18 à un Carville, avec la mort
34:20 des deux agents pénitentiaires.
34:22 C'est quelque chose qui va
34:24 gangréner toute la société et il faut en répondre.
34:26 - Et on s'arrêtera là. Merci.
34:28 Merci infiniment à tous les quatre d'avoir participé
34:30 à cet échange. Merci à vous de nous avoir suivis
34:32 comme chaque semaine. Documentaires et débats
34:34 à retrouver sur notre plateforme publicsena.fr.
34:36 A très bientôt sur Public Sénat. Merci.
34:38 (Générique)