• il y a 5 mois

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00:00 6h30, 9h, les matins de France Culture, Quentin Laffey.
00:06 La question du jour, bonjour Marguerite Caton.
00:08 Bonjour Quentin, bonjour à tous.
00:09 Et vous nous parlez ce matin de travail.
00:11 Pire, je vous parle de productivité alors que les jours fériés s'enchaînent.
00:15 Je voudrais clore une bonne fois pour toutes la polémique qui fracture la France entre
00:18 arrogants et déclinistes, entre ceux qui pensent que les Français travaillent moins
00:22 que nombre de leurs voisins européens mais seraient plus productifs et les autres qui
00:25 pensent que la nation a perdu le goût de l'effort.
00:28 Bonjour François Gérold.
00:29 Bonjour.
00:30 Vous êtes économiste à l'OFCE, chercheur et professeur associé à Sciences Po Paris.
00:33 Est-ce qu'on arrive à savoir si les Français travaillent plus ou moins que leurs voisins ?
00:37 Alors c'est quelque chose de très difficile à calculer mais effectivement ce qu'on observe
00:42 c'est que les Français travaillent plutôt moins pour les salariés à temps complet
00:46 et que en revanche sur l'ensemble de l'économie, quand on prend en particulier les temps partiels,
00:50 on voit que les Français travaillent en fait dans la moyenne, voire même un petit peu
00:54 plus.
00:55 Vous voulez dire qu'on a moins de temps partiel que d'autres pays européens ?
00:58 Exactement.
00:59 Je crois notamment que les Pays-Bas.
01:00 Exactement que les Pays-Bas et qu'en Allemagne aussi où en fait on a vu une augmentation
01:03 très forte des mini-jobs et des temps partiels.
01:06 En France c'est un phénomène auquel on n'a pas assisté.
01:09 On a réussi à maintenir quand même un nombre de salariés à temps complet à un
01:14 niveau assez élevé et sûrement on a réussi à le faire aussi parce qu'on a réussi
01:17 à partager le travail dans les couples et donc effectivement en contrepartie on a diminué
01:23 peut-être un petit peu le temps de travail sur les temps complets.
01:25 Vous voulez dire que les temps partiels chez nos voisins, Pays-Bas, Danemark, Allemagne,
01:29 c'est souvent le travail des femmes ?
01:30 Souvent oui.
01:31 Et on a observé une multiplication vraiment très rapide.
01:34 En 20 ans il y a eu une multiplication par deux du taux de temps partiel qui est passé
01:38 de 14% en Allemagne à 28%.
01:40 Donc fondamentalement notre organisation du travail n'est pas moins performante que
01:45 celle de nos voisins.
01:46 Pourtant depuis le Covid on observe un plongeon de la productivité -8,5% par rapport à
01:52 la tendance pré-Covid selon les chiffres de la Banque de France.
01:55 Est-ce qu'il s'agit d'une particularité française ?
01:57 Alors c'est une particularité française.
02:00 On observe une baisse de productivité aussi en Europe mais qui est moins importante et
02:05 aux Etats-Unis il n'y a aucune baisse de productivité.
02:07 Donc effectivement il y a un sujet français et un sujet européen peut-être par rapport
02:12 aux Etats-Unis.
02:13 La question c'est de savoir pourquoi.
02:15 Alors ce qu'on a vu c'est que le nombre d'emplois a augmenté très rapidement alors
02:19 même que la production restait constante.
02:21 Les fameux millions d'emplois dont on entend et qui effectivement veulent dire que la productivité
02:28 a baissé puisque la productivité par définition c'est la production de richesse nationale
02:33 divisé par le nombre de personnes qui travaillent.
02:35 Donc si vous avez la même production de richesse mais que le nombre de gens qui travaillent
02:39 pour produire cette richesse augmente, effectivement vous allez voir une baisse de productivité.
02:43 Et ce qu'on a vu c'est qu'on a vu un développement de l'apprentissage notamment très très fort
02:47 qui explique notamment un tiers de cette baisse de productivité.
02:50 On va décortiquer tout ce que vous venez de nous dire.
02:53 D'abord on comprend que c'est une donnée macroéconomique qui n'a pas grand chose à
02:55 voir avec mon efficacité au bureau.
02:58 Il y a deux variables, la richesse produite de PIB, vous l'avez dit, le nombre de travailleurs.
03:02 Aujourd'hui en fait on est plus nombreux pour produire la même richesse, c'est ça ?
03:07 Exactement, on est plus nombreux, la croissance comme on dit des économistes c'est enrichi
03:11 en emplois.
03:12 C'est-à-dire qu'on a vu effectivement un développement notamment des micro-entrepreneurs
03:19 qui en fait ont des revenus relativement limités par rapport au reste de la population.
03:24 Et on a vu un développement de l'apprentissage qui là aussi on explique assez bien pourquoi
03:28 est-ce que les apprentis gagnent moins d'argent et qui rapportent moins d'argent à leur
03:32 entreprise qu'un salarié à temps complet par exemple.
