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Brainwashed - Le sexisme au cinéma est un documentaire français de 2022 réalisé par Nina Menkes, cinéaste et ancienne professeure de cinéma à l'Université de Californie du Sud. Ce film percutant de 1h47 décortique les mécanismes du sexisme systémique ancré dans l'industrie cinématographique, en s'appuyant sur une analyse rigoureuse de plus de 175 extraits de films emblématiques, allant des classiques hollywoodiens aux productions contemporaines.

Menkes utilise une approche pédagogique et percutante pour déconstruire les stéréotypes de genre et les tropes misogynes omniprésents dans le cinéma. Elle met en lumière la manière dont la représentation des femmes à l'écran, souvent cantonnées à des rôles passifs, objectivés ou hypersexualisés, contribue à perpétuer les inégalités et les discriminations sexistes dans la société.

Le documentaire explore diverses thématiques cruciales, telles que :

La représentation des femmes dans les récits filmiques : Menkes analyse la façon dont les femmes sont souvent marginalisées, reléguées à des seconds rôles ou cantonnées à des fonctions narratives stéréotypées.
La sexualisation des personnages féminins : Le film examine la manière dont la nudité et l'hypersexualisation des femmes sont utilisées à des fins voyeuristiques et patriarcales, renforçant l'objectivation du corps féminin.
La violence sexiste à l'écran : Menkes dénonce la banalisation des violences sexuelles dans le cinéma, soulignant leur impact négatif sur la perception des femmes et la normalisation des comportements abusifs.
L'invisibilisation des femmes cinéastes : Le documentaire met en lumière la sous-représentation des femmes derrière la caméra, soulignant les obstacles structurels et les discriminations auxquelles elles sont confrontées dans l'industrie cinématographique.

Brainwashed - Le sexisme au cinéma se distingue par son approche rigoureuse et sa critique acerbe du sexisme systémique dans le cinéma.** Menkes ne se contente pas d'illustrer le problème, elle l'analyse en profondeur, déconstruisant les mécanismes narratifs et visuels qui contribuent à la perpétuation des stéréotypes de genre et des discriminations sexistes.

Le film a reçu un accueil critique positif, saluant son courage, son intelligence et sa pertinence. Il a été qualifié de "documentaire essentiel" et de "film puissant qui remet en question nos perceptions du cinéma et de la société".

Brainwashed - Le sexisme au cinéma est un film important qui s'adresse à un large public.** Il constitue un outil précieux pour sensibiliser aux questions de genre et aux inégalités persistantes dans l'industrie cinématographique et dans la société en général.
Transcription
00:00:30En tant que cinéaste, et en tant que femme, j'étais comme submergée par le puissant
00:00:44tourbillon d'un langage visuel dont il est très difficile de s'échapper.
00:00:49J'espère vous entendre, je m'occupe pas du fait que c'est 3h du matin, parce que j'ai
00:01:07pensé à toutes les choses qui pourraient se passer à cause de ça, et je ne veux pas
00:01:12que ça me détruise ma carrière d'actrice, tout ce qu'il me reste à faire c'est d'appeler
00:01:19Fagg et de tirer mon carte, et d'ici là, pour la reste de ma vie, je ne serai pas
00:01:25libre de travailler, et c'est tout.
00:01:32Le langage visuel cinématographique nous dicte des façons de regarder tellement précises
00:01:40qu'on a l'impression qu'elles font figure de loi.
00:02:10Le grand écrivain James Baldwin a dit un jour, on ne peut pas changer tout ce qu'on
00:02:37affronte, mais rien ne changera tant qu'on ne l'affronte pas.
00:02:44Aujourd'hui, nous allons visionner une série d'extraits de films prestigieux, des palmes
00:02:55d'or et des oscars, des grands classiques et autres oeuvres connues.
00:03:01Nous verrons comment la conception des plans est genrée.
00:03:05Les acteurs principaux masculins et les actrices féminines sont toujours filmées de manière
00:03:12très différente, mais selon une même norme qu'on peut identifier et qualifier.
00:03:18À mon sens, il existe un lien très clair entre le langage visuel du cinéma et la discrimination
00:03:31au travail à l'égard des femmes, en particulier dans le milieu du cinéma, ainsi qu'entre
00:03:38ce langage et l'omniprésence de la violence sexuelle dans notre société.
00:03:48L'an dernier, j'ai eu le privilège de rencontrer Laura Mulvey, théoricienne du cinéma.
00:03:54Elle est la première à avoir identifié le male gaze, le regard masculin.
00:04:02L'expression n'apparaît qu'une seule fois dans mon article, mais c'est ce qu'on a le plus retenu.
00:04:18C'est ma passion pour le cinéma qui m'a inspiré cet article.
00:04:38Après avoir fini mes études universitaires en 1963, j'ai passé beaucoup de temps dans les salles obscures.
00:04:46Ce n'est que rétrospectivement que j'ai réalisé qu'une partie de mon plaisir devant le grand écran
00:04:52venait du fait que je regardais les films comme un spectateur masculin.
00:05:17Nous connaissons presque tous l'expression « objectification des femmes ».
00:05:22Mais prenons le temps de la décortiquer.
00:05:25Que sont exactement un objet et un sujet ?
00:05:29Commençons par une petite leçon de grammaire.
00:05:33Le chat mange la souris.
00:05:36Le chat est le sujet.
00:05:38Il mange la souris et l'objet subit l'action.
00:05:42De même, l'homme voit la femme.
00:05:45Il agit et regarde.
00:05:47Tandis que la femme est regardée.
00:06:03Le fait d'être regardée est une expression rendue célèbre par Laura Mulvey en 1975.
00:06:11Elle décrit la place habituelle qu'on attribue aux femmes dans le cinéma.
00:06:15Au fil du temps, le corps de la femme a été de plus en plus sexualisé.
00:06:42Mais la structure fondamentale du regard est restée la même.
00:06:55L'article fondateur de Laura Mulvey a beau dater des années 70,
00:06:59nous continuons à banaliser le regard masculin au cinéma.
00:07:02La plupart des gens trouvent ça normal et ne le remettent jamais en question.
00:07:07Autant demander à un poisson s'il est mouillé.
00:07:11On pourrait se contenter de dire, on sait que ça existe, c'est comme ça, c'est dans l'air ambiant.
00:07:16Mais en nommant et en montrant les choses, je pense qu'on peut changer le monde.
00:07:26Le philosophe et poète Ralph Waldo Emerson a dit une belle phrase qui s'applique très bien à la situation.
00:07:33Selon lui, la perception n'est pas fantaisiste, elle est destructrice.
00:07:39C'est un argument très fréquent chez les créateurs.
00:07:42Mon film est une oeuvre de fantaisie, ce n'est que ma vision des choses.
00:07:46Mais pas du tout, c'est très grave, c'est destructeur et ça nous touche au plus profond de nous-mêmes.
00:07:56En tant que cinéaste, nous devons faire preuve de courage
00:07:59et endosser le rôle de celles qui vont s'exprimer ouvertement sur le sujet.
00:08:03Attendez un peu, il y a un problème avec cette image.
00:08:06Que voulez-vous me dire ? Quelle est la rhétorique visuelle qu'on nous présente ?
00:08:10Elle ne me semble ni bonne ni adéquate. Reconsidérons la chose.
00:08:16Quand on parle des films qui répondent aux critères des soi-disant meilleurs films,
00:08:20on sent parfois une réticence à s'interroger sur la façon dont ils ont été réalisés
00:08:26et sur les histoires qu'ils racontent.
00:08:30On peut aimer ces films, continuer à les regarder et les trouver géniaux,
00:08:35tout en admettant qu'ils posent un certain nombre de problèmes.
00:08:39Sinon, on ne rend pas service à notre propre humanité.
00:08:45La plupart d'entre vous sont certainement conscients des éléments sexistes dans les scénarios,
00:08:50les dialogues et chez certains personnages.
00:08:53C'est évident qu'on préférerait tous voir les femmes jouer d'autres rôles que des bonnes ou des filles sexies,
00:08:59qu'elles aient des rôles de chefs d'entreprise, par exemple.
00:09:03Nous connaissons bien cet aspect du problème.
00:09:06En revanche, ce que l'on sait moins, c'est comment ces plans sont composés
00:09:11et comment ils perpétuent ces différentes positions de pouvoir.
00:09:16La composition d'un plan, c'est quoi exactement ?
00:09:20Il s'agit du sujet, de l'objet et de leur relation visuelle,
00:09:24du cadrage, du mouvement de la caméra et de l'éclairage.
00:09:29La somme de ces techniques contribue à définir la place des personnages dans la narration.
00:09:37Commençons par la relation sujet-objet.
00:09:42Sur cette image, nous savons d'office que le type à l'avant-plan regarde cette personne,
00:09:47qui se trouve être une femme.
00:09:51Un plan subjectif peut être réalisé en un seul plan, comme celui-ci.
