"Il faut que l’Europe change et j’essaierai de vous convaincre !". C’est ainsi que Viktor Orbán commence son discours devant le Parlement européen, le 9 octobre dernier. Il vient, ce jour-là, présenter le programme d’activités de la présidence hongroise du Conseil de l’Union européenne. Pour évoquer cette présidence hongroise et le bilan de l’action d’Orbán, TVL accueille Thibaud Gibelin, chercheur, diplômé de Sciences Politiques et professeur invité du Matthieu Corvinius Collegium (MCC).
Thibaud Gibelin, spécialiste de la Hongrie, revient sur la création du groupe parlementaire "Patriotes pour l’Europe" qui est depuis juin dernier la 3ème force du Parlement Européen, sur la nomination des nouveaux commissaires européens, sur les relations entre Orbán et Ursula von der Leyen. Il évoque les liens politiques et amicaux entre le dirigeant hongrois et Donald Trump. Le slogan de la présidence hongroise était "Make Europe Great Again", une devise qui rappelle évidemment le slogan du futur président des Etats-unis.
La convergence MEGA/MAGA est-elle une bonne chose pour la France ou impose-t-elle un antagonisme fatal entre les intérêts européens et ceux des Etats-Unis ? La volonté de la présidence hongrois d’élargir l’espace Schengen à la Roumanie et la Bulgarie est-elle source d’inquiétudes ? L’arrivée de la Pologne à la tête du Conseil de l’UE va-t-elle marquer une rupture ? La Hongrie peut-elle être sanctionnée par la Cour de justice de l’Union européenne pour sa loi de protection des enfants ? Toutes les réponses, sans détours, dans cet entretien.
Thibaud Gibelin, spécialiste de la Hongrie, revient sur la création du groupe parlementaire "Patriotes pour l’Europe" qui est depuis juin dernier la 3ème force du Parlement Européen, sur la nomination des nouveaux commissaires européens, sur les relations entre Orbán et Ursula von der Leyen. Il évoque les liens politiques et amicaux entre le dirigeant hongrois et Donald Trump. Le slogan de la présidence hongroise était "Make Europe Great Again", une devise qui rappelle évidemment le slogan du futur président des Etats-unis.
La convergence MEGA/MAGA est-elle une bonne chose pour la France ou impose-t-elle un antagonisme fatal entre les intérêts européens et ceux des Etats-Unis ? La volonté de la présidence hongrois d’élargir l’espace Schengen à la Roumanie et la Bulgarie est-elle source d’inquiétudes ? L’arrivée de la Pologne à la tête du Conseil de l’UE va-t-elle marquer une rupture ? La Hongrie peut-elle être sanctionnée par la Cour de justice de l’Union européenne pour sa loi de protection des enfants ? Toutes les réponses, sans détours, dans cet entretien.
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00:00Avec l'argent de vos impôts, l'État et Macron savent se montrer grands princes et aider les amis.
00:06Avec votre argent, on maintient la presse de grand chemin en soins palliatifs.
00:10Alors, pour endiguer la propagande, le mensonge, la désinformation, ce fric de dingue,
00:15il n'y a qu'une seule solution, remplacer le vieux monde médiatique
00:18par une vraie presse alternative, par TVL.
00:21Notre aide, c'est vous, et vous seul.
00:23Alors n'attendez pas, faites un don à TV Liberté.
00:27Ensemble, remplaçons ce vieux monde médiatique.
00:29La liberté à tout prix.
00:59Il faut que l'Europe change et j'essaierai de vous convaincre.
01:14C'est ainsi que Viktor Orban commence son discours le 9 octobre dernier devant le Parlement européen.
01:19Il vient présenter le programme d'activité de la présidence hongroise,
01:22de sa présidence du Conseil de l'Union européenne.
01:25Et pour parler de cette présidence hongroise, j'ai le plaisir d'accueillir Thibaut Giblain.
01:29Bonjour Thibaut Giblain, vous êtes chercheur, diplômé de sciences politiques,
01:33professeur invité au MCC, au Mathius Corvinus Collegium,
01:36et vous êtes spécialiste de la Hongrie, auteur du livre « Viktor Orban joue et gagne ».
01:42On va voir, puisqu'on va parler d'Orban s'il joue et gagne à chaque fois.
01:46Thibaut Giblain, vous étiez, il y a quelques heures encore, à Budapest.
01:49La présidence hongroise a débuté pour six mois,
01:53juste après les élections européennes de juin 2024.
01:56Est-ce que c'est un atout, un handicap que cette période post-électorale,
01:59concomitante au changement des députés au Parlement européen ?
