Ce matin, Anne-Cécile Mailfert revient sur la mort de Maryse Condé, un personnage de notre histoire féministe.
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/anne-cecile-mailfert-en-toute-subjectivite/anne-cecile-mailfert-en-toute-subjectivite-du-vendredi-05-avril-2024-6955311
Retrouvez "En toute subjectivité" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/anne-cecile-mailfert-en-toute-subjectivite
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00:00 Le 6/9, Alibadou, Marine Lourdes sur France Inter.
00:05 7h20 en toute subjectivité, bonjour Anne-Cécile Maïfert.
00:08 Bonjour à toutes et tous.
00:09 Présidente de la Fondation des femmes et ce matin, Anne-Cécile, vous avez voulu revenir sur la mort de Marie Skondé.
00:16 Marie Skondé, c'est un nom qu'on a forcément croisé en tant que féministe des livres qu'on a feuilletés.
00:20 On sait qu'elle était une grande dame, mais à l'occasion de son décès, on redécouvre un immense personnage de notre histoire collective
00:26 qui mériterait, comme l'a si bien proposé une tribune dans le Nouvelle-Hobbes hier, un hommage ou fémage national du président de la République,
00:33 comme elle serait en droit de recevoir d'ailleurs, en tant que grande croix de l'ordre national du mérite.
00:38 Marie Skondé donc, écrivaine francophone, c'est une femme d'au-delà des mers.
00:41 On la sait originaire de Guadeloupe, mais elle vivra aussi au Côte d'Ivoire, au Guinée, en Ghana, au Sénégal,
00:46 et s'envolera ensuite en Amérique, aux Etats-Unis, où elle enseignera plus de 20 ans à Columbia
00:51 et d'où elle fondera le Centre des études françaises et francophones.
00:54 Elle y fréquentera d'autres écrivaines illustres, comme Toni Morrison ou Angela Davis,
00:59 qui préfaça une de ses œuvres mythiques dédiées à faire sortir les femmes noires de l'oubli, « Moi, Tituba sorcière ».
01:05 Marie Skondé n'avait pas de frontières.
01:06 Elle n'avait pas de limites, ni géographiques, ni littéraires.
01:09 Elle disait « Le roman, c'est un peu la robe que façonne la vie ».
01:13 Elle en a écrit plus de 40, et c'est ce qu'on lui connaît de mieux, mais elle portait de tout,
01:16 de la pièce de théâtre au livre pour enfants, à chaque fois les émotions et les convictions sont là,
01:21 dans « À la courbe du joli bas », les collégiens peuvent découvrir la réalité des pays les plus pauvres
01:26 au travers des aventures d'Aïcha et de ses sœurs, qui quittent l'angoisse d'une guerre en Côte d'Ivoire
01:30 pour faire place à l'émerveillement d'une sensation de liberté jusqu'alors inconnue.
01:34 Cette liberté de femme pour Marie Skondé était viscérale.
01:37 Elle l'affirmait depuis petite et la défendait partout, tout le temps.
01:40 Elle écrivait en 2005 « Histoire de la femme cannibale » sur la double oppression
01:44 dont sont victimes les épouses noires dans les couples mixtes,
01:47 à savoir le racisme et le patriarcat, une situation qu'elle connaissait bien.
01:51 Dans la vie professionnelle, cette double oppression, elle en a aussi fait les frais,
01:54 elle a dû redoubler de travail pour être un peu considérée.
01:57 Ça a payé, mais surtout à l'international, où elle a reçu de nombreux prix,
02:00 comme en 2018 le prix Nobel Alternatif de littérature.
02:04 Noire, femme et militante anticoloniale, en France, rien ne lui a été facilité.
02:09 - Et ces convictions tranchées n'étaient pas toujours bienvenues ?
02:12 - Oui, femme battante, indépendante, cette indépendance, c'était pour son île natale d'abord,
02:16 mais pour tous les peuples ensuite, dans un engagement anticolonial intransigeant.
02:20 Fine, elle pouvait décrire tout aussi bien les ravages du colonialisme
02:23 que les difficultés de l'indépendance.
02:25 Première présidente du Comité national pour la mémoire de l'histoire de l'esclavage,
02:29 elle ne cachait pas ce qu'elle pensait, y compris de ses contemporains et frères de combat.
02:33 Mais consciente de son talent, c'est avant tout avec sa plume qu'elle se battait.
02:36 Ce que l'on redécouvre enfin, c'est une femme joyeuse et gourmande
02:39 qui avait tout l'air d'aimer passionnément la vie.
02:42 Et ça me parle quand elle dit « Le rire est le premier pas vers la libération.
02:46 On commence par rire, on rit donc on se libère, on se libère donc on peut combattre. »
02:51 Fermez les guillemets, c'est génial !
02:53 Merci Anne-Cécile Maïffert, présidente de la Fondation des femmes, et à vendredi prochain !