Nouvelle réforme de l'assurance-chômage, CDI senior, négociation "pour un nouveau pacte de la vie au travail" : Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, est l'invitée de RTL Matin.
Regardez L'invité de RTL du 09 avril 2024 avec Amandine Bégot.
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00:02 RTL matin
00:06 RTL 7h43 bonjour Sophie Binet.
00:09 Bonjour.
00:10 Vous êtes secrétaire générale de la CGT, les syndicats et le patronat se retrouvent donc à 10 heures pour reprendre leur discussion sur l'emploi des seniors.
00:16 Pas d'accord pour l'instant, alors c'est une bonne ou c'est une mauvaise nouvelle ?
00:19 Oui c'est une bonne nouvelle, c'est grâce à la détermination des organisations syndicales que le patronat a été
00:25 contraint de programmer une nouvelle séance de négociations
00:28 aujourd'hui. Il reste des points très importants à régler. En fait le problème c'est que le patronat n'a pas vraiment compris l'objet de cette négociation.
00:35 La négociation elle porte sur l'emploi des seniors et le patronat dans son projet d'accord nous propose de multiples façons de mieux licencier
00:42 les seniors. Donc on est encore sur un hors sujet.
00:45 Par exemple ils veulent en cas de reconversion des salariés pouvoir les licencier sans payer d'indemnités de licenciement.
00:50 Ils veulent généraliser ce qui s'appelle le congé de mobilité
00:54 qui permet de licencier plus facilement les salariés. Aujourd'hui c'est limité aux entreprises de plus de 300, ils veulent l'étendre dans les petites entreprises
01:00 et puis ils veulent aussi limiter le recours à la médecine du travail. Donc on voit qu'on est bien loin des dispositions qu'il faudrait prendre
01:07 pour répondre aux décalages de deux ans de l'âge de départ en retraite. On s'arrête un instant justement sur ce fameux contrat de valorisation
01:13 de l'expérience puisque c'est comme ça qu'il est nommé.
01:15 C'est donc un contrat qui peut être rompu par l'employeur dès que le salarié atteint l'âge légal de départ en retraite avec une pension à
01:21 taux plein. Pour vous c'est une ligne rouge ?
01:23 C'est un problème oui parce que contrairement à ce qu'on entend souvent, le taux plein ça veut pas forcément dire une retraite pleine et entière.
01:29 La retraite même à 67 ans elle reste proratisée en fonction de son nombre d'annuités de cotisations.
01:34 Il peut y avoir des salariés qui souhaitent et qui ont besoin de travailler plus longtemps
01:38 pour avoir une retraite pleine et entière.
01:39 Nous ce qu'on souhaite c'est qu'à 67 ans et même plus tôt puisque la CGT est pour la retraite à 60 ans,
01:44 les salariés puissent avoir une retraite pleine et entière. A partir de là on sera tout à fait d'accord avec le patronat sur le
01:50 fait qu'il puisse partir à la retraite d'office.
01:53 Mais le problème c'est qu'on les forcerait à partir à la retraite sans qu'ils aient leur retraite pleine et entière.
01:57 Alors je vous présente la question autrement c'est,
01:59 quelle est la proposition de la CGT pour lutter contre le chômage des seniors en fait ?
02:03 Eh bien la CGT a de multiples propositions.
02:06 La première c'est évidemment de sanctionner les entreprises qui ne jouent pas le jeu en matière d'emploi des seniors.
02:11 La deuxième c'est d'aménager les conditions de travail puisqu'il y a près de 40% des emplois qui ont au moins un critère de pénibilité.
02:18 Donc quand on a plus de 60 ans c'est mission impossible.
02:21 Donc il faut rendre obligatoire l'aménagement des postes de travail et des départs anticipés pour pénibilité.
02:28 Et puis il faut aussi aménager les fins de carrière avec, on demande, un temps partiel senior,
02:33 de droit pour les salariés seniors, avec un temps partiel payé temps plein et cotisé temps plein.
02:39 Le problème c'est que sur tous ces dispositifs là le patronat ne veut pas s'engager
02:43 et accepte au mieux de les écrire en disant "sous réserve de l'accord de l'employeur".
02:47 Bon avec ça on n'ira pas loin.
02:48 Surtout ce que je comprends vos écoutants c'est qu'on est bien loin d'un accord.
02:51 Il va falloir que la séance d'aujourd'hui soit productive et la CGT va mettre toute son énergie
02:57 pour que ces mesures puissent être reprises dans l'accord.
03:00 C'est très important, c'est 5 millions de salariés seniors.
03:03 Sinon c'est le gouvernement qui reprend la main.