02:04C'est plutôt un obstacle, parce que les élections, ça veut dire le renouvellement du Parlement,
02:08mais ça veut dire aussi un changement de la Commission,
02:11qui va arriver dans ces temps-ci, avec des négociations très coriaces.
02:17Et pendant tout ce temps-là, en fait, le train législatif, lui, est en suspension.
02:20Donc la Hongrie a précisément hérité d'un moment un peu charnière, un peu clé,
02:25non seulement aux États-Unis avec l'élection américaine,
02:28mais aussi avec l'élection européenne.
02:30Cette période a été aussi celle de la création d'un groupe parlementaire,
02:34soutenu par Viktor Orban, patriote pour l'Europe,
02:36devenu la troisième force du Parlement européen,
02:39avec 84 députés, 12 nationalités, si je ne me trompe pas,
02:43notamment pour la France le Rassemblement national.
02:46Une réussite, mais, mais, parce qu'il y a un mais,
02:49une action très limitée, notamment par un cordon sanitaire.
02:53Il n'y a pas de possibilité d'inflicher à ce côté-là
02:55les grandes politiques de l'Union européenne.
02:57C'est un échec.
02:58– Alors, de toute façon, il faut voir toujours le verre à moitié plein
03:02quand on est face au Léviathan de l'UE, ou dans le cadre occidental,
03:09dans cette puissance, je dirais, quasiment totale de l'OTAN,
03:13dans nos orientations géopolitiques.
03:15Là, ce qui a commencé, il faut voir les choses dans le long terme,
03:18ce qui a commencé cet été, c'est la formation d'un groupe
03:22qui tire ses compositions initiales de différents groupes.
03:27Parce que les trois pays fondateurs, enfin, les trois parties fondateurs,
03:32c'est le FIDES, Hongrois, qui vient du PPE,
03:35après un moment de suspension.
03:36– Il vient de la droite classique.
03:38– Il vient de la droite classique, le groupe où François-Xavier Bellamy
03:42siège pour les Français, notamment.
03:44Il y a aussi le FPE, Autrichien, qui est aussi fondateur.
03:49D'ailleurs, la fondation a eu lieu à Vienne.
03:51Et c'est le groupe Identité-Démocratie d'où venait ce parti,
03:55donc la droite nationale type.
03:58Et puis, il y avait le parti d'André Babich, le tchèque.
04:01Et ce parti-là, il était dans le groupe d'Emmanuel Macron.
04:05Le groupe Renew, c'est un parti initialement populiste attrape-tout
04:09et qui s'est structuré avec des positions plus conservatrices
04:14et une forme de rationalisation politique
04:17qui le rapproche de la droite nationale.
04:19Si bien que ce groupe entend raccorder toutes les bonnes volontés
04:24et il a vocation à s'étendre.
04:26Notamment d'ailleurs, même les Espagnols de Vox
04:29qui faisaient partie du groupe parlementaire
04:32où Georgia Meloni a la part du Lion, le groupe ECR,
04:37ces Espagnols ont rejoint le FIDES.
04:40Si on devait faire une distinction entre ces deux groupes,
04:43c'est que chez ECR, la question de la loyauté
04:47vis-à-vis des engagements transatlantiques,
04:49donc la géopolitique américano-centrée, est indiscutable.
04:53Alors que le débat est beaucoup plus libre
04:55chez Patriotes pour l'Europe dans ce cas-là.
04:58Ensuite, sur ce groupe politique,
05:00la question c'est de construire petit à petit,
05:02peut-être de vider le PPE de tous les partis membres
05:07qui ont encore quelque chose de véritablement droitier
05:09et de s'imposer dans la durée comme une alternative.
05:12Mais Rome ne s'est pas fait en un jour.
05:14– Un groupe libre avec peut-être des points de vue un peu différents
05:17parce que le président de ce groupe est Jordan Bardella,
05:19le président du Rassemblement National.
05:22On a l'insentiment que sur l'Ukraine,
05:24ses engagements sont beaucoup plus forts et définitifs
05:27qu'à Viktor Orban qui semble vouloir plus se composer.
05:30– Oui, tout à fait, la liberté de ton existe
05:34là où dans d'autres groupes, il y a des dogmes très arrêtés.
05:39– La présidence hongroise devrait aussi s'exercer pendant la mise en place
05:42donc, vous l'avez dit, des nouveaux commissaires
05:43comme Stéphane Séjourné par exemple,
05:45calamiteux ancien ministre français,
05:47proposé comme vice-président exécutif
05:49chargé de la prospérité et de la stratégie industrielle.
05:53La Hongrie a-t-elle les moyens d'empêcher ces nominations ?
05:56Même symboliquement.