00:09:55Ou alors, en deux plans séparés.
00:10:26Je réfléchis beaucoup à la façon de créer des points de vue.
00:10:31Ce n'est pas qu'une question visuelle.
00:10:34C'est aussi une question de perception, de ressenti.
00:10:38On place les spectateurs dans la position d'une personne,
00:10:41et l'objectif, c'est d'obtenir ce que l'on veut,
00:10:44ce que l'on souhaite, ce que l'on veut,
00:10:46et ce que l'on souhaite, c'est d'obtenir ce que l'on souhaite,
00:10:49ce que l'on souhaite, c'est d'obtenir ce que l'on souhaite,
00:10:52ce que l'on souhaite, ce que l'on souhaite,
00:10:54et on place les spectateurs dans la position du personnage.
00:10:57Ils ne voient pas exactement ce que le personnage voit,
00:11:00mais ils sont en phase avec lui sur un plan émotionnel,
00:11:03ainsi que dans leur processus de réflexion.
00:11:09La Dame du lac, le film de Robert Montgomery,
00:11:12est intéressant parce qu'il représente une forme de subjectivité poussée à l'extrême.
00:11:18Le film est entièrement tourné en caméra subjective.
00:11:21Il illustre parfaitement mes idées sur le point de vue masculin
00:11:25et sur ce qu'est le male gaze,
00:11:29ainsi que sur l'image d'une certaine beauté typique de Hollywood,
00:11:33ou d'une victime de Hollywood.
00:11:45Le cadrage des plans
00:11:48On filme souvent les actrices en fragmentant leur corps.
00:11:53Ces fragments de corps peuvent faire partie d'une séquence en caméra subjective
00:11:57Ces fragments de corps peuvent faire partie d'une séquence en caméra subjective, avec
00:12:21un plan de quelqu'un qui regarde et un deuxième plan avec un corps fragmenté.
00:12:25Ou alors on a un seul plan, avec à nouveau le même point de vue subjectif.
00:12:36Autre fait très fréquent, l'exposition du corps d'une femme sans qu'une personne
00:12:59précise ne la regarde, on affiche son corps devant le public.
00:13:30Il faut tenir compte du fait que le langage visuel est un mode de transmission extrêmement
00:13:37efficace.
00:13:38Ce qui s'imprime en nous de manière subliminale est considérable, que ce soit la manière
00:13:46dont les plans sont composés et cadrés, ou la façon dont ils sont assemblés et organisés
00:13:52dans une séquence donnée.
00:13:54Tout cela devient la grammaire et la syntaxe par lesquelles le sens est transmis au spectateur.
00:14:01Et dans une culture visuelle comme la nôtre, où règne un appétit féroce pour la femme-objet,
00:14:10si la caméra est prédatrice, alors la culture l'est également.
00:14:24Le mouvement de caméra, nous avons tous vu un million de fois un panoramique sur le
00:14:30corps d'une femme, il peut être horizontal ou vertical.
00:14:36De plus, ces scènes contiennent très souvent des ralentis bien insistants.
00:14:48Et qu'en voit-on des hommes au ralenti ? Dans des scènes d'action.
00:14:58En somme, on met les hommes au ralenti au nom de l'action, et les femmes au nom de
00:15:09la sexualisation.
00:15:11La propagation de ce type de plan crée une sorte d'image hypnotique du pouvoir masculin
00:15:21et de la satisfaction qu'il procure.
00:15:23Que ce soit lorsque l'homme objectifie les femmes ou qu'il les tue ou fait semblant
00:15:30de les tuer, c'est de la propagande pour le patriarcat.
00:15:34L'éclairage, l'éclairage est un peu plus subtil.
00:15:43Normalement, l'acteur principal masculin bénéficie d'un éclairage tridimensionnel
00:15:49avec des ombres et de la profondeur, et se trouve dans un espace réel que nous reconnaissons.
00:15:54Tandis que dans ces deux plans tirés du film d'Orson Welles, La Dame de Shanghai, Rita
00:16:02Hayworth se trouve dans l'espace intemporel de la beauté féminine, dans lequel les
00:16:07femmes n'ont pas le droit de vieillir et n'ont pas le droit d'être éclairées
00:16:10pleinement en tant que sujet.
00:16:12Mes collègues et moi-même, nous avons tous été conditionnés à présenter les femmes,
00:16:20les actrices, sous leur meilleur jour.
00:16:22On emploie de belles lumières douces, des langues focales, on filme en plongée et non
00:16:28en contre-plongée.
00:16:30On a recours à toutes ces techniques quand on filme des femmes.
00:16:34Je ne me suis jamais préoccupée des rides d'un homme, au contraire, un visage buriné
00:16:39sera intéressant, alors qu'on ne veut pas voir les rides des femmes.
00:16:44Récemment, on m'a parlé d'un rôle formidable, parfait pour moi et qui aurait relancé ma
00:17:01carrière.
00:17:02Mais ils ont décidé de prendre quelqu'un de plus jeune.
00:17:04Qu'est-ce que je peux dire ?
00:17:11Ça arrive souvent, très souvent.
00:17:16J'ai beaucoup de tristesse en moi.
00:17:19Rien que d'en parler, ça me… parce que j'adore mon travail.
00:17:26Je pense que ce langage visuel alimente la haine de soi et les complexes des femmes de
00:17:41manière non négligeable.
00:17:42Les critères normés de la beauté sont principalement montrés par le biais du male gaze, le regard
00:17:48masculin.
00:17:49Je pense que cela a une réelle incidence sur nos relations avec les autres, et pas
00:17:53forcément pour le mieux.
00:17:54Ce qui apparaît en filigrane dans la composition des plans, c'est la normalisation de l'esthétique
00:17:59et ce, de manière très sournoise.
00:18:01Dans Superfly, le film culte de Gordon Parks Junior, on a un bon éventail des techniques
00:18:14dont nous venons de parler.
00:18:15On a l'homme dans la position du sujet.
00:18:21Certes, les deux visages sont éclairés de la même manière.
00:18:26Mais tout à coup, on a droit à la musique, à une lumière cotonneuse, au ralenti, à
00:18:42un panoramique sur le corps.
00:18:48Quand une de mes étudiantes a vu cet extrait, elle a dit, dès l'instant où l'on voit
00:18:56les deux têtes dans la baignoire, on sait qu'on va avoir un panoramique sur le corps
00:19:00de la femme.
00:19:01Et même si les deux personnes sont nues dans la baignoire, on ne verra pas le corps de
00:19:07l'homme.
00:19:08Tomber sur une scène comme celle de la baignoire dans Superfly, c'est la hantise des actrices.
00:19:17Elles ont peur qu'on leur donne un scénario sur lequel elles acceptent de travailler et
00:19:23que le réalisateur les objectifie complètement par ses plans, par ses placements de caméras
00:19:31et par ses choix de montage.
00:19:34Toutes les techniques que nous venons d'énumérer contribuent à définir la place des personnages
00:19:40dans la narration.
00:19:42Très souvent, leur intérêt par rapport à l'histoire du film dans son intégralité
00:19:47semble curieusement absent.
00:19:50Dans un monde idéal, il y aurait la place pour une grande variété de films.
00:19:55Vous êtes un homme hétérosexuel et vous voulez filmer le derrière d'une femme.
00:20:00Très bien, je ne suis pas de la police d'un homme, je ne suis pas de la police de la femme,
00:20:06mais vous voulez filmer le derrière d'une femme, vous êtes un homme hétérosexuel,
00:20:11vous voulez filmer le derrière d'une femme.
00:20:13Très bien, je ne suis pas de la police du sexe et je ne vous dis pas ce que vous devez faire
00:20:18ou ne pas faire.
00:20:20Je souligne simplement le fait qu'un grand nombre de réalisateurs considérés comme les plus grands
00:20:27n'ont-eu de cesse de filmer de cette manière.
00:20:31On trouve ce genre d'image dans 96% des films.
00:20:36C'est pourquoi ça ne laisse pas une grande marge de manière à ce qu'un film d'hétérosexuel
00:20:41et pourquoi ça ne laisse pas une grande marge de manœuvre à toutes celles et ceux d'entre nous
00:20:45qui en ont assez de voir ce genre de scènes et comment on porte ainsi atteinte à notre individualité.
00:20:55Une femme qui regarde ces films peut avoir envie de se conformer à une telle image
00:21:01dans le but de devenir l'objet du regard, tout en estimant qu'une partie d'elle-même, son vrai moi,
00:21:08ne correspond pas à cette image.
00:21:11Alors elle va rejeter son moi et elle finira par se perdre, ressentira un vide intérieur.
00:21:20Elle consacre alors toute son énergie à entretenir l'aspect extérieur de son image.
00:21:27Mais lorsqu'elle n'est plus en action, elle se sent vide.
00:21:31C'est là le problème.
00:21:39Ici, on voit très clairement la place de la femme dans la narration et dans le plan.
