Alors que les élections européennes ont lieu le 9 juin prochain, Thibaud Gibelin retrace l'histoire du groupe de Visegrád - la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et la Tchéquie - pour mieux comprendre ce qui se joue aujourd'hui en Europe centrale et éclairer la personnalité d'un chef d'État, Viktor Orban, parmi les plus décriés et certainement les plus expérimentés du continent. Et selon l’essayiste Thibaud Gibelin, «les pays d’Europe centrale se positionnent vis-à-vis de grands enjeux qui leur semblent décisifs».
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00:00 Donc quelque chose d'éparpillé, il faut comprendre que les pays d'Europe centrale
00:04 se positionnent vis-à-vis de grands enjeux qui leur semblent décisifs.
00:08 Et qui sont ?
00:09 Pour la Pologne, c'est la question du danger russe, de l'Empire russe.
00:13 Ils redoutent le retour de la Russie.
00:15 Donc ça a mis un coin dans l'amitié polono-hongroise, puisque la Hongrie elle n'a pas ce genre
00:20 de traumatisme.
00:21 La Hongrie elle, elle regarde plus vers le sud, puisqu'elle a été la muraille de la
00:26 chrétienté face à l'Empire ottoman, et aujourd'hui elle a une position qu'elle veut
00:30 aussi équilibrer que possible pour prendre ce qu'il y a de bon dans des partenariats
00:35 avec évidemment l'Occident, avec la Turquie, avec la Chine, avec la Russie, mais sans se
00:41 mettre personne à dos.
00:42 Mais la Hongrie n'a pas le souvenir de 1956, Budapest ?
00:45 Ils ont tellement le souvenir de 1956 qu'ils savent très bien que les divisions soviétiques
00:50 qui les ont écrasées, c'était des divisions ukrainiennes, puisque c'était l'URSS.
00:54 Et que pour eux, avec leur culture centrale européenne, ils ne voient pas du tout ce
01:00 distinguo énorme qu'on fait depuis Paris ou Washington entre les Ukrainiens et les
01:05 Russes.
01:06 Il y a les Slaves orientaux orthodoxes qui sont leurs voisins orientaux, et ils ne comprennent
01:12 pas qu'ils doivent sacrifier leur intérêt national pour arbitrer ce conflit fratricide
01:18 Slave.
01:19 Alors lorsqu'on regarde les élections européennes de ce point de vue, en fait je voudrais même
01:22 le rapport à l'Europe.
01:23 On a quelquefois l'impression, mais vous me direz si c'est un rapport exagérément
01:26 simplifié, que plusieurs, par le traumatisme de l'URSS ou à tout le moins de la présence
01:31 soviétique, se sont dit, voient quelquefois Bruxelles être une forme de nouveau Moscou,
01:36 dans leur esprit.
01:37 C'est-à-dire, on pourrait dire de l'URSS à l'ERSS, une crainte de perdre la souveraineté
01:41 regagnée au début des années 90.
01:43 Certains ont peur de la perdre à nouveau dans le cadre européen.
01:45 Est-ce que c'est une crainte qui existe véritablement au centre de l'Europe, ou c'est une fiction
01:51 idéologique entretenue par des conservateurs de l'ouest ?
01:53 C'est une crainte parfaitement réelle.
01:56 Elle existe et je dirais même plus loin.
01:58 Le sentiment de ces peuples finalement, c'est d'avoir été l'objet d'un jeu de dupe pendant
02:03 des décennies.
02:04 C'est-à-dire qu'ils sont passés du protectorat oriental au protectorat occidental.
02:09 Au milieu, ils ont garni la société de marché, la démocratie d'opinion.
02:14 Mais ils se rendent compte que l'essentiel de leur avenir national ne dépend pas d'eux.
02:21 Et c'est vrai, les grands pays comme la France, comme l'Allemagne pèsent de manière décisive
02:26 dans les débats à Bruxelles.
02:27 Ce n'est pas le cas pour ces pays.
02:29 Ces pays-là, je fais une espèce de différence, une typologie entre les pays qui sont plus
02:36 alignés qu'aliénés sur le dogme bruxellois et ceux qui sont plus aliénés qu'alignés.
02:43 Au premier rang desquels, la France d'Emmanuel Macron, qui est un pays, un protagoniste
02:47 essentiel du sceau fédéral, qui entend dépasser la nation alors que c'est proprement la
02:52 nation française qui est en jeu.
02:54 [Musique]
02:57 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]