05:57– Elle ne les a pas pour empêcher les commissaires
06:00puisque chacun vote au prorata de ses membres.
06:03Mais en plus, la Hongrie elle-même est très en difficulté
06:07puisque le commissaire européen hongrois,
06:11s'est vu étrier dans les audiences parlementaires,
06:16s'est vu retirer des compétences qu'il avait
06:19lors de la précédente mandature.
06:22Si bien que la façon que le système européen
06:26a de se venger de ces dissidents,
06:27c'est simplement en les dépouillant des oripeaux
06:31de l'influence et de la puissance qu'elles concèdent.
06:34Simplement, il faut observer qu'on ne fait jamais la politique de son pays
06:37ou la politique vraiment d'un intérêt national
06:39ou d'un intérêt européen, bien compris dans ces conditions.
06:42On est le facilitateur des grandes évolutions
06:44législatives de l'Union européenne.
06:46Et donc, je dirais que là où on a beaucoup de poids,
06:49par exemple le groupe ECR préside des commissions parlementaires,
06:52ça veut dire que précisément, ce sont des places assez honorifiques
06:56et que ce n'est pas là que se joue le pouvoir.
06:58Le pouvoir, on aura l'occasion d'en discuter,
07:00il est essentiellement dans les tractations au Conseil de l'UE,
07:03là où les États membres s'accordent
07:08et où parfois les décisions sont à l'unanimité.
07:11– Donc une présidence à la commission du Conseil de l'Union européenne,
07:15mais une incapacité à agir de manière législative
07:19parce qu'on est en période post-électorale,
07:22une difficulté à peser dans le Parlement européen
07:24parce qu'on n'est que la troisième force
07:25et un peu tenu par un cordon sanitaire,
07:27et la possibilité d'empêcher la nomination de commissaires européens,
07:31même les plus nuisibles, les plus nocifs.
07:33La question, elle est simple,
07:35est-ce que ces 6 mois ont servi à quelque chose ?
07:37– La présidence de l'Union européenne,
07:40il ne faut pas imaginer que pendant 6 mois,
07:42on a un pouvoir, qu'on peut changer des choses
07:46et qu'après on le transmettrait le témoin à un autre qui pourrait effacer…
07:49Non, c'est un travail de courtier,
07:52un travail de facilitateur des enjeux du moment.
07:55Donc la Hongrie a fait adopter des mesures,
08:00a formé un consensus européen autour de la compétitivité
08:02puisqu'à cause de la guerre en Ukraine,
08:05la cherté de l'énergie met l'industrie européenne
08:08et l'économie européenne en général dans une difficulté noire.
08:11Donc c'est là-dessus qu'il y a un enjeu
08:13où la Hongrie a pu travailler et trouver un consensus,
08:16là où en fait ce ne sont pas ses chevaux de bataille
08:18les plus conflictuels avec Bruxelles,
08:21quand on pense évidemment à la question migratoire,
08:24à la question du genre et aux questions militaires vis-à-vis de l'Ukraine.
08:29Un autre point où la Hongrie a fait avancer des choses,
08:32à sa mesure, c'est qu'elle a réussi à obtenir le levé du veto autrichien
08:37sur l'extension de l'espace Schengen à la Roumanie et à la Bulgarie.
08:42On va reparler, si vous voulez bien Thibaut Giblas,
08:44que c'est important car il se passe aussi beaucoup de choses en Roumanie actuellement
08:47et il faut regarder cela de près.
08:49Retour néanmoins le 9 octobre au Parlement européen,
08:51au-delà de toute diplomatie,
08:52alors on a vu une opposition très forte
08:55entre Viktor Orban et la présidente de la Commission,
08:58Ursula von der Leyen.
08:59Orban s'adressant à von der Leyen en ces termes,
09:02ce que j'entends de votre part est de la propagande politique.
09:05Alors là, on n'est pas dans l'ambiance feutrée des assemblées.
09:09– Oui, en fait c'est le moment où on attendait,
09:14si vous voulez, une forme de règlement de compte
09:15du point de vue de la majorité de gauche du Parlement européen.
09:19Il s'agit de mettre le méchant Viktor Orban,
09:24qui est un peu le mouton noir de l'Union européenne,
09:26devant ses manquements, etc.
09:30Et pour ceux qui ont pu regarder soit les débats dans leur intégralité,
09:34ce qui est un peu fastidieux, soit des extraits,
09:36on voit que Viktor Orban n'a pas eu de difficulté à rendre coup pour coup.
09:40Et même, on constate le degré d'immaturité
09:45et le goût du scandale des députés de gauche,
09:49notamment Valérie Ayer pour la France,
09:51qui se fait plaisir en désignant la Hongrie
09:56comme un mauvais élève qui lui appartient de rééduquer, de redresser.
