Après l'attaque d'un fourgon pénitentiaire en Normandie et l'évasion d'un individu soupçonné d'avoir commandité un assassinat à Marseille il y a deux ans et d'être mêlé au trafic de drogue, RTL reçoit une figure de la French Connexion, organisation criminelle à la tête du trafic d'héroïne entre Marseille et les États-Unis des années 1950 aux années 1980 : Emile Diaz, dit "Milou", plus de 60 ans de banditisme et 17 ans de prison.
Regardez L'invité de RTL Soir avec Julien Sellier du 14 mai 2024
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00:00 RTL bonsoir, Isabelle Choquet et Cyprien Signe.
00:04 Allez RTL bonsoir, nous accueillons maintenant notre invité face à l'événement.
00:09 On vient évidemment d'évoquer cette attaque sanglante d'un fourgon pénitentiaire en Normandie
00:15 avec un détenu évadé, mêlé au trafic de drogue, on le sait maintenant,
00:19 soupçonné par exemple d'avoir commandité un assassinat à Marseille il y a deux ans.
00:24 Et justement aujourd'hui, la commission d'enquête du Sénat
00:26 rend un rapport alarmant sur le narcotrafic en France.
00:30 Le plan stup du gouvernement est famélique, dit-elle.
00:32 Notre invité ce soir a été entendu justement par les sénateurs,
00:36 c'est une figure de la French Connection, organisation criminelle,
00:39 la tête du trafic d'héroïne entre Marseille et les Etats-Unis entre les années 50 et les années 80.
00:45 Bonsoir Emile Diaz, dis-nous.
00:47 Bonsoir.
00:48 Je ne sais pas si vous acceptez le terme de repenti, mais vous avez derrière vous plus de 60.
00:53 Ça ne signifie rien pour moi. Je ne suis pas un repenti.
00:57 Je suis un mec qui a arrêté le trafic, qui a arrêté toute forme de banditisme.
01:04 Quand je relate certains faits, je ne relate que le quart du quart de ce que j'ai vécu.
01:09 Donc le repenti relate tout.
01:12 Pour expliquer à nos auditeurs, vous avez derrière vous plus de 60 ans de banditisme,
01:16 vous avez connu 17 ans de prison et vous avez effectivement décidé de parler ces dernières années,
01:20 notamment parce que vous ne comprenez pas, c'est ce que vous dites de temps en temps,
01:23 l'extrême violence aujourd'hui.
01:24 On l'a encore vu avec la mort de ces agents pénitentiaires aujourd'hui.
01:27 Il n'y a plus de code moral aujourd'hui, Emile Diaz, dans ce milieu.
01:32 Est-ce qu'il y en avait un à l'époque ? En quoi c'est différent ?
01:34 Je ne tiens pas ici à faire l'apologie du banditisme ancien,
01:39 mais nous avions ou nous des règles, une façon de se comporter, de vivre.
01:47 Nous n'étions pas des fous pleins de cocaïne qui sont prêts à tuer des femmes, des enfants, des anarchistes.
01:57 On essayait de casser le moins de vaisselle possible.
02:01 Aujourd'hui, moi je vous parle, pourquoi vous croyez que j'ai arrêté le banditisme ?
02:06 Si on arrête d'un coup, c'est qu'il y a une raison majeure,
02:08 et cette raison importante c'est le banditisme actuel.
02:12 Tout le monde se bombarde, voyous.
02:14 Nous on voulait arriver avec notre cerveau.
02:16 On voulait faire des affaires, on voulait faire rentrer une marchandise de Turquie,
02:21 on voulait la faire fondre dans les labos, on voulait l'envoyer aux Etats-Unis.
02:24 Bon, écoutez, on ne faisait pas du bien, on faisait même du mal.
02:27 Seulement, on avait un cerveau.
02:29 Eux, aujourd'hui, ils veulent tuer pour devenir chef.
02:33 Pour eux, faire le mal, c'est gravir les échelons.
02:39 Donc, il n'y a plus de milieu.
02:41 Le mot milieu, pourquoi il existe ce mot milieu ?
02:44 Parce qu'il y avait un centre.
02:45 - Quand on voit une attaque comme celle d'aujourd'hui,
02:48 là, ce soir, toutes les forces de l'ordre de France traquent le détenu
02:52 et ses complices qui ont tué des agents pénitentiaires.
02:56 Cette cavale, on imagine qu'elle a été organisée.
02:58 Je ne sais pas si vous, vous avez connu des cavales.
03:00 Est-ce qu'on peut vraiment échapper à la police dans ces cas-là ?
03:03 - Absolument pas. La police se mettra le temps qu'il faut, mais ils vont être arrêtés.
03:06 Moi, je vous le dis.
03:07 Maintenant, moi, ce que je peux vous dire sur cette affaire,
03:10 moi, je n'ai vu des affaires similaires, mais pas sanglantes comme ça.
