• il y a 8 mois
Avec Thérèse Hargot, Sexologue et auteure de “Tout le monde en regarde (ou presque), comment le porno détruit l'amour” éd. Albin Michel

Retrouvez Bercoff dans tous ses états avec André Bercoff du lundi au vendredi de 12h30 à 14h sur #SudRadio.

---
Abonnez-vous pour plus de contenus : http://ow.ly/7FZy50G1rry

———————————————————————

▶️ Suivez le direct : https://www.dailymotion.com/video/x75...
Retrouvez nos podcasts et articles : https://www.sudradio.fr/

———————————————————————

Nous suivre sur les réseaux sociaux

▪️ Facebook : https://www.facebook.com/profile.php?id=100063607629498
▪️ Instagram : https://www.instagram.com/sudradioofficiel/
▪️ Twitter : https://twitter.com/SudRadio
▪️ TikTok : https://www.tiktok.com/@sudradio?lang=fr
———————————————————————

☀️ Et pour plus de vidéos de Bercoff dans tous ses états : https://www.youtube.com/playlist?list=PLaXVMKmPLMDQe5oKZlhHutOQlGCq7EVU4

##LE_FAIT_DU_JOUR-2024-04-02##

Category

🗞
News
Transcription
00:00 *Musique*
00:15 Bon cette entrée en matière est assez amusante, divertissante, mais on va parler quand même d'un sujet assez grave.
00:21 C'est que de plus en plus de jeunes en France consomment de plus en plus de pornographie.
00:27 Et on va en parler avec Thérèse Argot qui est sexologue et auteur de nombreux essais consacrés à la sexualité, au couple, à la vie affective.
00:34 Et vous publiez là, tout le monde en regarde ou presque, comment le porno a détruit l'amour aux éditions Albain Michel.
00:39 Bonjour Thérèse Argot et bienvenue.
00:40 Bonjour, merci de m'accueillir.
00:42 Je vous en prie, c'est un plaisir.
00:43 Donc, enfin c'est un plaisir sauf que là on va pas parler vraiment de plaisir, on va parler d'un plaisir un peu...
00:48 Vous dites que la pornographie c'est un peu le McDo du désir ou du sexe, c'est ça ?
00:53 Alors on aime bien prendre un McDo, c'est très bon, sur le moment.
00:57 Vous avez déjà remarqué que juste après on se sent hyper mal, surtout si on l'a ajouté avec du coca, etc.
01:01 On se dit "non, plus jamais je prendrai un McDo" et puis on revient.
01:03 On sent que vous avez déjà mangé du McDo.
01:04 Ah mais moi chaque fois je me dis "plus jamais un McDo" et j'y retourne et j'y retourne.
01:08 Trop tard.
01:08 Et comment est-ce qu'en fait, voilà, on peut avoir un plaisir immédiat,
01:12 mais après il peut avoir une sensation très désagréable qui peut nous encombrer.
01:16 Et c'est le cas avec la pornographie qui apporte sur le moment un plaisir très intense,
01:21 mais après qui laisse un goût amer et qui laisse des conséquences assez graves dans notre cerveau.
01:26 Mais là plutôt que de parler des fast-foods, on pourrait dire finalement que c'est un peu comme le tabac ou l'alcool.
01:34 C'est-à-dire encore que les adultes peuvent gérer peut-être le tabac ou l'alcool,
01:37 mais si les enfants très jeunes se mettent au tabac ou à l'alcool, c'est gravissime.
01:41 Là les dernières données de l'Arkom, de 2022, 2,3 millions de mineurs consomment régulièrement de la pornographie.
01:48 Dès 12 ans, dès 12 ans, ils passent une heure par mois.
01:52 Et il y a 36% d'augmentation de la consommation de la pornographie par des jeunes de moins de 12 ans.
01:58 C'est édifiant.
01:59 Oui, vous êtes parents, vous êtes grands-parents, restez bien attentifs à ce qu'on est en train d'aborder comme sujet,
02:04 parce que c'est un nouveau phénomène de société.
02:06 Pourquoi nouveau ? Avec l'arrivée des smartphones, des moyens de télécommunication modernes,
02:10 n'importe quel enfant, je dis bien enfant, c'est-à-dire même de moins de 12 ans et adolescent,
02:14 ont accès à des millions de vidéos pornographiques quand ils veulent, comme ils veulent, autant qu'ils veulent.
02:21 Et ça a complètement changé. Donc quand on parle de pornographie aujourd'hui, on ne parle pas de ce qu'on a connu nous à l'époque,
02:26 et je fais moi-même ma vieille, j'adore dire ça aux ados, moi j'ai 39 ans, à mon époque on n'avait pas encore Internet
02:32 et cet accès-là illimité à la pornographie.