10:03L'important de cette séquence, c'est que d'une part,
10:06c'est une confrontation qui montre où est la probité et le bon sens
10:12et où sont les excès et les fantaisies idéologiques.
10:15L'autre point, c'est que ça permet de mettre au clair
10:20le niveau de la confrontation vis-à-vis,
10:22en ce qui concerne Viktor Orban, vis-à-vis de son électorat.
10:26Puisqu'on est exactement dans la même situation
10:29de ce premier débat qui avait eu lieu au Parlement européen.
10:32Viktor Orban est seul face à l'Assemblée, c'était en 2012
10:35et c'est Daniel Cohn-Bendit qui avait eu les pics les plus sévères.
10:39L'idée, c'était de bien montrer qu'en amusant l'hémicycle de ces sarcasmes,
10:44il fallait mettre de côté les mauvais élèves, les illibéraux.
10:49Mais en fait, la réalité, c'est que ça a scandalisé
10:53les hongrois qui ont vu ces échanges
10:56et que ça a créé un consensus autour du Premier ministre.
10:59En fait, Viktor Orban n'a aucun problème à accueillir cette conflictualité.
11:05Au contraire, il en joue parce que c'est précisément
11:07le côté caricatural de l'opposition libérale qui le recentre
11:12et qui fait de lui l'avocat de l'intérêt national en Hongrie.
11:17– Vous allez me dire que quand on est contre Ursula von der Leyen,
11:20les populations suivent ?
11:21– Oui, il y a évidemment une polarisation où ces bonzes,
11:26si je puis dire, ces fonctionnaires européens,
11:29ces gens qui ont une influence absolument immense,
11:34n'ont pas de point d'appui.
11:36Ce sont des gens au pied d'argile, mais on aura l'occasion d'en discuter.
11:41Pour l'instant, Ursula von der Leyen est évidemment bien partie
11:44pour diriger l'exécutif européen, la Commission européenne,
11:47pendant cinq années supplémentaires.
11:49– Le slogan de la présidence hongroise était
11:51« Make Europe great again ».
11:53Cela rappelle évidemment le slogan de Donald Trump,
11:56les relations entre Orban et Trump.
11:5747e président des États-Unis,
11:59ce sont des relations qu'on pourrait dire privilégiées.
12:01Thierry Breton rapporte cette information,
12:04il le dit au micro de France Inter, il a bien choisi l'endroit.
12:09Donald Trump a dit
12:10« Le numéro de téléphone de l'Europe pour moi, c'est la Hongrie,
12:14c'est Budapest, c'est le bureau de Viktor Orban. »
12:19C'est vraiment une relation très privilégiée,
12:21on a même le sentiment amical.
12:24– Il faut se méfier des amitiés en politique,
12:25parce qu'évidemment chacun défend son intérêt national.
12:28En revanche, c'est vrai qu'il y a un respect d'homme à homme,
12:33d'abord parce que l'un et l'autre ont eu le courage de s'affranchir
12:36de la peur des médias dominants et de la DOXA.
12:40Et puis, chose très importante,
12:43qu'est-ce que ça veut dire que Viktor Orban
12:44est le numéro de téléphone de l'Europe pour Donald Trump ?
12:49Ça veut dire que si on prend un autre téléphone,
12:52que ce soit l'Élysée, que ce soit le chancelier allemand ou autre,
12:57ou évidemment Stephen Allen,
12:59on s'adresse aux émanations européennes du Deep State américain,
13:04de l'État profond américain.
13:05C'est-à-dire que Donald Trump se trouve, en fait,
13:09face à des poupées du Parti démocrate américain,
13:13à des leaders qui sont acquis, en fait,
13:18à des décisions qui sont enterrinées hors d'Europe.
13:21Et si on veut savoir ce qui se passe en Europe vraiment,
13:23en passant au-delà de l'écran de fumée,
13:26de la communication et des discours touffés,
13:29que ce soit par les cabinets McKinsey
13:31ou par des bons amis des États-Unis,
13:37dans ce qu'il a devant l'État profond,
13:39eh bien il faut s'adresser aux chefs d'État
13:41qui ont construit leur puissance, leur légitimité,
13:43leur succès durable en dehors de ce parrainage.
13:47Et il se trouve que cette personne en Europe, c'est Viktor Orban.
13:49Par ailleurs, l'amitié entre les deux hommes est due au fait
13:51que Viktor Orban est le seul chef d'État populiste
13:56à n'avoir pas été éphémère pour l'instant.
