Viva la Vulva

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"Viva la Vulva" est un documentaire réalisé par Gabriele Schweiger qui explore l'histoire culturelle et la perception du sexe féminin. Voici les principaux points à retenir sur ce film :

Le documentaire examine comment la vulve a été représentée et perçue à travers l'histoire, l'art, la religion et la science

.
Il aborde les tabous, les préjugés et les contradictions entourant le sexe féminin dans différentes sociétés et cultures
.
Le film traite de sujets tels que le tabou des règles, les mythes autour de l'hymen et de la virginité, l'excision, et la nymphoplastie (chirurgie des petites lèvres)
.
"Viva la Vulva" interroge la condition des femmes sous l'angle de l'image et de la perception de leur corps
.
Le documentaire explore également les nouveaux tabous et diktats esthétiques relatifs aux organes génitaux féminins à l'ère de la révolution sexuelle et du féminisme contemporain
.
Il met en lumière la façon dont la représentation et la dissimulation de la vulve dans l'art reflètent le contrôle exercé par les sociétés sur la sexualité féminine
.
Le film a été produit par Nikolaus Geyrhalter Filmproduktion GmbH pour ARTE France et ORF (Österreichischer Rundfunk)

.

Ce documentaire offre ainsi une réflexion approfondie sur la place du sexe féminin dans notre société, mêlant perspectives historiques, culturelles et contemporaines.

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00:00...
00:26Honeypot.
00:28Yoni.
00:29Vagin.
00:31Chat.
00:32Cousse.
00:34Elle est boa et bonita.
00:37Papaya.
00:39Secret garden.
00:41Love taco.
00:43Cunt.
00:46Fotse.
00:47Muse.
00:49Kirschen.
00:51Lustgrotte.
00:52Coussoumac.
00:53La reconcha de tu puta madre.
00:57Conchuda.
01:23La vulve.
01:26Le diable en avait peur.
01:29...
01:40Dans beaucoup de langues, le pire mot qu'on puisse utiliser désigne les parties génitales féminines.
01:46Il y a quelques exceptions.
01:48En espagnol, coño est l'un des mots les plus positifs qui existent.
01:52Mon expression préférée, c'est celle où il est question d'une bouche pleine de cons.
01:56Ce qui veut dire que vous avez de la chance.
01:59Mais en général, tout cela revient à une diabolisation et à une dévalorisation du sexe féminin.
02:06...
02:16Il y a trois insultes en français.
02:18Merde, putain et con.
02:20On dit ce type-là est un con.
02:22Un con, c'est un terme qu'on utilise peu, mais qui, en fait, c'est le sexe d'une femme.
02:27Un con.
02:28Et c'est quand même très intéressant de voir que l'insulte la plus utilisée dans la langue française, c'est le sexe féminin.
02:34Et d'ailleurs, c'est assez drôle, parce que l'autre jour, je voyais une sage-femme dessiner une vulve.
02:41Et ça m'interrogeait quand même, parce que je me dis, elle en voit toute la journée.
02:45Et ce n'était pas exactement ça, quand même.
02:47Donc je me dis, c'est vraiment quelque chose qui n'est pas vraiment représenté dans notre environnement culturel.
02:55...
02:58D'ailleurs, on va parler de forme phallique à propos d'un objet.
03:00On va dire, tiens, ce micro est de forme phallique.
03:03En revanche, le terme forme vulvaire, je ne sais pas, qui pourrait référer à l'ovale, je ne sais pas, un ballon de rugby.
03:09On ne va pas dire, tiens, ce ballon de rugby a une forme vulvaire.
03:12Non, on ne va pas le dire.
03:13Ça ne fait pas partie de nos expressions pour désigner un objet.
03:16...
03:19J'ai grandi avec l'utilisation du terme vagin, mais anatomiquement parlant, il n'est pas correct.
03:24En réalité, le plus souvent, c'est de la vulve dont on parle, la partie visible.
03:28Vu de l'extérieur, le vagin, ce n'est que le trou.
03:31C'est le conduit qui relie les parties externes aux parties internes, le col de l'utérus, l'utérus et tout le reste.
03:38Avec ce terme, l'organe génital externe féminin devient invisible dans le langage.
03:43Comme il n'y a pas de mots pour en parler, on n'y pense pas.
03:46...
03:52Chaque mythologie regorge d'histoires dans lesquelles exposer une vulve peut sauver l'univers.
03:58Il y en a une dans l'hymne numérique à Déméter, dans la mythologie grecque, mais aussi dans la mythologie japonaise.
04:05La déesse solaire, violée par son frère, refuse de monter dans le ciel pour briller.
04:11Alors les céréales dépérissent dans les champs et l'humanité est menacée de famine.
04:16Le seul moyen acceptable pour la déesse de retourner dans le ciel est de voir une autre déesse montrer sa vulve.
04:22Cela la fait rire et du coup, elle remonte dans le ciel, recommence à briller et sauve ainsi l'humanité.
04:29On retrouve cette histoire dans toutes les mythologies, c'est vraiment incroyable.
04:34Comment le fait d'exposer sa vulve peut-il sauver le monde ?
04:38Eh bien, tout simplement parce que c'est par là que naît la vie.
04:42...
05:00Dans l'hindouisme, on raconte l'histoire de la déesse Durga.
05:04Elle surgit alors que les dieux sont incapables de vaincre les démons.
05:09Pour les sauver, Durga aspire en quelque sorte toutes les autres déesses par sa vulve.
05:15Elle devient ainsi la déesse Kali, qui parvient à vaincre les démons grâce à cette force féminine unifiée.
05:22...
05:30Quand les britanniques arrivent en Inde, ils sont choqués par ces histoires, en particulier par la déesse Kali.
05:37Non seulement elle est nue, mais en plus elle vit ouvertement sa sexualité.