00:21:45Elle est là pour être regardée.
00:21:48En off, on entend les noms de tous les collaborateurs masculins du film
00:21:53et on voit le chef opérateur la filmer.
00:21:58« Notre regard » ? Il ne s'adresse pas à moi, là.
00:22:08On est toujours parti du principe que le spectateur était censé être un homme cis-hétéro
00:22:14qui s'aligne sur le réalisateur cis-hétéro.
00:22:18Lui-même aligné sur le chef opérateur qui gère toutes les prises de vue
00:22:23et qui s'aligne lui aussi sur le sujet masculin du cadre.
00:22:28Et tous ces hommes regardent la femme-objet.
00:22:33Il s'agit donc de la ligne d'identification standard.
00:22:38Il est évident que si vous n'êtes pas un homme hétéro,
00:22:42vous allez vivre ce processus d'identification un peu autrement.
00:22:46Selon où vous vous situez, si vous êtes une femme hétérosexuelle, comme moi par exemple,
00:22:52que se passe-t-il ? De quelle manière cela nous touche-t-il ?
00:22:57Lorsqu'on parle d'hétérosexuelité, on parle d'hétérosexualité.
00:23:03De quelle manière cela nous touche-t-il ?
00:23:08Lorsque j'étudiais à l'école de cinéma de UCLA, j'étais obsédée par mon travail
00:23:13et complètement immergée dans mes films. J'étais dévorée par l'ambition
00:23:18et si quelqu'un se mettait en travers de mon chemin, comme d'aller dans une salle de montage avant moi,
00:23:23je lui donnais 20 dollars pour qu'il ou elle dégage et que je puisse faire mon travail.
00:23:29Mais lorsque j'essayais d'être romantique et de sortir avec un garçon,
00:23:34c'est là que les ennuis commençaient. J'étais dans une position d'objet fait pour être regardée
00:23:39et je ne savais pas comment me comporter. J'étais complètement larguée
00:23:44et j'avais beaucoup de mal à assimiler ce qui se passait.
00:23:49Alors, j'ai décidé de me placer, là aussi, dans la position de sujet.
00:23:54Je me suis identifiée au sujet masculin parce que j'étais une personne d'action.
00:23:59Je n'avais aucune idée de ce qu'il fallait faire pour concilier femme d'action et femme sexy.
00:24:04Et ce n'est qu'un petit exemple parmi d'autres de la façon dont ces représentations nous affectent
00:24:09à un niveau personnel.
00:24:17Passons à cette autre scène du mépris.
00:24:25Je sais bien que cette scène est censée être un commentaire sur l'objectification des femmes.
00:24:34Les producteurs auraient forcé Godard à montrer davantage le derrière de Brigitte Bardot.
00:24:39Peu importe si l'intention de Godard était d'être sarcastique ou non.
00:24:44Ce film provoque une réaction viscérale.
00:24:49Et après, on s'entend dire que c'est un chef-d'oeuvre, à l'instar de tous les films que nous verrons aujourd'hui.
00:24:54Pensez à la façon dont cela nous affecte profondément, intérieurement,
00:24:59en tant que femmes. C'est assez violent.
00:25:04Je sais que mon discours est un peu belliqueux,
00:25:09mais je veux que les gens sachent qu'il s'est construit sur ma tristesse.
00:25:14Je sais, il s'est construit sur mon combat et sur ma tristesse.
00:25:19D'ailleurs, il n'est pas une tristesse,
00:25:24il n'est pas une tristesse,
00:25:29il s'est construit sur mon combat et sur ma tristesse.
00:25:34D'ailleurs, tous les sujets que j'aborde n'ont rien d'agréable.
00:25:39Mais Nina, tu ne crois pas que toutes les femmes ressentent cette tristesse ?
00:25:52Tous mes films de fiction ont cherché à parler du malheur féminin.
00:26:00Et de la blessure que l'on porte au plus profond de soi.
00:26:22Réaliser des films est un acte sacré.
00:26:27On pénètre l'imagination et la psyché des gens
00:26:32d'une manière telle que l'on se doit d'être prudent.
00:26:37Tout y est amplifié.
00:26:42C'est presque l'équivalent de parler dans un micro.
00:26:47Quel que soit votre message, il sera amplifié.
00:26:52Il est donc très important d'en être conscient.
00:26:57Les chercheurs Melanie Green et Timothy Brock
00:27:02ont été les premiers à parler de transport narratif
00:27:07pour décrire l'effet qu'ont les films sur les spectateurs
00:27:12lorsqu'ils nous font passer de la salle de cinéma
00:27:17à l'écran.
00:27:22Le film nous fait quitter notre monde et nous transporte ailleurs.
00:27:27Une opération mentale se produit alors en nous,
00:27:32à savoir la suspension consentie de l'incrédulité.
00:27:37Là, nos gains de connaissances vont être plus importants,
00:27:42plus importants qu'aucune autre opération.
00:28:12Les hommes sont dans un éclairage et un espace tridimensionnel.
00:28:17C'est eux qui ont l'histoire sous contrôle.
00:28:22Rita Ewers porte bien évidemment un maillot de bain
00:28:27alors que tous les hommes sont habillés.
00:28:42Et bien sûr, on a l'inévitable sujet masculin
00:28:47qui regarde l'objet féminin.
00:29:00Rita Ewers flotte dans un espace étrange, à part,
00:29:05qu'on pourrait peut-être appeler l'espace du fantasme masculin.
00:29:13Dans cet extrait et dans les suivants,
00:29:18la beauté de la femme peut être perçue comme ayant un certain pouvoir,
00:29:23celui d'attirer le regard.
00:29:28C'est ce qu'on nous a toujours dit.
00:29:33Pour être puissante, une femme doit être belle.
00:29:38Il faut entraîner les femmes vers la féminité.
00:29:43Qu'entend-elle par cette expression ?
00:29:48Il faut les entraîner vers l'impuissance.
00:29:53Et par quel stratagème ?
00:29:58Par le glamour.
00:30:09Pour moi, le glamour, c'est un faux-semblant, un voile,
00:30:14une sorte de leurre qui veut dissimuler cette impuissance.
00:30:38La capacité d'action d'une femme est toujours limitée,
00:30:43en ce sens qu'elle doit rester avant tout un objet de regard.
00:30:48Quelle que soit son action à l'écran,
00:30:53il est très important de s'assurer que la femme a une esthétique
00:30:58et une apparence qui ont un attrait sexuel pour un regard masculin hétéro.
00:31:08J'essaie de foutre n'importe quoi.
00:31:13Elle savait mieux.
00:31:18Elle savait que tu étais un animal.
00:31:23Je pensais qu'il parlait de toi.
00:31:28Il était là-bas hier.
00:31:33Je pensais que c'était un gros mec.
00:31:38Tu as la peau moche.
00:31:50Comment tu penses ?
00:31:53Comme d'habitude, on a les hommes entre eux dans un espace tridimensionnel
00:31:58et ils parlent d'une femme.
00:32:01Il y a un fragment de ses jambes à elle au ralenti.
00:32:06Toujours les mêmes vieilles recettes.
00:32:11Un élément de la scène m'interpelle et j'aimerais le décortiquer.
00:32:16Il s'agit du traitement du son.
00:32:21Quand on regarde la scène, on remarque que Robert de Niro regarde Vicky,
00:32:26qui est loin d'eux.
00:32:31Mais peut-être pas.
00:32:36Nous avons fait des recherches sur la façon dont la scène a été tournée
00:32:41pour établir les distances entre les personnages.
00:32:46Voici Robert de Niro avec son ami d'un côté de la piscine.
00:32:51Vicky, elle, se trouve bien plus loin.
00:32:56Est-ce pour cette raison qu'on ne l'entend pas parler ?
00:33:01Mais comment se fait-il alors que les deux autres types,
00:33:06qui sont assis juste à côté de Vicky, sont parfaitement audibles ?
00:33:11Pourtant, ils sont à égale distance de Robert de Niro que Vicky.
00:33:16On est en présence de quelque chose dont on n'est absolument pas conscient
00:33:21quand on regarde le film et qui s'infiltre dans notre conscience
00:33:26de façon subconsciente.
00:33:31C'est peut-être pour cette raison que lorsqu'une jeune femme se présente
00:33:36pour pitcher son film à un décideur homme,
00:33:41il n'y a pas d'inquiétude.
00:33:46Il est évident que l'objectification des femmes a un impact
00:33:51sur les méthodes de recrutement.
00:33:56Nous avons tous été exposés à des médias qui présentent les femmes de cette façon.
00:34:01Et de ce fait, nous l'avons intégrée dans notre perception
00:34:06La femme est traitée avant tout en fonction de sa valeur sexuelle,
00:34:11de son attrait physique.
00:34:16Et tout cela se retrouve également dans le monde du travail.
00:34:21Le problème, c'est que le showbiz ne lutte jamais
00:34:26contre la discrimination en matière d'emploi.