02:34 Il fallait utiliser des stratégies pour avoir du contenu pornographique.
02:37 Là aujourd'hui c'est le contraire, c'est celui qui n'a jamais vu de porno qui est assez anormal,
02:42 qui a un itinéraire vraiment étonnant parce que tout le monde a déjà vu des images pornographiques.
02:47 Et vous dites dans votre livre que ce n'est plus le porno mignon du samedi soir.
02:52 Le porno mignon du samedi soir c'était sur des chaînes cryptées, on ne voyait pas toujours tout très bien.
02:56 Mais en réalité, peut-être commencer par une question qui peut paraître un peu banale, mais qu'est-ce que c'est la pornographie ?
03:02 En fait la pornographie c'est quelque chose, à une époque on ne veut pas voir, mais là l'hypersexualité on la voit partout.
03:08 Est-ce que le porno reste porno ?
03:10 Alors vraiment c'est important de définir ce qu'on appelle pornographie.
03:12 La pornographie ce sont des images qui sont fabriquées, qui mettent en scène des fantasmes sexuels
03:18 pour provoquer instantanément chez celui ou celle qui regarde ces images de l'excitation sexuelle en vue de la masturbation.
03:24 La pornographie est un support à la masturbation avec ce caractère immédiat,
03:27 c'est-à-dire qu'on voit ces images, on a de l'excitation et ça permet d'avoir recours à la masturbation.
03:32 C'est ça la pornographie, à la différence de l'érotisme.
03:34 L'érotisme c'est une production artistique qui vise à éveiller le désir,
03:38 qui vise à développer l'imaginaire, la sensualité, qui met en scène le désir charnel.
03:43 On ne se masturbe pas directement devant une production érotique,
03:46 c'est-à-dire que quand on va au musée voir des tableaux érotiques,
03:48 normalement on ne se masturbe pas, si on fait ça on va en prison, c'est pas du tout fait pour.
03:52 Alors que la pornographie, oui, c'est pour ça que ça n'a pas le même effet.
03:55 C'est-à-dire que quand on regarde l'image pornographique, il y a un acte sexuel qui est vécu,
03:59 la masturbation est un acte sexuel, voilà, et donc en fait finalement le cerveau ne fait pas la part des choses
04:04 entre ce qu'il va regarder et ce qu'il aura vécu, pourquoi ?
04:09 Parce que ça vient brouiller en fait le rapport au réel.
04:12 D'une certaine façon, pour le dire assez simplement, pour le cerveau, regarder c'est faire,
04:16 parce qu'au moment où il regarde l'image, il a tout de suite dans son corps une sensation de plaisir,
04:21 le fameux shoot de dopamine qu'on obtient quand on a un orgasme.
04:25 Il ne fait pas la part des choses, et c'est pour ça que les conséquences ne sont pas les mêmes
04:28 que n'importe quelle autre production artistique, même un film violent,
04:31 immensément violent, on n'a pas une Kalashnikov dans les mains en train de tirer sur tout ce qui bouge.
04:35 Donc il y a une différence entre la sensation corporelle et l'image que je regarde.
04:40 Et ici, la frontière, elle est floue, elle est même de plus en plus floue,
04:44 puisqu'en plus on peut parler de tout ce qui se produit actuellement avec des casques de réalité virtuelle, etc.
04:49 - Ah oui, on est au début de cette révolution. - On est au début de tout ça, mais ça arrive vraiment,
04:52 de plus en plus, et donc voilà, c'est pour dire que ces images ne sont pas sans conséquences,
04:56 et que faire la part des choses, c'est quasi impossible pour les enfants et les adolescents.
05:00 - Donc ce que vous dites, c'est que de toute façon, même pour les adultes,
05:03 c'est pas nécessairement très sain, il y a un côté un peu dérivatif à une sexualité qui implique...
05:08 Qui implique quoi ? Qui implique l'autre, qui implique le partage qui est l'acte sexuel avec un autre adulte consomptant.
05:16 - Oui, en fait, c'est assez intéressant ce qui s'est passé ces dernières années.
05:18 En 2016, je sors un livre chez Albin Michel, "Une jeunesse sexuellement libérée" ou presque,
05:21 où je parle des adolescents et de leur consommation de pornographie.
05:24 À l'époque, je m'inquiète beaucoup de la consommation des enfants et des adolescents,
05:27 je vois les conséquences dans leur développement psycho-affectif.
05:29 Et dans mon cabinet, parce que je suis aussi sexologue, thérapeute de couple,
05:32 je reçois des adultes qui viennent me voir en me disant "Ah, vous êtes la seule thérapeute qui parle du problème de la pornographie !"