05:42Elle est assise sur Shiva en plein acte sexuel.
05:45...
05:51On a alors tenté de renverser la situation.
05:54Kali tire la langue, qui symbolise la vulve, mais certains ont préféré y voir une forme de honte parce qu'elle est assise sur son époux.
06:02...
06:16Le vagin est souvent associé à des fantasmes de viol, notamment dans l'expression vulgaire « nique ta mère ».
06:24C'est une insulte qu'on entend même chez les plus jeunes. C'est vraiment très fréquent.
06:32Dans la rue, des enfants de 4, 5 ou 6 ans disent ce genre de choses.
06:37...
06:55J'ai grandi dans une famille très traditionnelle.
06:59Les filles turques devaient se comporter selon des règles strictes, si ce n'était pas pour des raisons religieuses, au moins pour des raisons culturelles.
07:09Beaucoup de choses m'étaient interdites parce qu'elles étaient « ayib ».
07:14« Ayib » est un mot très important en Turquie. Il fait référence à la pudeur.
07:20Par exemple, s'asseoir les jambes écartées ou croisées est « ayib ».
07:26Ou encore, le fait de porter un décolleté trop profond est « ayib ».
07:30Et c'est très souvent lié au physique.
07:32...
07:41Selon moi, les garçons n'ont pas cette pudeur. Bien au contraire, ils sont fiers de leur pénis et jouent sans arrêt avec.
07:49...
07:56Au sein de la famille traditionnelle musulmane, le pénis est célébré.
08:01Par exemple, lors de la circoncision, les enfants musulmans sont circoncis, de même que les enfants juifs.
08:09À ce moment-là, le pénis est au premier plan. Et il est même au centre d'une grande fête.
08:15...
08:24Dans toutes les sociétés musulmanes, du Maroc à l'Indonésie, la sexualité est un immense tabou et sous contrôle.
08:34Cela a un impact sur la population qui sur-sexualise tout.
08:40Le quotidien en particulier est sexualisé.
08:43On veille à ce que homme et femme soient séparés car on croit qu'aussitôt qu'ils se rapprochent, le diable s'en mêle.
08:49Entraînant immédiatement des rapports jugés sexuels.
08:54On exerce alors un contrôle permanent sur les sexes en les séparant.
09:00On assiste à un apartheid sexuel extrême.
09:04Et ce contrôle sur la sexualité prive les gens d'une partie de leur liberté.
09:09...
09:26Ce qui frappe tout particulièrement chez la Vierge Marie, c'est son iconographie marquée par de nombreuses caractéristiques propres aux anciennes déesses.
09:35Notamment la forme vulvaire.
09:37Quand on regarde cette magnifique Marie derrière nous, on voit très clairement qu'elle s'inscrit dans une forme qui évoque la vulve.
09:45La mandorle est un ancien symbole de la vulve, tout comme la mande, d'ailleurs considérée comme aphrodisiaque.
09:51...
10:11Le dégoût du corps relayé par le christianisme est très proche de la diabolisation des anciennes divinités.
10:17Tout comme de nombreux traits du diable renvoient à d'anciennes divinités, aussi bien masculines que féminines.
10:25...
10:29La nudité et la pilosité sont caractéristiques des anciennes divinités.
10:34Le contrôle de la fécondité joue également un rôle.
10:37...
10:39Comme on ne savait pas d'où viennent les bébés, maîtriser la fécondité et la sexualité des femmes permettait de réguler les naissances, ce qui était très important à l'époque.
10:50...
10:59Chose fascinante, au 11e et au 12e siècle, dans les églises romanes, des sculptures exhibant leur partie génitale apparaissent.
11:09On se demande bien ce que des figures féminines avec des sexes énormes peuvent faire là.
11:14Ma théorie préférée, c'est qu'il s'agit d'une forme de syncrétisme.
11:19D'anciennes divinités se sont invitées dans les représentations chrétiennes pour unir le paganisme à l'église,
11:25afin que les gens restent en contact avec elles.
11:29...
11:32En Irlande, elles ont été enlevées des églises et placées dans les catacombes du musée national à Dublin, pour éviter que le grand public puisse les voir.
11:42Un ami y est allé et il m'a dit qu'on les avait habillées pour que même là, on ne puisse pas voir leurs vulves.
11:49Même dans les catacombes d'un musée, il ne fallait pas que leurs vulves soient exposées aux yeux de tous.
11:56...
12:03La sexualité est sans doute la chose la plus naturelle au monde.
12:07Et elle a évolué au cours des siècles.
12:10Mais elle a toujours été l'expression de ce que la société nous autorise ou pas.
12:13...
12:26Il existe à l'évidence une peur très profondément ancrée du désir féminin.
12:33Que se passerait-il si soudainement le désir de la femme se déchaînait ?
12:38C'est quelque chose que les hommes redoutent et qui leur fait peur.
12:41...
12:45Il n'y a pas si longtemps, la femme devait se montrer passive et faire preuve d'une certaine réserve.
12:50Le mieux étant qu'elle soit asexuelle, à moins que son mari n'exprime l'envie de faire l'amour avec elle.
12:55Le désir et la sexualité de la femme étaient totalement conditionnés.
13:00Une femme trop sensuelle aux yeux des hommes était axée de nymphomane.
13:04Et la femme sans désir, de frigide.
13:07Le désir féminin, c'est l'autonomie. Et donc le pouvoir.
13:12...
13:16Les femmes d'aujourd'hui ont beaucoup plus de liberté,
13:20mais elles doivent toujours se soumettre à une multitude de normes et de contraintes.
13:25On en revient toujours à la même chose.
13:28Quand les femmes ont un comportement sexuel trop actif,
13:32elles peuvent très vite être traitées de salopes et accusées d'être vulgaires.
