• il y a 8 mois
Les suppressions d'emplois prévues par Tesla concernent notamment les États-Unis et la Chine, les deux plus grands marchés du constructeur automobile, dans les domaines de la vente, de la technologie et de l'ingénierie.

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Transcription
00:00 Ça va mal chez Tesla, les ventes sont en baisse, les marges s'effondrent, le cours de l'action à Wall Street aussi.
00:06 Les effectifs vont être réduits de 10%, gros passage à vide pour le pionnier de la voiture électrique.
00:11 Est-ce l'illustration d'un mal plus profond qui concerne toute la filière ?
00:15 C'est ce qu'on va voir avec vous Bernard Julien, bonjour !
00:17 Bonjour !
00:18 Vous êtes maître de conférence à l'Université de Bordeaux, spécialiste de l'industrie automobile.
00:22 D'abord, que se passe-t-il chez Tesla ? C'est quoi le problème ?
00:25 Le problème c'est que 1) le marché croit moins vite qu'il ne l'avait prévu et 2) la concurrence est plus vive que ce qu'ils avaient prévu.
00:33 Ça veut dire qu'ils ont des parts de marché qui se tiennent moins bien sur un marché qui croit moins vite,
00:37 comme ils ont des objectifs de croissance très très forts qu'ils annoncent avec éclat à chaque fois qu'ils sont un peu en deçà
00:44 et c'est la première fois qu'ils le sont autant, évidemment ils sont eux-mêmes déçus et puis les marchés le sont aussi.
00:51 Donc il y a effectivement un titre qui dévisse et pour rassurer les marchés, comme on dit,
00:56 alors il faut annoncer qu'on va serrer les boulons pour faire en sorte que la profitabilité au moins soit là
01:02 et c'est ce qui explique le plan de décentrement assez massif qui est annoncé avec toute la violence dont est capable Elon Musk et Tesla.
01:10 Typiquement, ils ont un peu oublié de prévenir les organisations syndicales et en Allemagne ça fait tâche.
01:17 Donc on a effectivement un contexte assez particulier.
01:19 Alors ça c'est le contexte justement externe avec cette baisse de la demande ou en tout cas ce frein sur la demande.
01:24 Il n'y a pas de baisse de la demande, il y a une croissance moindre et ça suffit à générer des inquiétudes.
01:29 Et cette concurrence accrue. Mais est-ce qu'il y a aussi des causes internes liées à Tesla ?
01:33 On dit qu'il y a moins d'innovation par exemple quand même depuis quelques années.
01:36 Oui, effectivement, tant que le marché était un marché haut de gamme, tant qu'il s'agissait de vendre des voitures entre 50 et 150 000 euros,
01:45 Tesla était à son aise. Là le défi aujourd'hui que doit relever Tesla, c'est une espèce de banalisation de véhicules électriques, une descente en gamme.
01:55 Et ce mouvement-là, il est de toute façon difficile. Il est particulièrement difficile pour Tesla parce qu'industriellement, ce n'est pas le même boulot.
02:03 Et puis commercialement, il s'agit de s'adresser non pas aux quelques personnes qui sont convaincues d'avance,
02:09 mais aux communs des mortels qui se font forcément un peu plus tirer l'oreille et qui souhaitent avoir des véhicules qui soient plutôt en dessous de 30 000 qu'au-dessus de 45 000.
02:18 Et c'est tout le défi pour Tesla. Comme ils ont annoncé que le projet qu'ils avaient dans ce domaine, enfin ils n'ont pas annoncé,
02:23 on a révélé plutôt que le projet qu'ils avaient dans ce domaine est probablement retardé. Évidemment, il y a eu péril. On la demeure en tout cas inquiétude.
02:32 Aujourd'hui, combien de Tesla sont vendus dans le monde chaque année ?
02:35 Les Tesla vendus dans le monde, c'est entre 1 et 1,5 million. Mais ils ont annoncé des objectifs bien au-delà.
02:43 20 millions par an en 2030, c'est jouable ou pas ?
02:45 Évidemment, ce serait jouable si le marché croissait jusqu'au ciel et si eux-mêmes conservaient des parts de marché phénoménales comme celles qu'ils ont pu avoir dans les temps pionniers.
02:54 Je pense que c'est largement hors d'atteinte et que Tesla va devoir se banaliser. Tesla est déjà rentré l'an passé dans des guerres de prix, ce qui était relativement inhabituel.