05:36 On vient me voir parce qu'on sent bien qu'il y a un souci avec ça.
05:40 Et j'accueille énormément d'adultes, énormément, énormément,
05:42 et je me rends compte que le problème n'est pas seulement chez les enfants, il est aussi chez les adultes.
05:46 Ce qui est mauvais pour un enfant ne devient pas soudainement bon pour un adulte.
05:49 - Ça veut dire que ceux de 2016 ont grandi, entre temps.
05:51 - Exactement, et c'est ça qui est très intéressant, c'est de voir que cette génération,
05:54 on peut l'appeler la génération "YouPorn", maintenant on ne regarde plus YouPorn, il y a d'autres plateformes,
05:57 mais cette génération qui a grandi avec la pornographie,
06:01 aujourd'hui ce sont des adultes qui sont des très gros consommateurs.
06:05 Et en fait, l'industrie pornographique a eu cette idée absolument géniale,
06:09 mais dans le sens machiavélique, c'est que pour faire en sorte qu'il y ait beaucoup d'utilisateurs,
06:13 qu'ils reviennent souvent, qu'ils restent le longtemps sur la plateforme,
06:16 afin de générer un chiffre d'affaires important grâce aux espaces publicitaires qui sont vendus sur ces plateformes,
06:21 eh bien, ils exposent des enfants, et des collégiens, et des lycéens à ces images,
06:26 pour enclencher ce qu'on appelle le mécanisme de la récompense,
06:28 ça veut dire que l'enfant va commencer à s'habituer à voir ces images,
06:31 et on s'assure ainsi que le phénomène d'addiction a pris, et pourra continuer à l'âge adulte.
06:36 C'est comme la cigarette, vous en avez parlé, si on habitue un enfant, un collégien, à fumer sa première cigarette,
06:41 ou un lycéen, on s'assure quand même qu'il sera un gros consommateur à l'âge adulte.
06:44 Si vous commencez à fumer votre première cigarette à 39 ans, pas du tout.
06:48 - Il y a une maîtrise de la consommation qui peut arriver à l'âge adulte.
06:50 - Oui, bien sûr, c'est pour ça que la pornographie est interdite,
06:53 je dis bien interdite, au moins des 18 ans,
06:56 donc ce n'est pas 15 ans, c'est 18 ans en France,
06:58 et par contre, elle est autorisée aux plus de 18 ans.
07:02 Ce n'est pas parce qu'elle est autorisée qu'en un coup elle devient soudainement bonne,
07:05 je réinsiste là-dessus,
07:06 mais simplement, on pense que l'adulte va être capable de pouvoir faire la paire des choses
07:10 face à un produit qui est hyper addictif.
07:13 - Vous expliquez qu'il y a un phénomène d'addiction,
07:16 et que finalement, comme dans l'addiction à la drogue,
07:19 il faut augmenter la dose à chaque fois.
07:20 - Oui, le cerveau va être saturé d'images sexuelles,
07:23 mais déjà, on grandit à une époque,
07:27 nos enfants, ils grandissent dans des villes où ils voient
07:29 des dizaines, voire des centaines d'images à caractère sexuel dans la journée,
07:33 je veux dire, entre la fiche de la publicité pour la femme en lingerie,
07:36 ou la vente d'une voiture qui est aussi à caractère sexuel,
07:40 on est dans une société hyper sexualisée.
07:43 Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que le cerveau ne ressent pas une excitation sexuelle
07:46 en voyant une femme en lingerie,
07:48 je veux dire, c'est devenu bateau, banal.
07:50 Pour ressentir l'excitation sexuelle, il faut transgresser davantage.
07:53 Et en fait, on va transgresser de plus en plus
07:56 les interdits sexuels pour ressentir l'excitation sexuelle
07:59 en vue de cette fameuse masturbation.
08:00 Et ce qu'on peut observer actuellement,
08:02 c'est que les fantasmes qui sont visionnés sur ces plateformes pornographiques
08:06 sont de plus en plus violentes.
08:10 90% des images concernent des violences explicites.
08:14 Donc on n'a pas du tout le porno dont on fait l'amour dans les champs,
08:17 et c'est trop mignon, c'est pas du tout ça.
08:18 Et quand je dis violence, je ne vais pas vous décrire
08:20 parce que je n'ai pas envie de choquer nos auditeurs,
08:22 mais quand on dit violence, c'est vraiment violent.
08:24 Donc il y a une escalade, une montée aux extrêmes.
08:26 Parce que le cerveau va chercher toujours,
08:29 il va toujours avoir besoin de plus, toujours plus.