13:59Et donc, il y a eu même en amont des élections,
14:02une concorde qui s'est soudée avec, d'abord,
14:06le soutien de Viktor Orban à la candidature de Donald Trump
14:08comme étant la meilleure chose possible
14:10pour l'intérêt national hongrois.
14:13Et ensuite, le fait que certaines méthodes,
14:19certains points du travail politique et du sens politique
14:24que Viktor Orban a élaboré depuis maintenant une quinzaine d'années
14:27et qui est au pouvoir en Hongrie, ont inspiré ceux qui ont préparé
14:31et exécuté la campagne de Donald Trump.
14:33– Alors, l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche
14:35est, de l'avis général, une mauvaise chose pour les intérêts de l'Europe.
14:38Dès lors, la convergence MEGA, Make Europe Great Again,
14:42et MAGA, Make America Great Again, n'est pas une bonne chose pour l'Europe.
14:45N'y a-t-il pas, finalement, un antagonisme fatal
14:49entre l'intérêt européen, et donc notamment français,
14:51et l'intérêt américain ?
14:53– Mais c'est précisément là, bien sûr qu'il y a des antagonismes.
14:57Mais notre pire problème, c'est de ne pas le savoir.
15:01Avec Donald Trump, on a un antagonisme qui est visible.
15:06Et on n'a pas une forme de maternage mondialiste bienveillant
15:13qui explique que, comme on va vers la paix perpétuelle
15:15et le meilleur des mondes, l'Europe n'a pas besoin d'être puissante.
15:18Et c'est exactement…
15:19Ça m'avait frappé d'entendre, par exemple, les remarques de quelqu'un
15:22comme Raphaël Glucksmann, qui a dit, après l'élection de Donald Trump,
15:25attention, maintenant il faut se prendre en main,
15:27il faut absolument que l'Europe devienne puissante.
15:29Parce que dans le cas contraire, si Kamala Harris avait été élue,
15:32il ne faut pas que l'Europe soit puissante.
15:34On voit bien que c'est précisément grâce à la dureté de Donald Trump,
15:39grâce à son côté sans concession,
15:41grâce au fait qu'il veut garder le leadership américain,
15:43mais il ne veut même pas en assumer les contreparties bienveillantes
15:48de puissance garante de l'ordre international.
15:52Ce qui, en fait, nous, en retour, nous donnait le sentiment d'être protégés.
15:58Nous ne le sommes pas.
15:59Et les États-Unis ne nous ont jamais protégés.
16:02Ils ont simplement joué la carte de leur présence,
16:07de leur occupation militaire de l'Europe depuis 80 ans,
16:11en étant au maximum dans le soft power en même temps que le hard power.
16:16Mais l'idée, c'est évidemment que l'Europe ne sera plus protégée
16:22par les États-Unis, autant que tout le monde le sache.
16:24Et la victoire de Donald Trump, ce n'est pas une solution pour les Européens,
16:28c'est simplement le début d'une prise de conscience.
16:31– À l'aune de cette interrogation, qu'est-ce qui est bon pour la France ?
16:35Vous permettrez de revenir à cela.
16:37La volonté de la présidence hongroise d'élargir l'espace Schengen
16:40à la Roumanie et à la Bulgarie.
16:41Est-ce que ça, c'est bon pour la France ?
16:43– Alors, honnêtement, c'est assez secondaire.
16:48C'est un petit élément qui devrait vous amener à réfléchir de très près.
16:52Ursula von der Leyen s'est félicitée de l'avancée de l'intégration
16:56de ces deux pays dans l'espace Schengen.
16:57Ça devrait vous inquiéter, non ?
16:58– Alors, vous avez un point pour vous, évidemment.
17:01Là, on est sur une extension de l'intégration européenne.
17:06Donc, toute personne qui a des réserves,
17:09voire des oppositions sur cette intégration européenne,
17:11évidemment, va prendre le contre-pied.
17:15Il y a plusieurs échelles, si vous voulez.
17:17D'abord, en termes de macro-économique,
17:24l'espace Schengen est déjà acquis pour ce qui est des ports
17:28et du trafic aérien avec ces pays.
17:31Donc là, c'est plutôt le fait que ces deux pays
17:33qui sont parmi les plus pauvres de l'Union européenne
17:35sont isolés sur le flanc oriental
17:38et font aussi que la Hongrie et la Slovaquie
17:42sont un cul-de-sac de l'Union européenne.
17:45Là, ça permet, si vous voulez, d'avoir ce bassin du Danube
17:50qui tout entier rejoint la sphère européenne.
