En 2020, dans le sillon du livre-témoignage de l'ancienne patineuse Sarah Abitbol « Un si long silence » (Plon) , la vague « Metoo » déferle sur le monde du sport. Viols, agressions sexuelles, racisme, homophobie... La parole se libère et touche presque toutes les disciplines. Pour comprendre les faits et les mécanismes qui y ont conduit, le groupe « Ecologiste » à l'assemblée a créé une commission d'enquête parlementaire. Entre juin et décembre 2023, les trente députés qui la composaient ont mené 90 auditions. Des victimes comme Sarah Abitbol, des responsables de fédérations, des ministres, des présidents d'associations ont témoigné sous serment.
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00:00Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans ce nouveau numéro des Grands Débats de la chaîne parlementaire.
00:17Nous allons nous intéresser à la question des dysfonctionnements et des défaillances dans le milieu du sport
00:23et en particulier au sein des fédérations sportives.
00:26Nous allons nous plonger dans le travail d'une commission d'enquête parlementaire sur ce sujet.
00:32Commission d'enquête, le terme n'est pas anodin, nous sommes là assez proche d'un travail judiciaire.
00:37Toutes les personnes auditionnées par les députés sont tenues de se présenter
00:41et doivent avant de prendre la parole, lever la main droite et prêter serment de dire la vérité.
00:47Nous sommes là au cœur de la mission de contrôle des parlementaires.
00:52Cette commission d'enquête a été créée à la demande du groupe des écologistes à l'Assemblée.
00:56Elle fait suite aux nombreux scandales qui ont éclaté ces dernières années dans le milieu du sport,
01:01des affaires de viol, d'agression sexuelle, d'homophobie, de racisme.
01:05Au total, les députés de cette commission, entre juin et décembre 2023, ont mené 90 auditions.
01:12C'est un chiffre considérable.
01:14Nous allons nous concentrer sur les auditions les plus fortes, les plus révélatrices, les plus instructives.
01:20Pour commencer, vous allez découvrir l'audition d'Angélique Cauchy.
01:24C'est une ancienne joueuse de tennis.
01:26En 1999, elle n'a que 12 ans lorsqu'elle tombe sous l'emprise de son entraîneur, Andrew Goetz.
01:33Plus tard, elle l'accusera de viol à répétition pendant deux ans.
01:36Deux autres joueuses de tennis porteront plainte contre lui.
01:39En 2021, Andrew Goetz a été jugé et condamné à 18 ans de réclusion criminelle.
01:46Vous avez ainsi été humiliée et violée près de 400 fois lorsque vous aviez entre 12 et 14 ans.
01:51Et vous avez dénoncé le règne de l'omerta de la part de votre entourage dans le monde du tennis.
01:57Presque 15 ans plus tard, avec d'autres victimes du même prédateur sexuel,
02:01vous avez réussi à dénoncer ces viols qui ont conduit à la réclusion criminelle de cet entraîneur pour une durée de 18 ans.
02:08Pouvez-vous nous expliquer votre calvaire à l'époque,
02:11le cheminement que vous avez suivi jusqu'à votre plainte
02:14et les conséquences de ces violences sur votre santé physique et mentale depuis ?
02:19Il m'a amenée voir des matchs du PSG, j'étais fan du PSG.
02:22Et c'est comme ça que ça a commencé.
02:23La première fois, ça s'est très bien passé, il m'a ramenée chez moi.
02:26Puis au fur et à mesure, il a commencé à dire qu'il faudrait qu'elle s'entraîne davantage.
02:30J'entraîne dans un deuxième club à côté de chez moi, les gens sont meilleurs, je peux venir l'entraîner, je vous la ramène.
02:36Et donc, j'étais de plus en plus seule avec lui dans les transports ou sur des lieux qui n'étaient pas à mon club.
02:43Et puis, une fois, il a dit à mes parents, ça serait plus pratique qu'elle dorme à la maison
02:47parce que ça fait loin pour moi de la ramener après.
02:50Voilà, il y a un soir où il est resté, il m'a demandé s'il pouvait me raconter une histoire.
02:54J'ai trouvé ça un petit peu bizarre, j'avais quand même 12 ans, je n'en avais pas 5.
02:58La fois d'après, il est resté un peu plus longtemps.
03:01Puis après, il me demandait si je pouvais lui caresser le dos et puis il me prenait dans ses bras.
03:05En fait, ça s'est fait tellement petit à petit que je savais que tout ça n'était pas normal.
03:10J'étais très mal à l'aise, je ne voulais pas que ça arrive, mais je ne savais pas à quel moment il fallait que je dise stop.
03:15Puis un jour, il m'a plaqué contre le couloir en face de sa salle de bain.
03:19Il m'a embrassé sur la bouche et là, ça m'a fait un choc, j'étais sidérée.
03:23Ça, ça s'est fait en quelques mois, en même pas 2-3 mois.
03:27Je lui ai dit non, il ne faut pas, ce n'est pas bien, je ne veux pas.
03:31Il me dit mais quoi, tu sais, ça arrive souvent, les relations entraîneur-entraînée, on passe tellement de temps ensemble, c'est normal.
03:37Les gens ne peuvent pas comprendre, mais ça arrive souvent.
03:40Je ne voulais pas du tout, il avait l'âge de ma mère.
03:43Avant mes 13 ans, il m'avait déjà violée, digitalement, avec le pénis.
03:49En fait, c'est ce que j'ai dit à la barre, c'est assez bizarre et étonnant de le dire, mais je préférais l'effilation.
03:56Parce que ça ne me faisait pas mal.
03:58Et en fait, je suis partie à la boule au mois de juillet.
04:01Donc c'était finalement, il lui est originaire de la boule.
04:05Et en fin de compte, j'ai appris au cours du procès que c'était un petit peu son mécanisme.
04:09Parce qu'à chaque fois, il a amené ses victimes à la boule, loin de chez elles, complètement déracinées, pour passer à des stades supérieurs, entre guillemets.
04:19Alors moi, pendant ces 15 jours-là, ça a été les 15 pires jours de ma vie.
04:24Il m'a violée trois fois par jour.
04:26Au jour de mes 14 ans, ma mère m'a offert un nouveau téléphone, un 3310 bleu ciel Nokia, avec le jeu du serpent.
04:32Pour ceux qui sont de ma génération, c'était une passion.
04:36Et je me suis promis de jamais répondre à son numéro de téléphone, 060 940 1188.
04:43C'est un numéro que j'irais dans ma tombe avec.
04:46Des fois, je donne son numéro à la place du mien.
04:50Et j'ai réussi à ne plus jamais répondre.
04:54Et il a essayé pendant 15 jours de m'appeler.
04:56Et quand il a vu que je ne répondais plus, il est passé à autre chose.
04:59Et il a pris une autre victime.
05:01Et elle s'appelait Astrid.
05:03Et je la connaissais.
05:04Et ça s'est fait sous mes yeux.
05:07Et le plus dur pour moi à vivre, c'est de me dire que je ne les ai pas sauvées.
05:13C'est que j'ai dû faire le choix à 12 ans de sauver ma famille et de ne pas les sauver elles.
05:20Et que si j'avais parlé, il n'y aurait pas eu les autres victimes.
05:27Et surtout, je remercie quand même tous les jours, en me levant, la petite fille de 12 ans que j'étais, d'avoir choisi la vie.
05:34Et de m'avoir permis de rencontrer ma femme et d'avoir un fils.
05:39Elle a été très forte, la petite de 12 ans que j'étais.
05:45Je suis un petit peu morte à 12 ans, mais c'est un petit peu grâce à elle que je suis là aujourd'hui.
05:52C'est assez bouleversant.
05:58C'est un témoignage qui certainement aussi nous motive à avancer aussi dans cette commission enquête.
06:05Et qui fera qu'on souhaite que ça ne se reproduise plus jamais.
06:09Du fond du cœur, moi je vous remercie.
06:11Au milieu du tennis, ça se savait qu'il était pas correct avec les filles, les jeunes filles.
06:18Je ne parle pas de moi, parce que pour moi ça ne s'est pas su.
06:21Mais pour les autres, il y en avait toujours qui disaient oui, il est avec, il sort avec.
06:27Mais enfin, quand on a 38 ans, on ne sort pas avec une jeune de 15 ans, encore moins quand on l'entraîne.
06:33Là, il y avait une méconnaissance de la loi quand on a autorité sur quelqu'un, sur un mineur.
06:38Ça paraît fou parce qu'on a laissé faire des choses dans le milieu du sport
06:43qu'on transposerait dans un autre milieu.
