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00:00On va plus loin avec notre invité ce matin, Charles Bouessel, spécialiste de l'Afrique centrale, conseiller auprès de l'ONG Crisis Group.
00:08Merci beaucoup d'être avec nous ce matin en direct. Un mot peut-être du bilan de la journée d'hier, quels échos avez-vous de ces opérations de vote ?
00:18Eh bien, le vote s'est globalement passé dans le calme dans l'ensemble du pays.
00:24Mais ce qu'on peut dire, c'est qu'il y a une certaine tension autour du dépouillement des votes, notamment de la part des soutiens du candidat succès Massara,
00:36qui ne veulent rien laisser passer lors de ce dépouillement.
00:39Vous avez parlé d'enjeux. Est-ce qu'il y a vraiment un suspense dans ce scrutin ?
00:44Eh bien, c'est une bonne question. Effectivement, on dit que le président sortant, Mahama Tidriss Déby, est le favori du scrutin.
00:54D'abord, pour une raison principale, c'est que le président de la transition exerce un certain contrôle sur les institutions en charge d'organiser et de valider les élections, notamment l'ONG.
01:08Et donc, ce contrôle sur ces institutions lui offre une certaine marge de manœuvre pour avoir un contrôle sur les résultats.
01:17Noé, quel crédit donner à cette autorité de gestion des élections et du conseil constitutionnel qui doit valider ces résultats, parce que certains sont donc proches du dirigeant actuel ?
01:27Oui, bien sûr. Donc, la majorité du personnel de l'autorité nationale de gestion des résultats font partie des soutiens du parti présidentiel et donc du candidat Mahama Tidriss Déby.
01:40Et donc, cela représente un problème d'indépendance pour les critiques du régime.
01:46Qu'est-ce qui va se passer maintenant ?
01:49Eh bien, les résultats sont annoncés pour le 5 juin, ce qui laisse un certain temps pour le dépouillement.
01:58Et on est peut-être là dans la période la plus tendue, puisqu'on voit déjà, notamment sur les réseaux sociaux, des pages pas forcément affiliées ouvertement à quelqu'un qui publie ce qui semble être des PV de bureau de vote,
02:15qui publie des résultats partiels et d'autres pages qui appellent les tchadiens à faire eux-mêmes leurs calculs, à additionner eux-mêmes les résultats par bureau de vote afin que les vrais chiffres de l'élection ressortent.
02:28Et donc, ce climat de vidéos, de suspicions, de fraudes, c'est un climat de tension qui peut créer des risques de voir peut-être une partie de l'opposition descendre dans la rue.
02:40Quel que soit le futur président, il aura toujours des pouvoirs importants. Il semblerait que la nouvelle constitution soit loin de consacrer l'État décentralisé que souhaitait une partie de l'opinion.
02:50Oui, absolument. La nouvelle constitution votée par les tchadiens en 2022, finalement, elle renforce presque le pouvoir présidentiel, le pouvoir de l'exécutif, en lui attribuant même davantage de pouvoirs
03:04et en supprimant aussi, par exemple, la limite de deux mandats présidentiels. Et donc, oui, cette constitution, on peut dire qu'elle renforce fortement le pouvoir de l'exécutif au détriment du pouvoir législatif, notamment.
03:18Mais il faut nuancer quand même tout ça parce qu'il y a quand même eu des élections dans une région où de plus en plus de pays sont contrôlés par des jeunes qui ont pris le pouvoir,
03:26qui ne l'ont pas forcément rendu au peuple. Quels sont les rapports entre le Tchad aujourd'hui et ces pays de la région, le Mali, le Burkina ?
03:40Alors, le Tchad a une position assez ambiguë vis-à-vis de ces jeunes militaires du Sahel. D'abord, le Tchad jouit d'une certaine position différente de ses autres jeunes
03:54puisque le Tchad est parvenu à garder de bonnes relations diplomatiques, notamment avec les pays occidentaux et avec l'Union africaine, et donc a pu éviter, notamment, les sanctions qui ont visé d'autres jeunes militaires du Sahel.
04:07Le Tchad a su jouer de cette position, finalement, de bon élève des transitions politiques par ces jeunes au Sahel, en se targuant d'être, notamment, la première de ces jeunes à organiser les élections,
04:20en se targuant d'avoir plus ou moins respecté les délais de la transition. Et donc, les gains diplomatiques de cette position sont importants pour le Tchad, comme je l'ai dit,
04:31parce que le Tchad a pu éviter les sanctions. Mais le Tchad apparaît aussi comme le dernier îlot de stabilité dans le Sahel pour plusieurs pays occidentaux qui comptent s'appuyer sur ce pays
04:43pour continuer de développer leur politique dans la zone. Et donc, voilà, le Tchad jouit de cette position. Mais d'un autre côté, les autorités tchadiennes sont parfaitement conscientes
04:55que les discours de souveraineté et les discours de rupture, notamment avec le partenaire français, ont la cote, notamment chez les jeunes, et donc jouent aussi sur cette carte-là,
05:07faisant planer le doute d'un éventuel divorce avec l'Occident et, a fortiori, avec la France.
05:12Oui, parce que déjà, les soldats américains ont quitté le pays où ils sont en train de le faire. Il y a 3 000 soldats français qui sont toujours postés sur place.
05:19Pour l'instant, ça se passe plutôt bien avec Paris, contrairement aux pays de la région. Mais quand même, on voit que les autorités commencent à s'ouvrir vers d'autres pays.
05:27Et on pense notamment à la Russie.
05:29Oui, effectivement. Le président Mohamed Déby a récemment fait un voyage diplomatique en Russie, d'où il est revenu en affirmant avoir signé plusieurs accords de coopération,
05:40dont les contours sont, il est vrai, encore flous. On ne sait pas vraiment si ce voyage était plutôt destiné à faire de la communication ou s'il recoupe vraiment un accord qui a été signé.
05:55Ce qu'on peut signaler, c'est que des photos ont émergé sur les réseaux sociaux où l'on voit Maxime Chougalet, qui est un spécialiste de la communication de l'ancien groupe Wagner,
06:08et qui se trouve aux côtés de l'équipe de campagne de Déby.
06:11Et donc, on voit qu'il y a eu quand même quelques soutiens d'un politologue autrefois proche de Wagner.
06:18Et donc, le Tchad continue de jouer cette ambiguïté entre Russie et Occident.
06:25Merci beaucoup Charles Bouessel de nous avoir éclairé ce matin sur cette question du Tchad et sur cette présidentielle.