17:53Alors, c'est évidemment plus la tradition de la Mitteleuropa
17:58sous domination germanique que l'intérêt français
18:03qui est plutôt celui de la frontière sur le Rhin,
18:06de la domination sur la Belgique,
18:08de la domination sur l'Angleterre, sur la Catalogne
18:10et sur l'Italie du Nord.
18:11Vous voyez, on n'est pas sur cet espace de grande France
18:14mais la France est déjà dans cet espace intégré.
18:17En revanche, pour la Hongrie par exemple,
18:19son premier territoire stratégique, c'est le bassin des Carpathes.
18:24Le bassin des Carpathes, sa plus grande composition,
18:27c'est la Transylvanie, avant même la Hongrie proprement dite.
18:30Donc le fait d'être coupé par des frontières
18:34avec des heures d'attente pour passer, etc.,
18:37ça limite même la proximité des Hongrois
18:39des deux côtés de la frontière.
18:40Je ne vous avais pas vu défenseur de l'espace Schengen.
18:42C'est quelque chose que je n'avais pas vu.
18:44Au contraire, pour ces pays-là,
18:46l'espace Schengen est un retour à l'ordre normal.
18:50C'est-à-dire que le fait de mettre des frontières douanières
18:53dans ces petites économies
18:55qui tout ensemble sont moins grandes que la France,
18:58c'est une manière de l'esclairoser.
19:00Donc évidemment que c'est un intérêt plus pour ces pays-là.
19:03En fait, ça concerne peu la France.
19:05Il faut savoir que nous sommes ouverts sur le monde entier
19:10et que c'est depuis les années 1980
19:12que la France a des délocalisations à son détriment
19:17avec des pays en Europe et des pays hors d'Europe.
19:19Donc ça ne renvoie même pas, si vous voulez,
19:21à la question de l'espace Schengen.
19:22En revanche, l'espace Schengen,
19:23ça permet d'avoir cet espace économique
19:27qui est un petit peu l'objet initial de l'Union européenne
19:30et qui n'était pas nécessairement
19:32censé impliquer l'Union politique.
19:35On peut aller loin dans cette espèce
19:38d'intégration économique et douanière,
19:41ce qui était vraiment le projet initial
19:44qui n'est que étendu à ces pays
19:46qui sont qu'à rentrer dans le lieu en 2007.
19:48Mais ça ne veut pas dire que les pays
19:50n'ont pas leurs droits de veto,
19:52ça ne veut pas dire que les pays n'ont pas leur mot à dire
19:54et n'ont pas leur agenda stratégique
19:57dont ils disposent parfaitement en souveraineté.
20:00– Alors un point pour vous,
20:01Ursula von der Leyen a fait cette déclaration
20:04avant de s'apercevoir qu'en Roumanie, par exemple,
20:06le peuple a nouveau voté mal.
20:08– Oui, c'est une nouvelle extrêmement récente,
20:11candidat souverainiste en anti-guerre en Ukraine
20:16qui était attendu à 8% dans les sondages
20:19et qui, je crois, a fait 23 ou 24% au premier tour,
20:24donc hier dimanche.
20:25– En arrivant en tête.
20:26– En arrivant en tête, alors…
20:28– Le Premier ministre, la Première ministre
20:30est arrivée en troisième,
20:32donc battue et ne peut pas se représenter au deuxième tour.
20:35– Tout à fait.
20:36– Une évolution impressionnante.
20:37– Une évolution rapide.
20:38– Le candidat nationaliste en quatrième position.
20:40– Oui, évolution rapide et qui en dit long
20:43sur le fait qu'il faut se méfier de l'oci d'or.
20:46Ce qui veut dire que la Roumanie, pour l'instant,
20:48on voit que parmi les pays frontaliers de l'Ukraine,
20:51la Hongrie et la Slovaquie sont très réticents
20:54à l'aide militaire et à toute aventure militaire.
20:58Pour ce qui concerne la Slovaquie,
21:00on a vu le retour de Robert Fitsot il y a un peu plus d'un an
21:03au pouvoir à Bratislava.
21:04La Pologne, c'est un pays particulier
21:06puisqu'ils ont un sentiment national anti-russe
21:12qui est quasiment structurel.
21:14Et ils ont aussi ce soutien qui semble très fort
21:19de toute la puissance anglo-saxonne
21:22qui fait de leur porte-avions à coller comme ça à l'Ukraine
21:27pour la soutenir à bout de bras jusqu'à ce qu'elle meure
21:29vidée de son sang, visiblement.
21:31Les Roumains, c'est un pays latin, ils ne sont pas slaves.
21:35C'est un pays qui a toujours, dans ses alliances politiques,
21:38été d'une élasticité, d'une souplesse, d'une versatilité complète.