08:31 Et finalement, l'industrie est prise au piège
08:33 parce qu'elle doit servir un client qui est insatiable.
08:39 Ça ne s'arrête jamais.
08:40 Comme dans la drogue, il y a une sorte de plafond,
08:42 il y a une érosion et il faut augmenter la dose.
08:43 Il faut augmenter la dose.
08:44 Alors une fois que la dose a été...
08:47 qu'on n'arrive plus à ressentir l'excitation en regardant la pornographie,
08:50 il y a la suite, c'est logique.
08:52 C'est évidemment la consommation de prostitution.
08:54 Ça, moi, je vois tout le temps dans mon cabinet.
08:56 Alors ça commence par les "carme girls", etc.
08:58 Donc une prostitution encore toujours un peu filmée.
09:00 Et puis après, on va passer aussi à la prostitution,
09:02 je veux dire, en présentiel, etc.
09:04 On connaît tout ce qui est salon de massage, majeur.
09:06 Il y a plein d'autres moyens.
09:08 - Combien d'hommes... - C'est-à-dire que c'est un chemin
09:10 vers la sexualité déviante ?
09:12 Déviante, ça c'est vous qui dites déviante.
09:14 Moi, je dis aussi que c'est une sexualité qui n'est pas ordonnée à l'amour.
09:17 - En tout cas... - Devoir payer, c'est quand même...
09:18 - C'est bizarre. - Oui, c'est ça.
09:19 C'est une sexualité qui n'est pas ordonnée à l'amour,
09:21 qui est une sexualité qui est tournée vers soi.
09:23 Ni au désir.
09:24 Et c'est ça qui est le plus triste.
09:26 D'ailleurs, il y a une philosophe qui était ma directrice d'études
09:28 quand j'ai fait mes études de philosophie,
09:29 parce qu'avant d'être sexologue, je faisais d'abord des études de philosophie.
09:32 Elle s'appelle Michela Marzano,
09:33 qui avait écrit un livre qui est très intéressant,
09:35 qui s'appelle "La pornographie ou l'épuisement du désir".
09:38 Et donc, elle parle vraiment de comment ça vient épuiser le désir.
09:41 Puis moi, je poursuis ses travaux en parlant de vraiment
09:43 comment ça vient détruire l'amour, nos relations d'amour.
09:47 Et on le voit très concrètement aujourd'hui dans nos sociétés.
09:50 On comprend bien le mécanisme et on comprend bien...
09:52 On va revenir un peu sur la jeunesse.
09:54 Pourquoi vous dites aussi dans votre bouquin
09:57 que c'est quand même pas si compliqué,
09:58 ni techniquement, ni juridiquement,
10:00 de mettre le haut là, ne serait-ce que pour protéger la jeunesse
10:03 et d'appliquer la loi, juste d'appliquer la loi ?
10:04 Alors, on a maintenant cette idée que la loi,
10:06 ce n'est pas nécessairement fait pour être appliquée,
10:07 mais enfin, passons.
10:08 Donc, ce n'est plus vraiment la loi.
10:10 Mais pourquoi ça ne se fait pas ?
10:12 On a parlé de l'Union européenne qui était en train de cogiter
10:15 sur la domestication des réseaux sociaux
10:20 et de tout ce qui est produit en ligne.
10:22 Et le gouvernement nous en a parlé aussi.
10:24 Que se passe-t-il ?
10:25 Je pense que... Enfin, c'est une partie de mes futurs idées.
10:28 Mes idées, pardon, c'est que je pense qu'il va falloir
10:30 attaquer le gouvernement pour inaction politique
10:32 et inaction envers la protection des mineurs.
10:34 Parce que pendant qu'on fait des rapports et encore des rapports
10:38 pour nous dire que oui, effectivement, ce n'est pas si bien,
10:40 des générations d'enfants sont sous l'emprise
10:43 de cette industrie pornographique et il ne se passe rien.
10:44 Mais quelle lenteur !
10:45 Pourquoi ils ne font rien ?
10:46 Pourquoi ils ne font rien ? Il y a différentes raisons.
10:48 Alors, on ne peut pas dire que c'est pour une question d'argent,
10:50 parce qu'en général, ces gros tubes
10:52 payent leurs impôts, enfin, je ne sais pas quoi,
10:55 ils sont dans des paradis fiscaux.
10:57 Donc, finalement, ce n'est pas en France que...
10:59 Ça n'apporte pas d'argent.
11:00 Ça n'apporte pas d'argent dans la France, presque rien.
11:01 Donc, on ne peut pas dire que c'est vraiment ça l'enjeu.
11:03 C'est un enjeu idéologique.
11:05 C'est parce qu'encore dans l'inconscient collectif,
11:08 la pornographie est associée à la libération sexuelle.