13:37A l'inverse, elles peuvent être considérées comme coincées et prudes.
13:44De nos jours encore, elles marchent sur un fil en permanence.
13:49On peut très vite les faire basculer dans un abîme de honte et d'humiliation.
13:54...
14:01A chaque organe génital, son rôle de genre.
14:04Le sexe féminin permet d'expliquer pourquoi la femme doit s'acquitter de certaines tâches.
14:10Le pénis, c'est le sceptre avec lequel on règne sur le monde. C'est d'ailleurs absurde.
14:16Pour certains, dont Aristote, l'homme est animé d'un feu intérieur
14:20qui lui permet d'avoir des organes génitaux qui ressortent.
14:23La femme, elle, n'a pas ce feu intérieur. L'embryon femelle est frigide.
14:28Voilà pourquoi le sexe féminin est resté à l'intérieur du corps.
14:31Cela expliquerait aussi pourquoi l'homme a plus de force et de pouvoir au niveau de l'état.
14:37Et ce sont des scientifiques qui ont dit ça. Ils étaient tous d'accord là-dessus.
14:42La science a également affirmé que le cerveau des femmes ne leur permettait pas de voter.
14:47Dès qu'il s'agit de faire une petite croix, geste on ne peut plus compliquer,
14:51les risques de folie augmentent de 25%, chiffre à l'appui.
14:54On pensait que les femmes risquaient à tout moment de perdre les pédales et qu'il fallait les protéger.
15:10Attention, pas celles de la classe ouvrière. Celles-là pouvaient bien s'acquitter des corvées pénibles.
15:25La féminité était considérée comme quelque chose de très fragile.
15:30Des meubles ont été conçus pour que les femmes puissent s'écrouler dessus.
15:34Sans parler du mythe des évanouissements à répétition.
15:37Aujourd'hui c'est fini, mais autrefois, même les scientifiques y croyaient.
15:41Certaines femmes ne se séparaient jamais de leur flacon qui renfermait des selles, c'était la norme.
15:48Si j'avais vécu à cette époque, moi aussi j'aurais eu toutes les raisons d'être aboudnère.
15:52Je me serais évanouie à force de frustration et de désœuvrement.
15:57Dans le Ziguinchor, ma région d'origine dans le sud du Sénégal, 94% des jeunes filles sont excisés.
16:28On pratique aussi l'infibulation, qui consiste à tout refermer hormis un étroit passage pour les règles.
16:51Chaque communauté vous donnera de bonnes raisons de mutiler les jeunes filles.
16:55Certaines vous diront que c'est pour l'hygiène, que sans l'excision vous n'êtes pas propre, vous sentez mauvais.
17:03D'autres vous diront que si les filles ne sont pas excisées, si elles ont encore un clitoris, elles courront après les hommes et voudront sans arrêt faire l'amour.
17:13D'autres encore affirment que sans excision on ne peut pas prier Dieu, parce qu'on porte quelque chose qui n'est pas halal.
17:19La plupart des mères prennent la décision d'exciser leurs filles pour des raisons sociales, pour qu'elles appartiennent à la communauté.
17:30Si vous n'êtes pas excisé, les habitants de votre village vous traitent comme une bête.
17:37Vous ne pouvez pas vous marier, parce qu'un homme n'osera jamais amener dans sa famille une femme qui n'est pas excisée.
17:45Les gens croiront que vous allez leur porter malheur, et en cas de cérémonie vous ne serez pas invité.
17:53Vous ne pouvez pas serrer la main des aînés, c'est très dur.
18:00À notre arrivée, une cinquantaine de petites filles se trouvaient dans le jardin.
18:05Il y avait des jeux, des chants et de la danse cet après-midi là.
18:08Le lendemain, nos rires se sont transformés en cris et en pleurs.
18:17Je me souviens de toute la scène.
18:20Comment oublier ça ?
18:23Comment oublier la sensation du couteau, de la lame à l'endroit le plus sensible de mon corps, sans anesthésie ?
18:39Je me souviens du visage de ma mère qui me demandait de ne pas pleurer.
18:44C'est la règle dans ma famille.
18:47Je me souviens à quel point la femme était forte.
18:51Elle a saisi mes deux mains, m'a assise sur un grand bol, et je me souviens du sang sur mes jambes.
18:58Je ne comprenais pas vraiment ce qu'ils me faisaient.
19:02Vous essayez de vous défendre, et quand vous vous réveillez, vous êtes sous le choc.
19:08Vous voulez juste hurler, moins à cause de la douleur que du choc.
19:13Et puis le lendemain, quand vous voulez aller aux toilettes pour uriner, vous sentez à quel point c'est douloureux.
19:19Là, vous découvrez qu'ils vous ont fait quelque chose.
19:32J'ai décidé d'utiliser ma musique pour sensibiliser les jeunes.
19:37Je vais aussi dans les écoles, et ça marche, parce que les jeunes qui entendent aujourd'hui mon message protégeront leurs enfants demain.
19:46Ils savent qu'on leur dit la vérité.
19:49Beaucoup d'hommes qui s'efforcent de défendre la pratique des mutilations génitales,
19:54affirment que c'est pour une question d'hygiène.
19:57En général, je leur explique que lorsqu'on excise une femme, c'est comme si on coupait un doigt.
20:03Alors que lorsqu'on circoncie un homme, c'est comme si on lui coupait le bout de l'ongle.
20:08Je leur dis, imaginez si on vous coupait le pénis entier.
20:12Vous verriez si c'est vraiment une question d'hygiène.
20:14Il faut que les gens comprennent que le clitoris est un organe à part entière, pas seulement un bout de peau.
20:44En 1900, on s'imaginait que le sexe féminin était passif, et que le sexe masculin était actif.
21:02Freud avait la conviction que le pénis était l'organe sexuel actif.