03:05 Oui et malheureusement les intentions du gouvernement sont plutôt inquiétantes.
03:09 C'est d'ailleurs ça qui fait que le patronat n'est pas pressé de conclure un accord à nos conditions.
03:14 C'est parce qu'il sait que si le gouvernement reprend la main, le gouvernement lui a déjà promis
03:18 "mons et merveilles" au patronat.
03:19 Je voudrais votre analyse sur ce chiffre.
03:21 Deux tiers des 55 ans et plus sont sans emploi dans notre pays.
03:24 La France fait moins bien que le reste de l'Europe. Pourquoi ?
03:27 Comment expliquez-vous ça ?
03:29 Et bien parce qu'on continue à licencier les seniors par millier dans les entreprises.
03:33 Parce qu'ils coûtent trop cher ?
03:34 Parce que le patronat considère qu'ils coûtent trop cher.
03:38 Sauf que l'expérience et les qualifications ça se rémunère.
03:41 Et donc le problème c'est qu'en 2010 on a repoussé l'âge de la retraite
03:44 en faisant comme si ça améliorait automatiquement l'emploi des seniors.
03:47 Evidemment il n'en a rien été.
03:49 C'est la précarité et le chômage des seniors qui a explosé.
03:52 Et là on nous refait la même chose avec un report de l'âge de départ en retraite
03:56 sans mesure pour améliorer l'emploi des seniors.
03:58 Alors que si on avait auparavant travaillé sur l'emploi des seniors,
04:01 on aurait résolu le problème de financement des retraites.
04:04 Parce que plus d'emplois pour les seniors égale plus de cotisations dans les caisses de sécurité sociale.
04:08 Alors le prochain dossier c'est l'assurance chômage que le Premier ministre veut réformer en 2024.
04:13 Là encore des négociations vont commencer.
04:15 Gabriella Tallévoque déjà l'idée de raccourcir la durée de l'anémonisation de 18 à 12 mois.
04:19 Quelle est votre réaction ?
04:21 Il faut arrêter de se moquer du monde et de prendre les droits des salariés
04:24 pour le tiroir caisse du gouvernement.
04:26 Il y a déjà eu un accord en matière d'assurance chômage qui date du mois de novembre.
04:30 La CGT ne l'a pas signé parce qu'il contenait quelques reculs pour les droits des salariés.
04:34 Et le gouvernement avant même que cet accord ne rentre en vigueur
04:37 veut imposer une nouvelle négociation, toujours pour les mêmes raisons.
04:40 Donc il n'y a pas de marge de négociation de votre point de vue ? On ne touche à rien ?
04:43 De notre point de vue il faut toucher à beaucoup de choses pour améliorer les droits des chômeurs.
04:48 Parce que contrairement à ce qu'on entend souvent,
04:50 il y a à peine plus d'un tiers des chômeurs qui sont indemnisés par l'assurance chômage.
04:54 La situation est très mauvaise aujourd'hui.
04:56 Ma question c'est quelles sont les marges de négociation ?
04:58 Est-ce que vous allez entrer dans la discussion ou vous opposez par principe sans dialoguer avec le gouvernement ?
05:02 Écoutez, on va avoir une réflexion stratégique dans la CGT et avec les autres organisations syndicales.
05:09 D'abord on va voir la question qui nous sera posée par le gouvernement
05:12 parce que pour l'instant on ne sait toujours pas précisément comment le gouvernement veut faire les choses.
05:17 Ce qui est sûr c'est que la CGT sera déterminée à lutter contre cette réforme
05:21 et à défendre l'assurance chômage parce que c'est un acquis pour tous les salariés.
05:25 Alors justement, vous savez que pour le gouvernement raccourcir la durée d'indemnisation
05:28 peut convaincre les chômeurs de reprendre un travail plus rapidement.
05:31 Ça vous choque ? C'est faux ?
05:33 C'est totalement faux, il n'y a aucune étude qui le démontre.
05:36 Là ce serait la cinquième réforme de l'assurance chômage si elle passait.
05:40 Les précédentes n'ont même pas été évaluées.
05:42 Et il n'y a jamais aucun lien qui a été fait entre le fait de réduire les droits des chômeurs
05:46 et de faire baisser le chômage.
05:48 Un enfant de 5 ans le comprendrait.
05:50 S'il y a 6 millions de personnes qui sont aujourd'hui au chômage,
05:52 c'est bien parce qu'il n'y a pas assez d'emplois
05:54 et ce n'est pas le fait de réduire le droit des chômeurs qui va répondre aux problèmes d'emploi en France.