11:10 Et interdire la pornographie aux mineurs,
11:12 c'est comme une entrave à notre liberté sexuelle.
11:14 Et c'est ça que je dis, je redis et je re-redis,
11:16 c'est que ça n'a aucun lien avec la liberté.
11:19 C'est un tabou et c'est une question idéologique.
11:21 Interdire la pornographie, c'est tabou ?
11:22 Mais oui, parce qu'en fait, interdire la pornographie,
11:24 déjà pour les mineurs,
11:25 en tout cas, protéger les mineurs de ces images.
11:27 Moi, je ne me battrai pas pour interdire la pornographie chez les adultes,
11:29 ça ne sert à rien.
11:30 Je pense qu'on est responsable de ce qu'on fait quand on est adulte,
11:33 comme pour le tabac ou n'importe quel autre produit qui est nocif,
11:37 ou l'alcool par exemple.
11:38 Mais ce qu'il faut absolument, c'est protéger les mineurs.
11:40 Mais vous savez, c'est un enjeu juste idéologique.
11:43 C'est-à-dire encore, quand aujourd'hui, on s'alarme,
11:46 on s'inquiète que des mineurs voient des images pornographiques,
11:49 on peut encore traiter de réac, de conservatrice.
11:51 Moi, c'est comme ça que je suis traitée.
11:52 Je suis une réac, une conservatrice,
11:55 parce que je dis qu'il faut faire un truc par rapport à la pornographie.
11:57 Et je n'ai pas le soutien massif des féministes, des néo-féministes actuellement,
12:00 parce que, quand même, tout ça est associé à l'univers de la libération sexuelle
12:05 et on n'attaque pas un symbole de libération sexuelle.
12:07 Et moi, je vous dis que ça n'a rien à voir avec la libération sexuelle.
12:10 C'est juste au contraire.
12:11 C'est tout le contraire.
12:12 Et c'est parce que moi, je suis très pro-sexe et pro-liberté sexuelle
12:15 que je suis anti-pornographie pour les mineurs,
12:18 parce que ça vient déformer le rapport à la sexualité
12:20 et ça les empêche d'avoir une sexualité qui soit libre,
12:22 qui soit heureuse, qui soit épanouie et qui se vive aussi dans le grand plaisir.
12:25 - Qu'est-ce que vous voyez dans vos cabinets des jeunes, des gens très très jeunes,
12:29 qui sont, je me souviens d'avoir lu ça sous votre plume,
12:33 une jeune fille de 11 ans qui disait, c'est terrifiant, allez-y raconte.
12:36 - Oui, j'en ai plein, j'ai plein d'histoires, évidemment,
12:38 des très jeunes, des enfants moins de 10 ans, des jeunes adolescents.
12:42 Et puis alors des adultes, ce qui me frappe le plus,
12:45 c'est que tu ne peux jamais, quand je dis jamais, c'est jamais imaginer
12:50 c'est qu'un enfant ou un adolescent ou un adulte vit dans sa sphère intime et sexuelle.
12:53 Ça veut dire que tu ne peux pas te dire au faciès,
12:56 "Ah bah alors là, c'est sûr qu'il regarde du porno ou elle, c'est sûr qu'elle en regarde."
12:59 Tu ne peux pas savoir.
13:00 Et donc tu vois en consultation,
13:02 des enfants, mais tu donnerais le bon Dieu sans confession,
13:05 tu vois des adultes, vraiment le bon père de famille, la mère de famille parfaite et tout,
13:09 qui regardent du porno ultra trash.
13:11 Mais ils cachent tellement bien leur jeu.
13:12 Et c'est pour ça qu'on doit en parler publiquement,
13:14 parce que c'est une drogue qui ne se voit absolument pas
13:17 et tu ne peux jamais savoir si ton enfant en regarde ou pas,
13:20 juste comme ça, avec quelques petites impressions.
13:22 Il faut absolument en parler.
13:24 Il y a un lien entre cette montée en puissance de la consommation de pornographie chez les jeunes
13:28 et ce problème du consentement ?
13:31 Mais évidemment qu'il y a un lien.
13:32 Et c'est pour ça que moi, je...
13:33 Consentement, la sexualité, je comprends.
13:35 Je n'en peux plus, je passe, ça fait 20 ans que je fais ça,
13:36 parce que je fais ça depuis toujours.
13:38 Chaque semaine, je suis dans des lycées en France et à l'étranger
13:40 pour aller faire de l'éducation affective relationnelle sexuelle chez les adolescents.
13:44 Et je leur parle systématiquement du consentement.
13:46 Mais il y a quoi de devenir fou ?
