• il y a 8 mois
Une commission spéciale pour travailler sur le projet de loi relatif "à l’accompagnement des malades et de la fin de vie" s'ouvre ce mardi à l'Assemblée Nationale : Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale à l’Université Paris-Saclay est l'invité de 6h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-lundi-22-avril-2024-3621204

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00:00 *Musique*
00:08 Il est 6h22, c'est la grande réforme sociétale du second quinquennat d'Emmanuel Macron.
00:13 Changer la législation sur la fin de vie.
00:16 Les discussions débutent aujourd'hui à l'Assemblée Nationale.
00:19 Une commission spéciale va commencer par auditionner ce soir la ministre de la Santé, Catherine Vautrin.
00:23 Puis elle entendra aussi bien des représentants du monde médical que des professeurs de philosophie ou des responsables des cultes.
00:29 Bonjour Emmanuel Hirsch.
00:31 Bonjour Mathilde Minos.
00:32 Vous, vous serez auditionné demain en tant que professeur d'éthique médicale à l'université de Paris-Saclay.
00:37 Vous êtes également membre de l'Académie de médecine.
00:39 D'abord sur la démarche, le fait de créer une commission spécifique et qu'elle ne se contente pas d'examiner le projet de loi,
00:47 mais qu'elle consulte des professionnels. Est-ce que c'est une bonne façon de faire ? Est-ce que c'est utile ?
00:52 D'abord c'est rassurant, c'est ce qui a été mis en place pour les révisions de loi de but éthique, pour prendre un exemple.
00:56 Et ça a été plutôt favorable.
00:58 Ça permet une dernière forme d'échange.
01:00 On a une convention citoyenne, rappelez-vous, elle s'est arrêtée il y a un an.
01:04 Donc on a les conclusions, j'allais dire, de cette audite.
01:07 On a l'avis du comité consultatif national d'éthique, rappelez-vous, le 13 septembre 2022,
01:12 quand le président de la République a lancé cette dynamique d'évolution, de transformation de la loi.
01:18 Donc je trouve que tout ce qui est de l'ordre du débat est important.
01:21 Tout est fait pour que ça se passe sereinement, justement, depuis cette convention citoyenne.
01:25 Là on se donne encore deux ans pour aboutir. Surtout on ne précipite pas les choses et on discute avec tout le monde.
01:29 On ne précipite pas les choses, n'oubliez pas qu'on va être à notre cinquième loi.
01:32 Et Olivier Falorni, qui est le président de cette commission, avait présenté, rappelez-vous, le 1er avril 2021,
01:38 à l'Assemblée nationale, une proposition de loi qui était finalement favorable à ces nouveaux droits qu'on cherche à développer.
01:45 Alors je ne dis pas que je suis favorable ou pas, je suis un citoyen qui va suivre cette évolution.
01:49 Mais disons, la méthode, elle me semble tout à fait à la hauteur des enjeux.
01:53 Vous avez cité Olivier Falorni, un député modem. Ce n'est pas le président, c'est le rapporteur général.
01:56 La présidente c'est Agnès Firmin-Lebaudot, ancienne ministre déléguée chargée des professions de santé.
02:01 Justement, sur le choix des personnes qui occupent ces postes clés, parce que dans cette commission, il y a 71 députés de tous bords politiques,
02:09 mais les deux qu'on vient de citer, ils sont très nettement favorables à ce projet de loi.
02:14 Est-ce que c'est gênant à ces postes clés ?
02:16 Vous savez, on est dans une démocratie, on a une représentation parlementaire en représentation nationale.
02:22 Chacun exprimera son point de vue.
02:24 Mais je pense qu'aujourd'hui, le débat n'est pas sur "on arrête l'évolution".
02:28 C'est dans quelles conditions, avec quel encadrement, cette évolution aura lieu.
02:32 Rappelez-vous que la première loi, c'était la loi sur les soins palliatifs, le 9 juin 1999.
02:37 On a Agnès Firmin-Lebaudot, qui était quasiment l'auteur de la première version de la loi, rappelez-vous, du 6 octobre dernier.
02:44 Et on a Olivier Falorni. Alors effectivement, j'ai fait une erreur, mais il était aussi rapporteur, effectivement, par le passé.
02:50 Mais on est dans un contexte où l'important, ça va être véritablement de prendre en compte des situations exceptionnelles.
02:56 Et de voir de quelle manière on les transpose dans la loi.
02:58 Sachant que les pays qui nous ont précédés n'ont pas réussi à terme, finalement, à maintenir d'une manière un peu formelle,
03:05 ces critères de minutie qui éviteraient à des personnes qui ne sont pas véritablement en fin de vie,
03:10 de se retrouver confrontées à ces situations d'euthanasie, de suicide assisté.
03:14 Alors justement, le choix qui a été fait, ce n'est pas de copier exactement à ce qui se fait dans les pays voisins,
03:20 c'est une troisième voie, en quelque sorte, que défend Emmanuel Macron.
03:23 Une nouvelle déclinaison de son en même temps.
03:25 Puisque le projet de loi ne parle pas d'euthanasie ni de suicide assisté, il s'agit d'une aide à mourir.
03:31 Est-ce que c'est une vraie troisième voie ou est-ce que c'est un suicide assisté qui ne dit pas son nom ?
03:35 Juste pour parenthèse, le conseil d'État nous a rendu un avis que j'incite chacun à lire.
03:40 Le 4 avril dernier, il parle d'euthanasie, de suicide assisté, il parle de soins palliatifs.