06:45On dirait que ça ne peut pas arriver.
06:47Jamais on dirait qu'elle sort avec son prof de maths.
06:51Ça paraît fou.
06:53En 2014, il y avait encore une omerta sur ce sujet-là.
06:56Et ça se savait qu'il y avait plein d'entraîneurs qui avaient eu des relations sexuelles non consenties avec des mineurs.
07:02Mais on fermait les yeux.
07:05On disait que ce n'était pas à nous de régler ça, que ça ne nous regardait pas.
07:09Pour ma part, il y a une fois où j'étais enfermée dans le local de bal au sous-sol du club.
07:17Il m'avait demandé une fellation.
07:19Et il y a le barman du club qui était descendu à ce moment-là, qui avait essayé d'ouvrir la porte.
07:22Il n'avait pas réussi.
07:24Il avait dit il y a quelqu'un, il y a quelqu'un.
07:26Et lui m'avait mis la main sur la bouche.
07:28Je n'avais pas parlé.
07:30Cinq minutes après, mon entraîneur André Guedet s'était remontré.
07:33Et moi, encore cinq minutes après, avec les yeux rouges.
07:36Et il ne m'a pas posé la question.
07:38Il ne m'a pas dit ce qui s'est passé.
07:40On était trois dans le club.
07:42Lui, l'entraîneur et moi.
07:44Ça me paraît totalement fou de me dire aujourd'hui que ça puisse se passer.
07:48Et qu'un adulte ne prenne pas la responsabilité d'alerter le président du club, la Ligue et même le procureur.
07:57Je pense qu'il y avait quand même...
07:59Je ne sais pas si c'était une méconnaissance de la non-assistance.
08:02Mais on laissait, on préférait fermer les yeux.
08:06J'ai une question sur la Fédération française de tennis,
08:09qui s'est constituée partie civile au moment du procès contre votre ancien entraîneur.
08:14Le premier dysfonctionnement concerne d'abord votre ancien club, où régnait l'Omerta.
08:19Vous l'avez dit à demi-mot.
08:22Alors que beaucoup de personnes semblaient avoir des soupçons,
08:25ou semblaient savoir qu'il avait un comportement inapproprié.
08:28Les bonnes performances du club semblent avoir poussé certains à fermer les yeux.
08:33Est-ce que vous nous le confirmez aujourd'hui ?
08:35C'est vrai.
08:37Apparemment, il y a une seule dame, au cours du procès, ça a été dit par l'enquêtrice,
08:44qui avait été voir le président du club en disant qu'il avait un comportement inapproprié
08:49envers les jeunes, avec violences verbales, physiques,
08:53et un comportement ambigu avec certaines joueuses.
08:57Et le président lui avait répondu, oui mais il nous ramène des titres.
09:02Comme Angélique Cauchy, plusieurs sportives sont venues témoigner devant les députés
09:07de cas de viol et d'agressions sexuelles dont elles ont été victimes.
09:10Nous allons maintenant découvrir une audition qui concerne l'athlétisme.
09:14Claire Palloux est une championne de demi-fond,
09:17et Laoudiou est une ancienne athlète de 3000 mètres stiples.
09:20Ces deux femmes dénoncent des faits de harcèlement et d'agressions sexuelles
09:24qui impliquent à la fois leur fédération et l'INSEP, l'Institut National du Sport.
09:29L'INSEP est installé dans le bois de Vincennes, c'est un grand centre d'entraînement
09:33pour la préparation des sportives de haut niveau, notamment pour les compétitions olympiques.
09:39C'était en 2019, quand j'étais déjà bien à l'INSEP.
09:45La fédération, ils ont ouvert une enquête disciplinaire,
09:49mais ils m'ont dit qu'au manque de preuves, ils ont décidé de relaxer la personne
09:54et du coup cette personne n'a pas été punie.
10:00La seule preuve que j'avais, c'était une personne qui voulait bien témoigner au départ
10:08dans ma faveur, mais qui ensuite s'est rétractée au dernier moment.
10:13Au niveau de ma fédération, je n'ai pas eu de soutien particulier.
10:17J'ai senti une grosse omerta et surtout que les athlètes,
10:23surtout le dernier en question qui est très médiatisé,
10:27qui était très protégé de par son niveau.
10:33J'ai vécu des agressions sexuelles de la part d'un entraîneur de l'équipe de France en 2018.
10:39Un entraîneur fédéral, c'était dans le cadre de championnats du monde aux Etats-Unis,
10:45les championnats du monde junior, donc des championnats du monde d'athlètes qui ont moins de 20 ans.
10:51J'ai pris conscience des faits, étant donné que c'était en 2018,
10:56pardon j'ai dit 2018, c'était 2014, c'est en 2018 seulement que j'ai décidé d'en parler.
11:02En 2014, on parlait encore très peu de tout ce qui était violences sexistes et sexuelles,
11:08mais je n'avais pas conscience de ce que j'avais vécu.
11:11J'avais conscience que c'était grave et que cet entraîneur ne s'était pas comporté de manière normale et appropriée
11:17avec une athlète de 19 ans, mais je n'avais pas conscience que c'était des violences sexuelles.
11:23Et c'est qu'en 2018, suite au mouvement MeToo et à toute l'éducation que ça a permis auprès des femmes,
11:31que j'ai pris conscience de ce qui s'était passé.
11:35J'ai décidé d'en parler à la fédération et également de porter plainte.
11:40La plainte a été classée sans suite en 2020.
11:43Suite à la plainte, en 2018, il y a des commissions disciplinaires qui ont été lancées par la fédération,
11:51par également la direction Jeunesse et Sports.
11:55La fédération a décidé de six mois de suspension en sursis, je crois.
12:03Après, l'entraîneur a fait appel et cette punition, cette sanction a été levée.
12:11Et ensuite, également à l'INSEP, là où je me suis entraînée de 2018 à 2020,
12:21j'ai subi du harcèlement sexuel de la part d'un sportif de l'INSEP.
12:30Pareil, j'en ai pris conscience en parlant à d'autres sportives qui vivaient le même comportement de ce sportif-là.
12:37Et donc, contrairement à Claire, j'ai décidé d'arrêter ma carrière de sportive de haut niveau
12:43parce que les violences étaient trop présentes.
12:47Les violences sexuelles peuvent aussi intervenir de manière aussi facilitée
12:52parce qu'il y a tout un contexte autour qui permet aux agresseurs de se sentir tout puissant
12:59et qui pousse les victimes vers la sortie, qui pousse les victimes à se sentir exclues.
13:05Je n'ai jamais eu de prévention sur les agressions sexuelles
13:10ou de l'apprentissage sur ce qu'est le consentement, etc.
13:17Et je n'avais jamais pris conscience des problématiques que j'avais subies
13:22jusqu'à ce que je tombe en dépression l'année dernière et que je sois hospitalisée pendant deux mois.
13:29J'ai été très mal prise en charge dans le cadre du suivi que j'avais et aussi de l'INSEP.
13:36Tout ce qui était le plus important, c'était le sport, la performance.
13:43Il faut vite te remettre d'aplomb pour que tu puisses courir les compétitions qui arrivent.
13:50Alors que j'étais déjà à bout et j'avais essayé de livrer ma parole avec la psychologue que j'avais à l'époque
13:56où je lui ai dit que j'avais des choses dont j'aimerais parler.
14:02Je savais que j'avais vécu des choses pas normales avec des hommes et je lui avais dit.
14:08Elle a refusé de parler de ça et de m'écouter.
14:11Elle m'a dit aujourd'hui ce n'est pas le lieu de la séance, on parlera de ça plus tard, etc.
14:15Quand on regarde les décisions qui se sont prises par rapport à la tête dont j'ai parlé tout à l'heure de l'INSEP,
14:21il a été dans un premier temps écarté de l'INSEP, maintenant il est plus ou moins réintégré à l'entraînement.
14:29Quand on parle, je pense que je peux prononcer son nom d'un Wilfried Apio, pareil, il y a deux affaires qui le concernent.
14:35Il est toujours à l'INSEP, il continue de s'entraîner à l'INSEP alors que l'athlète qui a porté plainte contre lui,
14:40plainte bien évidemment qui a été classée sans suite, elle a dû bouger de l'INSEP, elle n'est plus à l'INSEP,
14:45elle ne s'entraîne plus à l'INSEP quid de sa carrière.
14:48Et en fait c'est une histoire qui se répète encore et encore et encore.
14:53Elle a été l'une des premières grandes championnes françaises à sortir du silence sur la question des violences sexuelles et sexistes.
15:01Sarah Abitbol a été une grande championne de patinage artistique en 2020.
