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00:00On vient de rappeler brièvement l'état de ses troupes et ses contingents qui sont déjà présents sur place.
00:0724 militaires jamaïcains arrivent aujourd'hui, ce n'est qu'un début.
00:12Le début d'une nouvelle mobilisation, expliquent les autorités jamaïcaines.
00:16Pardon, mais ça paraît extrêmement dérisoire ce chiffre, 24 personnes supplémentaires.
00:21C'est pour la forme ?
00:22Oui, c'est encore un nouvel échec annoncé puisque ce qui pose problème,
00:27c'est qu'il y a une sous-évaluation réelle de la situation.
00:31Il n'y a pas encore pour le moment de large préoccupation exprimée
00:35quant à une vision holistique, j'ai envie de dire, du problème.
00:39Parce que le problème sécuritaire, il est global, il est profond.
00:43On a l'impression qu'on met un pansement sur une jambe de bois,
00:49donc pour le moment on ne prend pas à bras le corps le problème.
00:52Or, la population attend à ce que les gangs soient matés,
00:56soient complètement neutralisés, qu'il y ait un retour à la sécurité normale.
01:01Or, et puis ensuite on s'attend à ce qu'il y ait une prise en main
01:05de la question sécuritaire par les forces locales,
01:08c'est-à-dire la police nationale, on sait très bien qu'elle n'a pas les moyens.
01:11Mais il y a des velléités de réformer l'armée,
01:15c'est-à-dire il y a même un processus de recrutement qui est engagé
01:19avec de nouveaux jeunes, mais ils n'ont pas les moyens.
01:23Alors, là encore, les États-Unis tendent à mobiliser des moyens matériels
01:28en blindés, en chars blindés.
01:32Or, pour le moment, il faudrait aussi des hélicoptères
01:35pour conduire des opérations aériennes et pouvoir neutraliser les gangs.
01:42Pour le moment, les gangs restent puissants,
01:44ils n'ont pas l'impression qu'ils ont une situation en face
01:49qui les permette de les inférioriser, si vous voulez.
01:54Donc, pour le moment, c'est que la police nationale
01:57n'a pas encore déployé une politique sécuritaire efficace,
02:00le gouvernement en place, malgré la mise en place,
02:03malgré l'arrivée de nouveaux gouvernements.
02:05Mais on voit encore, le problème reste entier.
02:08On a entendu plusieurs États dire
02:11on va suivre, on va emboîter le pas aux Jamaïcains.
02:14Nous aussi, on voyait des hommes, et ce chiffre,
02:17je reviens dessus, quand même 24 hommes,
02:19on a tendance à se demander, est-ce que ça ne va pas provoquer
02:22davantage de frustration qu'autre chose au sein de la population ?
02:25Oui, c'est une frustration qui existe,
02:27d'autant plus que les États-Unis, c'est eux qui embrassent le problème,
02:31c'est-à-dire tendent à imposer la question haïtienne
02:34comme étant une question interne aux élections américaines.
02:37Or, ce qu'on peut observer de la part des États-Unis d'Amérique,
02:40on a envie de dire que c'est une diplomatie à quatre saisons,
02:42c'est-à-dire qu'au printemps, il y avait une invisibilisation
02:46de la crise haïtienne, sa banalisation, on a envie de dire,
02:49en été, l'appropriation de la crise,
02:51et en automne, l'externalisation,
02:55c'est-à-dire en faisant appel aux troupes kenyannes,
02:57et par la suite, on voit bien qu'il y a l'intégration de la question haïtienne
03:00dans les contingences de la politique intérieure aux États-Unis,
03:05parce qu'on sait très bien que les démocrates
03:09veulent avoir un bilan en ce qui concerne Haïti.
03:12Or, l'administration Biden montre encore son échec
03:16en ce qui concerne la question haïtienne.
03:18C'est pour ça que quand Tony Blinken est venu la semaine dernière,
03:20s'il n'y avait pas d'élection, dans deux mois,
03:22il ne serait sûrement pas arrivé, c'était depuis 2015,
03:24qu'une administration américaine n'avait pas envoyé quelqu'un sur place.
03:29Oui, d'ailleurs, on voit bien comment la question migratoire haïtienne
03:33pénètre le débat, parce que le président,
03:36le candidat des Républicains a fait des déclarations,
03:40c'est vrai, jugées discriminantes, racistes vis-à-vis des Haïtiens.
03:44Les migrants haïtiens, notamment,
03:46ils sont 41 000 à avoir rejoint les États-Unis,
03:48mangeraient des chats et des chiens.
03:50Les Haïtiens ont répondu.