03:44 Et ce qui va être l'enjeu fondamental des prochains jours, c'est de préciser les termes.
03:48 Il ne faut pas qu'on arrive d'une manière voilée.
03:50 Et les pays qui nous ont précédés, si vous prenez par exemple, le premier pays, c'était les Pays-Bas,
03:56 en avril 2001, ont été très clairs. Là, c'était l'interruption volontaire de vie.
04:02 Donc je pense que par décence vis-à-vis de la société,
04:06 par décence vis-à-vis des personnes les plus vulnérables par rapport à ces questions,
04:09 il faudra être précis.
04:10 Précis également sur quels sont les critères qu'on va mettre pour définir les règles,
04:15 quel type de maladie, quelle type de proximité par rapport à l'échéance de la mort.
04:20 Oui, il y a des conditions très strictes.
04:21 Le pronostic vital devrait être engagé à court ou moyen terme, c'est ce que dit le texte.
04:26 C'est quoi le moyen terme ?
04:27 Justement, c'est là où il y a beaucoup d'ambiguïté.
04:29 Alors quand vous dites que ça va être une voie à la française,
04:31 je ne vois pas en quoi ça va être une voie à la française.
04:33 Elle sera même peut-être plus extrême que d'autres,
04:35 puisqu'il est dans le projet de loi, question d'une personne tierce,
04:38 qui n'est pas un professionnel, que la personne malade désignerait pour l'aider dans l'acte d'euthanasie.
04:43 Pour accomplir le geste quand le malade ne peut pas le faire lui-même.
04:46 Tout à fait. Alors vos précisions, vous devriez être à la mission parlementaire,
04:49 parce que vous leur apporterez de la précision.
04:50 On est dans le flou, si vous voulez, le plus réel.
04:53 Parce que c'est difficile de mettre des mots très très précis
04:55 vis-à-vis de situations si compliquées et aussi dures d'un point de vue éthique.
04:59 N'oubliez pas que finalement la loi aurait été encore plus avancée rapidement
05:04 si la quasi-totalité des professionnels de santé s'y étaient proposés,
05:07 notamment les gens des soins palliatifs.
05:08 Donc il va falloir prendre en compte aussi le côté déontologique.
05:11 Est-ce que c'est un acte médical que d'apporter à la personne la substance qui va la faire mourir,
05:16 ou même de la faire mourir à travers une substance métalle qu'est l'euthanasie ?
05:20 Mais ce que vous nous dites, c'est quoi ?
05:21 C'est qu'en fait, il est impossible de faire une loi justement parce que c'est trop compliqué,
05:24 on touche à l'humain ?
05:26 Non mais il n'est pas impossible.
05:27 Déjà l'originalité, si vous voulez, de la France, c'est qu'il y a eu plusieurs démarches.
05:30 On en est à notre cinquième loi.
05:31 Et vous avez le président du comité consultatif national d'éthique qui nous annonce déjà la sixième.
05:35 La sixième, à mon avis, ce sera la libération la plus absolue.
05:38 Jean-François de Crécy, il n'y en aura forcément une autre.
05:41 Voilà, il avait dit ça le 10 au moment du conseil du ministre.
05:44 Je trouve que ce qui est intéressant, c'est la prudence, la capacité de discernement.
05:48 La loi de référence, pour ce qui me concerne, c'est la loi Leonetti du 22 avril 2005,
05:52 qui était favorable à ce qu'on fasse tout pour que la personne ne souffre pas,
05:56 y compris si on abrège son existence.
05:58 Il fallait de l'équilibre.
05:59 Et ce que le conseil d'État note très très justement,
06:01 c'est peut-être que le fait de légaliser dans ce domaine
06:04 empêchera véritablement l'esprit critique le discernement.
06:07 Parce que la loi est très normative.
06:09 Et vous voyez, vous avez des problèmes extrêmement importants
06:11 qui vont être abordés, j'imagine, dans les prochains jours.
06:13 Les personnes atteintes de souffrances psychiatriques,
06:15 les personnes atteintes de maladies neurodégénératives,
06:17 comme la maladie d'Alzheimer, qui ne pourront plus exprimer leur volonté au moment où on leur demanderait.
06:22 Donc vous voyez, vous avez tout un ensemble de situations particulières.
06:25 On a beaucoup parlé ces dernières heures de Robert Banninter.
06:28 Et c'était très intéressant parce qu'il disait finalement
06:31 si demain on devait définir l'exception d'euthanasie,
06:34 il faudrait aussi qu'on définisse l'irresponsabilité médicale de l'acte létal.
06:38 Et je pense que ça va être un enjeu fondamental
06:41 pour qu'on soit, j'allais dire, dans la quiétude avec cette nouvelle loi.
06:44 Alors son épouse a dit que voilà, il ne faut pas détourner ses propos
06:48 et que lui aurait sans doute...
06:49 Voilà, cela étant en avril 2004,
06:52 j'incite Elisabeth Banninter, qui est une grande philosophe,
06:55 de lire exactement ce qu'il avait dit avant la loi Leonetti.
06:58 Il était très précis.
06:59 Merci Emmanuel Hirsch, professeur d'éthique médicale à l'Université de Paris-Saclay.
07:03 Je renvoie également à votre livre "Soigné par la mort, est-il encore un soin ?"
07:07 paru aux éditions du CERC quant au débat dans l'hémicycle.
07:09 Ils commenceront dans un peu plus d'un mois, le 27 mai.

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