15:05Elle a sorti un livre intitulé « Un si non silence ».
15:08Cet ouvrage a provoqué une déflagration dans le milieu du sport.
15:12Elle y dénonce des viols à répétition de son ancien entraîneur Gilles Beyer entre 1990 et 1992,
15:19elle avait alors entre 15 et 17 ans.
15:22Dans ce livre, Sarah Abitbol dénonce l'inaction de son club,
15:26de la Fédération française des sports de glace et du ministère des sports.
15:30Aujourd'hui, Sarah Abitbol est à la tête d'une association, La voix de Sarah,
15:34qui vient en aide aux jeunes sportifs et aux jeunes sportives qui souhaitent sortir du silence sur ces questions.
15:40Ce qui m'a beaucoup marquée, c'est le fait que vous racontiez finalement que beaucoup de personnes étaient au courant de ce qu'il se passait,
15:49qu'il était identifié finalement comme un prédateur.
15:53J'en avais parlé notamment au président de mon club,
15:58dans une section artistique, j'étais allée chez lui avec mon oncle,
16:01parce que je ne voulais pas évidemment y aller toute seule,
16:03parce que c'est déjà horrible de parler de toutes ces choses-là.
16:07Mais malheureusement, je n'avais pas été entendue,
16:10c'est-à-dire que ce que j'avais dit, c'était comme si je parlais d'un simple mal de jambe, de cuisse ou de genou.
16:18Il m'avait simplement répondu, écoute, va déposer plainte et puis en gros, on en reparlera.
16:23Donc j'avais été très gentiment remerciée.
16:27Alors que je lui ai dit que cet entraîneur était dangereux,
16:30ce qui m'est arrivé à l'âge de 15 ans, et qu'il fallait essayer de l'éloigner de ce club.
16:38Donc ça, je n'avais pas été effectivement entendue.
16:41D'autre part, j'en avais parlé à l'époque, encore une fois, au ministère,
16:47et on m'avait dit qu'il y avait un dossier, mais qu'il valait mieux fermer les yeux.
16:50Donc c'est quand même des personnes qui étaient complices d'un certain système, évidemment.
16:58Et moi, à l'époque, évidemment, je n'ai pas réussi à porter plainte, comme je le disais dans le livre.
17:05Je n'ai pas réussi, j'étais à la police et je suis redescendue parce que je n'y arrivais pas.
17:09La situation, elle a changé. Est-ce que les victimes aujourd'hui,
17:12elles peuvent trouver davantage la possibilité de s'exprimer ?
17:16Est-ce qu'elles sont suffisamment entendues ?
17:18Je suis à 30 ans de retard.
17:20Je suis très proche, effectivement, du ministère des Sports et de madame la ministre,
17:26avec cette structure Signal Sport, qui est aussi dans mon association,
17:32présente sur mon site Internet.
17:34Et quand on clique dessus, on peut directement signaler et dénoncer.
17:40On fait à plus de 900 sportifs aujourd'hui.
17:42Et c'est vrai que souvent, suite à mon livre et à mon témoignage,
17:46ils disent « puisque Sarah Vidal a parlé, on doit être capable de parler ».
17:49Et voilà, on dénonce aujourd'hui.
17:51Donc oui, c'est pris en main.
17:53Et heureusement, Roxana Maracianu, l'ancienne ministre, a vraiment fait ça à bras-le-corps.
17:58Et je la remercie aujourd'hui.
18:00Et madame la ministre aujourd'hui, madame Amélie Oudéra-Castérat,
18:06aussi est derrière tout ça, avec cette cellule de crise très présente
18:13contre les violences sexuelles dans le sport.
18:15Oui, bien sûr qu'on avance.
18:17Et je pense que maintenant, les victimes ont moins peur de parler,
18:21qu'elles osent plus et que les détracteurs aussi, du coup, se sentent moins en sécurité.
18:29Je voudrais savoir si vous avez des propositions à nous faire,
18:33connaissant maintenant, en plus de par votre parcours, le contexte de l'intérieur.
18:38Si vous, vous pouviez nous livrer en même temps les raisons
18:43et comment s'en sortir aujourd'hui.
18:46Quelles seraient les propositions à nous faire ?
18:48Je pense qu'effectivement, isoler un athlète avec qu'un entraîneur,
18:52maintenant, ça devient un petit peu dangereux.
18:56Il faudrait qu'il y ait un double entraîneur en fait,
18:59qu'il y ait un homme et une femme à chaque fois.
19:01Alors oui, ça demande plus d'argent
19:04et que ça implique plus d'entraîneurs, oui.
19:08Mais je pense que ce serait une protection à avoir,
19:11d'avoir à chaque fois un double entraîneur,
19:13à la fois en compétition, à la fois en réunion, à la fois en déplacement.
19:19Il y a toujours un homme et une femme.
19:24Après les athlètes, les députés ont auditionné les responsables
19:27de plusieurs fédérations sportives.
19:29Ces fédérations sont souvent en première ligne
19:32lorsqu'éclatent des affaires de violences sexuelles et sexistes,
19:35mais sont-elles prêtes à les traiter efficacement ?
19:38Ont-elles toujours eu conscience de la gravité du problème ?
19:41Si certains semblent avoir pris la question à bras-le-corps,
19:44d'autres semblent encore loin du compte.
19:47Je vous propose d'écouter tout de suite
19:49des responsables des fédérations françaises des sports de glace,
19:52de tennis, de judo, d'athlétisme et d'équitation.
19:57La gestion de l'ancien président, M. Gayagi, a été abondamment critiquée.
20:01L'IGESR, dans un rapport récent, a relevé des manquements graves.
20:05Pouvez-vous revenir sur les constats que vous avez pu faire
20:08sur la gouvernance et la gestion de la fédération
20:10lorsque vous avez pris vos fonctions ?
20:12Comment la gouvernance de la fédération a-t-elle évolué depuis son départ ?
20:15Le projet innovateur sur lequel nous travaillons dur en ce moment,
20:19c'est ce projet Sentinelle.
20:21Il s'agit en fait d'identifier dans chaque club et ligne
20:24un référent lutte contre les violences
20:27qui sera formé, accompagné dans le temps par la fédération
20:30et qui participera lui-même à former les pratiquants,
20:34qui fera du recueil de parole, évidemment,
20:37le lien avec les associations e-douanes et les référents intégrités.
20:41Les fédérations doivent prendre leurs responsabilités
20:44et je me suis engagée pour cela.
20:46Elles doivent être soutenues pour réussir ces transformations
20:50et neutraliser les mauvaises pratiques.
20:52Sur le volet éthique de la FFG, quand je suis arrivée début 2020,
20:57c'était facile comme dossier.
20:59C'était une page blanche, il n'y avait absolument rien,
21:02donc tout était à construire.
21:04Donc on a nommé deux référents d'intégrité,
21:06on a créé un comité éthique,
21:08on a réactivé la commission disciplinaire.
21:11La fédération Français Espoir de Glace s'est portée partie civile
21:14dans deux affaires qui concernaient des violences sexuelles.
21:18On a créé des outils de com' pour l'ensemble des clubs
21:23pour que les témoins ou les victimes puissent justement solliciter,
21:27en tout cas témoigner via la cellule Signal Sport
21:31et en même temps mettre les coordonnées de la référente d'intégrité
21:35et qu'on ait ces deux biais-là pour traiter leurs témoignages.
21:38Deux ans et trois mois après mon élection à la Fédération Français Espoir de Glace,
21:46l'Ancien Monde a repris ses droits.
21:49Didier Gaillaguet a trouvé son cheval de Troyes,
21:52la personne de Gwenaëlle Noury.
21:54Il a fait sa campagne, il a écrit sa profession de foi,
21:57et il a mené les tractations.
21:59Je suis très à l'aise pour vous le dire,
22:01puisque c'est dans le rapport de l'inspection générale
22:03et que toutes les preuves y sont.
22:05Je pense que Didier Gaillaguet n'a pas supporté
22:07que la Fédération Française d'Espoir de Glace puisse fonctionner sans lui.
22:11Je ne le considère pas comme étant une proche de M. Gaillaguet
22:14et les personnes qui étaient concernées ont exprimé très clairement leur position
22:18de demande de retour de M. Gaillaguet.
22:21Je me suis fermement opposée à ça.
22:23Je suis ravi aujourd'hui de dire que la Fédération,
22:26sous notre mandat, a pris vraiment fait et cause pour ces cas-là,
22:32et notamment dans la reconstruction, qui est un sujet important.