03:14 Moi, par exemple, j'ai vu des gens s'évader des hôpitaux,
03:18 faire semblant de se suicider ou se mutiler en prison
03:20 et aller à l'hôpital, se faire évader.
03:22 Mais ça se passait en douceur.
03:24 Il n'y avait pas de morts. On ne tuait pas les gens.
03:26 Surtout des surveillants de prison.
03:28 Un surveillant de prison, c'est pas un ennemi, c'est un type qui est là.
03:33 C'est un père de famille.
03:35 Mais c'est horrible de venir, de tuer avant de parler.
03:40 - Lors de l'attaque de ce matin, il y a des fusils à pompe qui ont été utilisés.
03:43 Est-ce que ce sont des armes qui, de votre expérience, se trouvent, s'achètent facilement ?
03:47 - Oui, mais de toute manière, attendez-vous des secousses,
03:51 il va y avoir le fusil à pompe, ça va être comme un arc avec des flèches bientôt.
03:56 Parce qu'avec la guerre en Ukraine, ça va passer par la Roumanie,
03:59 croyez-moi, du matériel, il va y en avoir.
04:01 Et croyez-moi, vous allez voir des petits de 14 ans avec des armes sophistiquées.
04:06 - Vous parlez des petits, et c'est une raison pour laquelle, je crois,
04:08 vous avez accepté de parler devant la commission pour faire part de ce constat
04:11 sur un avenir que vous qualifiez de sombre.
04:14 Vous êtes effrayé par les gamins de cet âge-là, 14, 15, 16 ans aujourd'hui ?
04:18 - Oui, effrayé. On m'a présenté quelques bébés de mon quartier d'origine,
04:22 dans la Belle de Mai, je suis né à la Belle de Mai, vous voyez.
04:25 Et donc, j'ai vu ces enfants-là, et je leur ai parlé de mon milieu,
04:29 de ma mentalité, de ma vision des choses.
04:32 Et bien, c'est comme si je parlais à un mur,
04:35 et ils étaient là, ils me disaient "nous, ce qu'on veut, c'est mourir avec un million d'euros".
04:41 On s'en fout de la vie, on veut mourir.
04:44 Ils sont quelque part suicidaires et courageux, vous voyez.
04:47 Dans les gens, les jeunes avec qui j'ai parlé,
04:49 il y en a un qui est mort deux jours après, s'est fait tuer.
04:53 - Dans leur rapport, les sénateurs insistent aussi sur la lutte contre la corruption,
04:56 sur les porcs, mais aussi au sein de la police.
04:58 Ça vous étonne, ou cette corruption, elle existait déjà de votre temps ?
05:01 Dans la police, notamment ?
05:03 - Ça a toujours existé. Je ne peux pas vous en dire plus.
05:05 Je ne veux pas non plus généraliser, je sais que chez les flics,
05:08 il y a 99% de gens honnêtes.
05:10 Mais vous avez toujours le mouton noir, voilà.
05:15 Ça a toujours existé.
05:16 - Mais il n'y a pas de trafic sans corruption, clairement, aujourd'hui ?
05:18 - Absolument pas, il ne peut pas y avoir de trafic sans corruption.
05:20 Pour l'argent, comment vous faites pour laver l'argent, vous ?
05:23 Si vous n'avez pas la corruption.
05:24 - Parlons-en justement du blanchiment,
05:27 parce que c'est là aussi l'un des points sur lesquels les sénateurs insistent aujourd'hui.
05:31 La drogue, c'est 3 à 6 milliards d'euros de chiffre d'affaires,
05:35 en quelque sorte, par an, dans notre pays.
05:37 Beaucoup d'argent en petites coupures, récupérées par les dealers.
05:40 20, 50 euros en général.
05:43 On n'arrive pas aujourd'hui à faire face dans ce pays au blanchiment d'argent.
05:47 C'est facile, aujourd'hui, de blanchir des dizaines de milliers d'euros ?
05:53 - Pour les gens qui les ont, c'est facile.
05:55 J'ai quelques petites idées que je ne vous donnerai pas, parce que...
06:00 - On ne va pas créer de mode d'emploi ici, ce n'est pas le but, oui.
06:02 - Je vais vous dire un truc, monsieur.
06:04 Mais quand vous allez voir un avocat,
06:06 par exemple, moi je rentre en prison, un de mes proches va voir l'avocat.
06:10 Si vous lui mettez 20 000 euros sur son bureau,
06:15 vous croyez qu'il va vous dire "non, je préfère un chèque de 2 000 euros",
06:18 comme on dit en Italie, "in da zac", dans la poche.
06:20 - Devant les salateurs, vous avez dit "il suffit d'avoir un bon comptable".
06:23 - Bien sûr ! - C'est aussi simple ?
06:25 - Bien sûr, vous avez un bon comptable, il vous donnera des idées.
06:28 Vous n'avez pas besoin de réfléchir longtemps, vous voyez.
