Xerfi Canal a reçu François Cazals, professeur-adjoint, HEC Paris, Cazals Partners, pour parler de la stratégie antifragile pour affronter l'incertitude.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
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00:09 Bonjour François Casals.
00:10 Bonjour Jean-Philippe.
00:11 François Casals, professeur adjoint HEC Paris, vous intervenez notamment en Executive Education.
00:16 Et vous êtes Casals Partner, c'est votre cabinet de conseil.
00:19 Absolument.
00:20 En stratégie.
00:21 François Casals, quand on efface son brouillard de l'incertitude, il nous faut une stratégie antifragile.
00:27 C'est ce que nous propose Nicolas Massim-Taleb.
00:29 Alors j'ai envie de discuter avec vous quand même sur concrètement, le passage au concret de cette stratégie antifragile,
00:35 puisque je sais que c'est quelque chose que vous mobilisez en situation d'intervention.
00:39 Peut-être premier point, parce que vous pouvez rappeler ce que sont les concepts de signes noirs d'un côté, d'antifragilité de l'autre.
00:44 Alors oui, effectivement, Massim-Taleb, une personnalité assez étonnante, s'est intéressé en fait aux événements extrêmes qui changent le monde.
00:52 Et donc il a nommé ça des signes noirs.
00:55 Donc les signes noirs sont vraiment des événements systémiques totalement inattendus.
00:58 Et nous en avons vécu beaucoup ces derniers temps.
01:03 Crise sanitaire, crise économique, crise géopolitique.
01:06 Et donc, Taleb s'est posé une question qui semble très naturelle et logique.
01:13 Face à ces événements, quelles sont les réactions des individus et des organisations ?
01:17 Et donc il en déduit trois cas typiques.
01:21 Le cas de la fragilité, on ne résiste pas à ces crises.
01:24 Le cas de la robustesse, on les affronte, on résiste, on tient le choc.
01:28 Et puis il y a un cas très intéressant qui est l'antifragilité.
01:31 Et alors pour le coup, Massim-Taleb ne s'intéresse pas à la stratégie antifragile.
01:35 Il décrit les phénomènes.
01:36 Et moi, en ce qui me concerne, ce qui m'intéresse, c'est est-ce qu'on pourrait trouver une méthode,
01:40 une approche structurée, qui permettrait à une organisation de devenir antifragile.
01:46 Et c'est vraiment le sujet qui m'intéresse.
01:48 Bon, et c'est là que vous nous intéressez.
01:51 Alors précisément, qu'est-ce que ça signifie mettre en place une stratégie antifragile ?
01:55 Ou élaborer une stratégie antifragile ?
01:57 D'abord, il y a des points qui sont très communs à une approche stratégique classique,
02:02 c'est-à-dire une approche de diagnostic, et puis ensuite une approche de formulation de la stratégie.
02:06 Alors en stratégie dite classique, on a un outil,
02:11 alors il est décrié par sa simplicité, qui est le fameux SWOT,
02:15 les forces et les faiblesses de l'organisation,
02:18 les opportunités et les menaces de l'environnement,
02:21 qui postule que l'observation du passé et du présent va permettre de déterminer des voies de choix dans le futur,
02:28 donc de déterminer les buts et les moyens qui sont associés à ça.
02:33 Ça c'est une approche qui reste assez valide,
02:37 modulo une toute petite condition qui est une stabilité de l'environnement,
02:40 et ce qu'on vient de se dire c'est que l'environnement il est terriblement instable.
02:44 Donc dans un environnement extrêmement instable,
02:48 parfois à court terme avec les signes noirs, mais parfois à moyen ou long terme avec les transitions que nous vivons,
02:54 technologiques, climatiques, démographiques,
02:58 il va falloir changer de modèle.
03:00 Alors mon postulat c'est qu'il y a quatre points importants.
03:03 Le premier point c'est non pas travailler sur un diagnostic classique,
03:07 mais sur un diagnostic des vulnérabilités et des fragilités.
03:10 C'est-à-dire raisonner en se disant, en cas de choc,
03:13 quels sont les éléments qui peuvent être terriblement perturbateurs de la stratégie.
03:17 Un des sujets c'est pendant la stabilité, il faut se renforcer, il faut se préparer.
03:21 Et puis si les crises arrivent, alors moi j'envisage deux grands types de crises,
03:26 les crises à court terme et les crises sur un moyen terme,
03:30 et bien on va avoir des stratégies très spécifiques.
03:33 Une stratégie minimum viable en cas de crise extrême,
03:37 ou une stratégie conjoncturelle à court terme.
03:40 Alors c'est pas de la gestion de crise, c'est de la stratégie à bas bruit.
03:44 Et puis une stratégie de transformation de modèle,
03:48 si les conditions, les transitions sur le long terme sont visibles,
03:55 même si les conséquences à court terme ne le sont pas.
03:58 Oui, il faut penser que face à des environnements très incertains, très volatiles,
04:01 comme on les connaît, c'est réellement possible d'avoir une stratégie antifragile.
04:05 Oui, moi j'ai deux exemples qui viennent à l'esprit d'organisations qui sont capables de le faire,
04:08 des organisations très différentes.
04:10 Les GAFAM font ça depuis toujours, parce que leur environnement est tellement volatile,
04:16 tellement liquide, tellement rapide, qu'ils n'ont pas le temps finalement
04:19 de formuler des stratégies de moyen terme.
04:21 Et le deuxième modèle, on revient presque à la genèse de la stratégie,
04:26 c'est les modèles militaires, et notamment des grands commandos d'élite.
04:31 Alors moi je suis officier de réserve, je citerai le GIGN,
04:34 mais ça peut être le RAID, ou ça peut être les commandos des différentes armées,
04:38 dont la nature est d'affronter des situations totalement inattendues,
04:43 et avec une dimension très forte qui va être finalement une dimension de cohésion,
04:47 de confiance, et puis d'entraînement à des choses totalement inattendues.
04:53 Je pense que ça peut être une clé intéressante de réflexion.
04:56 Effectivement, les plateformes ont largement prospéré à l'occasion de la crise sanitaire notamment,
05:02 puisqu'on était tous sur les plateformes, coincés chez nous, etc.
05:06 Et évidemment les militaires, on imagine que c'est le principe même,
05:10 c'est affronter les signes noirs.
05:12 Absolument.
05:13 Merci à vous François Cezal.
05:14 Merci Jean-Philippe.
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