22:37Mais je vais laisser à Caroline le soin d'expliquer dans le détail
22:40ce que nous faisons sur ce sujet-là.
22:42Nous avons créé une structure dédiée à l'intégrité sportive en 2019.
22:47Dans cette structure travaillent deux personnes à plein temps
22:51et un contrat d'apprentissage.
22:53Nous avons également désigné 18 référents intégrités sportives
22:57dans chacune de nos ligues.
22:59Et puis on met en place, on met à disposition de nombreuses ressources
23:03pour les victimes, les encadrants, les clubs et les organes décentralisés.
23:07On a par exemple une page d'information dédiée à la protection des mineurs
23:11sur le site de la Fédération.
23:13On a également un formulaire de signalement.
23:15On a des affiches dédiées, des kits de communication
23:18et des affiches dédiées à la prévention des atteintes à l'intégrité sportive.
23:22On est allé parler à la fois aux enfants, aux joueurs, en direct,
23:27sans les parents, sans personne, pour leur expliquer concrètement
23:31qu'est-ce qu'ils pouvaient accepter ou ne pouvaient pas accepter
23:34qu'un entraîneur vienne dans la chambre à partir de 9h.
23:37On est dans ce sport individuel où la relation entre entraîneur et entraîné
23:42est très forte.
23:43On a mis en place des règles où se serrer fort après une victoire
23:49ne doit pas être quelque chose d'acquis.
23:52Expliquer qu'il y avait des limites au comportement humain
23:56entre un entraîneur et les entraînés.
23:58Vous avez dit quelque chose qui nous a un peu interpellés.
24:03On a indiqué à tout le monde que l'entraîneur, à partir de 9h,
24:08ne pouvait pas aller dans la chambre d'un jeune.
24:12Ça veut dire qu'avant 9h, il peut y aller ?
24:15Il faudrait préciser votre pensée là-dessus.
24:18C'est bien d'être précis.
24:21On a été amené à expliquer.
24:24Je ne sais pas si c'est 9h, j'ai peut-être été pas très précis là-dessus.
24:30Qu'est-ce qui justifierait qu'un entraîneur aille dans la chambre d'un jeune sportif,
24:35à n'importe quel moment de la journée ou de la nuit ?
24:38Ce qui pourrait justifier de la nuit aucune raison,
24:42quand on prépare un match, on peut le préparer en vidéo,
24:46on peut travailler sur le joueur que l'on va jouer,
24:50on peut passer du temps ensemble en 1-on-1 à discuter, échanger.
24:56On pourrait imaginer que ça se fasse ailleurs.
25:00Je pense qu'il ne faut pas juste imaginer.
25:04Là, on est vraiment dans le cœur de ce qui a posé problème pendant des années.
25:11Je pense qu'il n'y a aucune raison, à aucun moment,
25:15pour qu'un adulte rentre dans la chambre d'un mineur ou d'un majeur,
25:19lorsqu'il est sous son autorité, pour préparer quoi que ce soit.
25:23Je crois que moi, en tant que parent, je n'accepterais jamais
25:27qu'un adulte entre dans la chambre de mon enfant pour quelque raison que ce soit.
25:31Dans la charte des encadrants, il est bien spécifié,
25:36il n'y a pas d'horaire concernant les chambres.
25:40Il y a parfois nécessité de frapper.
25:44Il est bien inscrit, on frappe, on s'annonce.
25:48Parfois, quand c'est l'heure de partir, il y a une question
25:51de rangement des chambres, etc.
25:53Ça, c'est des choses qui sont faites.
25:55Il est spécifié qu'il faut garder la porte ouverte,
25:57que les réunions doivent être faites dans des parties communes,
25:59autant que de possible.
26:01Après, il y a un principe de réalité, c'est qu'en fonction des hôtels où ils sont,
26:05parfois, il est nécessaire de rappeler qu'il faut mieux faire ça
26:09dans le hall d'entrée que dans une chambre.
26:12Au lieu de dire qu'il vaut mieux,
26:14est-ce que vous ne pensez pas qu'il faut rendre obligatoire
26:17le fait que cela se fasse ailleurs que dans la chambre ?
26:21Oui, tout à fait.
26:23C'est important parce que vous indiquez qu'il vaut mieux,
26:26mais en fait, il vaut mieux, c'est une option.
26:29Les mots sont importants.
26:32Bien sûr.
26:34Vous aviez une plateforme de signalement
26:37qui était propre à la Fédération de tennis
26:40sur laquelle vous indiquez, pour toute information complémentaire,
26:44et nous vous informons que vous avez toujours la possibilité
26:47de contacter la cellule SignalSport.
26:50Nous, on aimerait juste comprendre pourquoi est-ce que vous n'indiquez pas clairement
26:54que les victimes peuvent directement témoigner auprès de la cellule SignalSport ?
26:58Parce qu'en fait, ça passe par votre plateforme.
27:01Ensuite, comment c'est traité en interne de la Fédération ?
27:04Est-ce qu'il y a d'abord un pré-traitement,
27:07et ensuite c'est renvoyé sur SignalSport ?
27:10Est-ce que vous traitez en interne ?
27:12Parce qu'on sait qu'il y a eu quelques confusions parfois
27:15sur l'utilisation de cette cellule SignalSport.
27:18Comment ça fonctionne dans la Fédération de tennis ?
27:21Il y a plusieurs manières de faire un signalement.
27:24Nous, on a cette politique de dire qu'il faut que ce soit simple,
27:28qu'il faut que ce soit accessible,
27:31et certains vont aller sur notre formulaire de signalement
27:35et d'autres sur la plateforme SignalSport.
27:38Est-ce que vous ne pensez pas que ça prête à confusion
27:41de mettre pour toute information complémentaire
27:44et de ne pas spécifiquement indiquer
27:47que la victime peut directement saisir la cellule SignalSport ?
27:50Je vais vous faire part de témoignages,
27:53parce que ce n'est pas aussi cartésien que vous le présentez.
27:56Moi, j'ai des joueuses qui sont venues me voir directement moi,
27:59ni SignalSport, ni notre cellule.
28:02Ça veut dire qu'il y a des cas particuliers.
28:05Quand j'ai reçu ces personnes, je les ai reçues en disant
28:08que quand tu veux, si tu veux,
28:11on a à l'intérieur de la Fédération une personne, Ophélie Soudre,
28:14tu peux aller la voir.
28:17Tu peux aussi aller voir SignalSport directement.
28:20A la base, je crois, SignalSport a été justement mis en place
28:23pour éviter que les fédérations ne fassent un filtre
28:26sur les signalements et les témoignages.
28:29D'ailleurs, ça s'est ressenti ici quand on a reçu des victimes.
28:33Elles indiquaient systématiquement qu'elles n'avaient pas confiance
28:36parce que c'était en huis clos, parce que tout le monde se connaît,
28:39parce que finalement, sur certaines affaires,
28:42tout le monde était au courant, mais personne n'a jamais rien dit.
28:45Et donc, c'était aussi pour sortir des fédérations et des clubs
28:48qu'on a créé un outil rattaché au ministère des Sports
28:51pour que les victimes puissent directement s'en saisir.
28:54On n'est pas en compétition du tout avec SignalSport.
28:57On travaille avec eux. Ça se passe très, très bien aujourd'hui.
29:00La cellule est très utile aussi.
29:02A été évoquée justement dans le cadre de cette commission
29:05l'idée d'avoir un binôme d'entraîneurs.
29:08Est-ce que c'est quelque chose qui a traversé les débats
29:11au sein de la fédération, par exemple ?
29:14200 joueurs vivent du tennis au monde.
29:17Ça veut dire qu'aujourd'hui, un joueur de tennis qui est 400e à l'ATP,
29:20qui est déjà 400e mondial, aujourd'hui, il perd de l'argent.
29:23Il perd 20 à 30 000 euros par an.
29:26Il paye son entraîneur, il paye ses déplacements.
29:29Ça veut dire que si vous lui demandez, si on demande maintenant
29:32à ces jeunes joueurs, à ces joueurs et joueuses
29:35d'avoir deux entraîneurs, encore une fois,
29:38il va falloir financer les deux entraîneurs.
29:41C'est un modèle économique, aujourd'hui, qu'il faut revoir.
29:46Alexandra Soriano, qui a été victime, témoin et lanceuse d'alerte,
29:52nous dit à l'occasion d'un stage en 2006,
29:56j'ai eu un entretien avec le président de la fédération, vous-même,
30:00qui m'a reçu dans sa chambre.
30:02Moi ?