21:44Donc c'est assez étonnant qu'aussi longtemps
21:47ils aient accepté de devenir la base militaire
21:50tout près d'Odessa, tout près de régions de ce sud-est,
21:54de ce sud ukrainien qui, lui, est russophone d'ailleurs
21:58et qui a toutes les chances d'être un futur champ de bataille
22:00vu l'évolution catastrophique de la situation.
22:03Donc dans cette condition, en fait,
22:06la Roumanie vient de se réveiller, visiblement.
22:09Est-ce que ça suffira ?
22:10Ce n'est pas dit puisqu'on a, il me semble,
22:13deux semaines avant le deuxième tour, peut-être une semaine,
22:16mais l'organisation du deuxième tour et la marge manquante
22:21pour atteindre 51% est quand même considérable.
22:25– Et puis les élections, c'est comme en France, en Roumanie,
22:27c'est toujours plein de surprises
22:29et c'est assez rocambolesque quelquefois.
22:31En janvier prochain, ce sont les Polonais
22:33qui prendront le relais de la présidence hongroise.
22:35Est-ce qu'on va vivre une rupture,
22:36notamment en ce qui concerne le conflit entre l'Ukraine et la Russie
22:40par rapport, bien évidemment, à la présidence hongroise,
22:42celle dont nous parlons ?
22:44– Cette guerre, elle est, je dirais, l'enjeu de très grandes puissances.
22:50La question c'est, de quoi la Russie peut-elle se contenter ?
22:57Pour avoir des garanties de sécurité suffisantes
23:01et aussi pour justifier vis-à-vis de sa population
23:04les sacrifices immenses qui ont quand même été consentis.
23:06Et à ça s'ajoute autre chose, c'est qu'en fait,
23:09le régime de sanctions est favorable à la Russie
23:12pour lui imposer des réformes pénibles et une plus grande autonomie,
23:18moins se reposer sur les hydrocarbures, etc.
23:21Côté américain, on sait combien la Maison-Blanche
23:25ne décide pas de tout aux États-Unis
23:27et que la force d'inertie absolument considérable,
23:30je lisais récemment que les sénateurs républicains
23:34ont désigné, pour les représenter,
23:39quelqu'un qui n'aime pas du tout Trump
23:41et qui est en mesure d'exiger et d'extorquer beaucoup de la Maison-Blanche,
23:46de marchander le soutien du Sénat aux réformes
23:51quand on menait Donald Trump.
23:53Donc Donald Trump ne peut pas se permettre, je suppose,
23:57simplement de laisser tomber l'Ukraine
24:00comme Joe Biden a laissé tomber l'Afghanistan.
24:02Et peut-être allons-nous, en poussant comme ça,
24:09jusqu'à dans ces retranchements, les dernières possibilités de guerre
24:12et les ressources de l'Ukraine,
24:14peut-être allons-nous arriver à un effondrement complet du pays
24:19dans l'année ou les deux ans qui viennent.
24:21Ce qui, là, laisserait aux Russes la possibilité d'avancer
24:25sans trop de résistance
24:26et de s'arroger les parts du territoire qui les intéressent.
24:29Ce qui serait, en fait, véritablement dramatique
24:33pour la crédibilité de l'OTAN et de ce supposé protecteur américain.
24:39Ce serait aussi, par exemple pour la Roumanie,
24:41une véritable catastrophe
24:43puisque là, c'est sur la frontière roumaine
24:46que se rapprocherait l'armée russe à proprement parler.
24:50Par exemple, on peut penser que la Pologne va mettre l'accent
24:53sur la réduction de la dépendance énergétique,
24:55surtout vis-à-vis de la Russie,
24:56en accélérant la transition énergétique
24:59ou en soutenant les technologies européennes.
25:01Mais là, ce n'est quand même pas dans la continuité de la politique d'Orban.
25:03Bien sûr, simplement, pendant ce temps,
25:06depuis maintenant deux ans et demi, trois ans,
25:09la Hongrie a démultiplié ses partenariats,
25:11notamment avec les pays de la Caspienne, avec l'Azerbaïdjan,
25:15avec du gaz qui transite via la Turquie,
25:18un projet aussi de gazoduc qui traverse la mer Noire directement
25:22et qui relie du coup la Géorgie à la Bulgarie,
25:26qui intègre un espace Schengen.
25:28Donc, on essaie de trouver des recours.
25:30La Hongrie souffre d'être dépendante de la Russie
25:33et fait tout pour diversifier ses apports.
25:35Simplement, dans la mesure où il y a de l'énergie peu chère en Russie,
25:38il faut en profiter, c'est ce pragmatisme-là
25:41dont l'UE refuse l'application depuis deux ans et demi.