00:34:31Les 250 plus grands succès du cinéma ont été réalisés par des femmes en 1998.
00:34:36On descend même à 8% en 2018.
00:34:41Voir les femmes fréquenter les écoles de cinéma à parité avec les hommes
00:34:46fait plaisir à tout le monde tant qu'elles injectent de l'argent dans le système.
00:34:51Mais lorsqu'elles entrent dans le monde professionnel et qu'elles demandent au secteur de financer leurs projets,
00:34:56un élément clé de mon action, c'est l'article 7
00:35:01de la loi sur l'égalité des chances en matière d'emploi.
00:35:06De tous les secteurs d'activité aux Etats-Unis,
00:35:11Hollywood est celui qui a le plus en frein cet article.
00:35:16Il fait même pire que l'industrie minière.
00:35:21Oui, de fait, le tout premier film de fiction,
00:35:26la toute première utilisation du film pour raconter une histoire
00:35:31plutôt que de réaliser un documentaire sur un événement réel,
00:35:36met en scène une femme sujet, une femme protagoniste.
00:35:41C'est Alice Guy Blaché qui réalise, produit, écrit le film en 1896.
00:35:46Au début de Hollywood, à l'époque du muet,
00:35:51un nombre important de femmes travaillaient dans ce nouveau secteur.
00:35:56Elles disposaient d'un pouvoir considérable et d'une grande liberté artistique.
00:36:01C'était une période exceptionnelle pour les réalisatrices.
00:36:06The Red Kimono, de Dorothy Davenport,
00:36:11est l'intérieur du personnage principal qui est obligé de se prostituer.
00:36:24Quand le cinéma devient parlant, les coûts de production augmentent
00:36:29et on fait appel aux financiers de Wall Street.
00:36:34C'est ainsi que leur monde masculinisé va structurer Hollywood.
00:36:41Les femmes vont être écartées des positions de pouvoir artistique et créatif.
00:36:46Pendant 40 ans, seules deux femmes réaliseront des longs-métrages à Hollywood,
00:36:51Dorothy Osner et Ida Lupino.
00:37:11...
00:37:16...
00:37:21...
00:37:26...
00:37:31...
00:37:36...
00:37:41...
00:37:46Les femmes de Dorothy Osner savaient très bien s'autodéterminer.
00:37:51Malheureusement, Osner était une exception
00:37:56et la perspective masculine a continué à contrôler le cinéma pendant des décennies.
00:38:01Tout au long de son histoire, Hollywood a bien souvent fait en sorte
00:38:06que la réalisation des films reste un domaine réservé aux hommes.
00:38:11C'est ce qui s'est passé pendant de nombreuses années et qui se passe encore aujourd'hui.
00:38:16Quand je faisais mes études à l'école de cinéma,
00:38:21je ne me suis jamais dit que j'allais devenir réalisatrice.
00:38:26Je me voyais être monteuse, script ou tout autre poste
00:38:31que les femmes pouvaient occuper sur un film.
00:38:36À aucun moment pendant mes études, il ne m'est venu à l'esprit que je pourrais être réalisatrice.
00:38:56En tant que diplômée de l'AFI et de UCLA,
00:39:01la question du point de vue au cinéma avait une très grande importance pour moi.
00:39:06Lorsque j'ai commencé à travailler à la réalisation de mon film Daughters of the Dust,
00:39:11j'ai donc placé ma caméra dans un cercle féminin.
00:39:16Et de cette façon, j'ai pu réaliser une mise en scène
00:39:21qu'on n'avait encore jamais vue.
00:39:51J'ai mis tous ces mauvais souvenirs dans ce cercle et je les ai fermés là-bas.
00:39:56Je ne laisse rien dans ce cercle,
00:40:01ni personne à l'extérieur de ce cercle me dire qui je suis ou comment je devrais me sentir.
00:40:21Il nous a un peu relégués au second plan,
00:40:26en nous disant « bon boulot les filles, à la prochaine ».
00:40:31Par contre, tous les réalisateurs présents à cette édition ont tous connu une belle carrière après ça.
00:40:36J'aurais juré qu'au début du 21e siècle,
00:40:4150% des cinéastes seraient des femmes.
00:40:46On aurait eu une façon d'appréhender l'image et le genre complètement différente.
00:40:51Avec le recul, le peu de progrès réalisé semble tout simplement hallucinant.
00:40:56Quand je suis allée à Sundance avec mon premier film,
00:41:01je n'ai pu trouver ni agent ni distributeur.
00:41:06Des agents m'écrivaient pour voir le film,
00:41:11mais je n'arrivais pas à comprendre.
00:41:16Ce n'est pas pour moi, ce n'est pas ce que je cherche.
00:41:21On était en 2013, et en étudiant de plus près la liste de leurs clients,
00:41:26je me suis rendu compte qu'elles ne contenaient que des hommes.
00:41:31Ok, j'avais compris le message, c'était on ne peut plus clair.
00:41:36C'est pourquoi le directeur du festival a déclaré
00:41:41que nous sommes simplement à la recherche des meilleurs films.
00:41:46Cela n'a rien à voir avec le sexe des cinéastes.
00:41:51Avec tout le respect que je lui dois, son commentaire ne dénote pas
00:41:56d'une grande compréhension du concept de la diversité
00:42:02J'aime ce film, je m'identifie à ce film parce qu'il me parle.
00:42:07C'est ce qui nous permet de définir ce qui est un bon film ou non.
00:42:31Des mineurs, réalisé par Catherine Bigelow, est le premier film
00:42:36tourné par une femme à avoir remporté l'Oscar du meilleur réalisateur.
00:42:41Il parle d'hommes, met en scène des hommes, et on y voit des hommes
00:42:46en action au ralenti.
00:42:50Il est également intéressant de noter que tous les responsables
00:42:55techniques de ce film sont des hommes.
00:43:00Le genre joue un rôle important sur les plateaux de tournage.
00:43:05Les choses n'ont pas vraiment changé.
00:43:10On y trouve toujours une majorité d'hommes blancs, y compris dans
00:43:15mes propres productions que j'ai autofinancées.
00:43:20J'engageais un homme blanc et il n'engageait à son tour que des hommes blancs.
00:43:25Je veux communiquer avec toi pour avoir plus d'inclusivité.
00:43:30Étant donné que les chefs opérateurs sont à 95 % des hommes,
00:43:35il ne fait aucun doute que le male gaze est totalement normalisé dans notre société.
00:43:40Même lorsqu'une femme est la protagoniste d'un film,
00:43:45elle est souvent exploitée et réduite à l'état d'objet.
00:43:50Voici la scène d'ouverture qui nous présente Carrie,
00:43:55la protagoniste du film.
00:44:00Nous apprenons à connaître sa personne.
00:44:05Elle est nulle en sport.
00:44:10Elle est un peu un souffre-douleur.
00:44:15La scène suivante se déroule dans le vestiaire des filles.
00:44:20Ralenti.
00:44:25Lumière feutrée.
00:44:30Des femmes nues.
00:44:35Tout ça pendant que défilent les noms des collaborateurs masculins en surimpression.
00:44:40Ces images sont tout simplement hallucinantes.
00:44:45La dernière fois que je me suis retrouvée dans un vestiaire féminin,
00:44:50ça ne s'est pas du tout passé comme ça.
00:44:55Quand on étudie cette scène, on voit bien qu'il s'agit de prédation sexuelle.
00:45:00Pour ne pas se contenter de prendre les choses au pied de la lettre,
00:45:05il faut creuser un peu et se demander quel est le message qui se cache derrière ces images.
00:45:10On retrouve maintenant la jeune fille souffre-douleur,
00:45:15le sujet de l'histoire, dans une scène sans aucun rapport avec ce qui a précédé.
00:45:20Une de mes étudiantes m'a dit un jour,
00:45:25quand je suis seule sous la douche,
00:45:30je me demande de quoi j'ai l'air.
00:45:35On ne peut pas apprendre à connaître son propre corps
00:45:40en le voyant dans une perspective aussi bizarre que ça.
00:45:45J'ai vu plusieurs de ces scènes,
00:45:50et je les ai appréciées pour ce qu'elles étaient censées être,
00:45:56Ma première réaction a été de les appréhender de cette manière,
00:46:01parce que c'était le plus facile à faire.
00:46:06Il a fallu que je prenne la décision consciente de soulever le voile de ma perception.
00:46:11Et là, j'ai ressenti de la colère.
00:46:16Ça m'a également renvoyée à la manière dont ma mère m'a appris à percevoir mon corps,
00:46:21et je me suis rendue compte que c'est quelque chose qu'on veut m'inculquer en permanence.
00:46:35Quand je vois Scarlett Johansson jouer le rôle pourtant très actif de la veuve noire dans Avengers,
00:46:40j'ai tout de même l'impression que si les femmes n'ont jamais eu autant de pouvoir qu'en ce moment,
00:46:45elles sont toujours soumises à ce regard prédateur.
