Venu au Parlement européen développer sa vison de l'Europe à l'occasion de la présidence tournante de la Hongrie pour six mois, le premier ministre hongrois, Viktor Orban, a été accueilli par le célèbre chant anti-fasciste « Bella Ciao » entonné par les députés du groupe La Gauche.
Quelles menaces, selon La Gauche, fait peser Orban en Europe ? En quoi le nouveau groupe qu'il vient de fonder au Parlement européen et dont Jordan Bardella est le président, est-il un nouveau signal de la montée de l'extrême droite en Europe ? Quel rapports avec la situation en France ? Réaction de Manon Aubry, députée européenne ( La Gauche ), membre de LFI.
Quelles menaces, selon La Gauche, fait peser Orban en Europe ? En quoi le nouveau groupe qu'il vient de fonder au Parlement européen et dont Jordan Bardella est le président, est-il un nouveau signal de la montée de l'extrême droite en Europe ? Quel rapports avec la situation en France ? Réaction de Manon Aubry, députée européenne ( La Gauche ), membre de LFI.
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00:00Mme Ombry, bonjour. Je rappelle que vous êtes députée européenne du groupe La Gauche, membre de la France Insoumise.
00:06On est mercredi après-midi. Ce mercredi matin, Victor Orban, le Premier ministre hongrois, est venu présenter au Parlement européen
00:13les priorités de la présidence hongroise tournante. Ça dure 6 mois. Ça change tous les 6 mois.
00:18Votre groupe, à cette occasion, a fait le buzz en entonnant Bella Ciao en guise de chanson d'accueil.
00:25Il y a eu du côté du groupe dont fait partie Victor Orban, enfin, dans tous les cas, c'est les députés, le groupe Patriote pour l'Europe,
00:31dont on va reparler tout à l'heure, aussi une réaction. Voilà. Et j'allais dire, en quoi Victor Orban vous semble particulièrement dangereux aujourd'hui ?
00:41Il y a une liste à l'après-ver, je sais, derrière. — Oui, vous avez 2 heures devant vous. — Voilà, c'est ça. Il y a une liste à l'après-ver,
00:46mais voilà. En quoi il est dangereux et en quoi ça vous a amené à avoir cette réaction ? — Victor Orban, c'est le pire de ce qu'on peut faire
00:54d'un dirigeant réactionnaire au niveau européen à tout point de vue. D'abord sur la question de l'État de droit. Il a remis en cause
01:02l'indépendance de la justice. Il gouverne depuis un certain nombre d'années maintenant sous un régime d'exception qu'est l'État d'urgence,
01:09qui lui donne un certain nombre de pouvoirs supplémentaires. Et puis Victor Orban, c'est aussi le représentant de l'homophobie,
01:16l'attaque aux droits des femmes et qui sert le discours d'extrême-droite, de l'immigration, serait responsable de l'homophobie.
01:23Il a quand même dit ça dans l'hémicycle. Ce matin, à un moment, et ça m'a fait bondir de ma chaise, il a dit non, mais s'il y a de l'homophobie en Europe,
01:30c'est à cause de l'immigration. Mais c'est absolument pas à cause de lui qui a interdit la Pride, qui interdit ce qu'il appelle l'éducation à l'homosexualité
01:39parce que vous comprenez le fait d'être homosexuel, c'est une perversion des mœurs. Et puis je le rappelle, en Hongrie, pour les droits des femmes,
01:46si vous voulez avorter, on vous force à écouter le cœur du fœtus. Et donc, je ne vais pas faire la liste parce qu'elle est extrêmement longue,
01:58mais on avait un dirigeant réactionnaire de ce qu'est la nouvelle forme du fascisme en Europe. Et donc, face à ce visage qui était présenté en grande pompe
02:07dans le mystique, il nous semblait important à nous, notre groupe politique, d'avoir une réaction collective et quoi de mieux pour lutter contre le fascisme
02:17que de chanter Bella Ciao, où on a la chance d'avoir un certain nombre de membres italiens en plus dans notre groupe, qui nous ont emmenés.
02:24Je ne me voyais pas rester des bras croisés face à ce dirigeant fasciste, tout en ayant conscience qu'il emmène, en fait, c'est la fameuse théorie de la fenêtre d'Overton,
02:34je ne sais pas si vous la connaissez. En fait, il décale tout le spectre politique, ce qui fait tellement scandaleux que finalement, maintenant,
02:42ça arrive à passer crème à un ministre de l'Intérieur comme Bruno Retailleau, qui remet en cause l'État de droit, notre ministre de l'Intérieur français.
02:50Et finalement, c'est devenu légion commune, tellement l'État de droit n'a même plus d'existence dans un pays comme la Hongrie.
02:55Donc pour toutes ces raisons, il nous semblait important de nous mobiliser quand il y avait l'extrême droite qui applaudissait chaudement
03:01les discours racistes, homophobes, sexistes de Viktor Orban.