03:34 Donc la question de l'apprentissage c'est le facteur numéro un pour expliquer cette
03:37 baisse de productivité ?
03:38 En tout cas c'est le facteur numéro un dans ce qu'on arrive à expliquer.
03:41 Après il y a une grosse question de savoir quand même pourquoi notamment dans l'aéronautique,
03:46 dans l'industrie, il y a une baisse de productivité très rapide.
03:50 Et là il y a un sujet quand même d'inquiétude de savoir est-ce que ça va durer sur le long
03:56 terme ou est-ce qu'on va réussir à revenir à notre niveau de productivité qu'on avait
04:00 avant.
04:01 Et ça c'est un petit peu un sujet de débat entre les économistes qui font la prévision.
04:04 On a des pistes pour expliquer cette question industrielle ?
04:07 Alors une possibilité ça pourrait être, donc on a vu la rétention de main d'oeuvre
04:11 en aéronautique qui s'attend donc à avoir la production plus élevée dans les années
04:16 qui viennent et donc qui a gardé ses employés pour permettre de rebondir sur ces marchés
04:21 qui vont revenir à la normale.
04:23 En revanche si ce n'est pas ce qu'on voit on pourrait s'attendre effectivement à
04:27 soit une baisse de l'emploi, un ajustement via une baisse de l'emploi donc une hausse
04:30 du chômage, soit un ajustement via une hausse de la production qui ramènerait la productivité
04:36 à un niveau plus normal.
04:37 C'est assez contre-intuitif quand même de se rendre compte que la baisse du chômage
04:41 n'a pas payé.
04:42 C'est un peu comme ça qu'on le compte.
04:43 Voilà la baisse du chômage n'a pas payé et en partie c'est un choix de politique
04:46 publique qu'on a fait, c'est-à-dire on a choisi de développer en priorité, de
04:50 mettre chacun devant un emploi et donc au prix potentiellement de développer des services
04:55 mal payés et peu productifs.
04:57 On a fait des baisses de charges sur les bas salaires par exemple pour favoriser le développement
05:02 du service à la personne par exemple et ça c'est vrai que ça a tendance plutôt à
05:06 diminuer la productivité puisque le travail le plus productif il se situe plutôt dans
05:13 le secteur industriel où on voit des niveaux de revenus qui sont effectivement un peu
05:17 supérieurs au SMIC comme ce qu'on peut voir dans les services à la personne où
05:22 effectivement du coup comme on est sur des... voilà si on pense aux jobs des gens qui viennent
05:29 vous ramener de la nourriture chez vous par exemple ce sont des jobs qui sont très mal
05:33 payés et donc quand on développe ce genre de travail ce qu'on observe effectivement
05:37 c'est une baisse de la productivité.
05:39 La question c'est de savoir effectivement là pour le moment on a réussi à faire de
05:42 l'emploi en baissant la productivité, l'idéal ce serait de réussir aussi à faire de l'emploi
05:48 tout en gardant un niveau de productivité acceptable.
05:50 Et donc la question c'est est-ce que cette baisse de productivité est transitoire et
05:54 est-ce qu'elle va peser longtemps sur la croissance ? On a des hypothèses.
05:57 Eh bien donc ce qu'on peut espérer c'est que ce qu'essaye de faire le gouvernement
06:02 actuellement à savoir de réindustrialiser la France va effectivement réussir à ramener
06:09 le niveau de productivité à un niveau plus élevé et donc si le gouvernement réussit
06:14 dans ce qui est quand même quelque chose de très difficile à faire, eh bien effectivement
06:19 on pourrait s'attendre à ce que la productivité remonte mais pour le moment je dirais que
06:27 tout va dépendre par exemple de savoir est-ce que le gouvernement garde les aides à l'apprentissage
06:32 on a entendu récemment qu'elles sont potentiellement remises en cause et à ce moment-là on verrait
06:37 la prime de l'embauche à l'apprentissage, on verra à ce moment-là une baisse de l'emploi,
06:41 une baisse du nombre d'apprentis et un retour au niveau de productivité précédent.
06:46 Mais la question de l'apprentissage normalement c'est forcément transitoire parce qu'un
06:49 apprenti après il va devenir plus productif.
06:50 Oui mais là pour le moment il y avait un objectif de 1 million d'apprentis par an
06:56 sur le long terme c'est-à-dire d'obtenir et donc ça c'est quelque chose qui aurait
06:59 pu effectivement diminuer notre niveau de productivité sur le long terme.
07:03 La question c'est de savoir si on va continuer dans cette politique qui est quand même très
07:07 très coûteuse, qui coûte de l'ordre de 20 milliards par an et donc dans une situation
07:12 où on a des difficultés budgétaires je pense que le gouvernement y réfléchit très fortement.
07:16 Merci beaucoup François Gerold, je rappelle que vous êtes économiste à l'OFCE, chercheur
07:20 et professeur associé à Sciences Po Paris.
07:22 Merci.

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