21:07Il pensait en revanche que le clitoris était aussi un organe actif, et donc masculin.
21:14Mais il ne connaissait que l'extrémité du clitoris.
21:18Alors il affirmait que pour qu'une femme éprouve le véritable plaisir sexuel,
21:23elle devait transférer la zone érotique du clitoris au vagin.
21:28Donc, pour être réellement une femme et connaître une vraie sexualité féminine,
21:32elle ne devait avoir que des orgasmes vaginaux.
21:34Pourtant, les orgasmes vaginaux sont aussi des orgasmes clitoridiens.
21:39La seule différence, c'est que le clitoris est stimulé autrement.
21:43D'un côté comme de l'autre, tout vient du clitoris. Il n'y a pas d'orgasme sans clitoris.
21:52Historiquement parlant, les branches du clitoris avaient déjà été découvertes.
21:58Dès le XVIe siècle, on avait identifié les trompes de Fallop, les tubutérins, en disséquant des corps humains.
22:09Les branches du clitoris avaient bel et bien été observées et décrites.
22:13Elles n'en sont pas moins restées ignorées. Pour prendre quelque chose en compte, il faut pouvoir l'expliquer.
22:20Si on part du principe que la femme n'a qu'un trou, on ne peut concevoir que le clitoris ait une quelconque importance.
22:27Ce qui est intéressant dans ce modèle 3D, c'est qu'il n'a pas été spécialement utilisé dans les séances d'éducation sexuelle.
22:38D'ailleurs, les séances d'éducation sexuelle en France ne sont pas toutes respectées.
22:42Il y a un quota horaire qui n'est pas respecté, c'est un autre problème.
22:45Il y avait eu un article avec des témoignages de profs de SVT, de biologie,
22:50dont un qui disait « j'ai 40 ans, j'ai des enfants, je ne savais pas que le clitoris était comme ça ».
22:55C'est assez intéressant parce qu'on se rendait compte que ceux qui étaient chargés d'enseigner l'anatomie aux enfants,
23:02au collège, eux-mêmes n'avaient pas forcément connaissance de cette anatomie-là,
23:07ils n'avaient pas forcément connaissance de la forme interne du clitoris.
23:10Sartje Bartman est arrivée en Europe vers les années 1800.
23:14C'était une prostituée originaire d'Afrique du Sud.
23:17Elle a été exhibée dans ce qu'on pourrait appeler des zoos humains.
23:21Les gens s'intéressaient surtout à sa vulve et à ses fesses.
23:24La particularité de sa vulve, c'est qu'elle était pourvue de petites lèvres rouges.
23:29Elles n'avaient pas besoin d'avoir des cheveux longs.
23:32Elles n'avaient pas besoin d'avoir des cheveux longs.
23:35Elles n'avaient pas besoin d'avoir des cheveux longs.
23:37La particularité de sa vulve, c'est qu'elle était pourvue de petites lèvres très longues.
23:41Elle est morte assez jeune, dans des circonstances tragiques.
23:48Georges Cuvier, le chirurgien de Napoléon, était présent,
23:52et il l'a aussitôt disséquée pour tenter de trouver le chaînon manquant
23:56entre le singe et l'homme moderne civilisé.
23:59Il a affirmé que c'était la femme noire.
24:02Selon lui, le vagin et la vulve permettaient de voir
24:06que les lèvres s'étaient atrophiées au cours de l'évolution.
24:10Plus elles étaient petites, plus le désir sexuel devait être limité.
24:15De ce fait, les femmes noires étaient toujours consentantes
24:18et il était impossible de les violer.
24:20Ces théories sont extrêmement racistes.
24:22De leur côté, les femmes blanches et civilisées étaient frigides
24:26et donc plus désirables.
24:27En clair, les femmes qui ne ressentent pas de désir sont les plus désirables.
24:31J'ai trouvé des brochures de cliniques de chirurgie esthétique
24:35qui proposent des nymphoplasties.
24:37Elles montrent des dessins de la vulve de Sartia Bartman.
24:40Pour décrire son anatomie, on utilisait le charmant terme
24:44de tablier autantôt.
24:46Et puis on a décidé que ce type de vulve n'était pas assez joli
24:50et qu'il fallait le rectifier.
24:52C'est tout à fait fascinant.
24:54Subitement, il y a des normes pour dire à quoi doit ressembler
24:57une normale.
25:28On fait comprendre aux femmes qu'il y a un problème avec leur sexe.
25:31Dès le plus jeune âge.
25:33Et donc finalement, rien ne doit dépasser.
25:35Donc les petites lèvres qui se mettent à pousser au moment de la puberté,
25:39très tôt on leur apprend que normalement, il ne faudrait pas
25:41que ça dépasse trop.
25:43Donc pour ça, on a mis en place des chirurgies esthétiques réparatrices
25:47comme la nymphoplastie qui consiste à découper au laser en général.
25:51Avant c'était au scalpel, mais maintenant c'est au laser
25:53qui consiste à découper au laser les petites lèvres qui dépassent.
25:57Pour finalement avoir un sexe de petite fille, quand on y réfléchit bien,
26:00c'est quand même ça l'intérêt, puisque c'est avoir un sexe de fille
26:04qui n'est pas encore pubère.
26:20Avant, on se posait un peu moins de questions.
26:21Par rapport à l'esthétique de notre chat.
26:23C'est-à-dire pour savoir à quoi on ressemblait, il fallait prendre un miroir.
26:27C'était quelque chose d'assez contraignant.
26:29C'est une démarche qu'on ne faisait pas toutes.
26:31Il y a une banalisation aussi de l'épilation intégrale.
26:33Donc si on enlève les poils, on voit aussi un petit peu mieux ce qui se passe.
26:36Et là on se dit, mon Dieu, est-ce que ma vulve est belle ?