25:46Deux questions assez simples.
25:48La situation actuelle économique de la Hongrie en deux mots.
25:51Bien évidemment, je parle de Budapest.
25:53Budapest, ce n'est pas la Hongrie. Paris, ce n'est pas la France.
25:55On a vu des fois une ville en plein essor économique impressionnante,
25:59des fois en repli économique tout aussi impressionnant
26:03que la situation en Budapest et plus largement sur l'ensemble de la Hongrie
26:06en quelques mots seulement.
26:07L'inflation est un énorme problème
26:10et le forint, la devise nationale hongroise, est à la baisse vis-à-vis de l'euro.
26:16Cette situation-là est difficile et elle cause du mécontentement.
26:20Par ailleurs, le chômage est très bas
26:22et l'industrialisation de la Hongrie se poursuit
26:25avec une meilleure valeur ajoutée dans la production industrielle,
26:29donc des gains à l'export
26:31et une balance commerciale qui est largement excédentaire.
26:34Voilà en quelques mots ce qu'on peut dire de la situation actuelle.
26:37Évidemment que l'élection de Donald Trump laisse à penser
26:41que Victor Orban n'est pas simplement quelqu'un
26:45qui maintient à bout de bras quelque chose voué au désastre et à la défaite
26:51parce que le sens de l'histoire est écrit.
26:53On est plutôt sur une idée de volontarisme
26:57et de ce point de vue, les élections sont dans un an et demi.
27:01– Parce que les précédentes ont été difficiles.
27:04– Les élections européennes ont été assez difficiles
27:08mais le Fidesz a quand même remporté la mise avec 45% des voix
27:12ce qui pour un pays avec 14 ans de pouvoir et d'usure du pouvoir
27:16est évidemment un succès.
27:18Simplement, vous avez raison de le souligner,
27:20il y a un nouveau parti politique qui a émergé
27:23avec une figure très clivante, très populiste
27:27qui arrive à séduire puisqu'il n'y a pas de bilan, les mains propres etc.
27:32Mais reste à savoir qu'est-ce que le contenu de ce parti
27:37pourra apporter au Hongrois et de ce point de vue,
27:40les expériences répétées et la reconnaissance aussi internationale
27:45du Fidesz et de Victor Orban plaident dans l'intérêt de ce dernier.
27:50– Dernier point dans cette actualité aussi de la Hongrie,
27:53le pays défend la loi protection des enfants
27:55face à la promotion de l'idéologie du genre
27:58et dans un procès historique devant la cour de justice de l'Union Européenne.
28:01Alors c'est une bataille juridique dont on a le sentiment
28:04qu'elle est perdue d'avance et elle pourrait entraîner,
28:06je l'ai lu, des sanctions graves pour la Hongrie,
28:08y compris, dit-on, la suspension de ses droits de vote
28:10au sein du Conseil de l'Europe européen
28:12selon l'article 7 du traité sur l'Union Européenne,
28:15mais je ne vous l'apprends pas.
28:17– Cet article 7 a déjà été déclenché,
28:19notamment la Commission et le Parlement l'ont validé,
28:22mais il faut aussi que le Conseil sanctionne à l'unanimité.
28:25Or, notamment la Slovaquie, mais on peut aussi s'attendre
28:28à ce que l'Italie de Giorgia Meloni soit alliée de Viktor Orban en l'occurrence.
28:33Pour faire le lien à votre question précédente,
28:35c'est typiquement le genre d'attaque juridique
28:38dont Viktor Orban se sert comme d'un vecteur d'unification
28:46de l'opinion publique derrière lui et qui isole son opposant Peter Maguiar
28:51qui est du centre droit, puisque la question c'est,
28:55avec nous on protège les enfants, on lutte contre la propagande LGBT,
28:58avec les autres ce sera tout le contraire.
29:00– Rappelons que c'est une loi qui interdit la promotion de l'homosexualité
29:03et des transitions de genre dans les écoles et les médias
29:06sans le consentement explicite des parents.
29:09– Quelque chose qui aurait fait absolument consensus
29:12dans l'Union Européenne sans aucun détail il y a une vingtaine d'années
29:16et qui maintenant fait l'objet précisément d'attaques judiciaires,
29:19comme vous le soulignez.
29:21– Bien sûr, et ce procès pourrait établir un précédent,
29:23évidemment juridique, impactant tous les autres pays
29:26qui envisageraient des législations similaires.
29:29On suivra ça donc avec intérêt, vous aurez donc l'occasion
29:31de revenir sur TVL dès que vous serez de passage en France.
29:34Merci beaucoup. – Ce sera avec plaisir, merci.
29:36– Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org