03:51Les Haïtiens ont répondu et ont démenti.
03:53Mais ce n'est pas la première fois que la politique haïtienne
03:57s'intègre dans le jeu de politique intérieure aux États-Unis,
04:00parce qu'il y a plus de 2 à 3 millions d'Haïtiens
04:04qui ont la nationalité américaine, qui ont le droit de voter.
04:06Donc, c'est une question interne.
04:07Et puis, les démocrates ne veulent pas être jugés
04:10quant à leur échec en ce qui concerne Haïti.
04:12Mais c'est que la visite d'Anthony Blinken a montré
04:15que ce sont les États-Unis qui sont les maîtres du jeu
04:18et veulent garder l'autonomie sur la question haïtienne,
04:22également en écartant toute solution d'un interne.
04:26Parce qu'il faut le dire aussi,
04:27les Haïtiens ont proposé des solutions.
04:29Mais ces solutions n'ont jamais été intégrées
04:32dans les stratégies de la diplomatie américaine.
04:36Lesquelles auraient pu faire avancer le dossier ?
04:38Eh bien, les Haïtiens ont proposé, par exemple,
04:40la réforme de la police nationale, la réforme de l'armée,
04:44et également de faire en sorte que les gangs
04:49soient neutralisés en essayant de couper le cordon ombilical.
04:53C'est-à-dire, on sait très bien que les armes
04:54viennent des États-Unis, notamment.
04:56Or, aujourd'hui, on voit de plus en plus
04:58qu'il y a une professionnalisation de l'activité des ventes d'armes.
05:01Il y a même des spécialisations.
05:04On observe que de plus en plus, il y a des acteurs haïtiens
05:08qui tentent de combiner les armes d'origine locale
05:14en important des pièces détachées sur Internet.
05:17Et puis, il y a aussi trois pays importateurs d'armes,
05:21la Russie, les États-Unis, Israël.
05:24Donc, on voit bien, c'est un marché lucratif,
05:26d'autant plus que les armes achetées aux États-Unis
05:30sont très rentables en termes de vente sur le terrain.
05:33Et puis, ensuite, depuis le président Jovenel Moïse,
05:36il y avait une liste d'importateurs de 11 individus connus
05:41qui importent d'armes.
05:42Et pour le moment, c'est vrai, les États-Unis ont envisagé des sanctions.
05:45Mais pour le moment, ces sanctions n'ont pas un effet efficace
05:50quant au rôle des importateurs dans l'extension,
05:54ce qu'on peut appeler, de l'économie communelle.
05:56Vous êtes en train de dénoncer, si je lis entre les lignes,
05:58une forme de double discours.
06:00Il y a l'effet d'annonce, il y a la présence d'Antony Blinken
06:02sur le terrain, mais derrière, on laisse les choses glisser
06:07tranquillement sur la pente ?
06:09Oui, il n'y a pas une prise en main sous le plan global de la question.
06:14Notamment, le gouvernement haïtien, qui est actuel,
06:17tente d'engager une sorte de dialogue avec les gangs,
06:21ce qui n'est pas accepté par la population.
06:24Et on voit bien que, dernièrement,
06:28le gouvernement a tenté de se rendre à un établissement public hospitalier,
06:34notamment l'hôpital, le CHI de Port-au-Prince,
06:37qui est aujourd'hui fermé.
06:39Et même les soldats kényans étaient obligés de s'enfuir
06:43parce que les gangs ont pu montrer leur supériorité face aux forces locales.
06:47Alors, vous parlez des Kényans.
06:48On va aller prendre le pouls dans un instant à Port-au-Prince
06:50parce qu'on a Déphi Sémé qui nous attend et qui va nous dire
06:52concrètement comment ça bouge ou pas, pour lui, vu de chez lui en tout cas.
06:572500 militaires et policiers devraient être sur le terrain,
07:01déployés au moment où l'on se parle.
07:02Il y en a 400 qui sont venus du Kenya, qui travaillent en Haïti.
07:08Il faut dire qu'il y en a 600 d'autres qui sont censés arriver.
07:11Mais on est quand même très loin du compte, très loin de ce qu'on avait promis.
07:14La faute à quoi ?
07:15Peut-être aussi au financement.
07:17On sait que la mission est estimée à 600 millions de dollars par an.
07:21Ça fait 543 millions d'euros à peu près.
07:24Les Nations Unies, au moment où l'on se parle,
07:25n'ont reçu que 61 millions d'euros de sommes promises,
07:28notamment du Canada et des États-Unis.
07:30C'est un premier facteur explicatif,
07:32puisque la question haïtienne est faible en termes de mobilisation.