26:39Et ce qui est assez intéressant, c'est que c'est une question
26:41qu'on ne se posait pas forcément avant.
26:43C'est une question que ne se posait pas la génération précédente.
26:45Est-ce que j'ai une belle vulve ? Est-ce que j'ai une vulve conforme ?
26:47Conforme par rapport à qui ?
26:48On n'allait pas regarder la chatte de la voisine.
26:51Donc il y avait finalement très peu d'éléments de comparaison.
26:55Parlons des standards de beauté, ou plutôt de physique.
26:59On ne peut pas vraiment parler de beauté parce que qu'est-ce que la beauté ?
27:02Comment la mesure-t-on ?
27:04Ce qu'on définit comme beau aujourd'hui influence de plus en plus nos vies.
27:08La génération de ma fille y est encore plus exposée que la mienne.
27:19Nous n'avons pas eu l'habitude d'être entourées d'autant d'images de femmes
27:23qui sont beaucoup plus belles que nous,
27:25parce que tout simplement, elles ont été très retouchées.
27:28Nous ne sommes pas armées pour nous comparer en permanence à d'autres.
27:32Nous n'avons pas été préparées psychologiquement à ça.
27:39Certains sondages anglais m'ont bouleversée.
27:42L'un d'eux demandait à des femmes,
27:44si elles préféraient mourir avant l'heure ou prendre du poids.
27:48Un large pourcentage a dit préférer mourir plus tôt.
27:52Deux ans plus tôt.
27:55Un autre sondage demandait si elles aimeraient mieux être renversées par un camion
27:59ou prendre du poids.
28:02Et là encore, c'est le camion qui remporte.
28:08Une enseignante en a parlé avec ses étudiantes,
28:10qui ont demandé si c'était un gros camion
28:13et si elle risquait de graves blessures.
28:17C'est l'idée qu'il faut être plus mince pour rester compétitive,
28:20parce que nous sommes jugés sur notre physique.
28:41La sensation que j'ai, moi, c'est qu'on vit un simulacre de libération sexuelle.
28:47C'est-à-dire qu'on a l'illusion de vivre dans une société sexuellement libérée,
28:51parce que le sexe est omniprésent dans notre environnement culturel.
28:55Il est partout. Il est dans la publicité, il est à la télévision,
28:58il est dans le métro, il est sur Internet, il est absolument partout.
29:03C'est-à-dire que nous sommes entourés de clichés,
29:05nous sommes entourés de nouvelles injonctions en matière de sexualité.
29:11C'est-à-dire qu'on ne nous encourage pas à prendre notre propre plaisir,
29:15à nous assumer dans notre corps de femmes, avec ses défauts, ses qualités.
29:20On nous demande de correspondre à des normes.
29:27Aujourd'hui, on constate qu'il y a une grosse proportion des jeunes femmes
29:31qui, avant même d'être sexuellement actives, s'épilent intégralement.
29:36Ce qui fait que l'épilation intégrale n'est plus un fantasme
29:39ou quelque chose d'intégré dans leur sexualité,
29:41non, quelque chose qui les excite.
29:43Si ça les excite, tant mieux.
29:45Non, en fait, le problème, c'est que c'est intégré comme une nouvelle norme hygiénique.
29:48Elles doivent correspondre à ça.
29:50Parce que leur sexe est impur, que leur sexe est sale,
29:53et que les poils, c'est sale, ça retient les odeurs
29:55et tout ce qu'on raconte habituellement.
30:02L'épilation intégrale
30:14Intéressant aussi, quand même, dans la représentation du sexe féminin,
30:19en général, dans le porno, c'est l'absence de fluide.
30:23Moi, c'est quelque chose qui me perturbe beaucoup.
30:26C'est-à-dire que le sperme, c'est un fluide qui est omniprésent dans le porno,
30:29dans les éjaculations faciales, ou même ce qu'on appelle les boukakés,
30:32qui sont une sorte de gangbang avec des hommes
30:34qui éjaculent tous à 20, 30 sur une femme.
30:37Donc, le sperme est omniprésent.
30:40En revanche, tout ce qui sort du sexe de la femme est complètement absent.
30:47Tout ce qui sort de ce trou-là est toujours maléfique.
31:06Le sang menstruel reste un problème.
31:09C'est-à-dire qu'il n'y a pas d'oxygène,
31:12le sang menstruel reste tabou.
31:15On ne doit ni le voir, ni le sentir.
31:18On vient juste d'avoir la toute première publicité pour des serviettes hygiéniques
31:22avec du liquide rouge à la place de l'habituel liquide bleu,
31:26le fameux liquide bleu avec lequel on a toutes grandi.
31:29Complètement absurde, non ?
31:42L'hymen est un mythe.
31:45L'idée qu'il y ait un morceau de peau comme un pan de film plastique
31:49tendu devant le vagin n'a aucun sens.
31:52Si c'était le cas, les règles ne pourraient pas s'écouler
31:56et les femmes mourraient intoxiquées.
31:58C'est tout simplement impossible.
32:00Il y a effectivement des plis de peau qui sont très élastiques.
32:03Du coup, on s'imagine que la première fois,
32:05il doit y avoir du liquide rouge à la place de l'habituel.
32:07Mais s'il y a du sang, et c'est quelque chose qui peut arriver,
32:10c'est parce qu'il y a eu une lésion.
32:13Ce n'est en aucun cas une obligation.
32:15On peut très bien ne pas saigner du tout.
32:18Il y a aussi ces fameuses opérations de revirginisation
32:22qui ne consistent d'ailleurs pas à reconstruire l'hymen.
32:25En réalité, les chirurgiens rendent le vagin plus étroit
32:29pour qu'il y ait une déchirure et que la femme saigne.
32:32C'est ce qu'on appelle l'hymen.