03:04 Tesla va être comme tout constructeur. Souvent, on dit dans le commerce automobile, le problème de chacun, c'est de faire boire des ânes qui n'ont pas soif au fond.
03:14 Puisqu'on a toujours plus de voitures à vendre que les clients n'en veulent, Tesla va se trouver dans cette situation-là.
03:19 Et déjà, cette situation-là, elle est inédite pour eux, pas pour les autres.
03:23 Pas pour les autres. Mais ce qui arrive à Tesla, est-ce que d'autres constructeurs ont un coup de mou comme Tesla ou pas ?
03:28 Les constructeurs sont habitués à avoir cela. Peut-être pas sur l'électrique parce que là, il y avait une croissance relativement vive et que la croissance, on ne la connaissait plus dans l'automobile.
03:35 Donc, on était bien content avec l'électrique pour ces raisons-là. Ce qu'il y a d'évident, c'est que Tesla et les autres sont dans la même situation.
03:42 Pour l'instant, ils ont atteint 10-15% du marché total avec des voitures qui sont extrêmement chères.
03:49 Aujourd'hui, il faut descendre en gamme. Descendre en gamme pour Renault, pour Cyprien, c'est relativement facile. Descendre en gamme pour Tesla, c'est plus compliqué.
03:55 J'ai vu qu'en Allemagne, les ventes de voitures électriques sont repassées derrière les voitures diesel. Il y a eu la fin de l'aide publique sur les voitures électriques.
04:03 Donc, ça a joué. En France aussi, il y a eu un bonus supprimé pour les entreprises. Il y a eu une prime à l'achat rabotée pour les ménages les plus riches.
04:09 Sans aide publique, la voiture électrique, ça ne marche pas ?
04:12 Sans aide publique, il faut que les constructeurs fassent un vrai effort. A la fois sur les prix et sur leurs marges.
04:17 Il faut faire rentrer la voiture électrique dans le lot commun. Ce mouvement-là risque de générer sur l'année 2024 et probablement sur l'année 2025,
04:28 quelques accrocs des phénomènes où la croissance d'un mois sur l'autre n'est pas tout à fait à la hauteur.
04:34 Il n'en reste pas moins que quand on lisse, comme disent les statisticiens, on a quelque chose qui est assez largement croissant.
04:42 On a une obligation pour les constructeurs d'aller vers cela. On a des constructeurs qui ont investi tellement qu'il faut qu'ils y arrivent.
04:48 Et puis, on a un écosystème qui finit par se mettre en place de manière à peu près convaincante pour les clientèles.
04:55 Dans le journal de 6h, l'association Hop a alerté ce matin sur France Inter sur l'obsolescence programmée des voitures électriques
05:02 avec des batteries difficilement réparables, avec des pièces qui sont complètement moulées dans un seul bloc,
05:07 ce qui rend impossible l'utilisation de pièces détachées pour les réparer. Cela freine les ventes ?
05:12 Je ne pense pas que cela freine les ventes. Par contre, cela fait partie des problèmes qu'il faut régler pour que cela soit pleinement convaincant
05:19 et que l'électro-scepticisme soit amoindri. C'est assez largement pris en compte par la réglementation européenne.
05:27 Cela commence à être pris en compte aussi par les constructeurs. Renault annonce par exemple que sur son SEMIC, la batterie sera réparable.
05:34 Ils en font un argument de vente. C'est intégré petit à petit. L'électrique, c'est un système qui est une plongée dans l'inconnu.
05:43 Petit à petit, il y a des lièvres qui sont levées et les constructeurs sont obligés de les régler.
05:48 Il y a des problèmes de réparation pour les indépendants. Typiquement, les petits garages, un jour, il faudra qu'ils règlent cela.
05:54 Pour l'instant, ce n'est pas fait, mais cela va l'être.
05:56 Et il y a un marché de l'occasion pour l'électrique ?
05:58 Il y aura un marché de l'occasion. Pour l'instant, il se réduit pour nous en France aux OE de une dizaine d'années.
06:04 Évidemment, pour la plupart des ménages, il faut attendre que l'occasion soit là, parce qu'ils sont habitués à n'acheter que des voitures d'occasion.
06:11 Ce sera vrai pour l'électrique comme pour le thermique.
06:13 Merci Bernard Julien, maître de conférence à l'Université de Bordeaux, spécialiste de l'industrie automobile.

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