13:47 Ils sont biberonnés au porno, où évidemment, c'est la culture du viol qui est représentée
13:51 et en même temps, dans une société où on dit que le consentement, c'est indispensable.
13:53 Comment on fait, en fait, quand on est un jeune garçon, une jeune fille dans cet état-là ?
13:56 En fait, il y a de quoi être fou ?
13:58 On a quand même, arrêt sur image, on a un paradoxe assez fou.
14:00 C'est-à-dire qu'on a une société d'un côté qui ne fait rien pour que des gamins de 10, 11, 12
14:04 envoient de la pornographie la plus trash, la plus sale, la plus horrible.
14:09 Et de l'autre côté, de jeunes adultes, il faudrait qu'ils s'envoient un SMS.
14:12 Exactement.
14:13 Ce type contractuel.
14:14 Exactement.
14:15 Mais il y a quoi de devenir fou ?
14:16 On est chez les fous, là.
14:17 Mais on est chez les fous, actuellement.
14:18 C'est pour ça que je sors ce livre, c'est pour ça que je viens vous voir, parce qu'on
14:20 est chez les fous.
14:21 Quand est-ce que ça va s'arrêter, cette folie ?
14:22 Mais ceux qui en payent les conséquences, ce sont nos propres enfants.
14:25 Hier soir, je dînais avec mes trois enfants.
14:28 Je sais plus pourquoi on parlait de tout ça.
14:30 Je leur disais, c'est quand même fou, parce qu'à mon époque, j'adore faire ma vieille,
14:34 en ce moment, c'est ma petite crise de la quarantaine, j'adore faire ma vieille.
14:36 Je dis, à mon époque, on parlait contraception, on parlait avortement et on parlait sida.
14:40 À votre époque, c'est pornographie et consentement qui sont les sujets majeurs de votre génération.
14:46 L'époque a changé et à nous de nous adapter et puis surtout de proposer des choses efficaces
14:50 pour les aider, ces enfants.
14:51 Ce que vous nous racontez est inquiétant, mais fascinant aussi.
14:54 On va marquer une pause publicitaire.
14:55 Une petite pause publicitaire.
14:56 On revient dans un instant.
14:57 On continue de parler de sexualité chez les ados avec Thérèse Argot.
15:00 Et puis vous, vous aurez la parole 0826 300 300.
15:03 A tout de suite sur Sud Radio.
15:04 Sud Radio Berkhoff dans tous ses états, midi 14h.
15:08 Guillaume Bigot.
15:10 Thérèse Argot, on parlait de cette épidémie de la pornographie auprès des jeunes.
15:16 Pourquoi le gouvernement ne fait rien ? J'ai en mémoire une réaction de Ursula von der
15:21 Leyen, la présidente de la Commission européenne, qui s'était indignée au nom de la Défense
15:26 des libertés que la Hongrie décide de prendre des mesures un peu coercitives pour l'accès
15:31 de la pornographie aux plus jeunes, comme si c'était vraiment le mal absolu, d'empêcher
15:36 les jeunes de voir des trucs absolument épouvantables très, très jeunes.
15:39 Est ce que pour vous, la pornographie, c'est finalement un enjeu politique ? Autre formule,
15:44 il me semble que Solzhenitsyn avait dit ça.
15:47 Pour contrôler une société, il vaut mieux avoir de la pornographie pour tous plutôt
15:52 que des barbelés.
15:53 Plutôt que des miradors.
15:54 C'est ça.
15:55 Tout à fait.
15:56 Et moi, je vais dans le même sens en disant que la pornographie est l'opium du peuple.
16:00 Aujourd'hui, ce n'est pas la religion, c'est la pornographie.
16:03 C'est un moyen de contrôle social.
16:04 C'est un moyen de contrôle social.
16:06 J'en suis archi convaincue.
16:07 J'en parle dans ce livre là aussi.
16:08 Pourquoi ? Parce qu'on donne la petite dose de dopamine chaque jour ou plusieurs fois
16:12 par jour pour ressentir un petit bien-être, pour nous shooter un petit peu et ne pas ressentir
16:17 toutes ces émotions désagréables qui peuvent nous encombrer quand on voit des injustices,
16:21 quand on voit des inégalités, quand on voit des choses qui nous révoltent.
16:23 Finalement, ça endort les consciences, ça abrutit les peuples.
16:27 C'est une forme d'antidépresseur.
16:29 Alors, vous avez votre petite dose de porno, comme ça vous restez comme des petits toutous,
16:32 bien gentils et vous ne vous rebellez pas contre ce qui ne va pas dans ce monde actuel.
16:37 C'est vraiment de l'opium, c'est vraiment une drogue et qui est ultra accessible.