32:34Pour qu'il y ait une déchirure et que la femme saigne.
32:37Rien de plus.
32:39Il n'existe pas de test de virginité.
32:42On insère un, deux ou trois doigts
32:45pour voir si le vagin est élastique ou pas.
32:48C'est une pratique tout sauf scientifique
32:51à laquelle on a encore recours aujourd'hui.
33:05Il existe une anecdote charmante sur le sujet.
33:08Le voyage de noces est aussi appelé l'hume de miel.
33:11Cela vient d'une coutume qui veut que le marié
33:14applique du miel sur les lèvres de la mariée
33:17et vienne ensuite le lécher.
33:19Le miel est un produit très sain aux propriétés antibactériennes.
33:22Mais là, il sert aussi à lécher.
33:25C'est un produit très sain.
33:28C'est un produit très sain.
33:31C'est un produit très sain.
33:34Il sert aussi à ce que la mariée soit suffisamment lubrifiée
33:37pour ne pas saigner la première fois.
33:45On peut penser que la révolution sexuelle
33:48et la libération de la femme il y a 50 ans
33:51c'était une bonne chose et que depuis tout va super bien.
33:54Mais la libération sexuelle s'est accompagnée
33:57de nouvelles normes et de nouvelles contraintes
34:00ainsi que d'une sexualisation insidieuse de la femme.
34:02Aujourd'hui, on fait croire aux femmes
34:05que leur sexualisation et leur propre asservissement
34:08sont le summum de l'émancipation.
34:11Même le film porno de base véhicule le message suivant
34:14elle veut et fait ce qu'il veut.
34:17Dans les films X, on ne voit pas de femmes dire
34:20arrête, un peu plus à droite, un peu plus à gauche.
34:23La femme semble adorer absolument tout ce que fait l'homme
34:26quelle que soit l'humiliation et la violence qu'elle subit.
34:29Ce qu'on constate également
34:32c'est que le porno chic est omniprésent
34:35avec toutes les images qu'il véhicule.
34:38Beaucoup de jeunes femmes ont recours à l'augmentation mammaire
34:41et se font raser intégralement.
34:45Un autre phénomène récurrent qu'il faut souligner
34:48c'est que les jeunes ont tendance de plus en plus
34:51à reproduire des scènes porno
34:54et attendent trop de leurs partenaires.
34:56Je repense à cette jeune fille par exemple
34:59qui lors d'un premier rapport avec son petit copain
35:02s'était fait éjaculer sur le visage.
35:06Elle avait honte et elle m'a avoué avoir trouvé ça dégoûtant
35:09mais sans oser le dire à son petite amie.
35:12Elle m'a demandé si c'était normal
35:15et c'est bien la question, qu'est-ce qui est normal aujourd'hui ?
35:18Sur ce point, la pornographie joue un rôle énorme.
35:26Dans le porno, tout tourne autour de la même chorégraphie
35:29qui va être fellation, vaginale, anal, éjaculation faciale.
35:32Ça fait une boucle.
35:35Fellation, vaginale, anal, éjaculation faciale.
35:38C'est un peu le tour du propriétaire finalement.
35:42Après qu'elles pratiquent l'éjaculation faciale
35:45ça leur fait plaisir, pas de problème.
35:48Le problème c'est que je constate qu'elles ne sont pas libres
35:51sur tous les points.
35:53Le problème c'est pas que ça leur fasse découvrir de nouvelles pratiques.
35:56Ok, peut-être, tant mieux, peut-être que ça les excitera
35:59que ça leur servira dans leur vie d'adulte.
36:02Le problème c'est que ça risque de les appauvrir
36:05dans leur fantasme futur.
36:11C'est-à-dire qu'on est passé d'une situation
36:14où la sexualité était terrible
36:17et qu'on n'avait pas le droit d'en parler
36:19c'est-à-dire qu'on est passé d'une situation
36:22où la sexualité était taboue, où les choses étaient interdites
36:25par exemple, je donne un exemple, la fellation était taboue,
36:28il ne fallait pas la pratiquer, à une obligation de pratiquer.
36:32Donc par exemple, la fellation qui était taboue
36:35aujourd'hui elle est devenue obligatoire.
36:38C'est-à-dire qu'on est passé sans transition de choses qui étaient interdites
36:41parce que notre moral leur éprouvait ça, à une obligation
36:44de tout essayer en matière de sexualité, d'avoir une sexualité très libérée.
36:46On a cet espace de libération qu'on aurait pu attraper,
36:49ce moment, cet entre-deux entre l'interdiction à l'obligation,
36:52cet entre-deux où on avait juste le choix de faire vraiment
36:55ce qu'on voulait sexuellement, il nous a échappé.
36:59Ce qui m'a beaucoup étonnée lors des entretiens
37:02c'est de constater à quel point l'image de soi
37:05et le comportement des femmes peuvent être divergents.
37:08La plupart des femmes me disent qu'elles sont sûres d'elles,
37:11sexuellement indépendantes et très libérées.
37:13Mais en réalité, dans leur sexualité,
37:16elles se conforment aux normes en vigueur.
37:19Beaucoup m'ont raconté leur préparation à la fellation.
37:22Elles regardent des films X en guise de formation
37:25pour pouvoir livrer la meilleure performance possible
37:28et que ce soit parfait.
37:31J'ai demandé si la réciproque était vraie
37:34et on m'a répondu non, je n'aime pas ça,
37:37je n'ai pas envie que mon partenaire me donne du plaisir oralement.
37:39Alors j'ai demandé pourquoi, c'est intéressant,
37:42qu'est-ce qui vous bloque ?
37:45Et le plus souvent, on m'a répondu
37:48je n'aime pas particulièrement mon sexe,
37:51si ça se trouve, il n'est pas très beau,
37:54il ne sent pas très bon ou alors il a un drôle de goût.