30:03Lorsque j'ai voulu parler des humiliations publiques,
30:06des violences physiques, du harcèlement, du bisuitage,
30:09il a rapidement coupé court.
30:11Selon lui, j'étais trop jeune pour comprendre
30:13que certains actes étaient accomplis pour forger un mental.
30:16Alors là, j'ai reçu dans ma chambre. Pourquoi dans ma chambre ?
30:21Alors nous, on n'en sait rien.
30:24C'est pour ça que je vous pose la question,
30:26parce que cette personne est venue témoigner sous serment
30:28dans le cadre de cette commission.
30:30Soriano, elle est d'où, cette fille ?
30:33Soriano, Soriano, Soriano.
30:39Des violences physiques.
30:42Elle a été victime et témoin,
30:44et elle a parlé de violences physiques, harcèlement, bisuitage.
30:49Je suis très...
30:52C'est vraiment pas mon genre.
30:55Je ne sais pas si vous avez suivi un peu mon parcours.
30:58Moi, j'ai lutté contre les politiques qui voulaient mettre le MMA,
31:02parce que toutes les violences...
31:04Je suis contre les violences et contre etc.
31:06Soit vous n'avez jamais reçu personne dans votre chambre
31:10pour recueillir des témoignages, soit cela a été le cas.
31:13Il faut que je voie l'audition, et si je vois l'audition,
31:16je vois la fille, etc.
31:18Vous savez, quand on est dans un crêpe,
31:20on vit plus ou moins ensemble.
31:22Est-ce que cela veut dire que vous avez reçu d'autres personnes
31:25dans votre chambre ?
31:27Je n'ai pas de souvenirs.
31:29Si on ne peut pas faire autrement,
31:31parce qu'il n'y a pas de bureau,
31:33on prend une chambre ou n'importe laquelle.
31:35Est-ce que vous vous rendez compte
31:37de la difficulté pour une femme
31:39de témoigner sur des violences sexuelles
31:41lorsqu'elle est reçue dans une chambre ?
31:43C'était des violences sexuelles, celle-là ?
31:45Oui.
31:49Vraiment, là, pour le coup, je suis sidérée.
31:52Vous me dites que si je n'ai pas de bureau,
31:54je prends une chambre.
31:56Cela veut dire que cela a pu avoir lieu
31:58à d'autres moments.
32:00On peut toujours trouver un bureau
32:02pour auditionner une personne
32:04ou trouver un lieu neutre
32:06pour recevoir une personne.
32:08En février 2020, il y a eu une convention nationale
32:10sur les violences sexuelles et sexistes.
32:12Est-ce que vous étiez présent ?
32:16Bonne question.
32:22Je ne suis pas certain.
32:24Je peux vous confirmer que vous étiez présent
32:26à cette convention nationale.
32:30Je voudrais demander pardon
32:32au nom de la Fédération
32:34à toutes les personnes qui, par le passé,
32:36ont été victimes de violences
32:38dans nos clubs et dans nos structures.
32:40Le mal qui leur a été fait
32:42alors que nous aurions dû les protéger
32:44restera à une ombre
32:46qu'aucune médaille ne sera effacée.
32:48Ce ne sera pas parfait.
32:50On fait de notre mieux.
32:52Mais au moins, aujourd'hui,
32:54tout le monde est écouté
32:56et surtout dans les structures fédérales.
32:58Les structures fédérales, c'est facile
33:00de contrôler l'OMERTA.
33:02Comme tout le monde est formé,
33:04tous les pôles d'espoir
33:06ont été formés depuis notre gouvernance.
33:08Mais ce qui est plus difficile
33:10à changer,
33:14c'est l'OMERTA de certains clubs.
33:16Quand il se passe quelque chose
33:18dans un petit club,
33:20c'est très difficile d'avoir une action
33:22ou d'avoir des signes.
33:24Je souhaite donc rétablir devant vous
33:26certaines vérités.
33:28Car l'honneur et la réputation
33:30de la FFA ont été entachés
33:32dernièrement par certaines
33:34personnes auditionnées.
33:36Si certaines entretiennent
33:38une rancœur envers la FFA,
33:40cela ne les autorise pourtant pas
33:42à tenir des propos
33:44fantaisistes, voire complotistes.
33:46Les personnes que vous avez
33:48auditionnées, ce sont les personnes
33:50qui ont profité des médias
33:52pour médiatiser
33:54des opérations. C'était leur droit,
33:56mais c'est pour ça que j'ai
33:58mis cet aspect-là.
34:00Vous dites quand même des propos
34:02fantaisistes et complotistes.
34:04Oui, je vais y venir.
34:06Je suis très gênée par ce que vous venez de dire.
34:08Vous êtes en train de nous expliquer
34:10qu'il y a des victimes, en tout cas des personnes
34:12qui ont fait des signalements,
34:14qui ont utilisé les médias
34:16pour communiquer sur leurs affaires.
34:18Je suis désolée.
34:20Là, moi, je suis
34:22extrêmement gênée par ces propos.
34:24Ce qui a permis la libération de la parole,
34:26c'est aussi le livre de Sarah Boll,
34:28qui a été largement médiatisé et qui a permis
34:30la libération de la parole. On ne peut pas,
34:32d'un côté, demander aux victimes de parler
34:34et, de l'autre, dire qu'elles utilisent les médias
34:36quand elles s'expriment.
34:38Je suis vraiment très gênée par cette manière
34:40d'exprimer les choses.
34:42Il y a le propos fantaisiste
34:44qui tient à dire, et je dis bien fantaisiste,
34:46et j'insiste, qui consiste à dire
34:48que la Fédération ne fait rien
34:50dans le cas
34:52de l'affaire
34:54qu'a subie Emma Woodhugh.
34:56Je le dis très sincèrement
34:58et très ouvertement.
35:00Nous avons réagi
35:02tout de suite.
35:04J'étais aux affaires, je venais d'arriver.
35:06Lorsque Emma Woodhugh
35:08a libéré sa parole,
35:10pour des faits qui remontaient à
35:12plusieurs années,
35:14nous avons saisi tout de suite
35:16la commission de discipline.
35:18Si je peux me permettre, je vais vous lire le mail
35:20qu'elle a reçu de votre part,
35:22le 19 juillet.
35:24Comme expliqué lors de mon premier courrier,
35:26la procédure disciplinaire est une procédure écrite.
35:28Néanmoins, dans le cadre de l'instruction,
35:30il est possible d'entendre toute personne,
35:32en l'espèce.
35:34L'auteur présumé a préféré être entendu
35:36plutôt que de fournir un écrit.
35:38Il a donc été auditionné
35:40le 23 juin dernier.
35:42Cette audition a lieu par visioconférence
35:44demain à 9h30.
35:46Vous pouvez également être entendu
35:48par les membres de la commission.
35:50Néanmoins, cela devra se faire en présence
35:52de l'auteur présumé
35:54demain à 9h30 également,
35:56au siège de la FFA ou par visioconférence.
35:58Vous ne pourrez pas être accompagné
36:00de votre avocat ou d'un conseil.
36:02Si vous souhaitez être entendu,
36:04il faut me l'indiquer urgentement
36:06car l'auteur doit être informé
36:08de ce fait et nous sommes
36:10à la veille de l'audience.
36:12Si vous êtes auditionné par la commission,
36:14je vous précise qu'il ne s'agira
36:16aucunement d'une confrontation.
36:18L'auteur doit seulement être présent
36:20pour être informé
36:22de vos propos et y répondre
36:24s'il le souhaite au titre du droit à la défense.
36:26Je trouve très étonnant
36:28que l'auteur présumé soit entendu seul
36:30mais que la victime
36:32ne soit pas entendue seule
36:34et que l'auteur présumé soit présent
36:36qu'il puisse répondre et que surtout
36:38on lui demande de venir sans avocat et sans conseil.
36:40Est-ce que vous pouvez nous indiquer
36:42si c'est la procédure habituelle ?
36:44Je ne connais pas la procédure habituelle.
36:48Comme je vous l'ai dit,
36:50on vous l'a indiqué dans l'autre...
36:52Attendez, attendez.
36:54Madame, au lieu de vous...
36:58Est-ce que je peux m'exprimer ?
37:00Dans mon propos délinéaire,
37:02je vais vous le redire si vous voulez,
37:04nous sommes une fédération
37:06qui avons constitué des commissions disciplinaires
37:08avec des professionnels
37:10et des juristes.
37:12Nous avons embauché des personnes
37:14sur le fonds propre qui sont spécialistes.
37:16Le premier jugement, quand vous en avez eu connaissance,
37:18M. Caudal est-il encore salarié
37:20de la fédération ?