05:58 Alors, on garde un peu de temps pour parler du 1er mai.
06:01 Une date importante, pas seulement pour nos syndicats.
06:04 C'est quoi le mot d'ordre cette année ? En tout cas pour la CGT.
06:06 Le 1er mai c'est notre prochain grand rendez-vous.
06:08 Il y aura des manifestations dans toute la France.
06:10 Il y a trois mots d'ordre.
06:12 Le premier c'est la défense de nos droits sociaux.
06:15 Il y en a assez que ce soit toujours les mêmes qui doivent passer à la caisse
06:18 alors qu'il y a des bénéfices records y compris en France.
06:21 Là on entend parler par exemple de la rémunération du patron de Stellantis
06:24 qui en un jour gagnerait en moyenne ce que ses salariés gagnent en un an.
06:29 Le deuxième mot d'ordre des manifestations du 1er mai,
06:33 c'est la question des élections européennes pour dire qu'on ne veut ni l'Europe des actionnaires
06:37 ni l'Europe des réactionnaires.
06:39 Et puis enfin le 1er mai, c'est une journée internationale
06:42 et dans le monde entier, les travailleuses et les travailleurs se mobilisent pour la paix.
06:46 Et donc nous serons aussi pour dire que toute notre solidarité avec les civils
06:50 qui sont sous les bombes à Gaza ou en Ukraine est pour dire qu'il faut un cessez-le-feu.
06:53 Ce 1er mai sera-t-il oui ou non unitaire ?
06:56 Eh bien ça va dépendre.
06:58 À Paris, la grande majorité des syndicats sera...
07:01 L'an dernier vous avez manifesté tous ensemble, on n'avait pas vu ça depuis un petit bout de temps.
07:04 J'ai envie de vous dire, ça faisait du bien qu'on soit favorable ou pas aux mouvements syndicaux.
07:08 Tout à fait d'accord.
07:09 La CGT porte l'unité à tout moment et en particulier pour le 1er mai.
07:14 Et donc dans un maximum de villes, nous nous battons pour que le 1er mai soit unitaire.
07:18 À Paris, ça va être très large.
07:20 Une dernière question. Est-ce que vous maintenez votre menace de déposer des préavis de grève
07:23 chez les fonctionnaires pendant les Jeux Olympiques ?
07:25 Ce que nous maintenons, c'est notre exigence de négocier sur les Jeux Olympiques
07:29 puisqu'il y a beaucoup de contraintes pour les salariés liées aux Jeux Olympiques.
07:32 Les Jeux Olympiques, on n'en fait pas tout le temps, j'ai envie de vous dire Sophie Binet.
07:36 Il faut peut-être plutôt les aider qu'essayer de les contrarier, non ?
07:39 Bien sûr, mais tous les salariés ont envie que les Jeux Olympiques réussissent.
07:42 À commencer par ceux de la monnaie de Paris avec qui j'étais hier
07:45 qui frappent les médailles pour les JO, qui sont en grève depuis 15 jours
07:49 parce que leurs salaires ne suivent pas l'inflation.
07:51 Ils réclament une prime pour les Jeux Olympiques et aujourd'hui on leur refuse.
07:54 Tony Estanguet, président du comité d'organisation, demande une trêve olympique,
07:58 pas de grève pendant les Jeux. Vous lui dites quoi ce matin à Tony ?
08:01 Eh bien, ce que nous lui disons, c'est chiche, mais pour ça il faut négocier maintenant.
08:04 Or, aujourd'hui, il n'y a pas de négociation, ni dans la fonction publique.
08:08 C'est pas lui qui négocie, j'ai envie de vous dire.
08:10 À moins qu'on estime que la CGT est contre tout, même les JO, vous comprenez ?
08:14 Non mais la CGT n'est pas contre les JO. La CGT, elle est pour les travailleuses et les travailleurs.
08:17 Et donc ce que nous voulons, c'est que ces contraintes soient rémunérées avec, en face,
08:21 des primes, des modalités pour prendre en charge la garde de leurs enfants,
08:24 ou pour se loger pendant les Jeux Olympiques. On n'a pas de réponse là-dessus.
08:27 D'accord. Et si ce n'est pas le cas, il y aura des mouvements de grève ?
08:29 Eh bien, si ce n'est pas le cas, on n'interdira à personne de faire grève pour défendre ses droits,
08:32 parce que c'est un droit fondamental pour les travailleuses et les travailleurs, évidemment.
08:35 La réponse est claire. Merci beaucoup Sophie.
08:37 Merci beaucoup Sophie.
08:38 [SILENCE]