00:46:51Elle est présentée comme une femme forte,
00:46:56mais ça n'empêche pas les gros plans sur ses seins, ses fesses et tout le reste.
00:47:01Ces images agissent sur votre cerveau de manière subliminale et sous-entendue.
00:47:06Je crois que nous y sommes tous sensibles.
00:47:51Même dans Wonder Woman, réalisée par Patty Jenkins,
00:47:56on dirait que l'actrice marche comme un mannequin à un défilé de mode.
00:48:01C'est ridicule d'avoir toutes ces Wonder Women,
00:48:06qui sont des femmes puissantes et de leur donner le look de Barbie post-moderne.
00:48:11Si c'est la seule image qu'on nous donne à voir, on ne la remarque plus.
00:48:16Elle devient invisible, tout comme l'air est invisible.
00:48:21À partir de là, il n'y a rien d'étonnant à ce qu'une femme reproduise elle aussi ces stéréotypes,
00:48:26comme le font les hommes.
00:48:46Observez Bill Murray.
00:48:51On voit son visage.
00:48:56On devine ses sentiments.
00:49:01Il est dans un éclairage tridimensionnel.
00:49:06Il est en train de vivre une expérience humaine
00:49:11qui lui est propre.
00:49:16Tandis que l'actrice principale est présentée avec des sous-vêtements transparents,
00:49:21dans une lumière feutrée, son corps étant fragmenté.
00:49:26On pourrait même se demander si cette image ne représente pas en fait son visage.
00:49:31Scandal est un film intéressant,
00:49:36en ce sens que son propos est apparemment féministe.
00:49:41Il parle de journalistes victimes de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail
00:49:46qui ont gagné le procès qu'elles avaient intenté à Roger Ailes.
00:49:51Dans ce film, on ne voit qu'une seule scène de harcèlement sexuel à l'écran.
00:49:56Intéressons-nous à la construction de la scène.
00:50:27Arrête.
00:50:44Arrête.
00:50:57Arrête.
00:51:07Nul besoin de préciser que ce plan ne représente pas le point de vue de Kayla.
00:51:15N'est-ce pas ?
00:51:19Comment filmer cette scène pour transmettre ce que Margot ressent
00:51:23sans pour autant l'exploiter ou la réduire à l'état d'objet ?
00:51:27Est-ce que la scène n'aurait pas été plus pertinente
00:51:30si on s'était contenté de suggérer cet instant en restant sur le visage de l'actrice ?
00:51:35Ça aurait pu être une autre option.
00:51:38Ou encore filmer son regard sur le type, là regardé en train de le regarder.
00:51:43Il y avait bien d'autres façons de faire.
00:51:46Comme l'a dit Audrey Lord,
00:51:49on ne démolira jamais la maison du maître avec les outils du maître.
00:51:53On pourrait appliquer cette citation au regard masculin au cinéma.
00:51:57Quand on se sert des outils du maître,
00:52:00on renforce, reproduit, ravive l'objectification des femmes
00:52:06et ses problématiques.
00:52:10Voici un film réalisé par une femme qui a été qualifiée de féministe.
00:52:18Il aborde l'objectification de très jeunes filles.
00:52:27Le sujet de votre film a beau être l'objectification des femmes,
00:52:31et même de fillettes, dans le cas de Mignonne,
00:52:34vous n'êtes pas à l'abri de perpétuer une façon de filmer qui a tout du male gaze
00:52:38et qui se contente de le régurgiter,
00:52:41quand bien même vous êtes une réalisatrice.
00:52:54Il est important de rappeler que le male gaze posé sur les jeunes filles
00:52:58n'a rien d'un phénomène nouveau.
00:53:01La petite a fait partie de la sélection officielle du Festival de Cannes.
00:53:32Le renversement du désir vers des femmes très jeunes
00:53:36est omniprésent et généralisé.
00:53:39Ce que l'on montre est faux et dangereux.
00:54:02On le voit constamment dans les jugements rendus par les tribunaux en faveur du prédateur,
00:54:06en arguant que la relation était soi-disant consentie.
00:54:10Est-ce qu'une enfant de 13 ans sait seulement à quoi elle doit donner son consentement ?
00:54:32Il est difficile de trouver le moindre exemple
00:54:36où des garçons seraient filmés de cette manière.
00:54:40En fait, les garçons sont initiés dès le plus jeune âge au regard masculin.
00:55:02Le plan sur cette partie précise de l'anatomie féminine
00:55:06a toujours été prisé.
00:55:21Nous avons mis en place un plan de recherche
00:55:25qui s'applique à l'anatomie féminine.
00:55:29Nous avons bien évidemment de nombreuses stars masculines sexy.
00:55:33Comment sont-ils filmées ?
00:55:41Presque toujours de plein pied et au beau milieu d'une quelconque action.
00:55:58Dans Crazy Rich Asians,
00:56:01on a une scène où la femme jette un regard concupissant à son petit ami.
00:56:07Il faut noter que son corps à lui est plein cadre,
00:56:10et il passe à l'action.
00:56:16Ici, dans Roma d'Alfonso Cuaron,
00:56:19on a le cas rare d'un acteur masculin complètement nu.
00:56:23Pourtant, son corps est toujours cadré de plein pied,
00:56:26et il est en pleine action, de type militaire.
00:56:47Encore un autre exemple où l'objet du regard est ouvertement sexualisé.
00:56:51Il s'agit de strip-teaser dans un club réservé aux femmes.
00:56:56Pourtant, on ne voit aucune scène montrant des fragments de leur corps.
00:57:17Il existe une sorte de tabou à exposer le corps masculin en tant qu'objet du regard.
00:57:23Il doit donc en être protégé par sa force et son énergie.
00:57:33Quant à la protagoniste féminine,
00:57:36elle endosse le rôle de celle qui attire l'attention.
00:57:40Et c'est souvent le protagoniste masculin
00:57:43qui dirige la progression de l'histoire.
00:57:46Mais il contrôle aussi les autres, et la femme,
00:57:49en la soumettant à son bon vouloir et à sa détermination.
00:57:59C'est le cas de Roma d'Alfonso Cuaron,
00:58:02qui est un acteur masculin,
00:58:06mais qui est un acteur féminin.
00:58:20J'en reviens toujours à l'histoire de La Belle au bois dormant,
00:58:23le conte de fées de notre enfance.
00:58:28Le prince arrive au galop,
00:58:30arrache toutes les ronces
00:58:32et vient au chevet de La Belle au bois dormant.
00:59:03Quand vous regardez un film comme 16 bougies pour Sam,
00:59:06aujourd'hui, c'est effarant, il la saoule.
00:59:09C'est l'équivalent de la drogue du viol, en fait.
00:59:12On a tous été programmés à accepter ce genre de choses,
00:59:15et même encouragés à agir de la même façon.
00:59:33La position passive de l'objet
00:59:36est profondément codifiée comme étant féminine.
00:59:41La passivité de l'objet féminin la rend hautement sexuelle,
00:59:45à un point tel que, dans cette scène de After Hours,
00:59:49la femme est un acteur féminin.
00:59:53La femme est un acteur féminin,
00:59:56et la femme est un acteur féminin.
00:59:59A un point tel que, dans cette scène de After Hours,
01:00:03la femme objet passive et sexy est plus que passive.
01:00:06Elle est morte.
01:00:19Je suis morte, couchée dans un lit,
01:00:22et la caméra descend lentement le long de mon corps.
01:00:25Quand je vois ces images aujourd'hui,
01:00:28je me demande quand même pourquoi j'ai...
01:00:31Mais c'était la façon de faire à l'époque.
01:00:39Les histoires de très belles femmes inconscientes
01:00:42continuent d'exercer une certaine fascination.
01:00:51Quand j'étais plus jeune, je ne me rendais pas compte
01:00:54que j'avais été entraîné à objectifier les femmes.
01:00:58Mais après avoir assisté à cette conférence,
01:01:01j'ai découvert que quand une femme est l'objet
01:01:04et que nous la regardons en tant que telle,
01:01:07et il y a de nombreux exemples,
01:01:09ça nous fait croire qu'on n'a plus qu'à se servir.
01:01:12Et lorsque cette femme n'a pas de texte,
01:01:15comme dans le Raging Bull, par exemple,
01:01:18on n'a aucune idée de ce qu'elle ressent,
01:01:21de qui elle est en tant que personne.
01:01:24Je me sens autorisé à objectifier ces femmes,
01:01:27ce qu'elles ressentaient face à mes actions.
01:01:33Harry Dean Stanton se trouve
01:01:36dans un parfait éclairage tridimensionnel.
01:01:39Il a les yeux fermés.
01:01:41On entend la voix de Nastassia Kinski,
01:01:44mais on ne voit pas l'actrice,
01:01:46parce que la caméra reste sur lui.
