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La semaine prochaine, l’Assemblée Nationale examine une proposition de loi qui introduit le consentement dans la définition du viol. Mais est-ce que ça réjouit Anne-Cécile Mailfert ?

Retrouvez « En toute subjectivité » avec Anne-Cécile Mailfert sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/anne-cecile-mailfert-en-toute-subjectivite

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00:00En toute subjectivité, avec vous Anne-Cécile Maïfert, la semaine prochaine, vous le disiez,
00:11l'Assemblée nationale examinera une proposition de loi qui introduit le consentement dans
00:16la définition du viol.
00:17Alors d'abord, expliquez-nous pourquoi et est-ce que ça vous réjouit ? Vous avez un
00:20grand sourire.
00:21Je devrais, j'aimerais beaucoup.
00:23Huit ans après MeToo, quelques mois après le procès des violeurs de Mazan, alors que
00:26les plaintes et les classements s'ensuit explosent, il était temps d'agir et au risque
00:30de vous surprendre, je suis déçue.
00:32Alors dites-nous pourquoi.
00:33La proposition de loi vise à modifier la définition du viol en inscrivant le consentement à
00:37sa racine.
00:38Dire que le viol est une « pénétration non consentie », ce n'est pas faux.
00:42Mais c'est déplacer le centre de gravité du crime.
00:45Une définition plus juste serait d'écrire que le viol est une pénétration imposée.
00:49Vous me direz que la nuance est mince, elle est pourtant énorme.
00:52Pour comparer, quand nous parlons de meurtre, nul besoin de rajouter que la victime n'était
00:56pas consentante à être tuée.
00:58Quand on écrit « non consentie », on invite la justice à scruter la victime, cédir son
01:03comportement, il faudra le prouver, ce qui est toujours compliqué, et ensuite démontrer
01:07que le violeur le savait.
01:08Quand on écrit « une pénétration imposée », on change de perspective, on met l'agresseur
01:13au centre de la loi.
01:14Qu'a-t-il fait ? A-t-il usé de force, de menace, d'emprise ? Quelle a été sa stratégie ?
01:19Appliquée au procès de Mazan, cela donne.
01:22Est-ce un viol parce que Gisèle Pellicot n'a pas consenti à ce que 80 hommes la pénètrent ?
01:27Ou est-ce un viol parce que 80 hommes se sont organisés pour lui imposer des pénétrations ?
01:32Le changement de point de vue est crucial.
01:34Dans ce dernier cas, il dit bien la violence masculine et la haine des femmes.
01:38NICOLAS C'est beaucoup plus clair, mais alors pourquoi changer la loi ?
01:40NICOLAS Une bonne question.
01:41Les féministes de Gisèle Halimi à Gisèle Pellicot ont mis des années à obtenir du
01:44droit de la justice qui ne se paye pas de mots.
01:46Le Conseil d'État a rappelé il y a quelques jours qu'avec la jurisprudence, la définition
01:50actuelle était complète.
01:52Quand le droit suffit, ne devrait-on pas d'abord l'appliquer plutôt que de le modifier ?
01:56Nos élus adoptent ici un vieux réflexe, quand un problème existe, il faut pondre
02:01une loi, peu importe son efficacité.
02:03Certes, il est heureux que les politiques s'emparent du sujet.
02:05Les procès Pellicot ou Depardieu en ce moment montrent bien combien les audiences sont violentes
02:10pour les victimes.
02:11Et encore, elles ont l'opportunité d'avoir un procès.
02:1394% des plaintes pour viol n'iront jamais devant un tribunal.
02:17Mais ce que nous attendons des politiques, ce ne sont pas que des gestes symboliques.
02:21Et là, le compte n'y est pas, Anne-Cécile ?
02:22Non, et ce n'est pas moi qui le dis, c'est l'Inspection Générale de la Justice.
02:26Nous sommes face à une embolie généralisée du système.
02:29Le nombre de crimes en attente de jugement a doublé en 5 ans.
02:32Pourquoi ? Parce que la justice ne s'est pas mise à la hauteur de MeToo.
02:35Les réformes récentes sont insuffisantes, il n'y a pas assez de salles, de juges,
02:40de greffiers, d'enquêteurs, sans parler du sexisme des juges que le syndicat de la
02:44magistrature pointait en décembre dernier.
02:46Le système judiciaire reste en ce qu'il est.
02:48Avec ou sans ce texte, tout reste à faire.
02:51Nos parlementaires et notre président, dans un bel élan d'unanimité, pourront se donner
02:55bonne conscience à peu de frais.
02:56Mais ce sera un rendez-vous manqué.
02:58Pour celles et ceux qui veulent agir, reste un immense chantier.
03:01Revoir en profondeur la manière dont nous luttons contre les violences sexuelles.

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