16:40 Et vous posez la question, pourquoi c'est aussi accessible alors qu'on sait que c'est
16:44 mauvais ? Peut-être une piste.
16:46 C'est de dire que ça arrange aussi un peu une société d'avoir cette petite drogue
16:50 accessible.
16:51 Moi, je pose la question dans mon livre et je me pose vraiment cette question aujourd'hui.
16:53 Que va-t-il se passer le jour où les gens n'auront plus accès à la pornographie ? Que
16:58 va-t-il se passer ? Vous enlevez le porno.
17:00 Qu'est-ce qui va se passer ? Chez les adultes, chez les enfants, ils vont être en manque
17:04 de quelque chose.
17:05 Qu'est-ce qui risque de...
17:06 Oui, dans un vrai...
17:07 Il y a beaucoup d'opium du peuple en réalité.
17:09 Les tranquillisants, plus le porno, plus les réseaux sociaux, ça fait beaucoup.
17:14 Ça fait beaucoup et donc ça veut dire aussi qu'on a besoin que tout le monde se tienne
17:17 bien pour maintenir l'état actuel.
17:20 En tout cas, c'est sûr et certain qu'il y a une dimension politique.
17:23 Il ne faut pas du tout se voiler la face.
17:25 Cette inaction politique, elle s'explique, je ne vous disais pas, à des enjeux idéologiques
17:30 mais aussi parce qu'on n'a pas envie de priver aussi les gens de ce produit-là.
17:39 Je sais aussi que quand je parle de pornographie, les gens parfois me reprochent en disant "Oh
17:42 non, ne nous enlevez pas ça quoi ! Déjà, on dit que fumer, ce n'est pas bon pour la
17:46 santé et l'alcool non plus.
17:47 Si même le porno, ben ouais, je suis désolée.
17:50 Mais je pense que le pire produit, c'est quand même la pornographie parce que ce que ça
17:53 vient abîmer, c'est notre capacité à aimer, à être en relation, à avoir une vie sexuelle
17:58 épanouie.
17:59 Partez du principe que l'industrie pornographique ne cherche absolument pas à ce que vous ayez
18:03 une vie sexuelle épanouie.
18:04 Elle veut faire en sorte que vous restez le plus longtemps possible derrière votre écran
18:08 comme un con, comme une conne, excusez-moi l'expression, mais c'est ça.
18:11 Restez derrière son écran et ne pas être en relation, ne pas sortir de chez vous pour
18:14 rencontrer quelqu'un, faire l'amour avec cette personne.
18:16 Il faut rester derrière son écran.
18:18 Et donc si vous comprenez ça, qu'on cherche à faire du profit derrière votre dos, et
18:22 bien peut-être que vous comprenez aussi qu'il est plus que temps de pouvoir arrêter pour
18:25 revenir dans une relation authentique et de faire l'amour aussi en vrai avec les personnes
18:31 que vous pouvez aussi rencontrer dans la vraie vie.
18:33 Voilà, et pas seulement être dans du virtuel.
18:35 C'est un peu autre chose, vous prêchez un convaincu.
18:37 Mais en fait, ça me fait penser à ce bouquin aussi de Pascal Bruckner sur le sacre de la
18:43 pantouffe, c'est-à-dire il y a une sorte de paresse, il y a un individualisme.
18:46 Est-ce que la pornographie, c'est pas la sexualité d'individus qui sont devenus une
18:51 espèce de monade qui sortent à peine de chez eux ? On voit bien que les gens se font
18:54 livrer la nourriture chez eux.
18:55 C'est le dernier dossier de libération qui est sorti sur la sexualité des Français
19:01 avec ce sondage qui montrait que les Français n'avaient jamais aussi peu fait l'amour
19:04 qu'à notre époque, particulièrement les jeunes.
19:07 Et la pornographie a directement un impact.
19:10 Il y a d'autres impacts aussi, puisqu'on parlait de santé mentale, mais moi je pense
19:13 que la pornographie agit très négativement sur la santé mentale des jeunes.
19:16 Donc il faut aussi associer cette surconsommation avec la santé de nos adolescents et de nos
19:21 étudiants.
19:22 Mais on voit aussi que directement il y a moins de relations sexuelles.
19:24 Je vous conseille, je vous le disais en off, de regarder le dernier spectacle de Florence
19:28 Foresti.
19:29 Elle en parle avec énormément d'humour, ça fait du bien, mais de ce phénomène-là.
19:33 Elle disait que les jeunes aujourd'hui apprennent par le porno la sexualité alors que nous,
19:36 à notre époque, et elle est très drôle, elle dit qu'on apprenait sur le terrain.