07:38Elles ne mobilisent plus la communauté internationale
07:40pour des raisons qui sont liées aussi à la constante de la problématique haïtienne.
07:47Ça fait plus de 20 ans que la communauté internationale
07:50tente d'apporter une solution à ce pays.
07:52C'est vrai, très souvent, les missions des forces onusiennes sont présentes.
07:56Mais on voit bien que ces missions ne sont pas efficaces
07:59parce qu'elles se fracassent contre l'absence d'une vision locale,
08:03c'est-à-dire contre l'absence d'une vision autour d'une communauté politique
08:08avec un projet commun qui puisse fédérer tous les haïtiens.
08:12Or, on voit aujourd'hui qu'il y a un ensemble d'acteurs politiques
08:15qui tentent de tirer les marrons du feu,
08:17c'est-à-dire qui vont aux élections pour s'enrichir
08:20et garantir l'impunité.
08:22On l'a souligné ici aussi.
08:23Donc, c'est un premier facteur.
08:24Et puis, deuxièmement, les États-Unis considèrent comme étant leur précarité.
08:29Ce n'est pas d'aujourd'hui, depuis 1915.
08:31Donc, ça veut dire qu'ils tentent à gérer eux-mêmes la question.
08:34Or, les solutions américaines ne correspondent pas, si vous voulez,
08:40aux attentes des populations locales,
08:43qui souhaitent de préférence une implication des forces locales,
08:48c'est-à-dire une réforme de la police nationale, une réforme de l'armée.
08:51Et il faut l'ajouter que les gangs sont très nombreux,
08:55étant donné qu'ils recrutent des jeunes enfants.
08:57Et puis ensuite, ils ont aussi,
08:59et on l'a souligné ici plusieurs fois,
09:02qu'ils ont des liens de connivence avec les hommes politiques,
09:06avec les entrepreneurs économiques.
09:09On va aller demander son avis à Déphi Sémé.
09:12Bonjour, qui est avec nous.
09:15Vous intervenez depuis Port-au-Prince.
09:16Vous êtes directeur exécutif de l'association Basketball pour encadrer la jeunesse.
09:20Avec mon invité, on évoquait justement ces recrutements des jeunes par les gangs.
09:25Vous, vous œuvrez contre cela au quotidien.
09:27Vous travaillez avec ces jeunes et par le sport,
09:29vous essayez de les garder dans ce cercle de la société.
09:34Vous évitez qu'ils tombent entre leurs mains.
09:37Est-ce que vous aussi, vous êtes d'accord avec ce qui vient d'être dit ici en plateau ?
09:41Il faudrait confier les clés, notamment à la police, la police nationale.
09:46Est-ce que cette réforme de la police pourrait être la clé ?
09:50À mon avis, ce serait très difficile parce qu'imaginez-vous que la police nationale d'Haïti,
09:57en ce moment c'est une force qui consiste à 6600 policiers environ actifs.
10:05Donc c'est vraiment difficile d'avoir une force qui est vraiment réduite à un tel effectif.
10:16De pouvoir sécuriser une population d'environ 11 millions de personnes
10:21avec environ 3 millions de personnes à Port-au-Prince.
10:24Déficit, mais comment est-ce que vous avez vécu,
10:26on l'évoquait il y a quelques instants, la visite d'Anthony Blinken la semaine dernière,
10:30la première d'un représentant américain depuis 2015 ?
10:35Avec l'arrivée de M. Blinken en Haïti, il y a un média local, Haïbo Post,
10:44qui a expliqué que durant la conférence de presse que M. Blinken a donnée,
10:52il a évoqué la reprise de l'hôpital principal de Port-au-Prince
10:56et la réouverture de l'aéroport comme exemple de travail de la mission kényane
11:02avec le soutien de la police nationale d'Haïti.
11:06Cependant, l'aéroport qui avait été fermé en mars,
11:12après un assaut d'une grande violence des partis pour des infractions de l'État dans la région métropolitaine,
11:18les Kényans n'étaient même pas encore en Haïti lorsque l'aéroport avait recommencé à fonctionner
11:23à la fin du mois de mai, en mars des opérations de la force haïtienne.
11:30Donc c'est vraiment bizarre que M. Blinken attribue cette réussite
11:37grâce à la présence des forces kényannes en Haïti,
11:41lorsque les policiers kényans n'étaient même pas encore en Haïti.
11:45On a échangé avant cet entretien, la première question que j'aurais dû vous poser,
11:48c'est comment est-ce que vous allez ? La dernière fois que vous interveniez sur cette antenne,
11:51c'était à la fin du mois de mai, il y avait une violence extrême
11:55qui s'exprimait dans les rues de Port-au-Prince.