03:05C'est ça, d'autant qu'on pourrait dire que c'est une exception un peu curieuse. Mais rappelons que depuis les élections européennes du mois de juin,
03:15il a un groupe parlementaire au Parlement européen et que dans ce groupe parlementaire, il n'y a pas n'importe qui.
03:22Le président, c'est Bardella, donc il a la plus grande partie du groupe d'extrême droite, en tous les cas de l'extrême droite française.
03:32Ce qui n'est pas tout à fait un hasard. Ça, on ne le sait pas forcément.
03:35Clairement, Viktor Orban est l'allié de Jordan Bardella puisqu'il siège dans le même groupe politique, même si je rappelle que le FIDESH,
03:42donc le parti de Viktor Orban, siégeait jusqu'à une partie du mandat précédent dans le groupe du PPE, donc de la droite.
03:49Et donc dans l'hémicycle, s'est joué aussi ce matin une espèce de parti de vengeance mutuelle entre la droite et l'extrême droite,
03:56qui a finalement été le plus méchant, alors que se dessine une nouvelle coalition au sein du Parlement.
04:02Et le fait que le FIDESH puisse aller d'un groupe à l'autre, c'est assez symptomatique de cela, d'un nouveau front commun entre la droite et l'extrême droite,
04:12qui est notamment emmené par Jordan Bardella, et qui est, je crois, non seulement inquiétant, mais qui doit nous interroger, nous, collectivement,
04:19sur les bancs de la gauche, sur notre réaction. Je vais vous donner un exemple très concret.
04:23On savait que Viktor Orban venait. J'ai contacté mes homologues, présidentes du groupe socialiste Hiratje García Pérez et les co-présidents du groupe des Verts,
04:35et je leur ai proposé une action commune, qu'on ait une réponse commune de la gauche.
04:42Aux abonnés absents, ils étaient divisés entre eux, ils étaient incapables de se mettre d'accord sur une action.
04:47Là où je pense que nous fallait une réaction forte, parce que eux, du côté de la droite et de l'extrême droite, ont su s'organiser.
04:54Et nous, on s'est présenté, le groupe de la gauche que je préside, dans lequel siège la France Insoumise,
05:00comme finalement la seule opposition, le seul groupe antifasciste de ce Parlement, ce qui est assez décevant vis-à-vis du reste de la gauche.
05:07Les Verts militaient pour qu'il ne vienne pas, tout simplement, ce qui est pratiquement impossible dans le système école.
05:12Oui, et je vais vous dire, je pense que c'est une erreur, parce que c'est finalement lui donner le point.
05:16Lui, il se serait victimisé en Hongrie, vous comprenez, regardez, au Parlement européen, ils ne veulent pas de moi.
05:21Moi, je le combats, Viktor Orban, je le combats sur le terrain des idées, jamais je vais baisser la tête.
05:27Quand il défend un discours raciste et xénophobe, il nous aura en face de lui.
05:32Quand il pratique la corruption à plus grande échelle, il nous aura en face de lui.
05:36Systématiquement, il nous aura en face de lui.
05:39Et moi, je ne fais pas la politique de la chaise vide.
05:41Mes adversaires, je les combats. Jordan Bardella, je le combats.
05:43Viktor Orban, je le combats.
05:45Et je pense qu'il fallait qu'ils viennent, mais je pense aussi qu'il fallait s'organiser collectivement.
05:49Et là, je regrette que les Verts et les socialistes aient échoué de ce point de vue-là.
05:52D'autant que son influence va bien au-delà de l'Europe, ce qui est déjà énorme, mais va bien au-delà de l'Europe.
05:57Il a, sur la scène internationale, aujourd'hui, pour un président d'un pays pas plus connu que ça,
06:03il a une influence absolument considérable, en réalité.
06:06C'est même l'allié de Vladimir Poutine en Europe, on peut le dire comme ça.
06:09Aux États-Unis, il donne son avis sur l'élection en disant « mon homme, c'est Trump », etc.
06:16Donc, il ne compte pas pour rien, tout à fait, ce n'est pas un petit phénomène local, ou même européen.
06:21Non, non, non. Alors, on nous avait parlé avant d'entrer dans l'hémicycle du fameux show Orban.
06:27Bon, moi, j'ai trouvé que c'était quand même assez pauvre politiquement.
06:33Et comme je le disais, je pense qu'il faut assumer de le confronter, en fait.
06:38Il ne faut pas le laisser tout seul, rabaisser les gens.
06:41Parce que sa stratégie, c'est des attaques personnelles.
06:44Donc, il va s'adresser à vous, vous attaquer personnellement, etc.
06:47Il faut pouvoir répliquer. Parce qu'à chaque fois qu'on baisse la tête devant un facho,
06:52à la minute d'après ou l'heure d'après, vous en avez deux de plus.
06:56Donc, il faut les arrêter là, tout de suite, maintenant, y compris pour lui dire
07:00« vous n'avez pas votre place politiquement dans cet hémicycle et on vous combat ».
07:04Mais ça, il faut pouvoir lui dire en face.