19:40 Mais c'est pas la même chose et ça n'a pas les mêmes conséquences dans la vie
19:43 des individus.
19:44 Donc c'est pour ça que c'est un vrai sujet et il faut en parler à ses enfants ou à
19:48 ses petits-enfants.
19:49 Ça peut être un sujet tabou, c'est pas parce que ça concerne la sexualité et c'est
19:52 pas parce que c'est sur nos écrans qu'en un coup on doit se taire.
19:55 Au contraire, c'est un sujet de société qui mérite qu'on en débatte.
19:59 Je retiens cette idée qu'il y a une sorte d'anesthésie dans la diffusion de la pornographie,
20:03 d'enfermement de l'individu dans lui-même.
20:05 Et vous disiez tout à l'heure que la pornographie c'est masturbatoire, c'est des finalités
20:08 masturbatoires.
20:09 Donc c'est pas très fécond, sans faire de mauvais chute-mot.
20:12 Et en réalité, il y a presque une analogie avec ce qui se passe sur le plan politique,
20:16 c'est-à-dire cliquer dans son coin pour se donner bonne conscience.
20:20 C'est quand même pas la même chose que d'aller à une manifestation, de militer
20:23 dans un parti politique, de se présenter à des élections.
20:25 Il y a quelque chose d'actif ou de fécond en rencontrant l'autre et en transformant
20:29 le monde.
20:30 Tandis que là, on reste dans son coin avec ses fantasmes.
20:32 Et c'est pour ça que c'est tout à fait symptomatique de notre génération, de notre
20:36 société.
20:37 Et donc effectivement, c'est vraiment le côté individualiste.
20:40 Et alors, comment est-ce qu'on a transformé la sexualité en un produit de consommation
20:43 comme un autre ?
20:44 C'est cette expression absolument horrible qu'on dit, on fait du sexe.
20:48 Comme si on faisait du tennis, du basket, du sexe.
20:51 Et c'est devenu comme ça une espèce de sport ou de choses.
20:55 Et on peut acheter des produits, des services sexuels de plus en plus tôt, puisqu'en fait
21:00 on est…
21:01 Finalement, la pornographie, quand on en parle, il faut quand même redire les choses, il
21:04 s'agit quand même de prostitution filmée.
21:05 C'est l'univers de la prostitution, ça veut dire la marchandisation du corps humain
21:09 et la marchandisation du sexe.
21:10 C'est de ça dont il s'agit.
21:11 Mais il y a des abus, mais tous les acteurs ou les actrices pornographiques ne sont pas
21:14 des gens forcés.
21:15 Ce qu'on appelle les travailleurs du sexe, c'est pas pour ça qu'ils sont forcés,
21:18 ils peuvent le faire avec justement une certaine forme de liberté.
21:22 Mais c'est quand même cet univers-là dont on parle.
21:24 C'est l'univers de la marchandisation du corps humain et la marchandisation de la
21:28 sexualité qui est devenue, je vous dis, ce produit de consommation comme un autre.
21:32 Et en cela, on perd ce sens de la relation, de l'amour, qui est pourtant ce qui fait
21:38 notre humanité.
21:39 - Et comment on sort de cet enfer de l'addiction à la pornographie ?
21:42 - Alors, on en sort de façon relativement simple, en tout cas c'est ce que je pense
21:46 et c'est ce que je vous partage dans ce livre.
21:48 Pourquoi simple ? Parce qu'il faut juste retrouver sa lucidité.
21:50 Comment est-ce qu'on en sort ? C'est en reprenant conscience que ces produits ne nous
21:55 fait pas du bien, qu'on n'a jamais vraiment voulu en regarder et que finalement on a été
22:00 sous l'emprise de cette industrie parce que très tôt, on nous a exposé à ces images.
22:03 Et je vais le dire, parce que c'est de ça dont il s'agit.
22:06 On en sort le jour où on comprend que d'une certaine façon, on a été abusé sexuellement
22:10 par cette industrie quand on était enfant, collégien ou lycéen pour la majorité d'entre
22:14 nous.
22:15 Et le jour où on reprend conscience qu'on a d'abord été victime d'une industrie
22:17 qui cherche à faire du profit, on peut à ce moment-là reconnaître la victime et après
22:22 reprendre sa responsabilité en disant "maintenant je ne veux plus être victime de cette industrie,
22:25 je décide de m'en libérer définitivement".
22:27 Et c'est possible.
22:28 - Merci infiniment Thérèse Arnault, c'était passionnant.
22:29 - Merci à vous d'en parler.
22:30 - Auteur de "Tout le monde en regarde" ou presque, "Comment le porno a détruit l'amour"
22:34 éditions Allemagne Michel, une saine, saine lecture.

Recommandations