37:22Il me semble que oui parce que je l'ai appris par son épouse.
37:24Vous venez de dire que oui.
37:26À ce moment-là, quelles mesures ont été prises par la fédération
37:28lorsque vous avez connaissance de ce premier jugement ?
37:30Est-ce que vous mettez fin à son contrat ?
37:32Est-ce qu'il y a une mise à pied ?
37:34Est-ce qu'il y a une mesure conservatoire ?
37:36Rien n'a été fait sur le plan des ressources humaines
37:38et si j'ai souvenir du jugement
37:40dont on parle,
37:42il ne prévoyait aucune mesure express
37:44d'éloignement de mineurs
37:46ou autres.
37:48Je n'avais pas d'informations assorties au jugement.
37:50C'est la décision du jugement,
37:52mais la fédération aurait pu prendre une autre décision.
37:54La fédération n'a pas pris d'autres mesures
37:56en ayant connaissance de ce jugement.
37:58Et pourquoi vous n'avez fait aucune mesure ?
38:00Je ne sais pas.
38:02Je n'ai pas d'explication
38:04à vous fournir.
38:06On n'a juste fait que d'appliquer la loi.
38:08La loi ne nous imposait pas de prendre une mesure conservatoire
38:10nouvelle à quelqu'un qui avait été jugé
38:12et qui avait purgé sa peine.
38:14Là, vous nous demandez quoi ?
38:16De faire un deuxième procès après à M. Caudal ?
38:18On a appris après coup
38:20un jugement sur des fonctions
38:22qu'il n'exerçait plus.
38:24Je suis étonné quand même
38:26qu'on passe depuis une heure son temps
38:28sur une affaire
38:30de voleur de pommes.
38:36Je ne suis pas certaine que je parlerais de voleur de pommes
38:38au vu des accusations
38:40et des condamnations.
38:42Mais chacun est libre
38:44des mots et de son interprétation
38:46de cette affaire.
38:48C'est au parlementaire de décider
38:50sur quel sujet il veut appuyer
38:52et sur quel sujet on souhaite creuser
38:54pour déterminer les dysfonctionnements
38:56et apporter des solutions.
38:58Pourquoi il a été condamné ?
39:02Il a été condamné
39:04à 15 jours avec sursis
39:06pour avoir eu des relations
39:08consenties avec une mineure
39:10de plus de 15 ans.
39:12Plainte déposée par les parents.
39:14Je comprends tout à fait.
39:20Et la seconde fois,
39:22je ne saurais pas vous dire de la même façon
39:24que le premier jugement.
39:26Mais c'est du même ressort.
39:28Ce n'est pas admissible que vous puissiez dire
39:30dans le cadre d'une commission d'enquête
39:32qui traite quand même le sujet
39:34qui dépasse le cadre de votre fédération
39:36mais le sujet en général
39:38des violences sexuelles
39:40et sexistes, en nous disant
39:42que ces personnes-là,
39:44on ne va pas épiloguer,
39:46c'est un voleur de pommes.
39:48Encore une fois,
39:50je crois qu'il y a un décalage
39:52entre l'appréciation qui est la vôtre
39:54aujourd'hui encore de ces faits
39:56malgré le fait que vous êtes amené
39:58à en parler devant une commission d'enquête
40:00qui traite spécialement de ce sujet
40:02et ce que vous nous dites.
40:06Des dysfonctionnements manifestes
40:08ont existé au sein des fédérations sportives
40:10sur la question des violences sexuelles et sexistes.
40:12Mais ces cas interrogent aussi
40:14sur la responsabilité du ministère des Sports.
40:16L'actuel ministre et sa prédécesseuse
40:18ont toutes les deux été auditionnées
40:20par les députés.
40:22Je vous propose maintenant de les entendre.
40:26J'ai jugé indispensable d'agir tout de suite
40:30et j'ai mobilisé la direction des sports
40:32pour constituer une cellule
40:34que vous avez mentionnée qui s'appelle Signal Sport.
40:36Pour traiter ces cas,
40:38j'ai été instruire et surtout donner suite
40:40à ces cas par des enquêtes administratives
40:42et évidemment, le cas échéant,
40:44les signaler au procureur.
40:46Début 2020, j'ai été contactée par Sarah Abitbol
40:48quelques jours avant la publication
40:50de son ouvrage avec Emmanuel Anison.
40:52Elle m'a raconté son histoire
40:54et de ce fait, j'ai pu prendre connaissance
40:56des graves manquements
40:58à son égard
41:00de la part de sa fédération
41:02qui est la fédération des sports de glace.
41:04Les enquêtes qui ont suivi,
41:06sorties par l'Obs, par l'équipe,
41:08par Le Parisien et d'autres journaux aussi,
41:10ont montré que Sarah n'était pas un cas isolé
41:12et que de nombreuses autres victimes
41:14existaient dans les sports de glace.
41:16J'ai rencontré
41:18de nombreux athlètes et anciens athlètes
41:20qui ont décrit un fonctionnement
41:22qu'on pourrait définir de clanique.
41:24Un bras de fer a débuté
41:26avec le président de cette fédération
41:28et j'ai demandé sa démission.
41:30Cet épisode m'a profondément marquée,
41:32m'a motivée à sonner la mobilisation générale
41:34pour lutter contre ce fléau,
41:36mais aussi à engager des transformations
41:38profondes de la gouvernance des fédérations
41:40et dans la relation entre le ministère
41:42et les fédérations.
41:44Cela m'a permis de mettre en place
41:46un véritable contrat de délégation
41:48entre le ministère des sports et les fédérations
41:50qui inclut et qui fait la priorité
41:52à la protection de l'intégrité des athlètes.
41:54Sur les violences sexuelles dans le sport,
41:56il y a eu le contrôle d'honorabilité
41:58qui a été inscrit dans la loi
42:00en devenant au contact des mineurs
42:02qui n'étaient pas auparavant soumises
42:04à ce contrôle par la loi.
42:06Il y a eu aussi la possibilité
42:08de suspendre un éducateur
42:10et ça c'est important,
42:12un éducateur qui est mis en cause
42:14à l'égard d'un mineur
42:16jusqu'au procès. Les fameuses valeurs du sport,
42:18ça a été un peu mon cheval de combat
42:20face à ces présidents de fédérations
42:22qui disaient « Madame la ministre,
42:24aujourd'hui, à deux ans, à trois ans des Jeux en France,
42:26vous ne pouvez pas mettre ce sujet-là
42:28dans le débat public. »
42:30Parce que ce n'est pas de ça qu'on a envie d'entendre parler.
42:32La performance,
42:34l'atteinte de la performance,
42:36je n'ai eu de cesse de le dire également,
42:38ne doit pas se faire à n'importe quel prix
42:40et surtout pas au prix de la santé
42:42et de l'intégrité des sportives et des sportifs
42:44même s'ils sont en ligne
42:46et en lice pour aller chercher des médailles.
42:48Pour mettre un terme à ces violences, à ces dérives
42:50mais aussi à leurs complices de toujours,
42:52l'omerta, la passivité, parfois même la complaisance,
42:54souvent l'inertie,
42:56nous devons rassembler les forces vives
42:58déterminées à lutter contre elles,
43:00appeler chacun à prendre ses responsabilités
43:02et ne rien laisser passer.
43:04Même s'il reste beaucoup de travail,
43:06je veux souligner qu'une véritable révolution
43:08a été opérée
43:10entre 2019 et 2022
43:12avec la création
43:14de la cellule Signal Sport,
43:16la désignation d'une déléguée ministérielle
43:18à la lutte contre les violences,
43:20les conventions organisées chaque année
43:22contre ces violences dans le sport,
43:24la constitution dans nos fédérations sportives
43:26et nos établissements sportifs
43:28d'un réseau de références spécialisées,
43:30le développement, l'outillage du contrôle
43:32d'honorabilité, l'inscription dans la loi
43:34de l'obligation de formation
43:36en matière de violences sexistes et sexuelles
43:38dans le cadre de tous les diplômes
43:40d'État, jeunesse et sport.
43:42Et dès mon arrivée,
43:44j'ai fait miens ce combat
43:46avec une ligne claire,
43:48tolérance zéro, en sollicitant
43:50et en obtenant des moyens humains
43:52inédits, avec 20 effectifs
43:54supplémentaires en 2023 et à nouveau
43:5636 dans le PLF 2024
43:58pour que les enquêtes aillent
44:00plus vite, tout en renforçant
44:02le contrôle des établissements sportifs.
44:04Connaître le canal de Signal Sport,
44:06c'est l'un des enseignements que nous
44:08tirons collectivement des travaux de votre commission.