37:57Ça m'interroge.
38:00Il n'y a pas vraiment de parité en la matière.
38:03C'est comme si l'accès des femmes à leur propre plaisir
38:06était bloqué,
38:09ou inhibé par l'opinion des hommes.
38:24J'aide les femmes à sortir de certaines situations
38:27et à changer de vie.
38:30Le plus souvent, il s'agit de femmes mariées de force
38:33ou qui ont peur d'être assassinées.
38:39J'ai été sensibilisée au mariage forcé très tôt.
38:42Dans ma famille,
38:45nombreux sont mes cousins et mes cousines
38:48à avoir été mariées de force.
38:51Dès mon enfance et mon adolescence,
38:54j'ai été confrontée à des cas de crime d'honneur
38:57ou à la crainte des atteintes à l'honneur
39:00et la peur d'être tuée à cause de ça.
39:03Ce sont des affaires sur lesquelles
39:06je me suis penchée en tant que conseillère
39:09et en tant qu'advocate.
39:28Le 25 septembre 1984,
39:31un homme s'est présenté dans mon cabinet
39:34et a ouvert le feu.
39:36J'ai été très gravement blessée.
39:39Une balle s'est logée dans mon cou.
39:44Cette attaque visait le droit
39:47à l'autodétermination des femmes.
39:50Elle a été perpétrée par un groupe de conservateurs turcs
39:53qui ne souhaitaient pas
39:56que nous ouvrions les yeux aux femmes.
39:59Ce sont leurs propres termes.
40:02Ils ne voulaient pas que les femmes ouvrent les yeux,
40:04qu'elles s'insurgent contre leurs maris,
40:07la société, le patriarcat.
40:10Ils ne voulaient pas que nous leur apprenions à lire
40:13et à écrire pour qu'elles puissent vivre
40:16de manière autonome et autodéterminée.
40:25Dans le monde musulman,
40:28beaucoup de femmes et d'hommes
40:31peuvent être décrites comme féministes.
40:34Mais nous ne pouvons pas être féministes
40:37en se disant que ce mépris,
40:40cette haine contre les femmes
40:43est l'un de nos problèmes majeurs.
40:46Il faut le régler.
40:49Ce qui provoque dans ce que nous faisons ici,
40:52ce n'est pas que des femmes enseignent l'islam,
40:55mais c'est le fait que nous le fassions
40:58devant un groupe composé d'hommes et de femmes.
41:01Nous provoquons parce qu'une femme
41:04n'a pas le droit d'être féministe.
41:07En vérité, ce qui est choquant,
41:10ce n'est pas que des femmes en sachent plus que les hommes
41:13et puissent leur apprendre quelque chose.
41:16Ce qui est choquant,
41:19c'est que nos détracteurs continuent à nous écrire
41:22pour nous dire qu'un homme ne peut se concentrer sur la religion
41:25si une femme se trouve près de lui.
41:28En clair, même le moment de la prière et du sermon est sexualisé.
41:31Ce qui provoque, c'est la sexualité.
41:34C'est la sexualité.
41:42Pour moi, les pays musulmans doivent passer
41:45par la même révolution sexuelle qu'en Occident.
41:48C'est le seul moyen d'arriver
41:51à la démocratisation de la société.
41:54Cela doit passer par la révolution sexuelle.
42:05C'est pour ça que, sur les questions de féminisme,
42:08c'est le corps qui m'intéresse en premier.
42:11C'est par là que, pour moi, la prise de conscience est passée.
42:14Je me suis rendue compte qu'il y avait un problème
42:17avec le fait d'avoir un corps de femme.
42:20Pas juste d'être femme sur sa carte d'identité,
42:23mais d'avoir un corps de femme.
42:26Je me suis rendue compte qu'il y avait un problème
42:29avec le fait d'avoir un corps de femme.
42:31Pas juste d'être femme sur sa carte d'identité,
42:34mais d'avoir un corps de femme.
42:37J'ai pris l'habitude, comme toutes les femmes,
42:40de développer des stratégies de survie.
42:47Ne pas rentrer seule le soir, faire attention,
42:50ne pas me retrouver seule avec un garçon si je n'avais pas confiance,
42:53ne pas boire en présence de garçons,
42:56parce que si je suis saoule et que je suis toute seule,
42:58ne pas prendre le métro tard le soir.
43:01Toute une succession de situations
43:04où on développe des stratégies de survie,
43:07parce qu'on sait qu'être une femme,
43:10le simple fait d'avoir un corps de femme,
43:13nous met potentiellement en danger.
43:21On a quand même une spécificité française
43:24qui est la galanterie.
43:26La galanterie est la culture de l'amour.
43:29Cette pseudo-galanterie et cette pseudo-culture
43:32de l'amour et de la séduction, c'est un argument
43:35qui a été fort brandi durant tous les débats
43:38qui ont entouré Me Too.
43:41C'est quand même pas compliqué à comprendre.
43:44On leur demande juste de ne pas nous agresser.
43:47C'est quand même fou.
43:50S'il vous plaît, on est souvent agressés,
43:53prenez acte de ça.
43:56On va plus pouvoir adresser la parole aux femmes
43:59si elles vous prétendent qu'on les agresse.
44:02Il y a eu un autre truc que j'ai trouvé insupportable.
44:05Tous les hommes ont dit qu'ils n'étaient pas comme ça.
44:08Bravo, on va te donner un cookie, une médaille.
44:11Tu n'as pas violé de femme, c'est bien.
44:14Tu vas avoir un cookie en récompense.
44:17Je suis très contente pour toi.
44:20Mais c'est quand même fou quand on dénonce une violence
44:23que la première action, au lieu de se dire
44:26heureusement que tu n'es pas comme ça.