01:01:49Lorsqu'il lève les yeux,
01:01:51on a la vision bidimensionnelle de la jeune femme.
01:01:57Si...
01:01:59Si tu veux parler de la merde,
01:02:02écoute-moi, d'accord ?
01:02:05Je suis une bonne écouteuse.
01:02:14Le regard qu'on pose sur les films évolue sans cesse,
01:02:17et il vient toujours un moment
01:02:19où nous réfléchissons autrement
01:02:21à l'impact que peut avoir un film.
01:02:23C'est la nostalgie qui est dangereuse.
01:02:27Par exemple, lorsque pris par la nostalgie,
01:02:30on décrète que tout le message d'un film est parfait.
01:02:33Pour moi, c'est là que les ennuis commencent.
01:02:57Spike Lee est le réalisateur de ce film,
01:03:00mais aussi le personnage principal et le sujet.
01:03:03Son contrôle sur la narration s'exerce à plusieurs niveaux.
01:03:26Reste là, pas un geste, ne bouge pas.
01:03:57Dans cet extrait, on a bien sûr la voix masculine
01:04:00qui décrit le corps de la femme,
01:04:02tandis qu'elle se tait.
01:04:04Mais il y a un autre élément très intéressant.
01:04:10Au début de la scène,
01:04:12Spike Lee essaie de convaincre la femme
01:04:15d'avoir des relations sexuelles avec lui.
01:04:18Elle est assez catégorique dans son refus.
01:04:21Mais quand on arrive à la fin de la scène,
01:04:24elle a décidé d'accepter,
01:04:26et elle semble très heureuse d'avoir dit oui.
01:04:33C'est une scène classique.
01:04:35Une femme dit non, l'homme insiste,
01:04:38et à la fin, elle est heureuse.
01:04:41Ça pourrait faire l'objet d'une conférence de 10 heures,
01:04:45et on pourrait l'illustrer d'innombrables exemples similaires
01:04:49où ce type de comportement est normalisé et même glorifié.
01:04:53Ce genre de scène a une grande part de responsabilité
01:04:57dans l'épidémie de violence et d'agression sexuelle.
01:05:13Le changement soudain du style musical
01:05:16nous indique clairement ce qu'on doit ressentir face à cette scène.
01:05:21La musique joue un rôle primordial dans les films,
01:05:24mais seuls 5% des compositeurs de musiques de films sont des femmes.
01:05:50...
01:06:11...
01:06:18365 jours a été l'un des films les plus visionnés sur Netflix en 2020.
01:06:24Il a même eu droit à deux suites.
01:06:41Excuse-moi, mademoiselle.
01:06:43...
01:07:03...
01:07:10...
01:07:30Ce genre de scène a certainement contribué
01:07:33au rassemblement d'étudiants de Yale devant le dortoir des femmes
01:07:37pour iscander ceci.
01:07:58Le problème avec les images d'agression sexuelle,
01:08:01de la culture du viol et de la représentation des femmes dans les films,
01:08:05c'est qu'ils normalisent ce type de comportement.
01:08:08Certains les assimilent et les considèrent alors comme étant normaux.
01:08:12Et ça a des répercussions sur la façon dont ils traitent les gens dans la vie réelle.
01:08:19Des recherches menées depuis des décennies
01:08:22ont montré qu'après avoir regardé des médias qui objectifient sexuellement les femmes,
01:08:26les hommes sont plus susceptibles de se livrer à du harcèlement et des violences sexuelles.
01:08:32Si dans les films, on a des systèmes de représentation
01:08:36qui assujettissent toujours les mêmes personnes,
01:08:39qui en font des objets du regard plutôt que des êtres autonomes,
01:08:44on a plus de chances de voir émerger une culture réceptive aux mythes sur le viol.
01:08:51Le protagoniste masculin est le sujet et jamais l'objet.
01:08:55Il est le héros qu'on admire.
01:08:57C'est un statut très difficile à déboulonner
01:09:00face à une femme qui raconte sa vérité et son histoire.
01:09:1380% des produits des médias de divertissement
01:09:16distribués dans le monde entier sont créés à Hollywood.
01:09:28Ces images proviennent d'un secteur
01:09:31qui s'est construit sur des inégalités de pouvoir,
01:09:34elles-mêmes sources de harcèlement et de violences sexuelles sur le lieu de travail.
01:09:38C'est un cycle sans fin.
01:09:44Les images de l'homme,
01:09:46les images de la femme,
01:09:48les images de l'homme,
01:09:50les images de la femme,
01:09:52les images de l'homme,
01:09:55les images de l'homme,
01:10:00L'une des personnes du studio a demandé à me rencontrer pour dîner.
01:10:07Il m'a annoncé, « tu pourrais jouer ce rôle et être la prochaine star ».
01:10:11Je me suis dit qu'il avait raison, je pourrais jouer ce personnage,
01:10:14je l'adore, elle est géniale.
01:10:16Et puis il m'a dit, « mais d'abord, tu dois faire ça ».
01:10:20Tout ce que je voulais, c'était rentrer chez moi.
01:10:23Si seulement je n'avais pas parlé à ce mec.
01:10:26Je ne voyais pas comment tout ça pouvait bien se terminer.
01:10:29Il ne faisait que parler pendant tout le trajet et il s'agitait de plus en plus au volant,
01:10:33tandis que je continuais à refuser poliment son offre.
01:10:37Puis il m'a dit, je te veux dans un jacuzzi, nu, avec moi.
01:10:41Tout de suite, là, maintenant.
01:10:44Après, j'ai voulu sortir de la voiture.
01:10:49Et là, il a tendu le bras pour me plaquer contre la vitre.
01:10:55Et il m'a immobilisée.
01:10:58Et là, il a dit, écoute, je peux t'aider ou je peux foutre ta vie en l'air.
01:11:09Grâce au mouvement Me Too, nous savons que 94% des femmes à Hollywood,
01:11:14qu'elles soient devant ou derrière la caméra,
01:11:17ont été victimes de harcèlement ou d'agressions sexuelles.
01:11:21À cause de la magie du cinéma, le public oublie que les acteurs font un travail
01:11:26et qu'ils sont des êtres humains.
01:11:31Les dirigeants du monde du cinéma sont longtemps partis du principe
01:11:35que le corps des acteurs et des actrices était leur terrain de jeu,
01:11:39que ce soit pour un rôle ou en dehors du rôle.
01:11:42S'ils disaient non, d'une manière ou d'une autre,
01:11:45ils étaient considérés comme des fauteurs de troubles
01:11:48et risquaient de se retrouver au chômage.
01:11:51Ils étaient en sursis.
01:12:13C'est le message que j'ai reçu en rentrant chez moi en 1989,
01:12:17quand j'ai découvert que le cinéma, c'était une chose que j'aimais,
01:12:21que j'aimais beaucoup, que j'aimais beaucoup,
01:12:24que j'aimais beaucoup, que j'aimais beaucoup,
01:12:27que j'aimais beaucoup, que j'aimais beaucoup,
01:12:30que j'aimais beaucoup, que j'aimais beaucoup,
01:12:33que j'aimais beaucoup, que j'aimais beaucoup,
01:12:36que j'aimais beaucoup, que j'aimais beaucoup,
01:12:39que j'aimais beaucoup, que j'aimais beaucoup.
01:12:42Après avoir refusé de jouer une scène de sexe
01:12:45qui ne figurait pas dans le scénario,
01:12:48et ça a mis fin à ma carrière d'actrice,
01:12:51exactement comme elle l'a dit.
01:12:54Je pense qu'il y aura toujours une dynamique de pouvoir
01:12:57entre les gens sur le plateau, qu'ils la verbalisent ou non.
01:13:00Je la ressens et j'en ai fait l'expérience.
01:13:03Je me suis trouvée dans des situations
01:13:06où le réalisateur est intervenu pour me dire
01:13:09bien, maintenant, mets-toi à genoux et fais une pipe à cet homme.
01:13:12Je n'avais pas donné mon consentement pour ce genre de choses.
01:13:15Il n'en avait pas parlé à mes agents ni à moi.
01:13:18Je me suis sentie comme un lapin pris dans les phares d'une voiture.
01:13:21L'équipe observait mes réactions.
01:13:24Est-ce que j'allais pleurer et le supplier
01:13:27de ne pas m'obliger à faire ce qu'il voulait ?
01:13:31Le problème ne se limite pas à Hollywood.
01:13:34Léa Seydoux, la star du film La vie d'Adèle,
01:13:37a déclaré que le grand nombre d'heures passées nues
01:13:40à tourner des scènes de sexe avaient été humiliantes
01:13:43et lui avaient donné la sensation d'être une prostituée.
01:13:48Le film a remporté la récompense suprême à Cannes.
01:13:54C'est peut-être pour cette raison que dans ses films suivants,
01:13:57le diptyque Mektoub Izmektoub, sélectionné au Festival de Venise,
01:14:00le réalisateur Abdelatif Keshich s'est senti autorisé
01:14:03à utiliser des méthodes encore plus coercitives sur le plateau.