07:06Alors, vous le dites, une réaction de gauche large n'a pas vraiment fonctionné, du tout, à cette occasion-là.
07:14On a fait une belle Bella Ciao, quand même.
07:16Non, je parle du groupe en général, avec les autres groupes, les Verts, socialistes, etc.
07:21Et donc, comment s'y prendre, maintenant, pour réussir cette unité d'un groupe plus large
07:28qui permettrait, effectivement, de compter face à des gens qui avancent.
07:32Et qui n'avancent pas tout seuls, aujourd'hui.
07:34Je crois que l'objectif n'est pas d'avoir un groupe commun.
07:36C'est utile d'avoir des groupes différents.
07:38Mais il se pose la question d'une coordination des groupes de gauche.
07:42Parce que ce que je regrette, c'est que les Verts et les socialistes,
07:46en courant après la commission d'Ursula von der Leyen pour caser un membre dans un cabinet d'un commissaire, etc.
07:54Et en participant à cette coalition, en réalité, ils deviennent la caution d'une coalition qui n'a jamais été aussi à droite.
08:02Et les Verts courent après les socialistes.
08:05Les socialistes courent après Renew, qui est le groupe démacroniste.
08:08Renew court après le PPE.
08:10Et le PPE dit, coucou tout le monde, allez, on va faire une majorité avec l'extrême droite.
08:14Parce que c'est ça, la donnée nouvelle de cet hémicycle.
08:17C'est qu'il peut y avoir des majorités entre la droite et l'extrême droite.
08:22Ce qui n'était pas possible sous le mandat précédent.
08:24Et on l'a déjà vu se matérialiser.
08:26Je veux dire, il y a eu très peu de textes, là, en deux mois de mandat.
08:29Mais un des textes, sur le Venezuela, la droite a dit, au reste de l'hémicycle,
08:34allez vous faire voir, je fais mon accord avec l'extrême droite.
08:36L'extrême droite, ils proposent le texte.
08:38Et puis les socialistes se retrouvent, ah bah mince, on a loupé le coche, on va voter contre.
08:41Mais réveillez-vous, en fait.
08:43Ici, on doit être le pan avancé de la résistance contre le fascisme.
08:50C'est comme ça qu'il faut considérer notre mandat.
08:52Pas autrement.
08:53Et donc il faut venir ici en voulant mener la bataille.
08:56Pas en ayant peur, pas en se cachant.
08:58Pas en disant, on va peut-être gratter ce petit truc dans cette petite coalition.
09:02Non, il faut mener la bataille de A à Z.
09:04Il faut avoir la force, la puissance de le faire,
09:07de créer des rapports de force aussi à l'extérieur du Parlement européen,
09:10à l'extérieur de l'hémicycle, sortir de cette tour dorée
09:13pour prendre le sentiment de ce qui se passe à l'extérieur
09:17et dire que non, on n'est pas condamnés à avoir l'extrême droite qui domine tous nos débats.
09:22D'autant que ce qui se passe ici nous renvoie évidemment à ce qui se passe en France.
09:26Oui, malheureusement, on avait déjà dit à la fin du mandat précédent,
09:30on commençait à avoir de plus en plus de coalitions entre la droite et l'extrême droite.
09:33Et on avait dit qu'il y avait une forme de laboratoire au sein du Parlement européen.
09:38Et on le voit se dérouler en France, mais aussi dans beaucoup d'autres pays européens.
09:44C'est le cas en Italie, en Suède, en Finlande, dans beaucoup de pays
09:48où la droite gouverne de plus en plus avec l'extrême droite.
09:51Et on voit comment en France, c'est la même chose.
09:53Puisque le gouvernement Barnier, je le rappelle,
09:56il tient uniquement parce qu'il a la bénédiction,
09:59c'est sympa d'utiliser ce terme, du Rassemblement national et de Marine Le Pen
10:05qui ont fait le choix d'être l'assurance vie du macronisme
10:09et d'aujourd'hui d'un cadre qui ne tient que parce qu'il y a des votes communs
10:14entre la droite et l'extrême droite, les macronistes et Marine Le Pen
10:17qui ensemble décident de ne pas voter la motion de censure qui est présentée par la gauche.
10:21Mais la gauche a su s'entendre en France sur un programme de rupture autour du nouveau Front populaire.
10:27Je pense qu'il y a des leçons aussi à tirer de l'expérience française
10:30et c'est souvent vu comme aussi un contre-exemple
10:34de cette marche en avant de l'Union européenne vers le fascisme
10:38qu'on observe dans tous les États.
10:40Et moi qui ai eu une de mes raisons de m'engager en politique
10:44et qui doit nous mobiliser là dans les mois ou années à venir
10:47sinon on sera l'Italie, la Suède ou la Finlande.
10:50Et on n'aura que nos yeux pour pleurer.
10:52Et moi je ne suis pas déterminée à laisser ça se passer.
10:55Merci beaucoup de votre réaction Mme Ombry et merci à vous de nous avoir suivis.
10:59Au revoir, à bientôt.