44:29Bravo.
44:39La drague n'est pas remise en question.
44:42Personne ne veut vivre dans un monde
44:45où la drague n'existerait plus.
44:48Flirter, c'est quelque chose de formidable.
44:51Par contre, on ne veut plus, et on ne doit plus
44:53flirter après jour.
45:01Les violences sexuelles ou sexistes,
45:04ce n'est pas un problème de femmes.
45:07C'est un problème masculin dont souffrent les femmes.
45:12Ce qui m'agace, c'est l'automatisme des réactions
45:15face à certains débordements.
45:18Un exemple, une jeune fille qui a envoyé
45:20une photo d'elle dénudée à son petit ami.
45:23Ou une vidéo assez intime.
45:27Cette vidéo et cette photo font le tour de la classe.
45:30Et très vite, elles sont relayées sur WhatsApp
45:33et envoyées à de nombreux garçons et filles.
45:36Le lendemain, la jeune fille arrive à l'école.
45:39Elle est ostracisée, humiliée et moquée.
45:43J'en ai parlé à des adultes,
45:46et leur réaction est souvent la suivante.
45:48Comment a-t-elle pu être assez stupide
45:51pour lui envoyer une photo d'elle nue ?
45:54C'est lui qui commet l'erreur,
45:57et la faute retombe sur la fille. C'est systématique.
46:00On se focalise sur ce que la fille a fait de travers,
46:03et non sur celui qui a commis la véritable erreur.
46:07Ce qui est intéressant, c'est que de telles histoires
46:10ne marchent pas avec les hommes.
46:13Ça n'intéresse personne que les photos d'un homme nu circulent.
46:15Je ne me touche jamais sur une humiliation.
46:35Quand j'ai commencé à parler de l'excision dans ma communauté,
46:38les gens ont cru que j'étais folle.
46:41Ils me demandaient « Mais de quoi parles-tu, Fatou ?
46:43Il n'y a rien de plus normal. »
46:46Je me réjouis de voir que de nombreuses communautés
46:49arrêtent les excisions et les infibulations.
46:52Le Sénégal est exemplaire en la matière.
46:55Des milliers de communautés sénégalaises
46:58se sont engagées et ont officiellement cessé
47:01d'exciser les jeunes filles.
47:04Les communautés veillent aussi à ce que les filles
47:07ne soient pas mariées avant l'âge de 18 ans.
47:10Le changement arrive.
47:13Et ça, c'est une bonne nouvelle.
47:16Quand j'ai écrit mon livre, d'un seul coup,
47:19j'ai eu l'impression de voir des vulves partout dans la ville.
47:22Évidemment, j'avais l'habitude de me dire devant chaque clocher d'église
47:25« Tiens, un clocher phallique ! »
47:28Et c'est vrai, puisqu'ils ont été construits pour ça.
47:31Mais je ne m'étais jamais rendue compte à quel point
47:34les symboles de vulves sont omniprésents dans l'architecture.
47:37Je me suis laissée porter par cette vague.
47:40Depuis peu, le mot « vulve » est de plus en plus utilisé
47:43dans tous les journaux dans lesquels le mot « vulve » est employé.
47:46J'écoute des émissions à la radio, les gens utilisent ce terme.
47:49Quelque chose a changé.
47:52Pas seulement à cause de mon livre,
47:55mais il a sûrement un peu contribué à intégrer ce mot
47:58dans les conversations, ainsi que dans nos réflexions.
48:01Pourquoi ne pourrions-nous pas nous habiller comme nous le souhaitons ?
48:04Nous vêtir de manière plus décontractée l'été,
48:07quand il fait chaud.
48:10Pourquoi devrions-nous avoir peur du regard des hommes ?
48:13Et nous contrôler lorsque nous allons dans des pays musulmans ?
48:16Je ne comprends pas que des femmes politiques portent un foulard
48:19quand elles se rendent en Iran, au lieu de protester contre cet usage.
48:23Pourquoi ne nous insurgeons-nous pas en disant
48:26« Je me fiche que tu me regardes ».
48:29Porter un débardeur à fine bretelle,
48:32sans soutien-gorge,
48:35ne fait pas de moi une putain.
48:38C'est toi le malade qui me fixe dans la rue
48:40et qui s'excite tout en me considérant comme une mauvaise femme,
48:43mais qui enferme son épouse chez lui,
48:46comme si c'était sa propriété.
48:49Est-elle consentante ou pas ?
48:52C'est une question qui est plutôt simple.
48:55Est-ce que tu consens à ce que je fasse circuler ta photo sur Internet ?
48:58Est-ce que tu consens à ce rapport sexuel ?
49:01Est-ce que tu consens à ce que je te touche ?
49:04Est-ce que tu consens à ce que je te prenne dans mes bras ?
49:07Est-ce que tu consens à ce que je te fasse cette épisiotomie ?
49:10Est-ce que tu consens à cette relation ?
49:13C'est quand même une question qui est hyper simple,
49:16mais qui est au cœur de tout, le consentement.
49:19Tant que les filles grandiront avec l'idée
49:22que leur corps est une marchandise
49:25et leur sexualité une monnaie,
49:28nous n'aurons pas les bonnes cartes en main.
49:31Actuellement, de nombreuses femmes et jeunes filles
49:34confondent sexualisation et pouvoir.
49:37Et ce pouvoir disparaît très vite lorsque l'autre vous dit
49:40qu'il n'y a pas de pouvoir.
49:43Ce qu'il faut absolument comprendre, à mon avis,
49:46c'est qu'il est très important de présenter la féminité
49:49comme quelque chose de positif.
49:52Il faut que notre société arrive à faire en sorte
49:55que les filles et les femmes
49:58prennent possession de leur corps de manière positive,
50:01qu'elles le célèbrent et qu'elles l'aiment.
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