01:14:10L'alcool aurait également coulé à flot
01:14:13dans le but de tourner des scènes de sexe non simulées.
01:14:20Ses réalisateurs prétendent avoir voulu obtenir une réaction authentique.
01:14:23Mais là, on n'est plus dans le domaine du jeu ou de l'art dramatique.
01:14:26On entre dans une zone où on fait le choix
01:14:29d'agresser quelqu'un au nom de l'art.
01:14:32Comment la culture du viol est-elle normalisée ?
01:14:39Par trois éléments clés que l'on voit à l'écran et dans la vie.
01:14:44Le premier est l'objectification du corps des femmes.
01:14:47Le deuxième est l'objectification de l'âme.
01:14:50Le troisième est l'objectification du corps des femmes.
01:14:53Le deuxième est la glorification des agressions sexuelles,
01:14:56en particulier au cinéma.
01:15:05Et le troisième est le mépris des droits et de la sécurité des femmes.
01:15:08Même quand personne ne pose la main sur quelqu'un d'autre.
01:15:11Tous ces éléments créent un environnement
01:15:14qui permet à un groupe de gagner du pouvoir sur un autre
01:15:17et de le conserver.
01:15:47Je suis allée au Beverly Hills Hotel.
01:16:00Il portait un peignoir blanc
01:16:03et voulait que je...
01:16:06Je voyais son pénis dépasser de son peignoir
01:16:09et il voulait que je lui fasse un massage.
01:16:12J'ai dit non, je vais vous trouver une masseuse.
01:16:15Je lui ai demandé comment je fais pour me tirer d'ici.
01:16:18Et là, il m'a dit que je faisais une très grosse erreur.
01:16:21J'ai répondu, je ne serai jamais ce genre de fille.
01:16:37Le mouvement Me Too a révélé haut et fort
01:16:40ce que beaucoup d'entre nous avions vécu en secret.
01:16:46Dans mes propres films de fiction,
01:16:49j'ai souvent essayé d'exprimer ce que l'on ressent réellement
01:16:52lorsqu'on est un objet sexualisé.
01:17:16Magdalena Viraga est mon premier long-métrage.
01:17:19Je l'ai réalisé à l'école de cinéma de UCLA.
01:17:29L'actrice Tinka Menkes est ma soeur,
01:17:32ma collaboratrice de longue date,
01:17:35et elle joue le rôle principal.
01:17:39C'est l'un des cinq films que nous avons tournés ensemble.
01:17:47Ici, elle joue une prostituée très distante.
01:18:09Les problèmes dont nous parlons ne se limitent pas
01:18:12aux images que nous voyons dans les films.
01:18:15Ils ne sont pas uniquement le fait de la personne
01:18:18qui se trouve derrière la caméra,
01:18:21mais plus largement de ce qui décide
01:18:24de ce qui va être vu.
01:18:32Les décideurs sont en majeure partie des hommes.
01:18:35Les films qui sortent dans le monde entier
01:18:38sont soigneusement sélectionnés par un regard masculin.
01:18:51Même dans un film dystopique comme celui-ci,
01:18:54on retrouve l'éternelle configuration.
01:18:57Sujet masculin, objet féminin sexualisé.
01:19:05On a vraiment l'impression que le langage visuel
01:19:08cinématographique qui nous entoure de toutes parts
01:19:11correspond au langage de base de la culture du viol.
01:19:23D'ailleurs, le personnage principal féminin du film,
01:19:26interprété par Ana de Armas, s'appelle Joy.
01:19:29Mais notez qu'il s'écrit J-O-I.
01:19:33Dans le monde du porno, c'est l'acronyme
01:19:36de Jerk of Instructions.
01:19:43Imaginez ce que ressentent les femmes
01:19:46lorsqu'elles vont voir ce film et qu'elles apprennent
01:19:49qu'il est nommé plusieurs fois aux Oscars.
01:19:55C'est un cycle épouvantable.
01:19:58Hollywood assimile ce que la population a de toxique,
01:20:01puis la nourrit à son tour, ce qui énergise
01:20:04et fait revivre cette toxicité.
01:20:07C'est un cercle de violence sans fin.
01:20:11Tout est lié.
01:20:21Le corps de la femme est un lieu de lutte.
01:20:24C'était l'un des principes fondamentaux du féminisme.
01:20:28Mais ce principe s'est modifié
01:20:31quand on s'est rendu compte que l'image du corps féminin
01:20:34était également un lieu de lutte.
01:20:38Cette image n'a rien à voir avec les femmes.
01:20:41Elle est le produit de la conscience masculine
01:20:44qui se l'est appropriée.
01:20:48Nous savons que toutes ces techniques sont utilisées sciemment.
01:20:51Nous ne savons pas si ces décisions sont prises
01:20:54à un niveau conscient ou subconscient,
01:20:57mais elles sont délibérées.
01:21:00Quelqu'un a pris la décision de filmer une personne
01:21:03de cette manière.
01:21:10On constate également que les techniques d'objectification
01:21:13dont nous avons parlé,
01:21:16peuvent parfois être vues dans d'autres contextes
01:21:19qui s'avèrent très révélateurs.
01:21:25Par exemple, dans Le silence des agneaux,
01:21:28le personnage de Buffalo Bill,
01:21:31le tueur aux lunettes infrarouges,
01:21:34occupe la place de l'homme
01:21:37et Jodie Foster est l'objet de son regard.
01:21:42Mais lorsqu'il se transforme en femme,
01:21:45il occupe la place de la femme
01:21:48et il est filmé comme tel.
01:21:54Pour moi, la scène avec Buffalo Bill,
01:21:57c'est une scène de quasi-déformation de soi,
01:22:00dans le but de soutenir le regard de l'homme blanc
01:22:03derrière la caméra.
01:22:06Là, j'ai vu apparaître le sexisme et la misogynie
01:22:09intériorisés et réunis dans ce personnage,
01:22:12mais aussi envers les trans et les autres personnes
01:22:15qui ne correspondent pas à la norme.
01:22:18J'ai revu la scène et j'ai pensé à tous les traumatismes
01:22:21qu'elle a pu causer.
01:22:26Je vais maintenant vous montrer un film
01:22:29qui n'est pas un grand film.
01:22:32Au contraire, on pourrait franchement le qualifier de navet.
01:22:35Roger Ebert, le célèbre critique de cinéma,
01:22:38l'a qualifié de purge raciste
01:22:41mais une scène de ce film est tout à fait pertinente
01:22:44pour notre analyse.
01:22:47On a une femme blanche, propriétaire de plantations
01:22:50et elle fait venir un esclave noir dans sa chambre.
01:22:57Elle lui dit que s'il ne couche pas avec elle,
01:23:00elle l'accusera de viol, ce qui représenterait
01:23:03une condamnation à mort pour lui.
01:23:06En gros, elle le viole.
01:23:12La caméra fait un panoramique sur des fragments du corps.
01:23:20Notez qui porte des vêtements et qui se fait déshabiller.
01:23:42La femme est aux commandes à plusieurs niveaux.
01:24:01Enfin, on a droit à un long panoramique sexy
01:24:04sur le corps.
01:24:12Si j'ai voulu vous montrer cet extrait,
01:24:15aussi horripilant soit-il,
01:24:18c'est parce que je trouve qu'il est l'exception
01:24:21qui confirme la règle.
01:24:24Dans toutes ces scènes dont nous avons parlé,
01:24:27il ne s'agit en fait pas de sexe,
01:24:30mais de pouvoir.
01:24:33Et une personne qu'on filme de cette manière
01:24:36n'a pas de pouvoir.
01:24:40L'exemple de Mandingo illustre bien la théorie
01:24:43selon laquelle la conception des plans au cinéma
01:24:46perpétue systématiquement les dynamiques de pouvoir
01:24:49qui existent dans notre société.
01:24:52Dans ce film, on voit les mêmes panoramiques
01:24:55sur son corps, les mêmes fragments de son corps.
01:24:58La véritable nature du sujet dont on parle,
01:25:01c'est le pouvoir, ainsi que la marchandisation
01:25:04du corps et la relation de pouvoir entre les corps.
01:25:10Pour paraphraser Foucault,
01:25:13il existe des réseaux d'idéologies.
01:25:16Ils sont tous imbriqués les uns dans les autres
01:25:19et renforcent une certaine vision du monde
01:25:22dont on peut se sentir exclu.
01:25:25Il faut beaucoup de force pour dire
01:25:28« Je ne vois pas les choses de cette manière
01:25:31et je vais créer quelque chose de différent. »
01:25:40Les prédateurs sexuels du film
01:25:43d'Anna-Lili Amirpour tombent sur une vengeresse
01:25:46pour le moins inattendue.
01:25:50On dit souvent que si on se débarrassait
01:25:53de tous les prédateurs sexuels,
01:25:56ce serait la fin du secteur cinématographique.