06:33 Et puis, il y a 500 façons de laver l'argent.
06:37 - Est-ce que déjà à votre époque, c'était aussi simple de blanchir de l'argent ?
06:42 Vous avez dit, je ne sais pas si c'est une légende ou pas,
06:44 mais qu'à une certaine époque, quand vous étiez très riche
06:47 et que le trafic fonctionnait très bien,
06:49 quand le cendrier de la Porsche était plein,
06:53 vous changiez la Porsche, c'était en liquide à ce moment-là ?
06:55 - Non, mais ça c'était une boutade, ça.
06:58 Bien sûr, des Porsches, on en a acheté,
07:00 mais on n'attendait pas que le cendrier soit plein.
07:02 On a changé souvent de voiture,
07:04 mais ce n'était pas comme ça que ça marchait.
07:08 Ce n'était pas que les voitures,
07:09 on ne dépensait pas des sous qu'avec les voitures,
07:12 on dépensait les sous en bêtises, en hôtels, en boîtes de nuit,
07:16 en voyages, en filles aussi.
07:22 - Il y a la place des trafiquants et il y a celle des consommateurs.
07:25 Le préfet de Bretagne a dit ce matin,
07:27 "chaque fumeur de joint a du sang sur les mains".
07:29 Vous êtes d'accord avec ça ?
07:30 - C'est un drôle de... Il est réducteur ce monsieur-là.
07:33 C'est un raccourci, il est violent.
07:36 Vous ne pouvez pas vous intéresser aux consommateurs
07:38 quand vous avez pris 15 ans de retard.
07:41 Il y a 11 millions de consommateurs en France.
07:43 Vous allez mettre un gendarme derrière chaque consommateur ?
07:47 Voilà. Donc le vendredi soir, vous avez des couples qui vont
07:51 et pour se faire ce qu'on appelle une nuit blanche,
07:53 ils vont acheter leur cocaïne.
07:55 Comment pouvez-vous m'expliquer qu'à 3h du matin,
07:57 dans une boîte de nuit, les gens,
07:59 ils continuent à danser, ils continuent à boire,
08:01 s'enfiler des litres de whisky et être clean,
08:05 tranquille, bien, ils parlent comme je vous parle là,
08:08 mais maintenant, quotidien.
08:10 - Ce que vous nous dites, c'est que c'est trop tard.
08:10 C'est que finalement, la consommation et de cocaïne et de hashish
08:13 est tellement entrée dans le quotidien
08:15 d'une certaine partie de la population
08:16 que c'est trop tard pour taper sur le consommateur.
08:18 - Bien entendu, c'est fini ça.
08:19 C'est le consommateur...
08:21 - On a vu ces dernières semaines des opérations place net.
08:24 Toujours plus de police.
08:25 Vous vous dites, ça ne sert à rien, embaucher des douaniers.
08:28 C'est le message que vous avez envoyé au sénateur
08:30 devant la commission d'enquête.
08:31 Pourquoi des douaniers ?
08:32 - Parce que c'est les seules habilités,
08:34 c'est les personnages les plus intelligents
08:37 et les plus, disons, opiniâtres, accrocheurs.
08:40 Aller à la source, place net,
08:42 le flic qui descend dans les cités,
08:44 qui prend 3 kilos de shit et 20 000 euros.
08:48 Vous, les journalistes, vous mettez ça comme avec des photos,
08:53 avec des témoignages comme voilà,
08:55 et vous dites, ça y est, c'est bon,
08:58 ça y est, il y a une réaction.
08:59 - C'est qu'on s'est fait avoir de ça ?
09:01 - Voilà, bien entendu, bien entendu,
09:03 mais c'est même, c'est dans la propagande,
09:05 voilà, c'est ça que je voulais dire.
09:07 - Merci Emile Diaz, dit Milou,
09:09 vous, l'ancien trafiquant, membre de la French Connection,
09:12 vous qui avez témoigné il y a quelques semaines maintenant
09:14 devant la commission d'enquête du Sénat sur le narcotrafic,
09:16 qui vient de rendre son rapport.
09:17 Merci d'avoir été notre invité aujourd'hui, Noarté,
09:20 et bonsoir.
09:21 - De rien, bonne soirée.
09:22 - Merci beaucoup.
09:23 Dans un instant, évidemment,
09:24 on va vous rappeler les toutes dernières infos
09:26 après l'attaque de ce fourgon
09:28 et puis on va tenter de sourire aussi
09:30 ce soir, ça tombe bien, Alex Vizorek
09:32 va nous rejoindre pour sa visoconférence.
09:34 Quel est le menu ce soir Alex ?
09:36 - Oh là là, il y a Eric Ciotti,
09:37 qui a des soucis.
09:38 - Oh là là, à tout de suite.
09:39 - Le pauvre !
09:40 RTL Bonsoir. Jusqu'à 20h.