44:10Mieux faire connaître
44:12Signal Sport partout
44:14et tout le temps.
44:16Nous devons continuer de sécuriser une meilleure
44:18articulation entre les procédures
44:20et faire en sorte d'engager nos fédérations
44:22à aller au bout de leurs responsabilités
44:24en matière disciplinaire.
44:26Nous avons auditionné de très nombreux présidents,
44:28directeurs généraux de fédérations.
44:30La très grande majorité
44:32d'entre eux, je ne dis pas tous,
44:34mais la très grande majorité a fait preuve
44:36au mieux d'une totale méconnaissance des dispositifs
44:38mis en place au sein de leurs fédérations
44:40pour lutter contre les VSS,
44:42que ce soit l'homophobie, les discriminations,
44:44au pire d'inexactitudes,
44:46voire de parjures, parfois,
44:48dans cette commission d'enquête.
44:50Comment est-ce que vous l'expliquez ?
44:52Je pense que certains ont montré
44:54qu'ils étaient au fait de ces procédures,
44:56encore ce matin.
45:02Je crois qu'il ne faut pas caricaturer.
45:04Il y a eu en effet
45:06certaines auditions
45:08décevantes, pour ne pas dire catastrophiques,
45:10qui montrent
45:12qu'on a besoin
45:14d'élever
45:16absolument le niveau
45:18d'implication
45:20au plus haut niveau
45:22de ces fédérations sur ces sujets de violence
45:24à caractère sexiste et sexuel.
45:26Je veux simplement ajouter, peut-être,
45:28que la seule chose
45:30qui est potentiellement rassurante
45:32par rapport à cela,
45:34c'est de se dire qu'en dessous,
45:36les équipes dont c'est le métier
45:38à temps plein,
45:40elles sont bien
45:42au fait de tout cela.
45:44Je rappelle que nous avons mis en place
45:46dans toutes les fédérations
45:48et dans tous les établissements publics
45:50du ministère, des référents
45:52spécialisés sur ces questions.
45:54Je rappelle que la loi du 2 mars 2022
45:56a eu aussi
45:58pour effet non seulement
46:00d'affirmer l'indépendance des comités d'éthique,
46:02mais également de prévoir
46:04la formation
46:06au sujet de la lutte
46:08contre les VSS de l'ensemble des éducateurs.
46:10Au-delà de la question
46:12des violences sexuelles et sexistes,
46:14les députés de cette commission
46:16d'enquête parlementaire
46:18ont aussi mené des auditions
46:20sur les discriminations sexistes,
46:22racistes et homophobes
46:24dans le milieu sportif.
46:26Il y a eu plusieurs auditions,
46:28mais nous en avons sélectionné deux,
46:30sans doute les plus marquantes.
46:32D'abord celle de Rouge Direct,
46:34une association qui lutte contre l'homophobie
46:36dans le football.
46:38Elle est très impliquée
46:40sur les questions de racisme dans son sport.
46:44Dans un communiqué de presse
46:46du 31 octobre 2023,
46:48Rouge Direct annonce être contraint
46:50de suspendre ses activités
46:52face à un déclenchement
46:54de haine homophobe
46:56sur le conseil de ses avocats
46:58et par mesure élémentaire de sécurité.
47:00C'est un travail épuisant
47:02où on prend des coups,
47:04beaucoup, sur les réseaux sociaux
47:06par exemple.
47:08Nous en sommes à plusieurs centaines
47:10d'injures violemment homophobes
47:14et aussi des menaces de mort.
47:18On me propose de me mettre
47:20une balle dans la gueule,
47:22pas un ballon, une balle dans la gueule.
47:24Ce que c'est qu'un chant
47:26homophobe finalement ?
47:28Je vais vous en faire écouter,
47:30vous allez voir.
47:36Il faut les tuer !
47:38Il faut tuer ces pédés de Lyonnais !
47:40Il faut les tuer !
47:42Il faut les tuer !
47:44J'avoue que ça a fait un peu mal
47:46aux oreilles d'entendre
47:48« il faut tuer ces pédés de Lyonnais ».
47:50Il se trouve que c'est un chant homophobe
47:52qu'on retrouve par les supporters
47:54de l'OM depuis au moins
47:56une dizaine d'années.
47:58Et ce chant-là,
48:00il est aussi disponible sur Youtube,
48:02sur toutes les plateformes,
48:04ça ne gêne pas l'OM
48:06de laisser des supporters
48:08chanter ça par centaines
48:10et à chaque match.
48:12On fait des signalements, il ne se passe rien.
48:14Est-ce que vous trouvez qu'« il faut tuer ces pédés »
48:16c'est normal ?
48:18Est-ce que ça se dit ?
48:20Est-ce que ça ne tombe pas sous le coup de la loi ?
48:22Est-ce que la loi s'arrête
48:24là où un stade de football
48:26commence ?
48:28C'est une question qu'on pose à la commission.
48:30Remplacer « il faut tuer
48:32ces pédés » de Parisien par « il faut tuer
48:34ces youpins » de Parisien.
48:36Et vous êtes dans l'Allemagne du Troisième Reich.
48:38Je dirais que la première fois que
48:40j'ai subi le racisme
48:42en tant que
48:44enfant qui regardait
48:46un match de foot,
48:48ça remonte à loin en fait.
48:50C'est-à-dire que c'était
48:52des insultes
48:54envers
48:56Joseph Antoine Bell,
48:58un gardien qui a joué à Bordeaux, à Marseille.
49:00Je me souviens quand j'étais enfant.
49:02Et ce qui est très intéressant,
49:04c'est que nous sommes en
49:062023. En fait,
49:08ça existe encore. C'est-à-dire qu'il y a des
49:10joueurs, encore aujourd'hui,
49:12qui se font insulter
49:14par des supporters dans des stades de foot.
49:16Moi-même, quand j'étais
49:18en Italie, ça s'est passé.
49:20S'il y a un problème de racisme
49:22dans les stades notamment,
49:24c'est très amusant parce que
49:26les présidents,
49:28les dirigeants, ils disent que ce ne sont pas des vrais supporters.
49:30Ou même les journalistes,
49:32souvent, ils disent que ce ne sont pas des vrais supporters.
49:34C'est-à-dire que tout d'un coup, ils ont des comportements
49:36racistes et ça ne devient
49:38pas des supporters. En fait, on ne sait pas
49:40qui ils sont. Et je pense qu'il y a
49:42une certaine
49:44hypocrisie à ne pas vouloir
49:46voir la réalité du
49:48problème. Et moi, personnellement,
49:50je prends ça comme un mépris
49:52très profond.
49:54Justement, on avait un président
49:56de la Fédération, je vais
49:58parler de M. Noël Logret, qui déclarait dans la presse
50:00« Quand un black marque un but,
50:02tout le stade est debout. Le phénomène
50:04raciste dans le sport et dans le football en particulier
50:06n'existe pas ou peut-être ? »
50:08Écoutez,
50:10c'est une évidence.
50:12Si tout en haut
50:14de l'échelle,
50:16le président qui doit mettre
50:18en place des choses
50:20pour lutter contre le racisme,
50:22lui-même nie le racisme,
50:24c'est très compliqué.
50:26Tous ces joueurs-là
50:28qui sont adulés
50:32entendant ces chants, qu'ils soient
50:34homophobes, racistes, dans les stades,
50:36ne peuvent pas dire stop ?
50:38C'est une grande hypocrisie, quand même,
50:40si je peux me permettre, de penser
50:42qu'en fait, c'est les joueurs
50:44qui ont la solution.
50:46Ceux, avant,
50:48qui ont les clés, c'est peut-être les présidents du club.
50:50C'est peut-être la télévision
50:52qui finance
50:54le foot.
50:56C'est-à-dire qu'avant d'arriver
50:58aux joueurs de foot,
51:00il y a des acteurs
51:02beaucoup plus importants.
51:06Nous arrivons au terme de ces extraits
51:08d'audition sur cette commission
51:10d'enquête sur les défaillances
51:12dans le monde du sport. Pour clôturer
51:14ce numéro des grands débats, je vous propose
51:16maintenant de rencontrer d'abord
51:18la présidente de cette commission d'enquête,
51:20madame Béatrice Bellamy. Bonjour.
51:22Bonjour. Nous sommes aussi avec
51:24la rapporteure, madame Sabrina Sebaï.
51:26Bonjour. Bonjour.
51:28On vous a vues et entendues tout au long
51:30de ces auditions. On vous a senties
51:32parfois émues, notamment devant
51:34les témoignages de certaines sportives.