01:25:59« Ah ouais, ce serait bien de faire table rase ! »
01:26:02Et après, les gens se marrent.
01:26:05« Ah ah, c'est la fin du cinématographique ! »
01:26:08« Ah ouais, c'est la fin du cinématographique ! »
01:26:11« Ah ouais, c'est la fin du cinématographique ! »
01:26:14« Ah ouais, c'est la fin du cinématographique ! »
01:26:17Et après, les gens se marrent.
01:26:20« Mais putain, qu'on la fasse, cette table rase ! »
01:26:23Vous devez construire votre propre maison
01:26:26avec vos propres outils.
01:26:29Vos outils, ce sont votre créativité,
01:26:32votre travail,
01:26:35votre éthique professionnelle
01:26:38et votre capacité à produire en allant au-delà
01:26:41de ce qu'une autre personne revendiquerait.
01:26:48Les femmes cinéastes dépeignent souvent leurs personnages
01:26:51comme des sujets à part entière,
01:26:54animés de désirs intenses qui leur sont propres.
01:26:57Dans « Watermelon Woman » de Cheryl Dunye,
01:27:00le gros plan est tellement serré
01:27:03qu'on a l'impression de vivre cette scène
01:27:06et il nous est impossible de la regarder
01:27:09de manière traditionnelle.
01:27:12Dans « Watermelon Woman » de Cheryl Dunye,
01:27:15le gros plan est tellement serré
01:27:18qu'on a l'impression de vivre cette scène
01:27:21et il nous est impossible de la regarder
01:27:24de manière traditionnelle.
01:27:37Il ne fait aucun doute que les scènes de sexe
01:27:40ont de tout temps été filmées avec le regard de l'homme
01:27:43dans le but de s'approprier et d'objectifier
01:27:46le corps de la femme.
01:27:49Si nous, les femmes, reproduisons ce regard,
01:27:52c'est clairement par manque d'imagination.
01:27:55Nous seuls pouvons combler ce manque.
01:28:01Dans cette scène, Gus Van Sant filme
01:28:04les corps masculins et féminins de manière très égale.
01:28:10Van Sant a peut-être été influencé
01:28:13par le film d'Agnès Varda intitulé « Le Bonheur ».
01:28:23Dans mon film « Phantom Love »,
01:28:26la scène de sexe cherche à se concentrer
01:28:29sur l'expérience psychique intérieure de la femme.
01:28:33Dans mon film « Phantom Love »,
01:28:36la scène de sexe cherche à se concentrer
01:28:39sur l'expérience psychique intérieure de la femme.
01:29:03Les fans de Tarkovsky remarqueront mon hommage.
01:29:22Je pense au poème de Gwendolyn Brooks
01:29:25qui dit « Et pourtant, je conserve mon apparence
01:29:28et mon identité ».
01:29:31Pour elle, chaque corps a un don propre.
01:29:34Et qu'il soit dans un état de dégradation
01:29:37ou d'exaltation,
01:29:40il conservera toujours sa qualité humaine intrinsèque.
01:29:47Dans « Quand nous étions sorcières »,
01:29:50Nitschka Keen se concentre
01:29:53sur la vie intérieure de ses personnages.
01:30:02Les gens ont souvent envie
01:30:05de se libérer de tout ce qui s'accumule inconsciemment
01:30:08dans leur esprit.
01:30:11Nos émotions sont toutes enfouies quelque part,
01:30:14cachées même.
01:30:17La colère, la tristesse
01:30:20ou l'insatisfaction,
01:30:23toutes ces émotions sont comme les ingrédients
01:30:26qui mijotent dans le plat que vous préparez.
01:30:30Vous hachez, vous cuisinez,
01:30:33vous faites tout ça
01:30:36et vous espérez que le résultat final sera bon.
01:30:39Il s'agit donc de transformer
01:30:42une matière première
01:30:45qui déborde d'énergie créatrice.
01:30:59C'est ce qu'il y a de mieux.
01:31:29Des générations entières de cinéastes femmes
01:31:32ont réalisé des films sur la colère féminine.
01:31:35On a donc une histoire,
01:31:38un héritage derrière nous.
01:31:41Mais aujourd'hui, on sent quelque chose de très différent
01:31:44dans le climat social et politique
01:31:47des médias grands publics.
01:31:50C'est un moment unique
01:31:53pour les réalisatrices
01:31:56qui souhaitent s'attaquer à ces questions.
01:32:26Lorsqu'il s'agit d'argent
01:32:29et d'égalité des chances,
01:32:32rien ne peut changer
01:32:35si on ne provoque pas le changement.
01:32:38J'ai pu porter le problème devant l'Union américaine
01:32:41pour les libertés civiles
01:32:44qui a commencé sa campagne
01:32:47pour les femmes réalisatrices
01:32:50en 2009.
01:32:53Ainsi que devant la Commission sur l'égalité des chances
01:32:56en matière d'emploi
01:32:59qui, elle, a commencé son enquête en 2015.
01:33:02J'ai voulu m'attaquer au portefeuille des studios
01:33:05pour violation de l'article 7,
01:33:08c'est-à-dire la loi sur l'égalité des chances
01:33:11en matière d'emploi.
01:33:14Nous sommes à présent en 2021
01:33:17et nous commençons donc à voir les résultats de cette action.
01:33:23S'il y a bien un signe de véritable changement,
01:33:26ce sont les deux Oscars du meilleur film
01:33:29et du meilleur réalisateur,
01:33:32remportés pour la première fois par une femme non-blanche,
01:33:35Chloé Zhao.
01:33:41Son film présente le point de vue
01:33:44d'une femme d'une soixantaine d'années.
01:33:48À quoi ressemble le désir lorsqu'on ne l'aborde pas
01:33:51en termes de sujet et d'objet ?
01:33:54Je pense que nous sommes dans un processus de découverte,
01:33:57tout comme nous sommes, chacun et chacune,
01:34:00dans un processus de découverte dans nos vies.
01:34:05Aujourd'hui, en tant que cinéaste non-binaire,
01:34:08je me pose les mêmes questions que vous me posez.
01:34:11Vous placez ma caméra ?
01:34:15Qui est-ce que je regarde ?
01:34:18Est-ce que je montre ce qu'est le sentiment d'être regardé ?
01:34:21Est-ce que je montre le sentiment de voir pendant qu'on me regarde ?
01:34:24Quel est le parcours de l'héroïne ?
01:34:31Portrait de la jeune fille en feu
01:34:34traite de la question du sujet et de l'objet,
01:34:37mais dans une configuration où deux femmes
01:34:40partagent le même désir l'une pour l'autre.
01:34:44Je n'aimerais pas être à votre place.
01:34:48Mais nous sommes à la même place.
01:34:51Exactement à la même place.
01:34:54Venez ici.
01:34:57Venez.
01:35:07Approchez-vous.
01:35:14Regardez.
01:35:18Si vous me regardez,
01:35:21qui je regarde, moi ?
01:35:27Le film pose la question suivante.
01:35:30Qu'est-ce qu'un sujet ? Qu'est-ce qu'un objet ?
01:35:33Et comment l'objet parvient à devenir un sujet
01:35:36par la découverte de sa propre subjectivité ?
01:35:39Et ça, ça change la dynamique du pouvoir.
01:35:45Quand je travaillais avec Tinka dans mes films,
01:35:48elle brisait souvent le quatrième mur.
01:35:51Elle regardait la caméra
01:35:54pour revendiquer sa propre perception subjective.
01:35:57D'elle-même,
01:36:00c'est la première fois
01:36:03que j'ai vu la caméra.
01:36:06C'est la première fois
01:36:09que j'ai vu la caméra.
01:36:12D'elle-même et du monde.
01:36:42C'est la première fois que j'ai vu la caméra.
01:36:45D'elle-même et du monde.
01:37:12C'est la première fois que j'ai vu la caméra.
01:37:15D'elle-même et du monde.
01:37:42...
01:38:05Qu'on soit un homme hétéro,
01:38:08une femme ou quoi que ce soit
01:38:11entre les deux ou sur les côtés,
01:38:14la question est la même.
01:38:17Comment je vis vraiment le désir ?
01:38:20Comment je vis ma journée ?
01:38:23On nous a appris ce qu'était le temps,
01:38:26le sexe, un homme, une femme.
01:38:29On nous a enseigné toutes ces choses
01:38:32et si on se contente de les accepter,
01:38:35on est pris au piège de la conscience collective
01:38:39...
01:38:42Que se passe-t-il
01:38:45quand on essaie de s'écouter soi-même ?
01:38:48Quand on essaie de se mettre délicatement
01:38:51et tranquillement en accord
01:38:54avec ce qu'on vit réellement ?
01:38:57Imaginez alors de voir l'expression
01:39:00véritable de cette expérience
01:39:03traduite dans un plan de cinéma.
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