11:57Vous le disiez hier par téléphone, ça va un peu mieux ?
12:02Oui, je dirais que la situation s'est améliorée légèrement,
12:10dans le sens que les gangs surtout étaient très mobilisés
12:16pour pousser l'ancien Premier ministre Ariel Henry à laisser le froid.
12:24Depuis la démission d'Ariel Henry, il y a eu une petite amélioration, je dirais.
12:33Je pense que c'est aussi en raison du fait que les gangs ont peut-être changé de stratégie,
12:43surtout avec la possibilité d'avoir une mission de grande envergure présente en Haïti.
12:53Je pense qu'ils se préparent pour la possibilité d'avoir une telle force présente sur le territoire.
13:01Comment est-ce que vous appréhendez les semaines, les mois qui arrivent ?
13:06C'est difficile à dire parce que jusqu'à présent, on a beaucoup de déceptions
13:16en ce qui concerne le rythme auquel se progresse cette mission.
13:25Donc on n'a aucune idée de la quantité de policiers qui seront présents en Haïti
13:33pour appuyer la police nationale d'Haïti. Donc c'est vraiment difficile à dire.
13:38Merci beaucoup Delphi Semé, merci pour ce témoignage qui nous témoigne d'un léger mieux.
13:45On arrive à circuler maintenant ce qui n'était pas forcément le cas il y a quelques semaines.
13:50Il y a des vrais sujets, des vrais dossiers qui sont très concrets sur la table.
13:54L'organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, la FAO,
13:58a tiré hier la sonnette d'alarme face à la crise alimentaire en Haïti.
14:02Je cite, nous devons agir maintenant pour éviter une catastrophe humanitaire encore plus grave.
14:07608.000 personnes doivent recevoir une assistance urgente.
14:11Ce sont environ 125.000 enfants qui souffrent déjà de malnutrition sévère.
14:17Oui, on peut comprendre l'état catastrophique de la situation
14:21puisque les différents départements, 4 ou 5 départements, sont coupés de paro-prince.
14:25On sait très bien que, par exemple, il y a des départements de la Gandance, de l'Arthibonite,
14:31qui étaient considérés comme les guignets de paro-prince.
14:34Or, ces départements, les producteurs n'arrivent plus à écouler leurs produits.
14:38C'est du gâchis total.
14:40Donc, on peut comprendre qu'il y a une situation de famine qui s'annonce
14:44et que les Haïtiens, aujourd'hui, ont recours au système D à la débouille pour essayer de survivre.
14:50Alors, quand on parle de légère amélioration, elle est complètement relative
14:54puisque les gens n'arrivent plus à entrer en contact avec les 4 départements qui sont coupés de paro-prince.
15:00Par exemple, le département du Sud, le département de la Gandance,
15:04le département de l'Arthibonite et également du Sud-Est.
15:08Donc, paro-prince reste enclavé.
15:11Et puis, d'autant plus qu'il y a un seul établissement public hospitalier qui fonctionne, celui de la Paix.
15:18Et le CHU, le centre hospitalier public de paro-prince, n'est pas en état de recevoir les patients.
15:24Donc, la situation sécuritaire est désastreuse et aggravée par l'absence d'une solution efficace.
15:32Défi Sémé nous disait à l'instant quelque chose d'intéressant.
15:35Les gangs ont peut-être changé de stratégie. Qu'est-ce qui motiverait ça ?
15:39Certains souhaitent avoir l'amnistie.
15:42Le gouvernement avait tenté à travers un acteur international qui parlementait avec les gangs
15:48pour essayer de trouver une solution.
15:50Aujourd'hui, ils ont mis en place une commission de réconciliation,
15:55pas une commission de réconciliation nationale,
15:57en tout cas une commission qui tenterait de jeter les bases d'une commission de réconciliation nationale.
16:02C'est l'idée ?
16:03C'est l'idée. C'est-à-dire qu'on va avoir recours à ce qui a été déjà connu,
16:07c'est-à-dire en 1994, le principe de DDR, désarmement, démobilisation et réinsertion.
16:15Les gangs s'attendent aussi, sans doute, à ce qu'ils soient amnistiés.
16:20C'est sans doute un signal envoyé par les gangs de ce côté.
16:24Merci beaucoup Jacques Nézy d'avoir été notre invité du jour
16:27pour faire le point sur la situation en Haïti à l'heure de l'arrivée imminent de ces 24 hommes.
16:34Chiffre des réseaux, on a commencé par le rappeler,
16:38qui arrivent sur l'île, 24 Jamaïcains.