51:36On vous a senties aussi parfois
51:38un peu dubitatives, voire
51:40agacées lors de certains entretiens
51:42avec des responsables d'instances sportives
51:44qui ne semblaient pas toujours mesurer
51:46la gravité du problème. Est-ce que c'est
51:48aussi quelque chose que vous avez ressenti ?
51:50Oui, effectivement, je ne vous le
51:52cacherai pas, vous l'avez bien ressenti. Bien
51:54évidemment que de temps en temps
51:56on peut être un peu
51:58déçue, on peut être aussi
52:00émue ou
52:02heureux, bien sûr, du partage, de l'échange
52:04et de la participation
52:06aussi lors de l'audition.
52:08Donc, tout cas
52:10de figure et toutes les émotions
52:12bien sûr partagées lors de ces
52:14six mois de travail. Il y a des auditions qui
52:16nous ont beaucoup marquées, je pense aux auditions
52:18de certaines victimes comme
52:20Angélique Cochy, Emma Odiou,
52:22Sarah Abbol, qu'on a eu l'occasion d'entendre
52:24dans le cadre de cette commission d'enquête, qui nous ont
52:26beaucoup émues et choquées aussi
52:28de se rendre compte de l'ampleur, finalement,
52:30de la tâche à laquelle on s'était attaqué
52:32sans en avoir forcément conscience au départ.
52:34Et puis parfois, moi je vous l'ai dit, des auditions
52:36totalement lunaires de certains dirigeants
52:38du mouvement sportif qui sont arrivés en n'étant
52:40pas du tout préparés à ces auditions
52:42et ce que je trouve absolument regrettable
52:44et qui en fait démontre aussi
52:46peut-être le fait qu'ils ne souhaitaient
52:48pas rendre des comptes à cette commission d'enquête
52:50ou qu'ils estimaient tout simplement qu'ils n'avaient pas à rendre de comptes.
52:52Est-ce que vous avez été, l'une comme l'autre,
52:54étonnée par l'ampleur
52:56des difficultés sur ce sujet
52:58qui pouvait exister au sein du mouvement sportif ?
53:00J'avoue avoir sombré
53:02parfois, suite aux témoignages
53:04vibrants, comme ça a été dit
53:06précédemment par madame la rapporteure
53:08et sombrer, c'est sombrer
53:10dans les abîmes parfois
53:12de sujets à vivre
53:14quelques mois particulièrement
53:16difficiles, même personnellement.
53:18Je vous assure que j'ai eu des moments
53:20des nuits
53:22des moments dans mon quotidien
53:24pendant ces six mois où j'ai vécu ça aussi
53:26avec douleur et avec souffrance et j'ai eu
53:28besoin aussi de le communiquer auprès de mon équipe
53:30qui était là aussi pour m'accompagner et pour
53:32me supporter aussi dans ces questions, dans ces interrogations.
53:34C'est difficile de vivre
53:36six mois, en plus bien sûr du travail du parlementaire
53:38qui est déjà bien occupé, bien chargé.
53:40Donc oui, on peut dire que
53:42je ne m'attendais pas à de telles révélations.
53:44Suite à toutes ces auditions,
53:46votre commission d'enquête
53:48a publié un rapport
53:50qui est très détaillé, qui est très volumineux
53:52où vous faites à la fois un constat des défaillances
53:54qui existent et où vous faites
53:56des préconisations pour améliorer
53:58les choses. On peut peut-être démarrer
54:00sur le constat, quelles sont vraiment
54:02les failles les plus saillantes que vous avez
54:04identifiées ? Des témoignages
54:06qui sont bouleversants quand on sait
54:08qu'il nous manque un peu de contrôle,
54:10de transparence au sein des fédérations.
54:12On le disait, de contrôle
54:14d'honorabilité, de contrôle dans les comptes,
54:16de contrôle dans l'accompagnement des sportifs,
54:18de contrôle aussi
54:20à la réception et la perception aussi
54:22des témoignages des sportifs
54:24quand ils expriment
54:26une souffrance. La première chose
54:28qui a été vite
54:30perçue, je pense, c'est la méconnaissance
54:32de la cellule Signal Sport qui était l'outil
54:34phare du ministère pour les signalements
54:36des violences. Donc ça, vraiment, on s'est rendu compte
54:38que ce n'était pas du tout connu. La deuxième défaillance,
54:40peut-être au niveau du ministère, c'est le contrôle
54:42d'honorabilité. Vous avez un bénévole
54:44sur deux au contact des enfants qui n'a
54:46pas de contrôle de ses antécédents judiciaires.
54:48C'est un problème aujourd'hui, ce qu'on ne peut pas
54:50tout contrôler. On l'a vu pendant la commission,
54:52on a eu des auteurs qui ont été condamnés
54:54par la justice et qui ont pu retourner,
54:56réavoir une licence et retourner
54:58entraîner des enfants mineurs
55:00dans le cadre d'un club sportif.
55:02Ça, ce n'est plus possible.
55:04Vous avez également des préconisations dans votre rapport.
55:06Vous faites une soixantaine de propositions.
55:08Nous n'allons pas ici toutes les dévoiler.
55:10Mais quelles sont les principales ?
55:12Quelles sont les mesures à prendre d'urgence
55:14aujourd'hui ?
55:16D'abord, faire connaître
55:18absolument la cellule Signal Sport.
55:20Le temps, pour nous, parce que l'une des
55:22recommandations principales de ce rapport est la création
55:24d'une autorité administrative indépendante
55:26qui permettra justement de traiter
55:28tous ces signalements de violences,
55:30que ce soit d'ailleurs les discriminations
55:32ou la question financière.
55:34Pour nous, c'est vraiment la préconisation que nous faisons.
55:36Par exemple, sur le volet racisme,
55:38notamment dans les stades, comme on a pu le constater
55:40encore très récemment, on propose la mise
55:42en place d'une billetterie nominative
55:44pour que les personnes qui soient
55:46identifiées comme étant auteurs
55:48de propos racistes ou discriminants puissent être
55:50interdits de stade.
55:52C'est une mesure qu'on pense applicable immédiatement
55:54et assez facile en réalité.
55:56Je voulais compléter également en disant que
55:58cette commission d'enquête,
56:00je l'ai voulu en tant que présidente transpartisane.
56:02J'ai souhaité que
56:04tous les groupes politiques
56:06présents au sein de l'hémicycle puissent
56:08s'exprimer au cours de cette commission
56:10d'enquête.
56:12Les propositions qui émanent de cette
56:14commission d'enquête et de ce rapport,
56:16elles sont transpartisanes.
56:18C'est intéressant aussi qu'on puisse se dire
56:20que le sport n'a pas de couleur politique,
56:22que tout le monde, chacun en tout cas,
56:24chaque député présent
56:26au sein de cette commission d'enquête
56:28a réalisé un travail
56:30en toute sincérité.
56:32Et mis à part,
56:34je citerai quand même
56:36le groupe politique du RN
56:38qui nous a quittés le 29 septembre
56:40ne souhaitant plus y siéger
56:42pour leurs raisons
56:44qui leur sont propres.
56:46La raison principale, je crois, c'est que, notamment,
56:48il n'était pas question de l'islamisme dans le sport
56:50au cours de vos travaux. Je crois que c'est ça qui a été reproché.
56:52Ils ont la possibilité eux-mêmes,
56:54grâce à trois tirages
56:56qui leur est proposé
56:58en tant que groupe d'opposition
57:00de créer une commission d'enquête
57:02quand ils le souhaitent
57:04sur ce sujet et de le travailler.
57:06Je voudrais rappeler que la commission d'enquête
57:08et le sujet, le thème bien délimité
57:10a été choisi par ma collègue-rapporteure
57:12et qu'elle n'avait pas
57:14intégré ce thème,
57:16ce sujet, cette problématique, bien évidemment,
57:18dans le sujet de cette commission d'enquête.
57:20Voilà. C'est un choix.
57:22C'était déjà suffisamment long.
57:24Je pense que c'est une des plus
57:26grosses commissions d'enquête
57:28au sein de l'Assemblée nationale
57:30en auditions, en temps d'écoute,
57:32en travail de réécoute
57:34derrière aussi des auditions.
57:36Ça a été colossal, en tout cas, pour les services de l'administration.
57:38Merci à toutes les deux
57:40d'être venues répondre à nos questions.
57:42C'est la fin de ce numéro
57:44des grands débats. Vous pouvez retrouver
57:46sur notre site internet
57:48lcp.fr toute notre collection
57:50des grands débats.
57:52À très bientôt sur LCP.